PROTOCOLE D'ACCORD relatif à l'intensification des relations entre le milieu militaire et le secteur culturel et à la valorisation de l'héritage culturel des armées.
Du 12 novembre 1990NOR D E F M 9 0 5 8 0 4 1 L
Le 24 mai 1983, Charles Hernu, ministre de la défense, et Jack Lang, ministre de la culture, signaient un protocole d'accord principalement axé sur le développement culturel des militaires sous les drapeaux, la conservation et la mise en valeur du patrimoine architectural, et l'essor de la création artistique.
Au terme d'une première expérience de sept années, le ministre de la défense et le ministre de la culture, de la communication et des grands travaux, conviennent d'amplifier et de diversifier ces actions, afin de valoriser et de mieux faire connaître l'héritage culturel des armées, et d'intensifier les relations entre le milieu militaire et le secteur culturel.
A cet effet, ils sont convenus de prendre les mesures qui suivent.
1. Formation des personnels.
A la demande du ministère de la défense, les deux départements définiront et mettront en œuvre les actions de formation qu'ils estimeront souhaitables dans les domaines ci-après.
1.1. Formation dans le domaine du patrimoine architectural, archéologique et archivistique.
Afin d'améliorer la formation de responsables des chantiers de restauration et des chantiers de fouilles archéologiques, le ministère de la culture facilitera l'accès de ces personnels aux enseignements dispensés par l'école du patrimoine. D'autre part, des stages de formation aux techniques de conservation et de restauration des archives et du patrimoine cinématographique et audiovisuel pourront être organisés.
1.2. Formation dans le domaine des musées.
a). Formation des conservateurs des musées militaires.
Afin d'améliorer la formation des personnels des musées militaires qui n'ont pas le statut de conservateur du patrimoine, le ministère de la culture facilitera l'accès de ces personnels aux enseignements dispensés par l'école du Louvre et à toute autre formule de stage organisé par la direction des musées de France.
En outre, dans l'éventualité de la création par le ministère de la défense de plusieurs postes de conservateur des musées militaires, le ministère de la culture contribuera à la mise en œuvre d'une formation spécifique en matière de patrimoine militaire, d'histoire d'armes et d'histoire militaire. Cet enseignement pourra être dispensé en complément de celui qui est actuellement proposé par l'école du Louvre. Il sera pris en compte dans le programme pédagogique de l'école du patrimoine.
Enfin, une augmentation du nombre des conservateurs diplômés détachés auprès des musées relevant du ministère de la défense sera recherchée.
b). Formation des responsables des services d'action culturelle.
Ces personnels, chargés de faciliter l'accès du public aux musées, pourront bénéficier de la formation de médiateurs culturels mise en place à partir de 1991 par la direction des musées de France, l'école du Louvre, et un partenaire universitaire.
Il s'agit d'une formation initiale en deux ans, qui comprend à la fois les méthodologies de la communication et la connaissance de l'histoire de l'art, de l'archéologie et de l'ethnologie.
En matière de formation continue, ces personnels pourront accéder aux stages régulièrement organisés par la direction des musées de France.
1.3. Formation dans le domaine du livre.
Des enquêtes seront réalisées par le ministère de la défense sur le niveau de formation des responsables de bibliothèques des grandes écoles militaires et des bibliothèques d'unités (niveau de l'encadrement, nombre et qualité des ouvrages détenus, montant annuel des achats).
Afin d'approfondir leur connaissance du patrimoine littéraire, leur aptitude à éveiller le goût de la lecture chez les appelés du contingent et en vue de s'initier aux techniques professionnelles, les responsables des bibliothèques d'unités suivront des stages de courte durée organisés et soutenus par le ministère de la culture.
Le ministère de la culture favorisera la mise en relation des personnels travaillant dans ce domaine au sein des armées avec les responsables des bibliothèques municipales et des bibliothèques centrales de prêt, les libraires, les éditeurs et les centres de formation aux carrières des bibliothèques.
La formation des personnels des bibliothèques des grandes écoles militaires qui n'ont pas le statut de conservateur des bibliothèques sera complétée par des stages spécifiques organisés par le ministère de la culture. Ces bibliothèques recélant un patrimoine documentaire rare et précieux, les stages seront principalement axés sur la conservation et la restauration des livres anciens.
1.4. Formation des cadres de musiques militaires.
Des personnels qualifiés choisis en accord avec le conservatoire national supérieur de musique, notamment parmi les jeunes gens appelés au service national, pourront être chargés d'enseignement au conservatoire militaire de Rueil.
Par ailleurs, les militaires candidats aux postes de chefs de musique des armées pourront recevoir une formation spécifique selon des modalités à définir en commun.
Enfin, le répertoire de morceaux de concours dont dispose le conservatoire militaire de Rueil pour la formation des personnels sera enrichi d'œuvres originales pour harmonie faisant notamment usage d'un langage contemporain.
2. Conservation du patrimoine.
Dans le prolongement des mesures prévues au chapitre II de l'accord-cadre du 24 mai 1983 qui conservent toute leur valeur, les dispositions suivantes sont arrêtées.
Dans le souci commun de la protection et de la restauration du patrimoine historique affecté au ministère de la défense, les deux ministères se rapprocheront à leur initiative lors de la mise en œuvre d'opérations domaniales (immeubles et meubles) susceptibles d'intéresser sur le plan patrimonial le ministère chargé de la culture.
Les programmes d'action pluriannuels pour la conservation du patrimoine militaire seront développés de telle sorte que tous les monuments d'importance nationale affectés au ministère de la défense en soient progressivement dotés.
Des commissions interministérielles par région ou par monument seront mises en place à cet effet aussi souvent que nécessaire.
Des programmes exceptionnels permettant de réaliser, soit des opérations de prestige, comme la redorure du dôme des Invalides en 1989, soit un grand projet destiné à favoriser la rénovation accélérée d'un monument, seront établis par les deux départements. L'ancienne abbaye du Val-de-Grâce bénéficiera en priorité de cette procédure.
Des conventions pourront être conclues localement afin d'organiser des actions conjointes portant sur la restauration et l'entretien du patrimoine à caractère militaire, y compris dans sa dimension archéologique.
En vue d'harmoniser la conservation et la communication des archives (papier, film, bande magnétique) et d'en favoriser la présentation, les deux départements établiront entre eux une étroite collaboration. Des rencontres d'information réciproque seront organisées au profit des responsables d'archives.
En ce qui concerne l'enrichissement des collections des musées relevant du ministère de la défense, une collaboration sera recherchée entre les conservateurs de ces musées et ceux de l'inspection générale des musées classés et contrôlés.
3. Ouverture au monde culturel.
Les armées disposent d'un héritage culturel considérable lié aux traditions qu'elles ont su conserver. Ce patrimoine mérite d'être connu et reconnu.
Il importe par ailleurs qu'il se renouvelle et se confronte au patrimoine culturel de l'ensemble de la Nation. Il doit notamment s'enrichir de la contribution d'artistes civils et militaires.
Les mesures suivantes permettront de répondre à ces diverses attentes.
3.1. Création artistique.
Les deux départements s'accordent pour conduire les actions suivantes :
1. Un recours accru du ministère de la défense à la commande publique : l' instruction 30505 /DEF/DAJ/MDE du 15 mars 1983 (BOC, p. 1082, modifiée) relative à la décoration des édifices neufs de la défense (dite 1 p. 100 décoration) sera remise en vigueur. Conduite en étroite liaison avec la délégation aux arts plastiques du ministère de la culture, elle sera un encouragement à la création artistique. Les commissions nationales, qui siègent auprès de chaque direction d'infrastructure s'attacheront à porter leur choix sur des artistes de grande qualité.
2. Un soin tout particulier sera apporté à l'enrichissement du répertoire des musiques militaires (musiques de cérémonies, de commémorations, et de concerts). Une réflexion commune sera conduite en vue de susciter la commande publique pour l'écriture de partitions musicales et d'organiser quelques manifestations exemplaires. La direction de la musique et de la danse pourra être consultée en matière de renouvellement des répertoires et d'acquisition d'œuvres originales et de qualité.
3. L'organisation de prix et de concours sera étudiée en étroite collaboration par les deux administrations.
3.2. Rencontres et études.
Les deux départements ministériels conjugueront leurs efforts pour susciter des rencontres et des études dans le milieu artistique et culturel, en vue d'alimenter une réflexion commune sur ce qui constitue la spécificité du patrimoine militaire, la manière dont il se manifeste (défilés, prises d'armes…) et dont il est perçu par le public.
3.3. Service national et culture.
Le ministère de la défense s'efforcera d'orienter les appelés du service national ayant une formation artistique et culturelle vers des affectations susceptibles de valoriser leur expérience.
Les deux signataires étudieront la possibilité de certifier la participation des militaires sous les drapeaux à des activités artistiques et culturelles menées durant leur service.
4. Diffusion et sensibilisation.
Le ministère de la défense et le ministère de la culture intensifieront leurs actions communes en vue de mieux faire connaître les éléments de l'héritage culturel des armées et de renforcer les actions de sensibilisation à l'art et à la culture sous toutes leurs formes.
4.1. Actions de diffusion.
1. Diffusion dans le domaine du patrimoine.
La connaissance du patrimoine mobilier et immobilier relevant du ministère de la défense est notamment assurée à l'occasion de la journée « portes ouvertes dans les monuments historiques ».
Les deux départements ministériels s'emploieront à développer de telles initiatives, en les accompagnant d'une politique de publication adéquate, en liaison avec la caisse nationale des monuments historiques et des sites (CNMHS).
En complément de l'effort consenti par le ministère de la défense pour ouvrir au public le patrimoine des armées, en dépit des contraintes de protection particulière auxquelles les immeubles militaires sont soumis, le ministère de la culture invitera ses services régionaux à développer l'aide apportée aux autorités militaires pour la mise en œuvre de documents de communication relatifs à ce patrimoine.
De la même manière que les deux départements ont publié un dépliant d'information consacré aux citadelles et aux musées, d'autres documents d'information nationaux ou régionaux seront réalisés, et en priorité un dépliant concernant les hauts lieux de l'histoire militaire (grandes batailles, lieux de mémoire…).
2. Diffusion des collections muséographiques et de l'art contemporain.
Les musées militaires relevant du ministère de la défense figureront dans les annuaires édités par la direction des musées de France.
Le ministère de la défense et le ministère de la culture encourageront les initiatives destinées à faire découvrir aux personnels militaires et aux appelés du contingent les différents aspects des collections des musées nationaux, notamment en leur facilitant l'accès aux musées et salles d'expositions temporaires.
La gratuité sera recherchée pour les appelés du contingent.
Un certain nombre d'expositions d'art contemporain ont été réalisées sous l'égide de la délégation aux arts plastiques, dans le cadre du précédent protocole : ainsi une exposition d'œuvres du fonds national d'art contemporain à Baden-Baden en 1984, une autre aux Antilles dans les forts militaires ou « Arts français position » à Berlin en 1986, présentant certains aspects de la jeune création française.
Les ministères de la défense et de la culture se proposent de développer ces initiatives, en s'appuyant notamment sur les collections des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et du fonds national d'art contemporain (FNAC), ainsi que des fonds des services d'archives du ministère de la défense. Ces expositions seront, aussi souvent que possible, ouvertes à l'ensemble du public.
3. Diffusion dans le domaine du livre.
Les bibliothèques du ministère de la défense participeront aux journées organisées par le ministère de la culture en faveur du livre et de la lecture, telle la « Fureur de lire ».
Le ministère de la culture apportera son aide aux responsables des bibliothèques d'unités ainsi qu'aux gestionnaires des clubs sportifs et artistiques des armées pour la gestion des bibliothèques de garnison et leur développement au moyen de diverses actions propres à favoriser la lecture :
constitution de fonds (tous supports, audio et audiovisuels inclus) correspondant aux divers besoins d'une population de niveau culturel hétérogène ;
organisation de l'espace et aménagement.
Les bibliothèques publiques pourront contribuer à l'enrichissement des fonds par des dépôts de livres au sein des bibliothèques d'unités, selon des modalités à définir avec les élus territoriaux.
Elles pourront également jouer un rôle de conseil quant à l'aménagement de l'espace de lecture.
4. Diffusion dans le domaine de la musique.
Les musiques militaires et le chœur de l'armée française s'associeront aux opérations menées par le ministère de la culture dans le domaine musical, notamment la fête de la musique.
L'organisation de concerts dans les établissements relevant du ministère de la défense sera intensifiée afin de permettre une initiation aux grandes œuvres du patrimoine musical, notamment celles du répertoire militaire, ainsi qu'une approche des musiques de notre temps. Ceci répondra à une demande artistique très couramment formulée.
5. Diffusion du cinéma.
L'accroissement de la diffusion cinématographique aux armées prendra les deux formes suivantes :
manifestations cinématographiques en liaison avec l'établissement cinématographique et photographique des armées (ECPA) qui dispose de nombreuses archives audiovisuelles de très grande qualité ;
ouverture ou remise en activité de ciné-clubs, sur la base d'accords avec les fédérations concernées.
4.2. Actions de sensibilisation.
1. Sensibilisation au patrimoine.
Le ministère de la défense et le ministère de la culture sont particulièrement soucieux de développer une politique de sensibilisation au patrimoine monumental et archéologique, qui pourrait se traduire par des « stages du patrimoine », dans lesquels les personnels sous les drapeaux auraient l'occasion de découvrir le patrimoine mobilier et immobilier de la défense (et, plus largement, celui de la nation), apprécier l'architecture et son environnement, et s'éveiller éventuellement aux pratiques et aux métiers d'art.
Dans le cadre des conventions conclues localement visées page précédente, de jeunes appelés du contingent pourront participer concrètement, sous la conduite de spécialistes confirmés, à des travaux de restauration et de mise en valeur des sites de la défense, notamment dans le cadre des chantiers de fouilles archéologiques.
Des stages de qualification pourraient être organisés à l'intention des plus motivés.
La formation pourrait s'inspirer de celle qui est dispensée dans les classes ou les ateliers du patrimoine et aborder, outre les aspects historiques et artistiques du patrimoine, les enjeux économiques et esthétiques liés à sa conservation et à sa restauration dans la société d'aujourd'hui.
2. Sensibilisation à l'art.
Aussi souvent que possible, les expositions organisées en milieu militaire seront accompagnées de débats et de rencontres avec des artistes et des historiens d'art.
3. Sensibilisation à la lecture.
Des actions d'animation autour du livre seront entreprises avec le concours de bibliothécaires, de libraires, d'éditeurs, d'écrivains, de graphistes, d'illustrateurs.
Le ministère de la défense et le ministère de la culture seront particulièrement attentifs aux appelés les plus éloignés des pratiques culturelles, notamment aux jeunes illettrés appelés au service national. En accompagnement d'activités culturelles diverses, des actions de développement de la lecture seront mises en œuvre afin de mieux préparer les jeunes à leur future insertion professionnelle dans une société où la maîtrise des écrits et de l'environnement culturel est une condition de la réussite sociale.
4. Sensibilisation à la musique.
Afin de sensibiliser à la musique les appelés du contingent, l'accès aux concerts nationaux et régionaux leur sera facilité par les autorités militaires qui accorderont les autorisations nécessaires aussi souvent que l'exécution du service le permettra, et par les responsables de la culture qui s'efforceront de leur obtenir des conditions particulières.
La pratique musicale sera encouragée :
par la mise à disposition dans les casernes, pendant les heures de loisirs, de locaux convenablement isolés phoniquement ;
par le rapprochement avec des écoles de musique et associations régionales, notamment dans les domaines du rock et du jazz.
De même, le développement du chant choral pourra-t-il s'appuyer sur les centres polyphoniques régionaux, avec lesquels des conventions seront négociées localement.
5. Sensibilisation dans les domaines du théâtre et du cinéma.
Dans les deux cas, la pratique amateur pourrait être encadrée par des metteurs en scène professionnels, des comédiens, des réalisateurs, des techniciens.
Le nombre des ateliers vidéo sera augmenté.
Des conventions d'association seront conclues entre les directions régionales des affaires culturelles et l'union fédérale des clubs sportifs et artistiques des armées (UFCSSA) pour renforcer la pratique amateur et son encadrement.
5. Modalités d'action.
Les mesures arrêtées seront mises en œuvre par chacun des deux ministères intéressés pour ce qui le concerne.
Au ministère de la défense, leur réalisation sera de la responsabilité de la direction de l'administration générale, bureau du patrimoine, des affaires culturelles et de l'environnement, qui est l'interlocuteur des différentes directions spécialisées du ministère de la culture. Pour la réalisation de cette mission, la direction de l'administration générale assistée des groupes mixtes de réflexion qui lui seront rattachés, qu'il s'agisse des groupes existants ou de ceux qui seront éventuellement créés, étudiera et fera adopter les différentes actions dont la réalisation sera confiée aux états-majors, directions et services communs, ainsi qu'à l'union fédérale des clubs sportifs et artistiques des armées. Elle rassemblera les informations relatives à leur résultat.
Au ministère de la culture, la délégation au développement et aux formations assurera la coordination des actions entreprises au titre de ce protocole, de leur suivi et de leur évaluation.
La mise en œuvre de ce protocole repose également sur l'échelon régional où, en liaison avec les instances de coordination des deux ministères, des conventions seront conclues entre les autorités militaires investies d'un commandement territorial et les préfets (directions régionales des affaires culturelles).
Les services d'information des deux ministères assureront une large diffusion aux actions entreprises dans le cadre de ce protocole.
Le service d'information et de relations publiques des armées (SIRPA) sera rendu destinataire des différentes publications conçues par le ministère de la culture et diffusera, au sein du ministère de la défense, l'information sur les diverses manifestations organisées sous le patronage du ministère de la culture.
Paris, le 12 novembre 1990.
Le ministre de la défense,
Jean-Pierre CHEVENEMENT.
Le ministre de la culture, de la communication et des grands travaux,
Jack LANG.