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Archivé DIRECTION DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES, JURIDIQUES ET CONTENTIEUSES : Sous-Direction de la réglementation de la fonction militaire

INSTRUCTION N° 12500/DEF/DAAJC/FM/1 relative à la suspension de fonctions des militaires.

Abrogé le 30 mai 2006 par : INSTRUCTION N° 200690/DEF/SGA/DFP/FM/1 relative aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires. Du 20 novembre 1975
NOR

Autre(s) version(s) :

 

Précédent modificatif :  1er modificatif du 6 novembre 1978 (BOC, p. 4384).

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  200.3.1., 231.1.5.2.

Référence de publication : BOC, p. 4214.

La loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, complétée par les articles 3 et 10 du décret 74-338 du 22 avril 1974 (BOC, p. 901) relatif aux positions statutaires des militaires de carrière, prévoit en son article 51 qu'en cas de faute grave commise par un militaire de carrière, celui-ci peut être immédiatement suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire.

Innovation de la loi de 1972 qui s'inspire d'une disposition analogue du statut général des fonctionnaires (1) la suspension de l'article 51 n'a pas de correspondance dans l'ancien statut ; elle ne doit pas, en particulier, être confondue avec la position de non-activité par suspension d'emploi de la loi du 19 mai 1834 aujourd'hui abrogée (2).

En effet, bien qu'elle se rattache directement à la commission d'une faute grave et qu'elle puisse affecter le montant de la rémunération, la suspension n'a aucun caractère disciplinaire. Elle se présente comme une mesure conservatoire dont l'effet est à la fois immédiat, provisoire et temporaire. Elle tend, dans l'attente du prononcé d'une sanction statutaire, et éventuellement pénale, à écarter momentanément du service et des responsabilités attachées à l'emploi du grade qu'il occupe le militaire, appartenant à l'une des catégories prévues au paragraphe Ier ci-après, dont les actes ont porté gravement atteinte à la dignité de l'état militaire, à la discipline ou aux intérêts généraux des armées.

Mesure purement administrative, la suspension se situe en dehors des domaines disciplinaire et pénal, qu'il s'agisse :

  • des punitions disciplinaires du règlement de discipline générale ;

  • des sanctions professionnelles (art. 27, 2° du statut général) ;

  • des sanctions statutaires (art. 48 et 83 du statut général) ;

  • le cas échéant, des condamnations pénales, auxquelles peuvent donner lieu les fautes commises. Elle n'est donc soumise à aucune des formalités préalables — communication du dossier, intervention d'un conseil d'enquête (art. 30 et 28 du statut) — prévues par la loi pour garantir les droits des militaires.

La suspension est cependant inséparable de la notion de faute grave et implique l'existence d'une action disciplinaire qui peut se conclure, soit par une sanction statutaire, soit par une punition disciplinaire ou par une sanction professionnelle, soit, s'il apparaît, à la suite de l'enquête, que les soupçons ne sont pas fondés, par une décision de classement de l'affaire. Elle ne peut donc être utilisée pour écarter du service un militaire qui ne fait pas simultanément, l'objet d'une action disciplinaire, même si la présence de l'intéressé est susceptible de perturber le service.

La suspension est, en outre, étroitement liée au règlement définitif de l'affaire, c'est-à-dire à la suite qui lui est donnée sur le plan statutaire. Une punition disciplinaire et, éventuellement, une sanction professionnelle peuvent donc, si besoin est, être infligées indépendamment de la suspension et de la poursuite de l'action sur le plan statutaire.

La suspension n'a par ailleurs aucun caractère automatique. Il appartient en effet à l'autorité compétente d'apprécier, compte tenu de la nature ou de la gravité de la faute, si la suspension doit être ou non prononcée et si elle doit être accompagnée de la retenue prévue par la loi, cette autorité demeurant libre, pour des raisons d'équité, de modifier sa décision à tout moment.

La mise en œuvre des dispositions relatives à la suspension suppose que soient explicitées :

  • 1. Les catégories de militaires justiciables de cette mesure ;

  • 2. Les fautes graves pour lesquelles elle peut intervenir ;

  • 3. Les autorités compétentes pour la prononcer et pour en déterminer les effets pécuniaires ;

  • 4. La procédure à suivre pour la mettre en application et pour y mettre fin ;

  • 5. Les conséquences sur la situation de celui qui en est l'objet ;

  • 6. Les modalités de règlement de la situation du militaire suspendu.

Tel est l'objet de la présente instruction.

1. Catégorie de militaires justiciables d'une mesure de suspension.

(Nouvelle rédaction : 1er mod.)

Peuvent en cas de faute grave, faire l'objet d'une mesure de suspension :

  • les militaires de carrière, officiers (y compris les officiers généraux) et sous-officiers (art. 51 du statut général) ;

  • les officiers de réserve servant en situation d'activité (art. 82, 2e alinéa, du statut général) ;

  • les officiers et les sous-officiers servant à titre étranger (art. 15 et 28 du décret 77-789 du 01 juillet 1977 BOC, p. 2399), les uns et les autres en position d'activité.

2. Définition de la faute grave au regard de la suspension

(3).

L'appréciation du caractère de gravité d'une faute étant une notion essentiellement subjective, il apparaît utile, pour éviter des distorsions dans l'application de l'article 51, de préciser les critères qui doivent, normalement, être pris en considération pour prononcer la suspension :

2.1.

2.1.1. Contenu

Critère tenant à la nature et à la gravité des fautes. Il doit s'agir :

  • soit d'un manquement grave aux obligations professionnelles du militaire (faute grave dans le service ou contre la discipline) ou d'une faute contre l'honneur, constitutif d'un motif d'envoi de son auteur devant un conseil d'enquête (4) ;

  • soit d'une infraction de droit commun que le code pénal range parmi les crimes ou les délits.

2.1.2. Contenu

La décision de suspension proprement dite est prise :

  • a).  A l'égard des sous-officiers, par l'officier général exerçant le commandement immédiatement supérieur à celui du chef de corps (7), sous le contrôle du ministre qui peut, s'agissant d'une mesure administrative :

    • soit réformer la décision prise ;

    • soit, en l'absence d'une décision de suspension, prendre lui-même cette décision.

  • b).  A l'égard des officiers, par le ministre (6).

2.1.3. Contenu

Lorsque, après vérification de l'exactitude des faits signalés, il apparaît à l'autorité ayant pouvoir de suspendre que la faute grave commise par le militaire exige qu'il soit momentanément écarté de ses fonctions, celle-ci doit :

  • notifier à l'intéressé la décision de suspension prise à son égard (8) ;

  • l'informer que le ministre (6) fixera ultérieurement le montant de sa rémunération ;

  • déclencher immédiatement la procédure d'envoi devant un conseil d'enquête.

2.1.4. Contenu

La suspension produit ses effets à la fois sur le plan de l'emploi et sur le plan pécuniaire. Ceux-ci résultent de deux décisions successives prises par les autorités compétentes :

  • a).  Sur le plan de l'emploi, la décision de suspension écarte l'intéressé des fonctions qu'il occupe et, de ce fait, lui enlève les responsabilités et les prérogatives — en particulier le droit au commandement — qui y étaient attachées. Il demeure cependant en position d'activité.

  • b).  Sur le plan pécuniaire, le ministre peut décider, soit de conserver à l'intéressé l'intégralité de sa rémunération, soit de déterminer le montant de la réduction, qui sera opérée sur la solde du grade et de l'échelon détenus, étant entendu que la retenue ne peut, en tout état de cause, dépasser la moitié de ladite solde.

Les indemnités liées à la solde (indemnités de résidence, pour charges militaires, primes de qualification, etc.) suivent le sort de celle-ci (9). Quant aux indemnités liées à l'emploi occupé (sujétions spéciales de police, indemnité pour responsabilité pécuniaire, etc.) elles sont supprimées pendant la durée de la suppression (10) et ne donnent pas lieu à remboursement.

Par contre l'intéressé continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille (prestations familiales et indemnités à caractère familial).

2.2.

2.2.1. Contenu

Critère tenant au retentissement de l'affaire :

  • l'infraction, la faute ou le manquement, a provoqué en milieu militaire ou non militaire une émotion ou un scandale portant atteinte à la dignité de l'état militaire ou à l'autorité qui s'attache aux fonctions exercées par l'auteur et rend impossible son maintien dans lesdites fonctions ;

  • la faute professionnelle grave commise prouve l'incapacité notoire de son auteur et nécessite, pour prévenir d'autres fautes, de l'écarter de ses fonctions (5).

Lorsqu'il se révèle, à l'analyse, que des éléments correspondant aux critères ci-dessus coexistent (nature, gravité et retentissement) dans une même faute, l'autorité ayant pouvoir de suspendre selon les dispositions du paragraphe III-1 ci-après peut prononcer la suspension.

Les fautes qui, échappant aux critères ci-dessus, exigeraient cependant que soit prononcée une mesure de suspension sont soumises à la décision du ministre (6) qui peut alors prendre la décision de suspension.

2.2.2. Contenu

La décision relative au régime de la rémunération du militaire suspendu — officier ou sous-officier — relève exclusivement du ministre (6).

2.2.3. Contenu

L'officier général — ou l'autorité assimilée — qui a pris une mesure de suspension en rend compte immédiatement au ministre (6) par télégramme officiel suivi d'un rapport adressé directement dans les plus brefs délais (copie de ces documents est également adressée aux autorités hiérarchiques intermédiaires).

Ce rapport :

  • établit une relation des faits et des circonstances ayant motivé la décision de suspension ;

  • indique les propositions relatives à la rémunération du militaire ;

  • comporte les renseignements — en particulier sur la situation familiale et sociale du militaire — nécessaires à l'information du ministre (6) ;

  • fait connaître les procédures engagées sur les plans disciplinaire, professionnel et statutaire, le cas échéant sur le plan pénal.

2.2.4. Contenu

Dans le temps, la mesure de suspension et la décision prise sur le plan pécuniaire prennent effet le lendemain de la date de leur notification respective.

La suspension cesse automatiquement avec la notification de la décision de l'autorité militaire — qu'il s'agisse d'une sanction statutaire ou d'une décision de classement de l'affaire sur le plan statutaire — réglant définitivement la situation de l'intéressé (11).

Sauf empêchement majeur, ces décisions doivent intervenir avant l'expiration du délai de quatre mois prévu par la loi. Si, après ce délai, aucune décision n'est encore intervenue, les effets de la suspension :

  • peuvent se poursuivre sur le plan de l'emploi jusqu'à intervention de la décision ;

  • sont annulés sur le plan pécuniaire (les indemnités liées à l'emploi demeurent supprimées), sauf si l'intéressé est l'objet de poursuites pénales.

Cependant, les décisions prises en matière de suspension étant des mesures administratives provisoires, l'autorité ayant pouvoir de suspendre peut, en tenant compte notamment des éléments nouveaux recueillis sur l'affaire ou de la durée de la procédure, rapporter la mesure de suspension ou, pour ce qui concerne le ministre, modifier la décision concernant la rémunération avant que la sanction statutaire définitive soit intervenue.

Le paragraphe VI ci-après précise les dispositions applicables pour le règlement de la situation du militaire suspendu dans les divers cas envisageables aux termes de l'article 51 du statut.

3. Autorités compétentes pour suspendre.

Sauf lorsqu'elles sont confondues dans la personne du ministre deux autorités différentes doivent, aux termes de la loi, intervenir pour que la suspension produise ses effet sur le plan de l'emploi et sur le plan pécuniaire.

4. Procédure.

4.1.

4.1.1. Contenu

L'autorité ayant pouvoir de suspendre fait poursuivre sans désemparer l'instruction de l'affaire afin que les sanctions envisagées par le commandement interviennent rapidement et, en tout état de cause, avant l'expiration du délai de quatre mois.

Dans le cas particulier où les faits reprochés constituent une infraction pénale donnant lieu à des poursuites devant la juridiction répressive, il y a lieu d'apprécier, dans les conditions de l'instruction relative aux conseils d'enquête (4), l'opportunité de l'intervention d'une sanction statutaire avant le jugement.

Les fautes qui, échappant aux critères définis au paragraphe II ci-dessus, sembleraient cependant appeler une mesure de suspension, sont soumises à la décision du ministre (6) par message reprenant succinctement le plan donné ci-dessus (IV-2) pour le rapport.

4.1.2. Contenu

Droits et obligations du militaire suspendu.

Le temps passé en suspension :

  • est pris en compte pour l'avancement et pour la retraite ;

  • ne compte ni pour le temps de commandement, ni pour le temps de troupe ;

  • comporte le droit à la solde dans les conditions fixées par la décision du ministre et selon les modalités précisées au présent paragraphe (1 et 2) et au paragraphe VI de la présente instruction.

En outre, le militaire suspendu demeurant en position d'activité reste régi par les règles de son statut. Toutefois, la suspension, qui écarte momentanément le militaire du service, est exclusive de toute mesure de mutation ou de déplacement d'office, autres mesures administratives qui supposent le maintien du militaire dans l'exercice des fonctions de son grade. Si, dans des cas exceptionnels, l'une des deux mesures ci-dessus est envisagée, il y a lieu, soit de ne pas prononcer la suspension, soit de rapporter la mesure de suspension prise avant toute décision de mutation ou de déplacement.

5. Effets de la suspension.

6. Règlement de la situation du militaire suspendu.

Sauf empêchement majeur et en dehors du cas où l'autorité militaire compétente décide d'attendre, pour statuer, la décision — devenue définitive — du juge pénal, la situation du militaire suspendu doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois prévu par la loi.

Le règlement des diverses situations qui peuvent résulter des dispositions de l'article 51 doit être recherché en tenant compte des éléments ci-après :

  • 1. En ce qui concerne la suspension :

    • a).  La suspension — ainsi d'ailleurs que la mesure d'ordre pécuniaire qui a pu lui être attachée par le ministre — cesse automatiquement avec la notification de la décision réglant définitivement l'affaire sur le plan statutaire qui peut être :

      • soit la décision prononçant une sanction statutaire ;

      • soit une décision de classement de l'affaire sur le plan statutaire intervenant, après avis d'un conseil d'enquête ou, avant la réunion dudit conseil, après punition disciplinaire ou sanction professionnelle ou même en l'absence de toute sanction préalable.

    • Cependant, quand, en vertu du principe de l'indépendance de l'action disciplinaire et de l'action pénale, il est envisagé de prendre avant l'intervention du jugement une sanction statutaire à l'encontre d'un militaire faisant l'objet de poursuites pénales, la mesure de suspension doit être rapportée avant le prononcé de la sanction (11).

      La décision de suspension peut par ailleurs être rapportée à tout moment par l'autorité qui l'a prise (cf. 2 ci-dessus).

    • b).  L'expiration du délai de quatre mois est sans incidence sur la mesure de suspension qui peut, sauf décision contraire de l'autorité qui l'a prise, se poursuivre jusqu'au règlement de l'affaire sur le plan statutaire dans les conditions prévues au paragraphe 1 a ci-dessus.

    • c).  Une décision de classement sur le plan statutaire n'entraîne pas, de droit, la réintégration dans l'affectation précédemment occupée, la mesure de mutation devant, dans ce cas, donner lieu à communication préalable du dossier.

  • 2. En ce qui concerne la rémunération :

    Les droits à rémunération du militaire suspendu sont déterminés par le ministre qui peut, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 51, modifier ou rapporter sa décision à tout moment ; par ailleurs, la durée de la suspension et l'existence (ou l'absence) de poursuites pénales ont une incidence directe sur la rémunération :

    • a).  La suspension cesse avant l'expiration d'un délai de quatre mois :

      • si le militaire fait l'objet d'une décision de classement sur le plan statutaire, il recouvre l'intégralité de sa rémunération et a droit au remboursement des retenues effectuées (12) ; toutefois en cas de poursuites pénales ce droit n'est définitivement arrêté que lorsque la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ;

      • si le militaire fait l'objet d'une sanction statutaire, il est soumis, à la date prévue, au régime de solde applicable à la position dans laquelle il est placé et n'a pas droit au remboursement des retenues.

    • b).  La suspension cesse après l'expiration du délai de quatre mois :

      • si le militaire ne fait pas l'objet de poursuites pénales, il recouvre l'intégralité de sa solde (12) le premier jour du cinquième mois. Il a droit dès ce moment au remboursement des retenues (12), quelle que soit la décision prise ultérieurement sur le plan statutaire ;

      • si le militaire fait l'objet de poursuites pénales, le régime de solde fixé par le ministre ne subit pas, en principe, de modification jusqu'à l'intervention de la décision mettant fin à la suspension qui peut se situer, soit avant le jugement en application du principe de l'indépendance de l'action disciplinaire et de l'action pénale, soit après la décision devenue définitive de la juridiction saisie. A la date de notification de la décision prise en matière statutaire, le militaire :

        • recouvre l'intégralité de sa solde et a droit au remboursement des retenues (13) s'il a fait l'objet d'une décision de classement sur le plan statutaire ; toutefois, si cette décision intervient avant le jugement pénal, ce droit n'est définitivement arrêté que lorsque la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ;

        • est soumis au régime de solde applicable à la position statutaire dans laquelle il est placé et n'a pas droit au remboursement des retenues s'il fait l'objet d'une sanction statutaire.

La suspension, telle qu'elle vient d'être définie, est une mesure exceptionnelle qui ne doit être utilisée que lorsque les agissements constatés et dûment établis présentent un réel caractère de gravité par leurs répercussions, en particulier sur la bonne exécution du service.

Il appartient, en conséquence, aux autorités détentrices du pouvoir de suspendre, d'apprécier, sous leur propre responsabilité, dans chaque cas d'espèce, si le comportement fautif constaté exige l'application des dispositions de l'article 51 du statut général avant la poursuite de toute procédure disciplinaire ou pénale. Toutefois, dès que la suspension est décidée, l'action disciplinaire, statutaire notamment, doit être poursuivie avec célérité afin qu'elle puisse aboutir dans les délais impératifs prévus par la loi.

Yvon BOURGES.

Annexe

ANNEXE. Règlement de la situation du militaire suspendu (§ VI-2 de l'instruction)

Figure 1. RÈGLEMENT DE LA SITUATION DU MILITAIRE SUSPENDU.

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