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ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL DES FORCES ARMÉES « AIR » : 3e Bureau

INSTRUCTION INTERMINISTÉRIELLE relative à la coordination de l'information judiciaire et de l'enquête technique et administrative en cas d'accident survenu à un aéronef français ou étranger sur le territoire de la métropole et les territoires d'outre-mer.

Du 03 janvier 1953
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  103.2.3.7.1.

Référence de publication : BO/M, p. 2043 ; BO/A, p. 138.

1. Généralités.

1.1. But de l'instruction.

Cette instruction a pour but de rappeler aux informateurs judiciaires et aux enquêteurs administratifs, d'une part, leurs devoirs et leurs droits respectifs, en cas d'accident survenu à un aéronef (1) français ou étranger et, d'autre part, les conditions de l'étroite collaboration qu'impose leur mission.

1.2. Définitions.

La présente instruction s'applique à tout accident qui, survenu au cours d'une évolution ou manœuvre quelconque d'un aéronef, a entraîné une ou plusieurs des conséquences suivantes :

  • dommages physiques à l'équipage ou aux passagers (en vol ou à la surface) ;

  • dommages physiques aux tiers à la surface ;

  • dommages importants aux biens à la surface ;

  • dommages au matériel volant ayant provoqué l'interruption du voyage en cours et ne pouvant être réparés dans de courts délais par les moyens du bord ou par un service de piste.

1.3. Domaine d'application.

Au point de vue des enquêtes techniques et administratives les aéronefs sont classés en trois catégories :

  • 1. Les aéronefs civils (français ou étrangers).

  • 2. Les aéronefs militaires.

  • 3. Les aéronefs relevant de la direction technique et industrielle de l'aéronautique (secrétariat d'Etat à l'air).

Les modalités de coordination des enquêtes techniques et administratives et des informations judiciaires sont précisées pour chacune de ces catégories respectivement aux titres II, III et IV de la présente instruction.

2. Les aéronefs (français ou étrangers).

2.1. Définition.

Pour l'enquête technique et administrative, il faut entendre par aéronef civil, tout aéronef à immatriculation civile aux termes de la réglementation internationale en vigueur, à l'exception des aéronefs relevant de la direction technique et industrielle, qui font l'objet du titre IV de la présente instruction.

2.2. Notification.

Tout commandant de bord, membre d'équipage ou passager d'aéronef accidenté, s'il est en mesure de le faire et, plus généralement, quiconque est témoin d'un accident aérien ou trouve abandonné un aéronef ou une partie d'aéronef ou de son chargement, doit en faire immédiatement la déclaration à l'autorité civile ou militaire la plus proche.

Toute autorité locale, qu'elle dépende de l'un ou l'autre des départements signataires de la présente instruction, doi prévenir immédiatement et simultanément :

  • le procureur de la République du lieu de l'accident ;

  • le commandant d'aérodrome ou le chef du district le plus proche ;

  • le commissaire chef de la police de l'air ou des renseignements généraux du département.

2.3. De l'information judiciaire.

Les autorités judiciaires (procureur de la République ou ses substituts, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire) ont compétence pour rechercher et établir les responsabilités pénales éventuelles dans tous les cas de mort violente, des délits, d'homicides ou blessures par imprudence ou négligence (2) et même d'infraction à la réglementation de la navigation aérienne.

Les officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur de la République et notamment les fonctionnaires de la sûreté nationale et les militaires de la gendarmerie ayant la qualité d'officier de police judiciaire (3), ont le devoir et le droit de rechercher les crimes et les délits et d'en rassembler les preuves.

Ils ont, en cas de flagrant délit et jusqu'à l'arrivée du juge d'instruction sur les lieux ou jusqu'à la saisine de ce magistrat, les mêmes pouvoirs que le procureur de la République.

Ils doivent donc, en cas d'accident d'aviation, procéder à des actes d'instruction urgents s'ils estiment que leurs investigations peuvent amener la découverte d'un fait criminel ou délictueux.

Ils exécutent, en outre, les commissions rogatoires délivrées par les juges civils et militaires, qui leur délèguent ainsi leurs pouvoirs.

L'information judiciaire et les actes d'instruction urgents doivent être accomplis en toute liberté et ne peuvent être entravés d'aucune manière.

2.4. De l'enquête administrative.

L'administration responsable de l'aviation civile et commerciale a le devoir et la mission de :

  • rechercher et, si possible, déterminer les causes de tout accident, incident (4) et irrégularité (2) et en tirer tous enseignements utiles dans l'ordre de sa compétence organique pour en éviter le retour ;

  • définir les sanctions disciplinaires à appliquer éventuellement ;

  • communiquer à l'organisation de l'aviation civile internationale, dont la France est Etat membre, les résultats de son enquête contribuant à l'amélioration de la sécurité aérienne, conformément à la convention relative à l'aviation civile internationale et à son annexe 13.

L'enquête administrative est menée par les représentants qualifiés de l'administration de l'aviation civile, dénommés enquêteurs techniques.

Ces enquêteurs techniques sont :

  • les agents locaux du secrétariat général à l'aviation civile et commerciale, commandants d'aérodrome et chefs de districts à qui incombent l'envoi immédiat des avis d'accident aux autorités intéressées, l'application des premières mesures, la rédaction et l'envoi du « rapport de première information », tel que défini à l'article 9 ci-après ;

  • les représentants de l'inspection générale de l'aviation civile, section de la sécurité aérienne, nommément chargés de l'enquête spéciale par le ministre des travaux publics et des transports ;

  • les membres de la commission d'enquête instituée par décision du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme dans certains cas particuliers (5).

En outre, participent à l'enquête, le cas échéant, en application de l'annexe 13 à la convention relative à l'aviation civile internationale (art. 3.2, 5.2, 5.4, 5.6), les représentants accrédités, assistés le cas échéant de conseillers techniques, de l'Etat d'immatriculation et de tout Etat intéressé, membres de l'OACI. Il en est de même des représentants des Etats non membres de l'OACI qui seraient spécialement autorisés par le ministre des affaires étrangères.

2.5. De la collaboration entre les informateurs judiciaires et les enquêteurs techniques.

1. Principes.

Entre les informateurs judiciaires (qui peuvent être assistés d'experts désignés par le juge d'instruction) et les enquêteurs techniques doit s'établir une collaboration confiante et loyale.

En effet, la recherche des responsabilités pénales, qui incombe aux informateurs judiciaires, exige que les causes d'un accident soient établies avec le maximum de clarté et de certitude.

A cette fin, il est recommandé aux informateurs judiciaires de s'appuyer sur les enquêteurs techniques, dont l'action s'exerce en exécution d'instructions particulières et d'engagements internationaux, dans le but d'éviter de nouveaux accidents et de sauvegarder des vies humaines.

La valeur des premières observations est telle que les autorités intéressées à la connaissance exacte des causes doivent obligatoirement se prêter concours, ne faisant usage de leurs droits respectifs qu'à l'égard des personnes étrangères à l'enquête.

2. Application.

Les informateurs judiciaires et les enquêteurs techniques présents sur les lieux doivent veiller à ce que soient prises sans tarder, après l'organisation des secours et de sauvegarde, les mesures conservatoires suivantes :

  • mise en place du service de garde ;

  • éloignement de toute personne autre que les informateurs judiciaires ou les enquêteurs techniques ;

  • identification de témoins et recueil de leurs premières déclarations ;

  • constatations de fait sur les débris du matériel et les corps des victimes restés en position.

D'une manière générale, les agents du secrétariat général à l'aviation civile et commerciale doivent faciliter la tâche des magistrats et de leurs auxiliaires et leur apporter leur concours ; ils doivent orienter l'enquête (6) en assistant les informateurs judiciaires dans leurs recherches de caractère technique sur le lieu de l'accident. Ils leurs communiquent le résultat de leurs observations et doivent notamment signaler à leur attention les instruments, débris ou parties du planeur ou des groupes motopropulseurs qu'il y a intérêt de ne pas déplacer ou démonter, jusqu'à plus ample examen, par les techniciens spécialisés.

Tout déplacement, démontage et prélèvement de pièces et documents nécessaires à la détermination des causes techniques de l'accident sont effectués avec l'accord du représentant de l'autorité judiciaire.

En conséquence, les enquêteurs techniques ont droit d'accès au lieu de l'accident et à l'examen des débris sur justification de leur qualité aux termes de l'article 7 ; sauf opposition du juge d'instruction, ils peuvent procéder à l'audition de tout témoin et prendre connaissance des interrogatoires déjà effectués. En outre, les représentants accrédités et conseillers techniques étrangers (art. 7) pourront participer à l'examen des débris et assister à l'audition des témoins.

Les enquêteurs techniques sont tenus de veiller à ce que soit écartée de l'enquête toute personne non qualifiée. Dans la mesure où l'enquête exige la présence du propriétaire de l'aéronef ou de ses représentants, ces derniers assistent à l'enquête, sans y participer, sous le contrôle et la surveillance des enquêteurs techniques, après accord des informateurs judiciaires.

De leur côté, les officiers de police judiciaire agissant au titre de l'enquête judiciaire et, plus particulièrement, le officiers de police judiciaire locaux arrivés les premiers sur les lieux de l'accident, doivent être convaincus que, devant la complexité de la technique aéronautique en continuelle évolution, le plus sûr moyen d'accomplir le devoir d'auxiliaires de la justice (7), qui leur est imposé par la loi, consiste à assurer dans les moindres délais la garde de l'aéronef ou des débris, avec interdiction formelle d'y toucher, même pour le propriétaire de l'appareil ou ses représentants, à faciliter à l'enquêteur technique les recherches nécessaires à la détermination des causes de l'accident et à opérer en accord avec lui.

A défaut de cette coopération, serait compromise l'efficacité de l'enquête, ce qui entraînerait des conséquences graves en cas d'accident international, compte tenu des engagements pris vis-à-vis de l'organisation de l'aviation civile internationale dont la France est Etat membre (8).

2.6. De la communication des rapports, documents et pièces concernant les accidents (établis par les enquêteurs techniques).

Les exposés des faits (9), les rapports de première information (10) avec avis du bureau enquêtes-accidents de l'inspection générale de l'aviation civile, les rapports provisoires (11) et finals (12), ainsi que tous documents pouvant contribuer à la détermination certaine des circonstances et des causes, sont communiqués, sur leur demande, aux autorités judiciaires.

Aux termes des dispositions de la convention relative à l'aviation civile internationale et de l'annexe 13, les exposés des faits, les conclusions et le résumé des indices et des renseignements essentiels sur lesquels reposent les conclusions doivent être communiqués à l'Etat d'immatriculation et aux Etats ayant participé à l'enquête.

En outre, l'exposé des circonstances et les enseignements utiles à la sécurité aérienne sont communiqués, sur décision du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, aux départements ministériels intéressés et à l'organisation de l'aviation civile internationale.

3. Des aéronefs militaires.

3.1. Définition.

Pour l'enquête technique et administrative, il faut entendre, par aéronef militaire, tout aéronef au service de forces armées (guerre, air, marine).

3.2. Notification et enquête technique et administrative.

La conduite à tenir en cas d'accident aérien est définie par instruction du secrétaire d'Etat intéressé. Si aucun membre de l'équipage n'est en état de procéder à l'exécution des mesures prescrites, toute autorité locale dépendant de l'un ou de l'autre des départements signataires de la présente instruction doit prévenir immédiatement :

  • l'autorité militaire la plus proche ;

  • le secrétaire d'Etat intéressé.

3.3. De l'information judiciaire.

En cas d'accident survenu à un aéronef militaire ou provoqué par celui-ci, les autorités civiles ou militaires sont compétentes pour rechercher et poursuivre les infractions pénales qui pourraient avoir été commises, suivant les distinctions établies par la loi et notamment par les articles 2, 3 et 6 du code de justice militaire (terre), 2, 4 et 7 du code de justice militaire (armée de mer).

Il est indiqué d'une manière générale qu'en temps de paix les infractions commises, par les militaires des armées de terre ou de l'air dans le service, sont jugées par les tribunaux militaires et que toutes les infractions commises par les militaires de l'armée de mer sont jugées par les tribunaux maritimes.

4. Aéronefs relevant de la direction technique et industrielle de l'aéronautique (DTIA).

4.1. Définition.

Par aéronef relevant de la direction technique et industrielle, il faut entendre :

  • a).  Les aéronefs militaires :

    • en service à la DTIA ;

    • en cours de réception destinés à l'armée (guerre, air, marine) ;

    • prototypes.

  • b).  Les aéronefs immatriculés civils :

    • mis à la disposition des constructeurs ;

    • en cours de réception ;

    • prototypes.

4.2. Notification d'enquête technique et administrative.

Il y a lieu d'appliquer l'instruction no 12756/D/3 du 30 juillet 1949, dans tous les cas.

4.3. De l'information judiciaire.

Il y a lieu d'appliquer, suivant le cas, les dispositions des articles 6 et 12 ci-dessus.

4.4. De la collaboration entre les informateurs judiciaires et les enquêteurs techniques.

Dans les cas où il y a lieu à information judiciaire, l'attention des autorités destinataires de la présente instruction est appelée sur le fait qu'il s'agit, le plus souvent, d'accidents survenus à des prototypes encore secrets ou provoqués par eux et que la détermination des défaillances possibles du matériel présente une importance capitale pour la défense nationale. En particulier, sauf circonstances exceptionnelles, les démontages et saisies de pièces devront être laissés à la diligence des enquêteurs techniques.

4.5. De la communication des rapports, documents et pièces concernant les accidents.

Sera transmise aux autorités judiciaires, sur leur demande, la partie du rapport de la commission d'enquête technique ayant trait aux constatations objectives faites par la commission ainsi que les témoignages recueillis, à l'exclusion des hypothèses ou conclusions techniques.

5.

5.1. Application.

Pour l'application de la présente instruction, qui entre immédiatement en vigueur, le ministre d'Etat chargé des relations avec les Etats associés, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'intérieur, le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, le ministre de la France d'outre-mer, le ministre de la défense nationale, les secrétaires d'Etat à la guerre, à l'air, à la marine, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, d'établir les instructions particulières utiles.

Fait à Paris, le 3 janvier 1953.

Le ministre d'Etat chargé des relations avec les Etats associés,

Jean LETOURNEAU.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Léon MARTINAUD-DEPLAT.

Le ministre des affaires étrangères,

SCHUMAN.

Le ministre de l'intérieur,

Charles BRUNE.

Le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme,

André MORICE.

Le ministre de la France d'outre-mer,

Pierre PFLIMLIN.

Le ministre de la défense nationale,

R. PLEVEN.

Le secrétaire d'Etat à la guerre,

Pierre DE CHEVIGNE.

Le secrétaire d'Etat à l'air,

Pierre MONTEL.

Le secrétaire d'Etat à la marine,

Jacques GAVINI.