CIRCULAIRE N° AC/298/DBA du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme relative à la destruction de la végétation nuisible des aérodromes.
Du 07 juillet 1955NOR
L'apparition et parfois la prolifération d'une végétation nuisible dans les aérodromes, notamment aux emplacements tels que : bandes gazonnées, accotements, prolongements aménagés, pistes en grille, joints de revêtements en béton, peuvent causer de sérieuses préoccupations aux services d'entretien, surtout si les moyens de lutte habituels se sont révélés inopérants ou même non décisifs.
La présente circulaire a pour objet de rappeler les divers procédés de lutte susceptibles d'être employés contre la végétation indésirable et utilisés notamment en agriculture ou dans les services d'entretien, routiers et ferroviaires. Certains d'entre eux ne peuvent s'appliquer à toutes les parties des aérodromes ; s'il s'agit, par exemple, d'éliminer des plantes ou broussailles d'une piste gazonnée ou de bandes de sécurité, on ne pourra songer à pratiquer le brûlage qui détruirait le gazon sur une large surface, ni le labour qui créerait des saillies et des ornières. Il importera de choisir avec discernement, selon le cas, le moyen à mettre en œuvre. L'aperçu qui suit laisse de côté le fauchage périodique des hautes herbes, exécuté en général au moyen de barres mécaniques montées sur tracteurs.
1. Divers modes de destruction.
La destruction des herbes et broussailles indésirables peut s'opérer de façon directe ou indirecte :
directe : par la suppression de la plante ainsi que de ses moyens de multiplication ou de reproduction ;
indirecte : par l'introduction de troubles graves dans le cycle végétatif ou la modification du milieu biologique.
1.1. Destruction directe.
On recherche dans ce cas la disparition totale de la végétation dans une aire déterminée.
Les moyens sont essentiellement l'arrachage, le brûlage et l'empoisonnement.
1.1.1.
1.1.1.1. Contenu
L'arrachage à la pioche ou à la houe est lent et exige une main-d'œuvre importante. Les procédés les plus rapides, tels que houe à cheval, labour ou hersage, ou mieux l'emploi de tracteurs équipés d'arracheuses du genre « root-rake », ne conviennent pas pour les bandes d'envol gazonnées, ou même pour les bandes de sécurité et les prolongements aménagés.
1.1.1.2. Contenu
Les substances les plus communément utilisées pour la brûlure sont :
Produits minéraux simples. Ils agissent par destruction des organes herbacés atteints par le produit. On les appelle : herbicides « de contact ». Ce sont notamment le sulfate de cuivre, le nitrate de cuivre, le bisulfite de soude, le sulfate de fer, l'acide sulfurique ;
Colorants nitrés. Ce sont aussi des herbicides de contact qui détruisent seulement les organes herbacés mouillés par la bouillie pulvérisée. On utilise les dinitrophénols et dinitrocrésols sous forme de sels de sodium ou d'ammonium, le dérivé nitré du dinitrobutylphénol (DNBP) sous forme de sels de triéthanolamine ou d'ammonium.
1.1.2.
1.1.2.1. Contenu
Le brûlage pratiqué à l'aide d'un lance-flamme détruit les feuilles et les tiges des plantes, ainsi que les graines se trouvant à fleur de sol. Il est moins efficace sur certaines plantes vivaces, telles que le chardon ou le chiendent, dont les racines sont protégées par la terre et sur les plantes ligneuses ou semi-ligneuses telles que genêts, ronces, ajoncs ; sur un aérodrome, au surplus, le gazon est détruit sur une surface importante.
1.1.2.2. Contenu
Certains composés chimiques, au lieu d'agir par empoisonnement des plantes, provoquent chez celles-ci des troubles graves dans leur développement, soit par arrêt de croissance, soit par prolifération anormale des cellules. De telles perturbations anatomiques peuvent amener la mort rapide des plantes. Ces produits sont désignés sous le terme générique de phytohormones.
On utilise le plus généralement :
le 2-4-D (acide 2-4-dichlorophénoxyacétiques) ;
le NCPA (acide 2-méthyl-4-chlorophénoxyacétique).
Ces deux produits sont employés en agriculture pour le désherbage sélectif des céréales et de certaines cultures comme le lin, le riz et le maïs. Aux doses couramment appliquées, ils n'exercent aucune action phytotoxique sérieuse sur les graminées. Ils sont également utilisés pour débarrasser les prairies des plantes nuisibles, telles que les chardons.
Le 2-4-D et le MCPA se rencontrent dans le commerce sous trois formes principales :
sels de soude, les moins onéreux, mais assez peu efficaces sur les plantes vivaces et les arbrisseaux ;
sels d'amine, très solubles dans l'eau, d'un emploi commode et d'une bonne adhérence aux feuilles ;
esters, les plus coûteux, mais aussi les plus efficaces sur les plantes ligneuses ou vivaces. Ils pénètrent rapidement et sont peu affectés par la pluie.
Les usines françaises sont surtout tournées actuellement vers la production du 2-4-D, dont les propriétés, d'ailleurs, sont très voisines de celles du MCPA.
Il existe un choix assez étendu de produits à base de 2-4-D, qui se présentent dans le commerce sous les formes suivantes :
poudres à dissoudre dans l'eau (sels de soude du 2-4-D) ;
liquides huileux (sels de triéthanolamine du 2-4-D) ;
liquides non huileux (sels de triéthanolamine du 2-4-D).
Les produits à employer en poudrage ont, en général, donné des résultats nettement inférieurs à ceux obtenus avec les produits précédents. Aussi ne seront-ils pas autrement mentionnés.
1.1.3.
L'empoisonnement consiste à répandre, en général par pulvérisation, des produits chimiques nocifs pour les plantes. On peut utiliser les produits du type chlorate de soude qu'on emploie à la dose de 2 à 3 kilogrammes de chlorate pour 100 litres d'eau. Le chloratrage qui est appliqué à raison de 1 à 2 litres de solution par mètre carré de surface à désherber, est le procédé le plus anciennement utilisé. Il est efficace mais ne peut être conseillé partout où le danger d'incendie existe.
Les principaux autres produits actuellement mis au point par l'industrie et qu'on peut trouver communément dans le commerce sont, d'une part, les dérivés nitrés, chlorés et chloronitrés des phénols et des crésols, d'autre part, la solution chloro-chloratée calcique ou « désherbant calcique » de la société Pechiney.
Il convient de signaler qu'aux USA on utilise, depuis plusieurs années, le sulfamate d'ammonium ou « ammate », principalement pour la destruction des broussailles sur les lignes de chemin de fer. D'après l'opinion émise par une commission officielle chargée de l'étude de ces questions, l'ammate assure une destruction satisfaisante des broussailles sur une grande échelle et agit comme destructeur non sélectif des plantes ligneuses. Il n'est pas toxique ; sa puissance d'action est peu affectée par les variations de température, l'humidité et le soleil. Une seule application sur des espèces mélangées permet de détruire de 75 à 90 p. 100 des arbustes, racines et branches, même dans les fourrés touffus. Malgré les avantages importants ainsi mentionnés, le fait qu'il ne soit pas destructeur sélectif retire à l'ammate une partie de son intérêt pour le nettoyage des plates-formes d'aérodromes, car le gazon est également détruit. Il conviendrait, par contre, pour des pistes et aires en grille. D'après de récents renseignements recueillis auprès d'une des principales maisons françaises vendant ce genre de produits — y compris l'ammate — celui-ci n'aurait cependant pas spécialement réussi en France et d'autres produits se seraient révélés plus efficaces. Il s'agit des phytohormones dont il est parlé au paragraphe suivant (destruction indirecte).
On tend actuellement en France à proposer, comme produit de remplacement des corps du genre chlorate de soude, un composé organique dérivé de l'urée : le 5-parachlorophényl-1-diméthylurée ou CMU. A dose élevée — 20 à 60 kilogrammes par hectare — il provoque la disparition de toutes les graminées de dicotylédones herbacées, annuelles ou vivaces. Insoluble, ininflammable, le CMU, contrairement au chlorate de soude, agit lentement. Les plantes ne meurent qu'au bout de trois semaines à un mois. Il convient de l'appliquer en période humide, au moment du départ de la végétation, de préférence. Lorsque la végétation est très développée, le traitement se fait après fauchage.
Les herbicides mentionnés au présent paragraphe sont utilisés comme désherbants totaux.
1.2. Destruction indirecte.
L'effet recherché est d'entraîner la mort de la plante, soit en ralentissant très sensiblement le cycle végétatif par brûlure des feuilles au moyen d'un liquide ou d'une poudre corrosifs, soit en provoquant des troubles anatomiques graves.
Les produits employés sont ici des « désherbants sélectifs », capables de détruire les espèces nuisibles sans atteindre les plantes que l'on désire conserver.
2. Les débroussaillants.
Les machines arracheuses tractées du genre root-rake permettent d'extirper rapidement la végétation indésirable, telle que ajoncs, genêts, ronces, bruyères, etc. Mais ces machines défoncent plus ou moins le sol autour des racines et détruisent ainsi le gazon de place en place. En outre, l'arrachage n'est pas un procédé d'élimination définitive, les espèces nuisibles réapparaîssent la plupart du temps après une période de douze à dix-huit mois. Il est donc indiqué d'avoir recours, dans ce cas, à une destruction indirecte au moyen de phytohormones.
Il convient de signaler spécialement, parmi ces dernières, une catégorie de produits utilisés pour la destruction des végétaux semi-ligneux et ligneux (broussailles et arbustes), dont on souhaite la disparition des terrains incultes ou des prés et pâturages. Ce sont des composés de synthèse dont la substance active est constituée par un mélange en proportions variables d'acides 2-4-D et 2-4-5 trichlorophénoxyacétique (2-4-5-T). Les produits commerciaux sont des esters-amyliques ou butyglycol. Leur efficacité est réelle contre un certain nombre d'espèces arbustives et on en a fait application pour la destruction de plantes indésirables dans les alpages, landes, talus des remblais ou tranchées de voies ferrées, etc. Leur emploi s'étend également à l'entretien des herbages en général (pâtures ou prairies) où l'on désire supprimer les végétaux envahissants, tels que les ajoncs ou les genêts, par exemple. Cette catégorie de produits offre donc des possibilités dans le domaine des aérodromes.
2.1. Caractéristiques des débroussaillants à base de phytohormones.
Ces produits ne sont pas toxiques pour l'homme ; de plus, ils ne sont ni corrosifs, ni tachants. Leur efficacité s'exerce contre un certain nombre de plantes ligneuses ou semi-ligneuses, mais aussi contre les plantes cultivées : betteraves, légumineuses, pommes de terre, arbres fruitiers, vigne. Aussi importe-t-il de procéder avec beaucoup de prudence en veillant à ce que le produit ne soit pas entraîné vers les cultures voisines. On choisira donc un beau temps sans vent, assez chaud (température de 12 à 15 °C) et de préférence succédant à une période pluvieuse. Il convient après l'application de nettoyer avec soin les appareils et récipients ayant servi à la manipulation.
Aux doses courantes, ces débroussaillants n'agissent pas sur les graminées, ni sur les céréales.
2.2. Mode d'action.
En règle générale, ces produits n'agissent pas brutalement. Leur diffusion dans la plante est lente et a lieu longitudinalement de haut en bas seulement, et non transversalement, d'où la nécessité de bien mouiller toutes les parties du végétal à détruire.
2.3. Conditions optima d'emploi.
Le mouillage doit être abondant, homogène et total. On compte en général 1 000 à 1 500 litres de bouillie à l'hectare pour les plantes de faible développement. Les appareils de pulvérisation seront à pression moyenne ou forte. On ne traitera pas par temps pluvieux.
Le traitement sera appliqué lorsque les pousses de l'année ont acquis un grand développement — entre mai et juillet suivant les régions. L'époque qui paraît la meilleure est le printemps par temps doux, avant la période de sécheresse estivale. En règle générale, il vaut mieux ne traiter que la repousse, le produit pouvant plus aisément diffuser dans la souche et provoquer son dépérissement.
Quel que soit le degré de destruction obtenu par l'emploi d'un de ces débroussaillants, l'enlèvement du bois mort devra toutefois être assuré. Cette opération peut se faire sans qu'il soit besoin de défoncer le sol très profondément mais il conviendra éventuellement de restaurer le gazon aux emplacements où il aura été détruit.
Le service technique des bases aériennes est en mesure de vous fournir des indications complémentaires au cas où vous jugeriez utile de le saisir. Il y aurait lieu alors de lui fournir toutes les informations nécessaires à l'examen de ces cas d'espèce, notamment :
la nature exacte de la végétation à détruire, toutes les variétés d'une même espèce ne présentant pas obligatoirement la même sensibilité aux agents de destruction, en particulier les débroussaillants chimiques à base d'hormones. C'est ainsi, par exemple, qu'on rencontre communément deux espèces d'ajoncs : l'ajonc d'Europe et l'ajonc nain ;
les sujétions spéciales inhérentes à la surface où doit s'effectuer le traitement. Par exemple : le danger d'incendie, la toxicité vis-à-vis du bétail, la proximité de cultures en précisant leur nature.
J'attire, en outre, votre attention sur le bénéfice que vous pourriez retirer d'une consultation de la direction départementale des services agricoles et de l'inspection régionale du service de protection des végétaux, dont il conviendrait éventuellement de communiquer les avis au service technique des bases aériennes.