CIRCULAIRE N° 20/SS relative à l'application de la loi n° 55-1536 du 28 novembre 1955 (A)modifiant certaines dispositions relatives aux maladies professionnelles de la loi du 30 octobre 1946 (B).
Du 22 février 1956NOR
LE SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU TRAVAIL ET À LA SÉCURITÉS SOCIALE,
à MM. les présidents du conseil d'administration des caisses primaires et des caisses régionales de sécurité sociale.
La loi du 28 novembre 1955 a apporté au régime de réparation des maladies professionnelles une amélioration importante en rendant applicables les nouveaux tableaux de maladies professionnelles (qu'il s'agisse d'une modification ou d'une adjonction aux tableaux existants) aux cas dont la première constatation médicale est antérieure à leur entrée en vigueur (celle-ci coïncidant en fait, avec leur publication).
Je vous adresse ci-après des indications au sujet de l'application de ces dispositions législatives nouvelles.
1. Dispositions permanentes
1.1. Champ d'application
1.1.1. Contenu
L'article 70 nouveau de la loi du 30 octobre 1946 maintient, tout d'abord, le principe de l'assimilation de la date de la première constatation médicale de la maladie professionnelle à la date de l'accident en ce qui concerne l'ouverture des droits, mais il réserve une dérogation à ce principe.
L'article 71 nouveau précise la portée de cette dérogation qui constitue une innovation importante.
Désormais la publication de tout aménagement aux tableaux des maladies professionnelles sera susceptible de bénéficier non plus seulement aux victimes dont l'état, prévu par le nouveau tableau, ferait l'objet d'une première constatation médicale à partir de l'entrée en vigueur de celui-ci, mais aussi aux victimes dont l'état a déjà été constaté médicalement entre le 1er janvier 1947 et la date de cette entrée en vigueur.
1.1.2. Contenu
Ainsi qu'il résulte des termes exprès de l'article 4, premier alinéa, de la loi du 28 novembre 1955, les dispositions examinées plus haut ne deviendront pratiquement applicables qu'à l'occasion de la publication ultérieure d'un nouveau tableau et pour les tableaux futurs.
Le deuxième alinéa du même article envisage le cas des travailleurs victimes de maladies professionnelles actuellement inscrites aux tableaux, mais qui n'ont pu obtenir réparation, la première constatation médicale de leur maladie ayant eu lieu entre le 31 décembre 1946 et la date d'entrée en vigueur de la modification ou de l'adjonction apportée au tableau dans le champ d'application duquel leur cas aurait pu entrer si la première constatation avait eu lieu postérieurement à cette entrée en vigueur.
Le champ d'application de ces dispositions transitoires se limite donc :
D'une part, aux cas de maladie ayant fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 31 décembre 1946 et le 1er décembre 1955 ;
D'autre part, aux tableaux de maladies professionnelles modifiés ou ajoutés par des règlements d'administration publique entrés en vigueur au cours de cette même période.
Sur le premier point, la loi exige que la première constatation médicale ait été portée à la connaissance d'une caisse de sécurité sociale. Bien entendu, cela ne signifie pas qu'une déclaration de maladie professionnelle ait dû être faite ; le plus généralement la caisse de sécurité sociale aura connu et pris en charge le cas au titre de l'assurance maladie.
Sur le second point, il convient d'observer que la loi vise exclusivement les conditions prévues par le règlement d'administration publique du 31 décembre 1946 et les règlements d'administration publique qui l'ont modifié et complété.
Ladite loi ne mentionne pas expressément les décrets qui, en application de l'article 75 de la loi du 30 octobre 1946, ont fixé des modalités particulières d'application de ladite loi à certaines maladies professionnelles.
J'observe, toutefois, que pour les maladies considérées, l'application du tableau les concernant est inséparable de celle du décret qui a fixé, à leur égard, des modalités particulières d'application de la loi.
Eu égard, d'autre part, à la jurisprudence de la cour de cassation intervenue en matière de silicose, selon laquelle le décret du 17 novembre 1947, d'ailleurs expressément prévu par le tableau no 25 annexé au règlement d'administration publique, s'identifie à la loi elle-même (cf. arrêt ch. civ. section sociale, du 18 juin 1954), il me paraît conforme à l'esprit du nouveau texte de prendre en considération, pour son application, aussi bien les conditions fixées par les décrets pris en vertu de l'article 75 de la loi que celles fixées par les règlements d'administration publique eux-mêmes.
Ainsi, les victimes de la silicose dont l'état a été constaté avant l'entrée en vigueur du décret du 18 octobre 1952 (2), pourront-elles bénéficier dans les conditions fixées par le nouveau texte, des améliorations apportées au régime de réparation de cette maladie par ledit décret.
1.2. Effet pécuniaire
1.2.1. Contenu
Les droits nouveaux ainsi ouverts sont, bien entendu, dans leur intégralité ceux que prévoit la loi du 30 octobre 1946 et les dispositions subséquentes. Toutefois, l'effet pécuniaire ne peut rétroagir en deçà de la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau dont peut se réclamer l'intéressé.
Il en découle que si la guérison de la maladie s'est produite avant l'entrée en vigueur du nouveau tableau, aucune prestation n'est due.
S'il subsiste une incapacité permanente, la rente correspondante ne prend effet qu'à partir de la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau.
A partir de la date d'effet des prestations « accident du travail », l'intéressé cesse d'avoir droit aux indemnités journalières « assurance sociale » dont il bénéficierait du chef de la maladie considérée. Le cas échéant sa situation au regard de l'assurance invalidité doit faire l'objet d'un nouvel examen.
Si l'intéressé s'est vu attribuer des réparations au titre du droit commun, le montant de celles-ci est déduit, pour l'avenir, des indemnités ou rentes dues au titre de la loi du 30 octobre 1946.
1.2.2. Contenu
En l'absence de dispositions expresses, il convient, conformément aux règles générales de notre droit, de considérer que les prestations, indemnités et rentes qui seraient attribuées en vertu des dispositions de l'article 4 de la loi du 28 novembre 1955 (3), ne pourront prendre effet à une date antérieure à celle de la publication de la loi.
En conséquence, les indemnités journalières qui seraient dues pour une incapacité temporaire en cours, seront servies à partir du 1er décembre 1955 ; il en sera de même du service des rentes lorsque la consolidation aura été acquise avant cette date.
Les indemnités et rentes dues en vertu des dispositions nouvelles se substitueront, le cas échéant et pour l'avenir, à celles dont l'intéressé pouvait bénéficier au titre des assurances sociales.
D'autre part, si l'intéressé a bénéficié de réparations au titre du droit commun, le montant de celles-ci sera, pour l'avenir, déduit des indemnités ou rentes dues en vertu de la loi du 28 novembre 1955.
1.3. Dispositions pratiques
1.3.1. Contenu
Dans tous les cas où la caisse de sécurité sociale est en mesure de le faire, elle doit spontanément examiner, au regard du nouveau tableau publié, la situation des assurés qui, ayant sollicité le bénéfice de l'assurance maladie, seraient, à sa connaissance, susceptibles d'entrer dans le champ d'application du tableau considéré. Il en sera ainsi notamment des dossiers qui, dès l'époque du règlement des prestations, ont retenu l'attention des services de la caisse, le caractère professionnel de la maladie ayant été signalé par le médecin traitant ou décelé par le médecin-conseil.
Il ne peut, évidemment, être question de reprendre tous les dossiers de maladie ; cependant, la caisse primaire ne doit pas hésiter à faire procéder aux recherches nécessaires, chaque fois qu'un élément quelconque le justifie, afin de répondre aux prescriptions de la loi et à sa mission sociale.
En vertu des dispositions de l'article 73 nouveau de la loi du 30 octobre 1946 les intéressés disposent, en tout cas, d'un délai de trois mois, à compter de la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau, pour adresser à la caisse leur déclaration de maladie professionnelle. La caisse devra inviter les requérants à préciser s'ils ont ou non bénéficié de prestations ou de réparations pour la maladie considérée.
Dans tous les cas, qu'elle ait agi d'office ou sur demande de l'intéressé et même lorsqu'il apparaît que la reconnaissance de droits nouveaux ne saurait aboutir à aucun effet pécuniaire immédiat pour le bénéficiaire, la caisse doit instruire le dossier dans les conditions générales. Il lui appartient notamment de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie et sur sa prise en charge au titre du nouveau tableau et de notifier sa décision à l'intéressé dans les formes légales. Elle doit également, selon les règles prévues par la loi, fixer la date de guérison ou de consolidation et notifier sa décision.
Mes services examinent les dispositions qu'il conviendrait de prendre en ce qui concerne la conservation des archives en vue de faciliter, dans l'avenir, l'application de ces dispositions.
Dès à présent, il convient tout au moins d'assurer l'identification et la conservation des dossiers constitués au titre de l'assurance maladie, pour des affections qui auraient été signalées par le médecin traitant comme susceptibles d'avoir une origine professionnelle.
A cet effet, le médecin traitant devra soit apposer sur l'ordonnance ou la feuille de maladie mention qu'une déclaration est faite, par lui, à l'inspection du travail en application de l'article 74 de la loi du 30 octobre 1946, soit adjoindre à la feuille de maladie un double de ladite déclaration, établie au moyen de l'imprimé S 6904. Dans ce cas, le malade devra remettre ce document à la caisse primaire de sécurité sociale en même temps que la feuille de maladie.
Bien entendu, dans le cas où la probabilité du caractère professionnel serait décelée non par le médecin traitant mais par le médecin-conseil de la caisse de sécurité sociale, il lui appartiendrait, en se conformant aux prescriptions de l'article 74 de la loi du 30 octobre 1946, d'apposer les mêmes mentions sur le dossier afin que toutes dispositions soient prises par la caisse en vue de la conservation du dossier.
1.3.2. Contenu
Vous avez dû, déjà, prendre des dispositions, d'une part, pour alerter les assurés susceptibles de se réclamer des dispositions nouvelles, d'autre part, pour exploiter d'office les dossiers ouverts au titre de l'assurance maladie dans tous les cas où vous êtes en mesure de le faire.
Les dossiers déjà existants, ainsi que ceux qui seront établis à partir des demandes formulées dans le délai de trois mois prévu à l'article 4 de la loi du 28 novembre 1955, devront être instruits, comme il est dit plus haut à propos des dispositions de l'article 71 nouveau de la loi du 30 octobre 1946, dans les conditions générales prévues par ladite loi.
Le médecin-conseil de la caisse devra, dans tous les cas, être appelé à donner son avis.
Les décisions devront être prises aussi rapidement que possible et notifiées dans les formes légales. Elles devront se référer aux dispositions de l'article 4 de la loi du 28 novembre 1955.
1.4. Incidence en ce qui concerne la tarification
1.4.1. Contenu
Les dépenses engagées par les organismes de sécurité sociale par suite de la prise en charge d'une victime dont la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale entre le 31 décembre 1946 et la date d'entrée en vigueur d'un nouveau tableau des maladies professionnelles seront inscrites dans les statistiques financières dans l'année où le premier paiement d'indemnité journalière au titre des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles aura effectivement eu lieu.
Toutefois, en raison de l'impossibilité de les imputer rétroactivement au compte de l'employeur au service duquel la victime a contracté la maladie, les dépenses précitées seront inscrites au compte spécial déjà prévu, en cette circonstance, pour la silicose professionnelle par la circulaire 56SS du 30 mars 1951 (1).
Le total des dépenses figurant à ce compte spécial sera ensuite compris dans les charges générales de l'assurance et supporté, ainsi, par l'ensemble des employeurs.
1.4.2. Contenu
Les instructions données au chapitre I du paragraphe d de la présente circulaire demeurent également applicables lorsqu'il s'agit de prestations et indemnités payées pour des maladies professionnelles déjà inscrites aux tableaux mais dont les victimes n'ont pas encore pu obtenir réparation parce que la première constatation médicale a eu lieu entre le 31 décembre 1946 et la date d'entrée en vigueur de la modification ou de l'adjonction du tableau à prendre en considération.
J'attacherais du prix à connaître les résultats de l'application de l'article 4 de la loi du 28 novembre 1955 ; pour chacun des tableaux des maladies professionnelles en cause :
Nombre de cas :
a). Décelés d'office ou déclarés ;
b). Donnant lieu à indemnisation et, parmi ces derniers : nombre de rentes attribuées ou en cours d'attribution.
Ces renseignements devront être fournis à MM. les directeurs régionaux de la sécurité sociale qui me les transmettront pour l'ensemble de leur région, au cours du quatrième trimestre 1956.
Vous voudrez bien, le cas échéant, me faire connaître également les difficultés que vous rencontreriez pour l'application des dispositions nouvelles.