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ÉTAT-MAJOR DE L'ARMÉE DE TERRE : Bureau effectifs-personnel

INSTRUCTION N° 754/DEF/EMAT/EP/L relative à la rédaction des rapports de commandement suite à un événement grave.

Du 12 mai 1989
NOR D E F T 8 9 6 1 0 6 2 J

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  130.2.2.1.

Référence de publication : BOC, p. 2761.

Un accident grave donne lieu à l'établissement de plusieurs types de rapports de commandement. Compte tenu des conséquences humaines ou matérielles, un soin tout particulier doit être apporté à leur rédaction.

On peut distinguer selon leurs finalités deux grandes catégories de rapports suite à un événement grave :

  • les rapports destinés, à titre de compte rendu, à l'information des autorités hiérarchiques afin de leur permettre de prendre les décisions disciplinaires voire judiciaires voulues et d'adopter les mesures préventives de nature technique ou réglementaire, propres à éviter la répétition de tels accidents ;

  • les rapports en vue de l'obtention d'une allocation ou d'une pension destinés essentiellement à permettre aux intéressés de bénéficier des prestations auxquelles ils ont droit à la suite de leur accident.

Ces deux types de rapports ont des objectifs très différents qui expliquent que leur élaboration soit soumise à des règles spécifiques à chacun d'eux.

1. Rapport de l'armée de terre.

Deux catégories de rapports sont à distinguer :

  • les rapports circonstanciés du chef de corps qui, dans le cadre de la procédure « guerre even », ont un caractère systématique et dont la contexture rappelée en annexe I est fixée par la directive no 179/DEF/EMAT/CAB/31 du 17 janvier 1989 (n.i. BO) ;

  • les rapports suite à une enquête de commandement décidée, en raison des circonstances de l'affaire, par le commandement en application de la directive no 1848/DEF/EMAT/CAB/11/DR du 9 septembre 1975 (n.i. BO). Les rapports de ces enquêtes, décidées au coup par coup, ont pour but d'apporter un complément d'information et de permettre à l'autorité militaire de se prononcer sur le respect ou non des règlements militaires. Ils sont de formes libres et varient en fonction du mandat donné à l'officier enquêteur. L'avis personnel de l'enquêteur peut être éventuellement recueilli sous une forme, verbale ou écrite, arrêtée par l'autorité qui a prescrit l'enquête.

La rédaction des deux types de rapports doit respecter les règles explicitées ci-après.

1.1. But des rapports.

Ces rapports sont destinés essentiellement à l'information des autorités hiérarchiques et à la prise de décision sur les suites éventuelles en matière disciplinaire, ainsi qu'à l'adoption des mesures propres à éviter le renouvellement des faits.

Dans le cadre d'une procédure judiciaire, ils peuvent être utilisés pour élaborer l'avis émis par le ministre de la défense ; leur communication peut, par ailleurs, être demandée par le procureur de la République ou par le juge d'instruction.

1.2. Utilisation des rapports.

1.2.1.

L'autorité militaire décidera, au vu du rapport, des suites à donner en matière disciplinaire dans la mesure où l'accident s'est produit en raison du non-respect ou de la violation consciente ou non des règles spécifiquement militaires, relatives au service des armes, à l'entraînement au combat, aux nécessités de la sécurité et à la disponibilité des forces.

Pour cela, le rédacteur doit se référer strictement aux textes réglementant l'activité en cause. Il doit s'attacher ainsi à faire apparaître, le cas échéant, ce qui aurait pu autoriser une dérogation aux règles ou constituer des circonstances atténuantes :

  • les mesures à prendre pour prévenir la répétition des faits ;

  • si les faits en cause constituent une infraction pénale (crime ou délit) dont la dénonciation au procureur de la République est exigée par l'article 40 du code de procédure pénale.

1.2.2.

Dans le cadre d'une procédure pénale, notamment en cas d'accident ayant entraîné mort d'homme ou blessures, l'autorité judiciaire (procureur ou juge) doit, de son côté, déterminer si les faits sont constitutifs d'une infraction pénalement sanctionnée par le code pénal ou le code de justice militaire.

Pour ce faire, elle recherche la (ou les) cause, si celle-ci a un caractère fautif et si cette faute est en relation certaine avec le dommage réalisé, la responsabilité de l'auteur de la faute étant engagée même si le lien de causalité est indirect.

Pour se prononcer, l'autorité judiciaire dispose des rapports de gendarmerie mais elle peut demander communication des rapports internes à l'armée de terre pour vérifier certains faits ou tirer parti de la position prise par l'autorité militaire. Aucun obstacle ne peut être opposé aux investigations du magistrat.

1.3. Rédaction des rapports.

En raison de leur importance, ces rapports doivent être rédigés avec un soin tout particulier.

Ainsi, il importe que :

  • les faits soient relatés de façon rigoureuse, détaillée et objective ;

  • les avis soient exprimés en termes adaptés :

    • faisant ressortir, si nécessaire, les fautes ou erreurs commises mais n'omettant pas de préciser les éventuelles circonstances atténuantes ;

    • ne mettant pas en cause la couverture sociale liée au service ;

    • soulignant, chaque fois que possible, dans les comportements, la spécificité des activités militaires.

Ces précautions à observer dans la rédaction des rapports ne doivent cependant pas nuire à leur clarté, par l'emploi de formules ambiguës, ou conduire à ne pas proposer des punitions pourtant justifiées.

Pour faciliter ce travail de rédaction, une « grille d'étude des causes » est proposée en annexe II.

2. Rapports en vue de l'obtentiond'une prestation.

La rédaction des rapports en vue de l'obtention d'une prestation ou d'une pension doit respecter les règles suivantes et peut s'inspirer du canevas figurant en annexe III.

2.1. Lien au service.

Sous réserve que soit établie l'imputabilité au service de l'accident ou de la maladie (accident en service ou en relation avec le service), les militaires sont susceptibles de bénéficier d'une pension militaire d'invalidité ou d'indemnités au titre des fonds de prévoyance ou de réparations complémentaires [art.L. 62 du code du service national ou loi 57-1424 du 31 décembre 1957 (BO/G, 1958, p. 292) sur les actions en responsabilité des dommages causés par les véhicules].

La recherche de l'imputabilité relève de la seule compétence de la commission de réforme des pensions, de la commission du fonds de prévoyance ou des bureaux contentieux-dommages. Eux seuls sont habilités à retenir ou non un lien de causalité entre un fait quelconque du service et l'accident ou la maladie du militaire. Il convient donc qu'aucune appréciation ne soit portée sur le lien au service.

2.2. La responsabilité.

L'affirmation de la responsabilité de la victime, alors que souvent les enquêtes n'ont pas encore abouti, est préjudiciable car elle peut compromettre l'octroi des pensions, allocations et prestations auxquelles les victimes peuvent prétendre. En effet, en droit français, la faute de la victime exonère en tout ou partie de l'obligation à réparer.

Il importe donc que l'autorité militaire ne se prononce pas sur le partage des responsabilités dans la survenance de l'accident.

2.3. Relation des faits.

Pour les raisons exposées aux paragraphes 21 et 22, le compte rendu rédigé par l'autorité militaire doit rapporter les événements ayant concouru à la réalisation de l'accident, ou étant à l'origine de la maladie, de la façon la plus objective et complète possible, sans aucune interprétation subjective ; le dossier de l'intéressé doit comporter la totalité des éléments afin de permettre aux instances habilitées de se prononcer sur l'octroi ou non d'une pension ou d'une allocation.

2.4. La spécificité de chaque allocation.

La victime d'un accident peut se voir accorder le bénéfice de plusieurs prestations qui peuvent se cumuler avec la pension d'invalidité. Chaque allocation nécessite la rédaction d'un rapport spécifique adapté aux conditions d'octroi qui doivent être prises en compte afin de démontrer que l'intéressé peut y prétendre.

Par exemple, dans le cas du fonds de prévoyance existe une gradation de possibilités : taux majoré pour risques exceptionnels, taux simple pour accidents en service, taux réduit lorsqu'il y a seulement une relation avec le service, versement éventuel d'un secours dans les autres cas lorsque la situation le justifie.

Remarque importante.

Les rapports d'enquête spécifiques à la procédure événement grave ne doivent en aucun cas figurer au dossier d'une demande de pension ou d'allocation du fonds de prévoyance ou autre.

2.5. Mise en valeur des données propres à chaque affaire.

2.5.1. Le rapport doit mettre en exergue tous les faits de nature à faciliter l'octroi d'une allocation la plus favorable à l'intéressé.

Deux exemples illustrent la manière dont les faits doivent être rapportés :

  • un militaire appelé perd un doigt, il a droit à une pension d'invalidité (quelques centaines de francs par mois) ; mais ce militaire était pianiste ou ébéniste, il est contraint de ce fait de renoncer à son travail ; il peut alors prétendre, en plus de la pension d'invalidité, à une allocation au titre des réparations complémentaires ouvertes par l'article L. 62 du code du service national. Celle-ci sera de l'ordre de plusieurs centaines de milliers de francs ;

  • un militaire est accidenté mortellement au cours d'une séance d'instruction d'auto-école. Il a droit à une allocation du fonds de prévoyance à taux normal. S'il est souligné qu'il s'agissait d'un engin blindé sans double commande et que le conducteur n'avait pas encore acquis l'expérience voulue, une allocation à taux majoré pour risques exceptionnels peut être demandée.

2.5.2. Il convient également de prendre en compte la manière de servir de l'intéressé.

En effet, dans le cas de décès à la suite d'une maladie (infarctus, cancer, etc.), la prise en compte des contraintes de service et de la manière de servir peut faciliter l'octroi d'une allocation qui, de prime abord, paraissait exclue : il est en effet possible de soutenir que la poursuite du travail, le dévouement à la tâche dans les jours qui ont précédé le décès, ont pu accélérer l'évolution de la maladie ; dans ce cas, une allocation du fonds de prévoyance doit être demandée en invoquant les contraintes de service.

2.5.3.

Avant la rédaction du rapport, il convient de prendre contact avec le commissariat administratif régional de l'armée de terre dont dépend la formation ou avec le bureau d'assistance aux familles, pour s'enquérir des procédures administratives à satisfaire.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le général,

sous-chef d'état-major organisation logistique,

BONTE.

Annexes

ANNEXE I. Rappel de la contexture du rapport circonstance « guerre EVEN  » définie par la directive n° 179/DEF/EMAT/CAB/31 du 17 janvier 1989 (n.i. BO).

I Circonstances.

Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ?

Etat des personnels, des matériels.

Impact médiatique.

II Analyse des faits, en fonction de la réglementation.

Enumération des dispositions impératives, ou à caractère facultatif, voire des simples recommandations.

Examen des faits en fonction de ces dispositions.

III Concuclusion.

Dans ce paragraphe, le rédacteur du rapport doit exprimer son intime conviction si elle est de nature à éclairer utilement les autorités destinataires.

S'il est fait état de présomptions ou de faits dont la preuve matérielle n'aura pu être apportée, le rédacteur doit le mentionner expressément, faisant bien ainsi ressortir qu'il s'agit de l'interprétation personnelle de l'enquêteur établie à partir de son expérience.

Ces observations subjectives peuvent ainsi moduler et tempérer la brutalité de la conclusion objective déduite du seul examen des faits constatés.

En cas d'accident grave ou mortel, elles permettent également de souligner éventuellement les conditions spécifiques de l'entraînement militaire, pouvant justifier une appréciation différente des circonstances de l'accident.

Indiquer si des examens complémentaires qui ne peuvent être faits avec les moyens dont dispose le rédacteur, permettraient de lever les incertitudes qui demeurent.

Mesures disciplinaires.

Suites proposées : statutaires ou judiciaires.

IV Prévention.

Mesures prises pour éviter le renouvellement des faits.

Propositions pour prévenir les accidents qui pourraient avoir les mêmes causes.

V Familles.

Information donnée aux familles des victimes.

Qualité des relations.

Indemnisation : démarches entreprises, différentes indemnités proposées.

VI Clôture de la procédure.

Si elle est possible ou raisons s'y opposant.

ANNEXE II.

ANNEXE III. Rapport établi pour l'obtention d'une allocation.

  • 1. Exposé des circonstances de l'événement à la suite duquel l'intéressé est décédé ou a été grièvement blessé.

  • Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ?

    Nature de l'activité (risques exceptionnels ou non).

    Circonstances particulières.

  • 2. Exposé des faits de nature à favoriser l'octroi de l'allocation au niveau le plus élevé possible.

  • Situation socio-familiale (nombre et âge des enfants, profession de l'épouse), conséquences sur celle-ci.

    Situation professionnelle.

    Nature de l'emploi tenu, conséquences professionnelles.

  • 3. Manière de servir.

Appuyer sur les points suivants s'ils sont de nature à faciliter l'octroi de la prestation :

  • Ardeur au travail.

  • Dévouement, disponibilité.

  • Influence des contraintes du service sur la maladie (exemple : l'infrastructure).