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CONTRÔLE GÉNÉRAL DES ARMÉES :

LOI DE NATIONALISATION N° 82-155 (titre I, titre IV, art. 39 à 51 et 53). (radié du BOEM du 108.1.1).

Du 11 février 1982
NOR

Référence de publication : BOC, p. 681.

L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE SÉNAT ONT DÉLIBÉRÉ,

L'ASSEMBLÉE NATIONALE AADOPTÉ,

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ADÉCLARÉ CONFORME À LA CONSTITUTION,

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

Niveau-Titre TITRE PREMIER. Nationalisation de cinq sociétés industrielles.

Art. 1er.

Sont nationalisées les sociétés suivantes :

  • compagnie générale d'électricité ;

  • compagnie de Saint-Gobain ;

  • Pechiney-Ugine-Kuhlmann ;

  • Rhône-Poulenc SA ;

  • Thomson-Brandt.

Art. 2.

La nationalisation des sociétés mentionnées à l'article premier est assurée par le transfert à l'Etat en toute propriété des actions représentant leur capital à la date de jouissance des obligations prévues à l'article 4. Toutefois, les personnes morales appartenant déjà au secteur public ou qui sont destinées à y entrer par l'effet de la présente loi peuvent conserver les actions qu'elles détiennent dans les sociétés mentionnées à l'article premier. Ces actions ne peuvent être cédées qu'à d'autres personnes morales appartenant également au secteur public ; elles peuvent aussi être échangées dans l'année qui suit la publication de la présente loi contre des obligations dans les conditions prévues à l'article 4.

Art. 3.

La législation commerciale, notamment les dispositions relatives aux sociétés anonymes de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 (JO du 26, p. 6402) modifiée, est applicable aux sociétés mentionnées à l'article premier pour autant qu'elle est compatible avec les dispositions de la présente loi.

Art. 4.

Les détenteurs d'actions transférées à l'Etat reçoivent, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, en échange de leurs actions, des obligations émises par la caisse nationale de l'industrie créée par l'article 11 de la présente loi et dont le service en intérêts, amortissements, frais et accessoires est garanti par l'Etat.

Ces obligations portent jouissance au 1er janvier 1982. Elles produisent un intérêt semestriel payable à terme échu et, pour la première fois, le 1er juillet 1982.

Cet intérêt est égal au taux de rendement des emprunts d'Etat dont le capital ou les intérêts ne sont pas indexés, émis à taux fixe et d'échéance finale supérieure à sept ans, constaté sur le marché secondaire de Paris par la caisse des dépôts et consignations durant les vingt-cinq premières semaines du semestre précédant sa fixation et, pour la première fois, du 1er juillet au 22 décembre 1981.

A compter du 1er janvier 1983, la caisse nationale de l'industrie rembourse ces obligations au pair, par voie de tirage au sort, dont les résultats sont publiés au Journal officiel, en quinze tranches annuelles sensiblement égales.

Ces obligations négociables sont inscrites à la cote officielle.

Art. 5.

La valeur d'échange des actions de chacune des sociétés est égale à la somme, majorée de 14 p. 100 :

  • du produit du nombre d'actions émises au 31 décembre 1981, par la moyenne des premiers cours cotés sur le marché du terme ou à défaut du comptant, la plus élevée de celles de chacun des six mois, d'octobre 1980 à mars 1981. Les cours sont ajustés pour tenir compte des opérations ayant affecté le capital de la société considérée au cours de la période allant du 1er octobre 1980 au 31 décembre 1981 ;

  • et du montant des sommes distribuées sous forme de dividendes au titre de l'exercice 1980.

La valeur d'échange de chaque action est égale à la somme ainsi déterminée divisée par le nombre d'actions émises au 31 décembre 1981 éventuellement augmenté du nombre de titres attribués gratuitement aux actionnaires entre le 1er janvier 1982 et la date de publication de la présente loi. Les dividendes et les acomptes sur dividendes éventuellement versés au titre de l'exercice 1981 aux actionnaires seront déduits de cette somme.

Art. 6.

Jusqu'à la réunion des nouveaux conseils d'administration désignés sans délai conformément à l'article 7, un administrateur général est nommé dans chaque société nationalisée par décret en conseil des ministres. Il assure l'administration et la direction générale de la société et dispose des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Les présidents des conseils d'administration, les administrateurs, les directeurs généraux, les membres du directoire ou du conseil de surveillance restent en fonction jusqu'à la nomination, dans les plus brefs délais, de l'administrateur général.

Les organes représentatifs des salariés restent en fonction et exercent la plénitude de leurs droits jusqu'à leur renouvellement.

Les commissaires aux comptes demeurent en fonction jusqu'à la réunion de l'assemblée générale qui suivra la publication de la présente loi.

Art. 7.

En attendant l'entrée en vigueur de la loi sur l'organisation et la démocratisation du secteur public, pour une période qui ne saurait excéder deux ans, les membres des conseils d'administration des sociétés mentionnées à l'article premier sont nommés par décret selon la répartition suivante :

  • sept représentants de l'Etat ;

  • six représentants des salariés de la société et de ses filiales françaises désignées selon les modalités prévues à l'article 8 ;

  • cinq personnalités choisies, en raison de leur compétence, dans des activités publiques et privées concernées par l'activité de la société ou en leur qualité de représentant des consommateurs.

Au terme de cette période, la composition du conseil d'administration, les critères et les modalités de désignation de ses membres seront modifiés ou précisés par la loi.

Art. 8.

Pendant la période visée à l'article 7, les représentants des salariés prévus à cet article sont désignés sur proposition des organisations syndicales de salariés reconnues les plus représentatives au plan national conformément à l'article L. 133-2 du code du travail.

Chacune de ces organisations a droit à un siège si elle dispose d'au moins un élu, soit au sein du comité d'entreprise ou de l'un des comités d'établissement de la société, soit au sein du comité d'entreprise d'une filiale française de cette société lorsque cette filiale groupe plus de 10 p. 100 du total des salariés de la société et de ses filiales françaises.

Les sièges qui restent disponibles après cette première attribution sont répartis à raison d'un siège par organisation syndicale dans l'ordre décroissant de représentativité qui découle du résultat des élections aux comités d'établissements ou au comité d'entreprise de la société et aux comités centraux d'entreprise de ses filiales françaises.

Chaque représentant des salariés doit avoir un contrat de travail correspondant à un emploi effectif dans la société ou l'une de ses filiales au moment de sa désignation. En outre, il doit y avoir exercé un emploi effectif pendant une période cumulée d'au moins deux ans au cours des cinq dernières années.

La fonction de membre du conseil d'administration est incompatible avec les mandats de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, de représentant syndical au comité d'entreprise, de délégué du personnel et de délégué au comité d'hygiène et de sécurité de la société et de ses filiales.

Dans le cas où un administrateur est investi ou viendrait à être investi de l'un de ces mandats, il est réputé démissionnaire d'office de sa fonction d'administrateur à moins qu'il ait, dans un délai d'un mois, renoncé à son mandat.

Les représentants des salariés au conseil d'administration disposeront des mêmes droits et moyens que les autres membres du conseil d'administration.

Pour leur permettre d'assurer leur mandat, les représentants des salariés au conseil d'administration disposeront au moins du même crédit d'heures que les membres des comités d'entreprise et de garanties équivalentes.

Art. 9.

Le président du conseil d'administration de chaque société est nommé parmi les membres du conseil d'administration et après avis de celui-ci, par décret en conseil des ministres, conformément à l' ordonnance 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique.

Il exerce les fonctions de directeur général. Il nomme aux emplois de direction.

Art. 10.

La société continue entre l'Etat et les seules personnes morales détentrices d'actions en vertu de l'article 2.

Lorsque les actions des sociétés nationalisées sont détenues en totalité par l'Etat, les pouvoirs de l'assemblée générale sont exercés par les administrateurs représentant l'Etat.

Art. 11.

Il est créé, sous la dénomination de caisse nationale de l'industrie, un établissement public national doté de l'autonomie financière.

Cet établissement a pour objet d'émettre les obligations visées à l'article 4, d'en assurer l'amortissement et le paiement des intérêts.

Les dépenses de la caisse sont couvertes par des dotations de l'Etat. Cependant, elle reçoit de chaque société concernée une redevance destinée à concourir au financement des intérêts servis aux porteurs d'obligations. Le montant de cette redevance est fixé chaque année dans la loi de finances, compte tenu des résultats de l'entreprise.

La caisse nationale de l'industrie est administrée par un conseil d'administration dont le président est nommé par décret et qui comprendra notamment deux représentants de l'assemblée nationale et un représentant du sénat.

Elle est habilitée, avec l'autorisation du ministre de l'économie et des finances, à contracter des emprunts qui peuvent bénéficier de la garantie de l'Etat.

.................... 

Niveau-Titre TITRE IV. Dispositions diverses.

Art. 39.

La présente loi n'ouvre pas aux employeurs déjà affiliés au régime défini par l'article L. 351-2 du code du travail la faculté prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 351-17 du même code.

Art. 40.

Dans les sociétés mentionnées aux articles premier, 12 et 29, toute modification du contrat de travail d'un membre du conseil d'administration représentant les salariés doit être préalablement soumise au conseil d'administration.

Art. 41.

Les obligations attribuées aux détenteurs d'actions transférées à l'Etat sont émises, par la caisse nationale de l'industrie ou par la caisse nationale des banques, au nominal de 5 000 francs avec dixièmes.

Les différences entre, d'une part, la valeur des obligations et des dixièmes d'obligations remis en échange des titres, regroupés par détenteur, des sociétés, banques et compagnies visées aux articles premier, 12-II a, 12-III et 29 et, d'autre part, la valeur de ces titres, sont remboursées dans les trois mois qui suivent la présentation, à condition que cette présentation intervienne dans l'année qui suit la publication de la présente loi.

La différence entre, d'une part, la valeur des obligations et des dixièmes d'obligations remis en échange des titres, regroupés par détenteur, des banques visées à l'article 12-II-b et, d'autre part, la valeur de ces titres, est remboursée dans les trois mois qui suivent la présentation, à condition que celle-ci intervienne avant le 30 juin 1983.

Les modalités de l'échange des titres et opérations de remboursement des rompus sont précisées par décret.

Art. 42.

Les obligations émises par la caisse nationale de l'industrie et la caisse nationale des banques, délivrées à titre d'indemnisation aux détenteurs d'actions transférées à l'Etat, pourront être utilisées comme moyen de paiement pour le rachat éventuel d'actifs détenus par les sociétés nationalisées par la présente loi. Dans ce cas, elles seront admises pour leur valeur nominale.

Art. 43.

Les obligations convertibles en actions émises par une société nationalisée cessent d'être convertibles à la date de publication de la présente loi. Leur porteur peut, dans un délai de trois mois à compter de la publication du décret prévu à l'article 41, opter pour la transformation de ces titres en obligations de la caisse nationale de l'industrie ou de la caisse nationale des banques, telles qu'elles sont définies par les articles 4, 15, 16 et 32 de la présente loi. Ce délai d'option est porté au 30 septembre 1982 pour les banques mentionnées à l'article 12-II-b. La transformation s'effectue sur la base du taux de conversion défini par le contrat d'émission.

Art. 44.

La caisse des dépôts et consignations recevra en consignation les obligations correspondant aux actions non présentées dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi.

Tant qu'elles n'auront pas été échangées, ces obligations ne participeront pas aux tirages au sort annuels. Celles qui seraient encore consignées le 1er janvier 1997 seront amorties en totalité à cette date et les sommes provenant de cet amortissement sont conservées par la caisse des dépôts et consignations jusqu'à l'expiration du délai de prescription ; le délai de prescription court à compter de la consignation de l'obligation.

Pour les banques visées à l'article 12-II-b, le délai d'un an prévu au premier alinéa du présent article court à compter du 1er juillet 1982 et la date prévue au deuxième alinéa est reportée au 1er juillet 1997.

Art. 45.

Les actions des sociétés nationalisées, déposées à la caisse des dépôts et consignations conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi no 77-4 du 3 janvier 1977 (JO du 4 janvier 1977, p. 76) modifiant l'article 189 bis du code de commerce et concernant les prescriptions en matière commerciale, sont de plein droit converties en obligations et conservées par ladite caisse dans les conditions prévues audit article.

Tant qu'elles n'auront pas été réclamées par leur titulaire, ces obligations ne participeront pas aux tirages au sort annuels. Celles qui seraient encore consignées le 1er janvier 1997 ou, pour les banques visées à l'article 12-II-b, le 1er juillet 1997, seront alors amorties en totalité et les sommes provenant de l'amortissement des obligations sont conservées dans les conditions prévues à l'alinéa précédent ; le délai de prescription court à compter de la conversion des actions en obligations.

Art. 46.

Les revenus des obligations prévues à l'alinéa premier des articles 4, 15, 16 et 32 sont assujettis aux dispositions fiscales applicables aux revenus des obligations à taux fixe émises par l'Etat.

Art. 47.

Lorsque des actions de sociétés nationalisées figurent à l'actif d'une entreprise, la plus-value ou la moins-value résultant de l'indemnisation prévue aux articles 4, 15, 16 et 32 ci-dessus n'est pas prise en compte pour la détermination du résultat imposable de l'exercice en cours lors de sa réalisation. Les titres reçus en échange sont inscrits au bilan pour la même valeur comptable que celle des titres ayant ouvert droit à l'indemnisation. Lors de la cession ou du remboursement de tout ou partie des nouveaux titres, d'une part, ceux-ci sont réputés avoir été acquis à la date à laquelle les actions des sociétés nationalisées avaient été acquises par l'entreprise, d'autre part, la plus-value ou la moins-value est déterminée à partir de la valeur que les actions des sociétés nationalisées avaient du point de vue fiscal dans les écritures de l'entreprise.

Art. 48.

Les dispositions des articles 92, 92 A, 92 B et 160 du code général des impôts ne sont pas applicables aux échanges de titres effectués dans le cadre de la présente loi.

En cas de vente des titres reçus en échange :

  • la plus ou moins-value est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ayant ouvert droit à l'indemnisation ;

  • la plus-value relève, le cas échéant, des dispositions de l'article 160 du code général des impôts, les conditions d'application de cet article étant appréciées à la date de l'échange.

Pour l'application de ces dispositions, le remboursement des titres reçus en échange est assimilé à une vente.

Art. 49.

Les opérations d'échange de titres effectuées en application des articles 4, 15, 16 et 32 ci-dessus ne donnent lieu à la perception d'aucun droit de timbre et d'enregistrement.

Art. 50.

Les obligations de la caisse nationale de l'industrie et de la caisse nationale des banques attribuées aux détenteurs d'actions transférées à l'Etat sont subrogées de plein droit à ces actions dans tous les cas où la loi, le règlement ou les contrats ont, soit prévu un emploi ou un remploi de fonds en actions, soit créé ou modifié les droits portant sur ces actions ; les opérations ainsi intervenues sur ces actions sont réputées avoir été effectuées avec les mêmes effets sur les obligations de la caisse nationale de l'industrie et de la caisse nationale des banques. Ces obligations sont également subrogées de plein droit aux actions détenues en application des dispositions relatives à l'actionnariat et à la participation des salariés. Elles n'ont alors pas à revêtir la forme nominative si elles sont déposées pendant la période d'incessibilité auprès d'un intermédiaire agréé choisi sur une liste fixée par décret.

Art. 51.

Une loi relative à l'organisation et à la démocratisation du secteur public, élaborée après consultation des organisations syndicales les plus représentatives, déterminera l'exercice des nouvelles responsabilités des travailleurs dans l'ensemble des entreprises du secteur public, notamment au niveau de l'atelier, des fonctions syndicales, des comités d'entreprise, des comités centraux d'entreprise, de comités de groupes d'entreprises et des conseils d'administration.

.................... 

Art. 53.

Il est créé un haut conseil du secteur public chargé de suivre l'évolution du secteur public, sa gestion et ses activités et de faire toutes propositions utiles dans un rapport publié tous les deux ans.

Le haut conseil du secteur public est composé de :

  • six députés et quatre sénateurs désignés par leur assemblée respective ;

  • cinq membres désignés par le gouvernement ;

  • cinq représentants des organisations syndicales de salariés les plus représentatives au plan national ;

  • cinq personnalités, cooptées par les vingt autres membres, choisies en raison de leur compétence particulière dans les secteurs d'activités concernés.

Les conditions d'application du présent article seront précisées et complétées, en tant que de besoin, par décret.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 11 février 1982.

FRANÇOIS MITTERRAND.

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Pierre MAUROY.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Robert BADINTER.

Le ministre des relations extérieures,

Claude CHEYSSON.

Le ministre de l'économie et des finances,

Jacques DELORS.

Le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget,

Laurent FABIUS.

Le ministre de l'industrie,

Pierre DREYFUS.

Le ministre du travail,

Jean AUROUX.

Le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de l'extension du secteur public,

Jean LE GARREC.