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DIRECTION DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE : Sous-Direction des études et du contentieux

CIRCULAIRE N° 332/695/P/DEF/DAJ/CX/3 concernant les directives aux services militaires régionaux chargés du contentieux et des dommages pour l'application en métropole et dans les départements d'outre-mer de la loi n° 82-621 du 21 juillet 1982 relative à l'instruction et au jugement des infractions en matière militaire et de sûreté de l'Etat et modifiant les codes de procédure pénale et de justice militaire.

Du 04 février 1983
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  361.1.

Référence de publication : BOC, 1986, p. 5251.

La loi 82-621 du 21 juillet 1982 (1) a supprimé en temps de paix les tribunaux permanents des forces armées sur le territoire de la République et donné compétence aux juridictions de droit commun pour connaître de toutes les infractions commises par des militaires. Les dispositions de cette loi sont entrées en vigueur le 1er janvier 1983 en application du décret 82-1146 du 29 décembre 1982 (2).

Désormais, les infractions militaires prévues par le livre III du code de justice militaire (3) ainsi que les crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service par des militaires relèvent de la compétence des juridictions spécialisées prévues par l'article 697 nouveau du code de procédure pénale, à savoir dans le ressort de chaque cour d'appel :

  • un tribunal de grande instance pour l'instruction de l'ensemble des infractions et pour le jugement des délits ;

  • une cour d'assises pour le jugement des crimes.

Par ailleurs, l'article 698-2 du code de procédure pénale précise qu'une action civile peut être exercée devant ces juridictions par ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. Cependant les personnes lésées ne peuvent seules mettre en mouvement l'action publique qui obéit à des procédures particulières.

La liste et le ressort des juridictions spécialisées ont été fixées par le décret 82-1120 du 23 décembre 1982 (4).

Ces juridictions sont compétentes à l'égard de toutes personnes majeures, auteurs ou complices ayant pris part à l'infraction (art. 697-1).

Elles jugent également les infractions d'ordre militaire ainsi que les crimes et délits de droit commun commis dans l'exécution du service par les gendarmes à l'exception toutefois des infractions de droit commun dont ils se sont rendus coupables dans l'exécution de leurs missions de police administrative ou judiciaire.

Tous les autres faits repréhensibles imputables à des militaires (infractions en dehors de l'exécution du service, infractions commises par des gendarmes dans l'exercice de leurs fonctions de police judiciaire ou de police administrative, contraventions) sont déférés aux juridictions ordinaires de droit commun. Ils sont jugés selon les règles habituelles de la procédure pénale.

Cette réforme ne manquera pas d'avoir des répercussions dans le domaine de vos attributions et il importe que vous soyez à même d'intervenir en temps utile tant pour faire assurer, s'il y a lieu, la défense des militaires traduits devant la juridiction pénale que pour prendre les dispositions nécessaires lorsqu'une action civile en réparation du dommage causé sera exercée ou susceptible d'être exercée.

La présente circulaire a pour but de préciser un certain nombre de règles à observer dès maintenant pour les affaires de l'espèce.

1. Dans le cadre de l'action pénale.

Les bureaux du contentieux et des dommages doivent être informés sans délai des poursuites pénales diligentées contre un militaire pour des infractions commises en service, particulièrement lorsque la nature des faits est susceptible de donner lieu à une constitution de partie civile. A cette fin, la plus étroite coordination doit être réalisée entre tous les services concernés et il importe que le commandement assure la diffusion de toutes directives utiles.

Conformément aux dispositions de l'article 325 de l'instruction générale no 670/MA/DAAJC/CX/3 du 2 décembre 1967 (5) que l'action soit exercée à l'occasion d'un accident de la circulation ou en toute autre circonstance, vous devez dès que vous êtes saisi ou que vous avez connaissance de la citation en justice d'un militaire et si celui-ci n'a pas estimé devoir lui-même faire choix d'un défenseur, désigner un avocat membre du conseil judiciaire des armées pour l'assister à condition toutefois :

  • que les faits soient survenus dans le service ou à l'occasion de l'exécution du service ;

  • qu'il n'y ait pas faute personnelle se détachant nettement de celui-ci.

L'intérêt du service doit cependant être pris en compte en priorité. Vous n'aurez donc pas, en règle générale, à intervenir pour les infractions d'ordre militaire prévues par le livre III du code de justice militaire.

En revanche, dans l'hypothèse de la faute personnelle détachable, si celle-ci a été commise dans le service ou à l'occasion du service, ou si les moyens de la faute ont été mis à la disposition du coupable par l'administration, conformément à la jurisprudence en ce domaine, la réparation du préjudice subi par les tiers peut être mise à la charge de l'Etat. Aussi, lorsque les faits ne sont pas dépourvus de tout lien avec le service, il vous appartient de juger, compte tenu des intérêts en jeu, de l'opportunité de faire assister le militaire concerné par un avocat du conseil judiciaire des armées.

Toutes directives utiles seront alors données à l'avocat désigné.

Lorsque l'affaire relève des juridictions spécialisées et qu'elle a été portée à tort devant une juridiction ordinaire de droit commun, l'incompétence de celle-ci sera soulevée.

Si l'inculpé désire se faire assister par un avocat de son choix, les honoraires dus à celui-ci pourront être pris en charge par le département sur la base des tarifs généralement pratiqués dans des situations identiques pour les avocats du conseil judiciaire des armées, sous réserve de l'accord préalable de l'administration centrale (DAJ) (6). La demande de l'intéressé sera transmise avec vos propositions accompagnées de l'avis du commandement et de tous éléments d'appréciation dont vous disposerez.

Le règlement des frais de justice afférents aux poursuites est effectué dans les conditions prévues à l'article 362 de l'instruction générale no 670 (alinéas 6, 7, 8).

2. S'agissant de l'action civile accessoire à l'action pénale.

Toute faute de service commise par un agent de l'Etat engage la seule responsabilité de l'Etat et il importe que cet agent soit mis hors de cause en ce qui concerne la réparation du préjudice subi par les tiers.

Les militaires bénéficient à ce titre de la garantie prévue par l'article 16 de la loi du 13 juillet 1972 (7) portant statut général des militaires aux termes duquel :

« En cas de poursuites exercées par un tiers contre des militaires pour faute de service sans que le conflit d'attribution ait été élevé, l'Etat doit, dans la mesure ou aucune faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions n'a été commise, les couvrir des condamnations civiles prononcées contre eux. »

D'autre part, dans le domaine des accidents dans lesquels sont impliqués des véhicules administratifs, la loi du 31 décembre 1957 (8) prévoit que la personne morale de droit public est substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions.

Deux hypothèses doivent être envisagées :

  • a).  Un tribunal judiciaire a été saisi d'une action civile qui relève de la compétence de la juridiction administrative.

    Conformément aux dispositions de l'article 305 de l'instruction générale no 670/MA/DAAJC/CX/3 du 2 décembre 1967 (5) vous devez inviter l'avocat à soulever l'incompétence de ce tribunal, en ce qui concerne l'action civile, et rendre compte sans délai des dispositions prises à l'administration centrale en joignant une photocopie de l'assignation ou de la citation ainsi qu'un rapport succinct sur les faits.

    Si le tribunal se déclare malgré tout compétent, appel du jugement rendu est immédiatement interjeté. Lorsque la juridiction saisie s'est déclarée incompétente et qu'un appel a été formé par la partie adverse, il convient de demander à l'avocat de conclure à la confirmation du jugement.

    Dans les deux cas, copies de ce jugement et de l'acte d'appel sont transmises de toute urgence à l'administration centrale qui engage la procédure du déclinatoire de compétence et fait éventuellement élever le conflit.

  • b).  L'action civile relève de la compétence des tribunaux judiciaires.

    L'avocat est prié de conclure à l'irrecevabilité de toute action dirigée contre le militaire inculpé et à sa mise hors de cause en ce qui concerne les indemnisations dues (art. 328 de l'IG no 670).

    Par ailleurs, en application de l'article 38 de la loi du 03 avril 1955 (9), sauf exceptions prévues par des lois particulières telles qu'elles sont indiquées dans les BOEM 460* et 461*, l'agent judiciaire du Trésor (AJT) est seul habilité, sous peine de nullité, à représenter l'Etat en justice devant les tribunaux judiciaires.

    En conséquence, lorsqu'une citation destinée à mettre en jeu la responsabilité pécuniaire de l'Etat est parvenue à une autorité militaire quelconque, l'avocat du conseil judiciaire des armées est invité à conclure à la nullité de la citation et à la mise hors de cause de l'autorité dont il s'agit (cf. art. 329 IG no 670).

Si l'agent judiciaire du Trésor a été régulièrement assigné en justice, c'est en principe son avocat qui est chargé de la défense des intérêts civils de l'Etat et ce n'est qu'avec l'accord de l'AJT ou sur sa demande que l'avocat du conseil judiciaire des armées peut être amené à assurer cette défense.

Vous voudrez bien rendre compte sans délai, sous le présent timbre, de toutes les difficultés que vous pourrez rencontrer.

Compte tenu des règles de compétence applicables aux tribunaux qui auront à connaître de ces affaires, si la juridiction saisie se situe hors du champ de vos attributions, il est de la plus haute importance, en raison des impératifs de la procédure pénale et notamment des délais impartis, que vous vous mettiez immédiatement en rapport avec le bureau régional correspondant à cette juridiction et que vous restiez en étroite liaison avec lui.

J'appelle également votre attention sur la nécessité d'instruire et de régler les dossiers de dommages imputables aux armées avec la plus grande diligence afin d'éviter des instances judiciaires susceptibles d'être préjudiciables aux intérêts du Trésor. A cette fin, dans la mesure où la responsabilité de l'Etat apparaît indiscutablement engagée, en totalité ou en partie, le versement rapide de provisions est particulièrement recommandé.

Notes

    7BOC/SC, p. 784 ; BOC/G, p. 1001, BOC/M, p. 950, BOC/A, p. 595.8Loi n° 57-1424 (BO/G, 1958, p. 292 ; BO/A, 1958, p. 45).9Loi n° 55-366 (BO/G, 1956, p. 546, BO/M, p. 1787.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le directeur des affaires juridiques,

J.-C. ROQUEPLO.