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CONTRÔLE GÉNÉRAL DES ARMÉES :

CIRCULAIRE N° 2649/DEF/CGA/AMG/RM relative à la procédure à respecter en cas de dépôt de bilan, de règlement judiciaire ou de liquidation des biens d'une entreprise titulaire de marchés passés par les services du ministère de la défense ou susceptible de se voir attribuer des marchés de ces services.

Du 20 mai 1983
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  330.1.1.3.

Référence de publication : BOC, p. 2734.

INTRODUCTION.

Plus de 27 000 marchés publics sont conclus chaque année par les services du ministère de la défense. Ils représentaient en 1980, un montant de près de 45 milliards de francs et portaient sur les objets les plus divers : travaux, fournitures, services ou études.

A un moment où la crise économique multiplie les difficultés des entreprises, ces quelques chiffres soulignent l'importance et l'actualité des problèmes posés par le règlement judiciaire ou la liquidation des biens des cocontractants de l'administration.

Devant l'acuité de ces problèmes, et la complexité des questions juridiques soulevées, il est important que les services de l'Etat connaissent de manière claire et précise la procédure à suivre dans une telle situation, ne serait-ce que pour éviter les périodes d'atermoiement, source de préjudice financier à l'encontre de toutes les parties.

C'est à l'étude de toutes ces questions que la présente instruction a pour ambition de répondre. L'attention est attirée sur le fait que les directives qui suivent sont d'ordre général, et peuvent parfois être renforcées par des mesures plus spécifiques ou par des directives particulières des directions centrales.

Aussi, lorsque des questions juridiques de principe soulevées le nécessitent, la personne responsable du marché peut-elle solliciter le conseil de la direction des affaires juridiques, qui dans cette hypothèse doit être saisie du dossier complet de l'affaire. Il en est ainsi dans les cas où l'Etat se trouve partie au procès. Cette direction est chargée également d'une action de coordination lorsque plusieurs services sont en relations contractuelles avec une même entreprise en difficulté.

Avant d'aborder les différents moyens offerts à l'administration, il convient de rappeler les notions générales de la procédure de règlement judiciaire et de liquidation des biens.

1. Généralités de la procédure de réglement judiciaire et de liquidation des biens.

Lorsqu'une entreprise cesse ses paiements (voir lexique), elle doit dans les quinze jours, en faire la déclaration au greffe du tribunal compétent.

A partir de cette déclaration, souvent appelée dans la pratique « dépôt de bilan », le tribunal prononce, par jugement déclaratif, soit le règlement judiciaire, soit la liquidation des biens (1) :

  • a).  Le règlement judiciaire (art. 24, loi du 13 juillet 1967) (2).

    L'exploitation peut alors être continuée avec l'autorisation du juge-commissaire pour une période de trois mois au plus, et par le tribunal au-delà de cette durée. Cependant, cette autorisation de poursuite étant susceptible d'être à tout moment retirée, l'attention des services est appelée sur les mesures de surveillance qu'ils doivent de ce fait exercer.

  • b).  La liquidation des biens (art. 25, loi du 13 juillet 1967) (2).

    Dans ce cas, la continuation de l'exploitation ne peut être autorisée par le tribunal que pour les besoins de la liquidation et si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige impérieusement. Exemple : la poursuite d'un important marché d'armement.

    Le jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens constitue les créanciers en une masse (voir lexique) (art. 13, alinéa 1er de la loi de 1967) et nomme pour la représenter un syndic*.

L'étendue des pouvoirs du syndic varie selon la nature de la procédure retenue :

  • a).  Le règlement judiciaire (art. 14, loi du 13 juillet 1967) (2).

    Son but est de sauvegarder le patrimoine en vue d'assurer le rétablissement du débiteur (ou entrepreneur) dans son exploitation après le concordat (voir lexique). Aussi, le dessaisissement du débiteur défaillant est-il atténué : en règle générale, le syndic (ès qualité ou en tant qu'organe de la masse) ne représente pas le débiteur, il l'assiste. Le débiteur ne peut pas agir sans l'assistance du syndic et le syndic ne peut pas agir seul.

    Par exception, si le débiteur refuse de faire un acte nécessaire à la sauvegarde de son patrimoine, le syndic peut y procéder seul, avec l'autorisation du juge-commissaire.

  • b).  La liquidation des biens (art. 15, loi du 13 juillet 1967) (2).

    Son but est d'éliminer les entreprises économiquement condamnées. Aussi, le débiteur est-il dessaisi de l'administration de son patrimoine. Le syndic mandataire de justice, lui est substitué pour procéder à la vente de tous ses biens et au règlement général de ses dettes.

2. Précautions et conduite de l'administration face à une entreprise en difficultés financières.

2.1. Précautions à prendre par les services de l'Etat face à une entreprise dont la situation financière paraît précaire.

Avant la passation d'un marché ou si des doutes naissent en cours d'exécution d'un marché, les services de l'Etat peuvent consulter des organismes administratifs en vue d'assurer le dépistage des entreprises en difficultés.

Au niveau local, le comité départemental d'aide aux entreprises en difficultés (CODEFI) (3), présidé par le commissaire de la République et réunissant le trésorier-payeur-général, vice-président, le directeur départemental de la banque de France et les services fiscaux, peut être consulté pour lever les hésitations sur la situation réelle d'une entreprise.

Toutefois, cette consultation doit rester discrète et exceptionnelle pour préserver le climat de confiance qui existe dans les relations entre le CODEFI et les entreprises.

Au niveau central, le contrôle général des armées (réglementation des marchés) et la délégation générale pour l'armement (direction des programmes et des affaires industrielles de l'armement, le service central de la production, des prix et de la maintenance à la direction technique des constructions aéronautiques) disposent d'informations nombreuses et ont accès aux fichiers de la banque de France.

Cette consultation permet d'obtenir deux types de renseignements :

  • d'une part, fixation d'une cotation de l'entreprise avec laquelle il est envisagé de traiter ;

  • d'autre part, appréciation de la capacité de redressement d'une entreprise qui connaît des difficultés.

2.2. Conduite à tenir par les services face à une entreprise, titulaire de marchés, en difficultés financières reconnues.

Dès qu'un service négociateur ou un service chargé de la surveillance ou du contrôle des marchés constate ou prévoit des difficultés financières chez un fournisseur ayant des marchés en cours d'exécution ou avec lequel un marché est sur le point d'être conclu, il doit communiquer les renseignements dont il dispose à l'échelon supérieur le plus qualifié pour les exploiter.

Il est demandé aux directions et services de prévoir, chacun en ce qui le concerne, l'organisation de cette transmission de renseignements et de leur exploitation, conformément aux dispositions de la présente circulaire.

3. Conduite de l'administration face à une entreprise admise au bénéfice du réglement judiciaire ou soumise à la liquidation des biens.

3.1. Possibilités de soumissionner en vue de l'attribution d'un marché.

3.1.1. Entreprise en règlement judiciaire.

L'entreprise admise au bénéfice du règlement judiciaire peut soumissionner sous réserve des deux conditions prévues par l'article 48, alinéa 2 du code des marchés publics :

« Les personnes physiques ou morales admises au règlement judiciaire doivent justifier qu'elles ont été habilitées à poursuivre leur activité (4) et qu'elles ont reçu une autorisation spéciale de soumissionner émanant de la personne responsable du marché. »

Ainsi, l'entreprise peut-elle soumissionner à un appel d'offres ouvert, sous réserve d'une autorisation spéciale émanant de la personne responsable du marché (5). La négociation ou l'appel d'offres restreint valent autorisation.

L'attention des services est appelée sur le fait que l'expression « soumissionner » prévue à l'article 48, alinéa 2 du code des marchés publics ne doit pas être retenue dans son énoncé le plus strict. En effet, la procédure visée est valable aussi bien pour les marchés passés par adjudication, que pour ceux passés sur appel d'offres (ouvert ou restreint) ou sous forme de marchés négociés.

3.1.2. Entreprise en liquidation des biens.

Lorsqu'une entreprise est soumise à une liquidation des biens, l'article 48, alinéa 1 du code des marchés publics précise :

« Les personnes physiques ou morales en état de liquidation des biens et les personnes physiques dont la faillite personnelle (voir lexique) a été prononcée ne sont pas admises à soumissionner. Aucun marché ne peut leur être attribué. »

En résumé, une entreprise en règlement judiciaire peut recevoir un marché de l'Etat, sous les deux conditions précitées. Mais cette possibilité n'est plus ouverte dès lors que l'entreprise est en liquidation des biens, même si elle devait poursuivre son activité pour les besoins de la liquidation.

3.2. Conduite à tenir par l'administration pour sauvegarder ses intérêts.

3.2.1. Mesure conservatoire générale.

La loi du 12 mai 1980 (6) relative aux effets de la clause de réserve de propriété dans les contrats de vente, modifiant l'article 65 de la loi du 13 juillet 1967, autorise, même après le jugement déclaratif de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, le vendeur des marchandises à revendiquer celles-ci à la seule condition qu'il ait inclus dans le contrat de vente, une clause suspendant le transfert de propriété jusqu'au paiement du prix.

Aussi, un conflit pourrait-il apparaître entre :

  • d'une part, le vendeur de la marchandise, propriétaire jusqu'au paiement intégral du prix ;

  • d'autre part, l'Etat qui, sur la base de l'article 137 du code des marchés publics devient propriétaire des approvisionnements au fur et à mesure du versement des acomptes.

Cependant, l'article 163 du code des marchés publics précise que l'administration ne doit verser d'acomptes qu'à la condition expresse que le titulaire du marché ait acquis en toute propriété les approvisionnements.

En conséquence, afin d'éviter que la clause de réserve de propriété n'affecte les droits de l'Etat, il est recommandé aux services négociateurs de n'accorder les acomptes sur approvisionnements qu'à la condition que le titulaire fournisse les justifications appropriées, notamment la preuve de leur paiement (art. 163, alinéa 1er de l'inst. du 29 décembre 1972 modifiée) (7).

3.2.2. Mesures conservatoires spéciales.

3.2.2.1.

A prendre dès que la cessation des paiements est établie.

Lorsque le fournisseur a déposé son bilan, des mesures conservatoires peuvent être prises par les services :

  • suspension de toute notification de marché ou d'acte additionnel : lorsque la mise en état de liquidation des biens ou de faillite personnelle intervient après l'ouverture des soumissions ou des offres, ou à l'issue des pourparlers engagés pour la conclusion des marchés négociés, ces soumissions ou offres se trouvent entachées de nullité et le marché ne peut être attribué à ces personnes ou sociétés ;

  • suspension provisoire des paiements (cas particulier des sous-traitants : voir lexique, in fine, réf. 13) : la personne responsable du marché doit veiller à ce que cette mesure n'entraîne pas le paiement par l'administration d'intérêts moratoires ;

  • suspension de toute mesure d'exonération de pénalités ;

  • suspension de tout sursis de livraison ;

  • suspension de toute prolongation de délai d'exécution ;

  • dans le cas d'un marché classé de défense impliquant la détention d'informations classifiées par le titulaire, le service préviendra la direction de la protection et de la sécurité de la défense, afin que soient prises les mesures prévues pour assurer la protection du secret (8).

Le service négociateur ou le service chargé de la surveillance ou du contrôle des marchés doit prendre de lui-même de telles mesures conservatoires et rendre compte à la direction centrale dont il relève, dans les conditions prévues ci-dessus (II.2).

3.2.2.2.

A prendre dès le prononcé du jugement déclaratif de règlement judiciaire ou de liquidation des biens.

Les mesures à prendre peuvent être de trois sortes :

  • transmission des principaux renseignements à l'administration centrale ;

  • détermination et production des créances ;

  • paiement des sommes dues par l'Etat au titre des marchés.

3.2.2.2.1.

La transmission des principaux renseignements à l'administration centrale.

La personne responsable du marché, suivant les modalités précisées par la direction centrale dont elle relève, adresse au fur et à mesure de leur connaissance, les documents et renseignements suivants.

  • a).  Renseignements tenant à l'ouverture de la procédure :

    • désignation précise du tribunal saisi et date du jugement déclaratif ;

    • copie de ce jugement ;

    • nom du juge-commissaire (voir lexique), nom et adresse du syndic (voir lexique), date limite pour procédure (III.2.2.2) ;

    • nom et adresse des contrôleurs désignés par le juge-commissaire ;

    • autorisation accordée ou non de poursuivre l'exploitation ;

    • liste des usines du fournisseur, lieu d'exécution du marché ;

    • éventuellement, groupes financiers ou entreprises industrielles envisageant de reprendre l'exploitation (exemple : reprise du fonds de commerce en gérance, et si tel est le cas, copie du contrat de gérance).

  • b).  Renseignements spécifiques tenant aux marchés (9).

Matériels ou matières.

Si des matériels ou des matières appartenant à l'Etat sont détenus par un fournisseur (titulaire du marché) admis au bénéfice du règlement judiciaire ou soumis à la liquidation des biens, les comptables matières fourniront immédiatement les renseignements indispensables à la personne responsable du marché en vue des négociations avec le syndic.

Une telle initiative permettra de revendiquer au nom de l'administration la propriété des matériels, à condition toutefois que soient remplies les conditions suivantes :

  • prouver que l'administration en est restée propriétaire ;

  • démontrer que les matériels se retrouvent en nature et sont individualisés.

Etat financier et technique des marchés.

Les services responsables adresseront aux personnes chargées des négociations avec le syndic, les renseignements suivants :

  • la liste des paiements faits à titre d'avance, d'acompte (même ceux versés aux sous-traitants avec l'accord du titulaire) ;

  • le montant des pénalités encourues, ainsi que le montant des exonérations ;

  • l'état des livraisons et des sursis d'exécution déjà accordés ;

  • le nantissement des marchés et auprès de quels établissements de crédit.

Ces informations permettront à la personne responsable de délimiter le volume de ses créances, et de les produire entre les mains du syndic dans les délais prévus par les textes (voir infra III.2.2.2.2). Les renseignements énumérés ci-dessus ne sont pas limitatifs. Toute information susceptible d'apporter un élément supplémentaire d'appréciation peut être jointe.

3.2.2.2.2. La détermination et la production des créances. (10)

La production des créances, dont l'initiative revient à la personne responsable du marché, est une mesure conservatoire qui permet :

  • d'évaluer le passif total du débiteur ;

  • de reconnaître les droits des créanciers.

Ainsi, l'Etat peut-il par cette procédure sauvegarder ses intérêts.

La règle s'applique à tous ceux qui se prétendent créanciers pour une cause antérieure (créanciers dans la masse) au jugement de règlement judiciaire ou de liquidation des biens, qu'ils aient ou non engagé une instance en vue de faire reconnaître leur droit avant le jugement.

Par contre, les créanciers de la masse, c'est-à-dire ceux dont les créances sont postérieures au jugement déclaratif ne sont pas obligés de les produire (11).

Le service négociateur du marché doit produire ses créances :

  • avec rapidité, puisque les délais pour produire sont brefs [cf. infra a] ;

  • avec exhaustivité, car il n'est pas nécessairement le seul en rapport avec le fournisseur.

Les créances produites, deux situations peuvent se présenter :

  • a).  La production des créances.

    La production des créances est une mesure conservatoire utile entre le jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens, et la signature par le syndic de la décision permettant la poursuite du marché.

    Si, après cette signature, le marché n'était pas exécuté ou ne l'était qu'imparfaitement, les créances au profit de l'Etat deviendraient des créances sur la masse (12) non soumises à la loi du dividende (voir lexique).

    Si le syndic, tout en faisant poursuivre l'achèvement du marché, se refuse à signer quelque acte que ce soit ou refuse de s'engager à prendre en charge l'ensemble du marché, la créance serait alors une créance dans la masse, soumise à la loi du dividende. L'Administration se réserve, dans ce cas, la possibilité de mettre fin au marché.

  • b).  Modification dans le délai légal du montant des créances produites.

    Les créances doivent être produites dans le délai de 15 jours à partir du jugement déclaratif. A défaut, les créanciers inscrits au bilan sont avertis par une lettre du syndic :

    • lettres ordinaires aux créanciers chirographaires* (voir lexique) ;

    • lettres recommandées aux titulaires de sûretés réelles* (voir lexique).

    En outre, le syndic fait paraître un avis dans un journal d'annonces légales et une insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODAC). Cette dernière insertion ouvre un nouveau délai de 15 jours pour opérer les productions (décret 1967, art. 47).

Après l'expiration de ce délai, les créanciers ne peuvent plus que solliciter la levée de la forclusion qui sanctionne leur négligence. En dehors de cette dernière hypothèse, il se peut que le créancier ait des difficultés à établir dans le délai légal le montant exact de la créance. Il en est ainsi de :

  • l'indemnité de résiliation, créance à naître, comprend essentiellement le supplément de pénalités pour retard et les dommages et intérêts pour inexécution calculés selon les dispositions contractuelles ou réglementaires applicables au marché ;

  • l'indemnité pour préjudice réel supporté par l'Etat (lorsqu'au retard succède l'inexécution du marché) et éventuellement d'autres créances.

Ainsi, pour les postes dont le montant exact ne serait pas déjà connu (créances à naître), est-il nécessaire d'établir une évaluation forfaitaire prévisionnelle arrêtée en francs.

3.2.2.2.3. Le paiement des sommes dues par l'Etat au titre des marchés.

Parmi les mesures conservatoires prises par l'Etat (III.2.1) figure la suspension des paiements. Ces derniers seront repris dès que le syndic aura fait connaître à quel compte courant les sommes dues doivent être versées :

  • soit au compte du titulaire du marché ;

  • soit au compte du syndic ;

  • soit à un compte ouvert spécialement.

Seul le comptable du Trésor assignataire des dépenses faites au titre d'un marché apprécie, après consultation du syndic, si un créancier nanti de l'entreprise en règlement judiciaire ou en liquidation des biens, doit ou non être payé par préférence à d'autres créanciers. En aucun cas, il n'appartient au service liquidateur de prendre l'initiative de faire payer directement un créancier nanti, fût-ce sur réclamation de celui-ci ou sur demande d'un comptable du Trésor. Si le syndic demandait que le paiement soit fait directement au profit du créancier nanti, il y aurait lieu de lui faire connaître que cette demande doit être présentée par ses soins au comptable du Trésor assignataire des dépenses correspondantes, seul compétent pour décider du versement entre les mains du créancier nanti.

3.3. L'action du Syndic. Ses rapports avec l'administration.

De façon générale, aucun engagement à l'égard de l'administration n'est possible sans la signature du syndic.

Les cahiers des clauses administratives générales, autres que celui applicable aux marchés industriels, accordent un délai d'un mois au syndic, à compter de la décision de justice intervenue, pour prendre une décision.

Le cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés industriels précise seulement que la personne publique doit fixer un délai approprié à la complexité et à l'urgence du marché. Ce délai doit être fixé immédiatement après la décision de justice, par lettre recommandée de la personne responsable du marché, avec accusé de réception.

Aussi, est-il nécessaire lorsque le syndic n'en prend pas l'initiative, que des pourparlers soient engagés dès que possible pour qu'il accepte de poursuivre l'exécution des marchés. Un accord écrit sans forme particulière doit être recherché.

3.3.1. La poursuite du marché après le jugement déclaratif.

Elle peut s'effectuer selon les modalités ci-après :

3.3.1.1. L'entreprise poursuit l'exécution du marché sous l'autorité du syndic. (13)

Au terme de l'article 38, loi du 13 juillet 1967, sur le règlement judiciaire, si le syndic a la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours, il doit fournir la prestation promise à l'autre partie. Ainsi, le syndic doit-il achever aux conditions initiales de prix, de délai, de qualité et de quantité l'exécution des marchés en cours, lors de la cessation des paiements. L'exécution du contrat se poursuit sans nécessiter l'intervention d'un avenant (14).

Si le syndic entend subordonner l'exécution du contrat à l'acceptation d'un supplément de prix, le service concerné pourra, en fonction de critères d'opportunité, donner une suite favorable ou résilier le marché. La conclusion d'un avenant au marché est dans ce cas nécessaire.

Les acomptes et avances n'ont aucune réduction à supporter par la loi du dividende (uniquement après le jugement déclaratif).

La caution est autorisée à produire dans la liquidation des biens du débiteur avant même d'avoir payé (art. 2032, 2e code civil).

Situation des créances nées de l'exécution et de la poursuite des marchés :

  • a).  Pour les créances provenant de contrats exécutés et non liquidés ou pour des créances non encore recouvrées à la date du jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens, l'Etat est créancier dans la masse.

  • b).  Pour les créances nées des engagements pris par le syndic au nom de la masse en vue d'achever un marché, l'Etat ne figure plus dans la masse des créanciers. Il est alors créancier de la masse.

Toutes compensations pécuniaires peuvent être faites même après la cessation des paiements à l'intérieur du marché dont l'exécution est poursuivie.

Il est à noter que le service chargé de la négociation avec le syndic dispose, pour parvenir à une poursuite du marché aux conditions initiales de prix, de qualité et de quantité, d'une certaine marge de négociation, dont le contenu peut être le suivant :

  • remise des pénalités pour retard ;

  • prolongation des délais contractuels d'exécution, sans supplément de prix, si le marché est à prix révisable ;

  • versement d'avances et d'acomptes après la cessation des paiements qui ne supportent pas de réduction par la loi du dividende.

3.3.1.2.

L'entreprise poursuit l'exécution du marché dans le cadre d'une location-gérance.

Lorsque les dirigeants n'ont pas été autorisés à continuer personnellement l'exploitation avec l'assistance du syndic, le tribunal peut habiliter ce dernier à conclure un contrat de location-gérance de l'entreprise (art. 27 de la loi du 13 juillet 1967).

La location-gérance est possible, même si les baux conclus avant la loi précitée prévoyaient une clause contraire. Elle a un caractère d'ordre public justifié par l'intérêt des créanciers.

La location-gérance doit être autorisée par le tribunal qui pourra décider à tout moment de sa résiliation, s'il s'avère que le preneur diminue les garanties qu'il avait données (art. 28 de la loi de 1967).

Le changement de titulaire du marché nécessite la passation d'un avenant signé (15) :

  • par l'ancien et le nouveau titulaire, ainsi que le syndic et la personne responsable, en cas de règlement judiciaire ;

  • par le nouveau titulaire, le syndic et la personne responsable, en cas de liquidation des biens.

Le contrat de location-gérance doit donc prévoir et sanctionner les manquements du gérant à ses obligations. Le service de l'Etat co-contractant avec l'entreprise peut avoir en ce domaine un rôle déterminant. Sur son initiative, en effet, le contrat de location-gérance peut prévoir la résiliation, prononcée en référé, à la suite de certains manquements tels que, par exemple, le défaut de paiement des redevances de location. L'avenant de transfert doit prévoir l'obligation d'informer le service de la décision de résiliation.

3.3.2. Résiliation du marché et conséquences :

Lorsque le syndic n'use pas de la faculté de poursuivre l'exécution du marché après le jugement déclaratif, la résiliation est effective. Cette résiliation ne peut intervenir à une date antérieure à celle du jugement déclaratif (Cf. Cahier des clauses administratives générales).

Cette résiliation peut porter préjudice à l'administration et la question se pose alors de leur éventuelle réparation :

  • a).  En doit commun, si le contrat n'est pas exécuté, c'est par la faute contractuelle du débiteur en état de cessation des paiements. Le co-contractant lésé peut donc réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice causé à la suite de la résiliation (art. 38, alinéa 2, loi de 1967).

  • b).  En matière de marchés publics, seul le cahiers des clauses administratives générales/marchés industriels (commentaires) précise : « Si le syndic n'use pas de la faculté de poursuivre l'exécution du marché, cette abstention peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit de la personne publique ».

Les autres cahiers des clauses administratives générales restent muets sur ce point.

Toutefois, il y a lieu de considérer que cette disposition du cahier des clauses administratives générales/marchés industriels n'est que le rappel de la théorie générale des marchés publics que le contractant de l'administration est tenu de ses fautes contractuelles et que si les dommages et intérêts pour retard sont plafonnés par des barèmes, il n'en est pas de même en cas d'inexécution du marché et de résiliation de celui-ci.

Sur ce point, la jurisprudence du conseil d'Etat (15 octobre 1965, société entreprise Perignon c/commune du Pecq) (Lebon p. 522) est très claire : « La résiliation du marché interdit de passer un marché au frais et risques… toutefois, le maître de l'œuvre est en droit d'obtenir réparation du préjudice que la résiliation a pu lui causer. »

Il appartient donc aux services de l'administration d'évaluer et d'arrêter le montant de ce préjudice (dans un cas précis, cette évaluation a été faite en évaluant le retard du lancement d'un navire, la durée de vie moyenne d'une coque et l'amortissement correspondant par mois de retard).

Si les autorités judiciaires ne donnent pas satisfaction au service, il appartient à celui-ci de saisir du dossier la direction des affaires juridiques.

En conclusion, la personne responsable du marché doit agir avec rapidité et rigueur. Elle doit évaluer au plus tôt les difficultés rencontrées par l'entreprise et mettre en œuvre dans les plus brefs délais, les mesures précitées. Si les circonstances particulières de l'affaire l'exigent, elle doit communiquer à la direction des affaires juridiques les renseignements indispensables à une juste appréciation de la situation.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le contrôleur général des armées,

DE COMTE.

Annexe

Annexe Lexique des termes.

  1. 

Cessation des paiements. Pour la caractériser, son seul défaut ne suffit pas. La cour de cassation exige en outre la preuve que le débiteur se trouve dans une situation désespérée, qui le place dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible.

  2. 

Masse. L'originalité du règlement judiciaire et de la liquidation des biens est l'existence de la masse. A partir du jugement déclaratif, les créanciers sont de plein droit réunis en une masse : c'est un groupement légal, obligatoire, de défense au nom duquel les droits collectifs des créanciers vont être défendus et exercés par le syndic, qui est le représentant de la masse.

D'une part, elle impose à tous les créanciers une discipline collective et leur procure le dividence le plus élevé possible.

D'autre part, elle doit respecter les engagements souscrits sans fraude par le titulaire du marché, avant le jugement déclaratif.

  3. 

Syndic. Le syndic est un mandataire de justice :

Il représente d'abord la masse qui unit les créanciers possédant des intérêts communs ; seul, il peut l'engager et agir en son nom, aussi bien dans le règlement judiciaire que dans la liquidation des biens (L. 1967, art. 13).

Dans la liquidation des biens, il représente aussi le débiteur parce que le dessaisissement empêche ce dernier d'accomplir un acte juridique opposable à la masse. Dans le règlement judiciaire par contre, le syndic ne représente pas le débiteur, il ne fait que l'assister.

  4. 

Concordat. Contrat conclu entre le débiteur en règlement judiciaire et la masse de ses créanciers, à l'issu duquel, le débiteur s'engage dans un certain délai, à régler tout ou partie de ses dettes. En contrepartie, le débiteur est remis à la tête de son entreprise.

  5. 

Faillite personnelle. Prononcée pour frapper de déchéances civique et professionnelle le débiteur qui a commis certaines fautes dans la gestion de son entreprise, ou, s'il s'agit d'une personne morale les dirigeants fautifs. Cette mesure résulte de la distinction faite depuis la loi du 13 juillet 1967 et le décret du 22 décembre 1967 qui ont nettement séparé la sanction personnelle susceptible de frapper les dirigeants d'une entreprise en état de cessation des paiements, et le sort qui doit être réservé à l'entreprise industrielle et commerciale.

  6. 

Production des créances. Le créancier remet directement au syndic, ou lui adresse sous pli recommandé, le montant des sommes réclamées avec un bordereau récapitulatif des pièces produites à l'appui, ou, à défaut de titres, toutes justifications utiles (art. 45, décret du 22 décembre 1967).

  7. 

Personne responsable du marché. Signe l'acte d'engagement et notifie au titulaire le marché.

  8. 

Jugement déclaratif. Ou jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens. Ce jugement fixe la date de la cessation des paiements, à défaut, celle-ci est réputée avoir lieu à la date du jugement qui la constate (loi de 1967, art. 6, alinéa 2). En pratique, le jugement n'intervient jamais le jour même ou le débiteur a cessé ses paiements, entre les deux dates, s'écoule un certain intervalle (ou période suspecte) pendant lequel le débiteur aux abois est tenté de recourir à des expédients ruineux. Aussi, les actes accomplis pendant cette période peuvent-ils être déclarés inopposables à la masse des créanciers (ou inopposables à la personne responsable du marché, quand il s'agit de l'Etat).

  9. 

Juge-commissaire. Est le grand maître de la procédure, spécialement chargé de surveiller et d'accélérer, sous l'autorité du tribunal, la gestion du règlement judiciaire ou de la liquidation des biens. En dehors de cette mission générale, le juge-commissaire a diverses attributions : il donne dans certains cas, des autorisations au syndic (vente des meubles : ex. matériels divers ; en période préparatoire du règlement judiciaire, continuation du commerce dans le règlement judiciaire, compromis, transactions par exemple).

  10. 

Loi du dividende. Discipline imposée aux créanciers, dont l'objet est de verser à chaque créancier, dans la masse, une somme proportionnelle à l'actif de la masse.

  11. 

Créancier chirographaire ou ordinaire.

  12. 

Sûretés. Garanties accordées au créancier contre les risques d'insolvabilité du débiteur. Elles permettent ainsi à ce dernier de trouver plus facilement le crédit dont il peut avoir besoin.

2 sortes :

  • Personnelles. Adjonction d'autres débiteurs dont les ressources s'ajoutent à celles de l'obligé pour garantir l'exécution de l'obligation.

  • Réelles. Affectation spéciale d'un bien du débiteur au paiement de sa dette.

  • 1. Le nantissement ou gage : remise de la possession d'une chose du débiteur au créancier, pour qu'il la garde jusqu'au paiement et, au besoin, se payer par préférence à tous les autres sur le prix de cette chose.

  • 2. Le droit de rétention : droit pour le détenteur d'une chose, qui est devenu créancier à l'occasion de cette détention, de la retenir, c'est-à-dire de refuser de la restituer au débiteur, tant qu'il n'est pas désintéressé.

  • 3. Le privilège : droit de préférence accordé par la loi à certaines créances sur le prix de tous les biens ou de certains biens du débiteur.

  • 4. L'hypothèque : affectation d'un immeuble ou de tous les immeubles du débiteur à la garantie de la créance.

  13. 

Cas de la sous-traitance. L'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 (n.i. BO ; JO du 3 janvier 1976, p. 148) relative à la sous-traitance, précise, dans son dernier alinéa, que le paiement direct des sous-traitants reste obligatoire, même si l'entrepreneur principal est en règlement judiciaire, en état de liquidation des biens ou de suspension provisoire des poursuites.