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DÉLÉGATION GÉNÉRALE POUR L'ARMEMENT : Mission atome

LOI N° 65-956 sur la responsabilité civile des exploitants de navires nucléaires.

Du 12 novembre 1965
NOR

Précédent modificatif :  Loi n° 68-1045 du 29 novembre 1968 (BOC, 1982, p. 3599) (1er modificatif). , Loi n° 88-1093 du 1er décembre 1988 (BOC, p. 6147) NOR JUSX8800130L.

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  170.3.3.

Référence de publication : BOC, 1982, p. 3597.

Contenu.

 

L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE SÉNAT ONT ADOPTÉ, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

Art. 1er.

 

L'exploitant d'un navire nucléaire est responsable de plein droit et à l'exclusion de toute autre personne des dommages nucléaires dus à un accident nucléaire.

Est exploitant la personne autorisée par l'Etat du pavillon à exploiter un navire nucléaire ou l'Etat qui exploite un tel navire.

Est un navire nucléaire tout navire pourvu d'une installation de production d'énergie qui utilise ou est destinée à utiliser un réacteur nucléaire comme source d'énergie, que ce soit pour la propulsion ou à toute autre fin.

Est un dommage nucléaire tout dommage qui provient en tout ou en partie des propriétés radioactives du combustible nucléaire ou de celles de produits ou déchets radioactifs de ce navire.

Art. 2.

 

En cas de dommages dont l'origine est à la fois nucléaire et non nucléaire, sans qu'il soit possible de déterminer quel est l'effet de chacune des causes de l'accident, la totalité des dommages est régie par la présente loi.

Art. 3.

 

Entre la date de son lancement et celle où l'exploitation du navire est autorisée, le propriétaire de celui-ci est considéré comme l'exploitant au sens de la présente loi et le navire est réputé battre pavillon de l'Etat où il a été construit.

Art. 4.

 

La responsabilité de l'exploitant déterminée dans la présente loi ne s'étend pas aux accidents nucléaires survenus avant la prise en charge du combustible nucléaire par l'exploitant ni après la prise en charge du combustible ou des produits ou déchets radioactifs par une autre personne légalement autorisée.

Art. 5.

 

La responsabilité de l'exploitant ne s'étend pas au dommage nucléaire subi par le navire nucléaire lui-même, ses agrès et apparaux, son combustible et ses provisions.

Art. 6.

 

L'exploitant n'est pas responsable dans les conditions de la présente loi des dommages nucléaires imputables à un acte de guerre civile ou étrangère, à des hostilités ou à une insurrection.

Art. 7.

 

L'exploitant qui établit que le dommage nucléaire est dû à la faute intentionnelle de la victime est exonéré de toute responsabilité envers cette victime.

Art. 8.

 

L'exploitant a un recours :

  • 1. Contre celui qui a volontairement causé ou provoqué l'accident.

  • 2. Contre celui qui a entrepris des travaux de relèvement de l'épave, sans l'autorisation dudit exploitant et sans l'autorisation, soit de l'Etat dont le navire battait le pavillon, soit de l'Etat dans les eaux duquel se trouve l'épave, lorsque le dommage est la conséquence de ces travaux.

  • 3. Contre celui qui, par contrat, s'est obligé à supporter tout ou partie des dommages considérés.

Art. 9.

 

(Modifié : loi du 29/11/1968 et complété : loi du 01/12/1988.)

Le montant de la responsabilité de l'exploitant en ce qui concerne un même navire nucléaire est limité à 500 millions de francs pour un même accident nucléaire, même si celui-ci résulte d'une faute personnelle quelconque de l'exploitant ; ce montant ne comprend ni les intérêts ni les dépens alloués par un tribunal dans une action en réparation intentée en vertu de la présente loi.

Toutefois, le montant maximum de la responsabilité de l'exploitant d'un navire nucléaire étranger est, sauf accord passé avec l'Etat dont le navire bat pavillon, celui fixé par la loi de cet Etat, sans que ce montant puisse en aucun cas être inférieur à celui qui est fixé à l'alinéa précédent.

En cas de dommages nucléaires causés sur le territoire ou dans les eaux soumises à la souveraineté d'un Etat étranger par un navire nucléaire français affecté à un service public de l'Etat, le montant maximum de la responsabilité de l'exploitant est, sauf accord passé avec l'Etat concerné, déterminé par la loi de cet Etat. La responsabilité est illimitée si cette loi ne fixe aucune limite.

Est considéré comme constituant un même accident nucléaire tout fait ou toute succession de faits de même origine qui cause un dommage nucléaire.

Art. 10.

 

L'exploitant est tenu de maintenir une assurance ou d'offrir toute autre garantie financière couvrant sa responsabilité pour dommage nucléaire.

Art. 11.

 

(Complété : loi du 29/11/1968.)

Lorsque les dommages nucléaires engagent la responsabilité de plusieurs exploitants sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude ceux de ces dommages qui sont attribubles à chacun d'eux, ces exploitants sont cumulativement responsables.

Chacun d'eux est tenu de réparer l'entier dommage, sauf son recours contre les autres exploitants à proportion de leurs fautes respectives. Si la gravité respective des fautes ne peut pas être déterminée, les uns et les autres contribuent par parts égales.

En aucun cas, la responsabilité de chaque exploitant ne peut excéder la somme fixée à l'article 9 ci-dessus.

Art. 11.1.

 

En ce qui concerne les dommages corporels, un décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'énergie atomique et du ministre des affaires sociales établira, en fonction de l'irradiation et de la contamination reçues et du délai dans lequel l'affection a été constatée, une liste non limitative des affections qui, sauf preuve contraire, sont présumées avoir pour origine l'accident.

Art. 11.2.

 

Les indemnités provisionnelles ou définitives effectivement versées aux victimes ne peuvent donner lieu à répétition en raison des limitations de responsabilités et de garanties prévues à l'article 9 ci-dessus.

Art. 12.

 

La victime d'un dommage peut agir directement contre l'assureur de l'exploitant responsable ou contre toute autre personne ayant accordé sa garantie financière.

Art. 13.

 

Celui qui a indemnisé les victimes dispose des droits de recours reconnus à l'exploitant par l'article 8 ci-dessus.

Art. 14.

 

(Modifié : loi du 29/11/1968.)

En toute hypothèse, les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître des actions intentées en application de la présente loi.

En aucun cas, la juridiction répressive, éventuellement saisie, ne peut statuer sur l'action civile.

Art. 15.

 

Si, à la suite d'un accident nucléaire, il apparaît que l'ensemble des dommages causés par ledit accident risque d'excéder la limite de responsabilité résultant de l'article 9 ci-dessus, et, le cas échéant de l'article 11, un décret en conseil des ministres, publié au Journal officiel, constate, au plus tard dans les six mois à compter du jour de l'accident, cette situation.

Ce décret peut définir les mesures de contrôle particulier auxquelles devra se soumettre la population pour déterminer les personnes susceptibles d'avoir subi un dommage et fixer l'importance des indemnités provisionnelles, non susceptibles de réduction, qui pourront être attribuées aux victimes par la juridiction compétente. Un nouveau décret peut majorer lesdites indemnités si des éléments nouveaux le permettent.

Les règles définitives de l'indemnisation, opérée dans la limite de responsabilité prévue aux articles 9 et 11 ci-dessus, sont déterminées le moment venu dans les mêmes conditions.

Art. 16.

 

Toutes actions en réparation de dommages nucléaires doivent être intentées dans les quinze années à compter du jour de l'accident. Toutefois, si la loi de l'Etat du pavillon prévoit que la responsabilité de l'exploitant est couverte par une assurance ou toute autre garantie financière pendant une période supérieure à quinze ans, ces actions peuvent être intentées pendant toute cette période, sans pour autant porter atteinte aux droits de ceux qui ont agi comme l'exploitant du chef de décès ou dommage aux personnes avant l'expiration dudit délai de quinze ans.

Lorsqu'un dommage nucléaire est causé par du combustible nucléaire ou des produits ou déchets radioactifs qui ont été volés, perdus, jetés à la mer ou abandonnés, le délai visé à l'alinéa précédent est calculé à partir de la date de l'accident nucléaire qui a causé le dommage nucléaire, mais ce délai ne peut en aucun cas être supérieur à vingt années à compter de la date du vol, de la perte, du jet à la mer ou de l'abandon.

Les délais prévus par cet article sont préfix.

Art. 17.

 

Sans préjudice de la prescription instituée par l'article précédent, toute action en réparation de dommages nucléaires doit être, à peine de prescriptions, intentée dans le délai de trois ans à compter du jour où le demandeur a eu connaissance que le dommage avait pour origine un accident nucléaire donné.

Art. 18.

 

Les sommes provenant de l'assurance ou de la garantie financière mentionnées à l'article 10 sont exclusivement réservées à la réparation des dommages nucléaires visés par la présente loi.

Art. 19.

 

En ce qui concerne les navires nucléaires français, la réparation des dommages est subsidiairement supportée par l'Etat dans la mesure ou l'assurance ou les autres garanties financières ne permettraient pas le règlement des indemnités mises à la charge de l'exploitant à concurrence du montant fixé à l'article 9 ci-dessus. Lorsque cette intervention subsidiaire est la conséquence de l'inobservation par l'exploitant de l'obligation d'assurance ou de garantie mise à sa charge, l'Etat peut demander à ce dernier le remboursement des indemnités qu'il a dû verser de ce fait.

L'Etat peut intervenir, même pour la première fois en cause d'appel, en vue de contester les principes ou le montant des indemnités dans toutes les instances engagées contre l'exploitant, son assureur ou garant. Il intervient alors à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.

Art. 20.

 

En cas de dommages dus au combustible nucléaire, ou aux produits ou déchets radioactifs d'un navire nucléaire, dont l'exploitation ne faisait pas, au moment de l'accident, l'objet d'une autorisation accordée par un Etat, le propriétaire du navire est considéré comme en ayant été l'exploitant, sans toutefois que sa responsabilité soit limitée.

Lorsqu'il s'agit d'un navire nucléaire français, l'Etat prend en charge l'indemnisation des dommages subis sur le territoire français, dans les limites et les conditions prévues aux articles 9 et 19 ci-dessus.

Art. 21.

 

(Nouvelle rédaction : loi du 29/11/1968.)

La présente loi ne déroge pas aux règles établies par les législations relatives aux assurances sociales et à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et par les législations de même objet particulières à certaines catégories professionnelles, notamment en ce qui concerne les recours prévus par ces législations.

Dans tous les cas autres que ceux où la victime était au service de l'exploitant lors de l'accident nucléaire et a été indemnisée au titre d'un accident du travail ou de service proprement dit ou d'une maladie professionnelle, les recours sont exercés contre l'exploitant, son assureur ou les personnes lui fournissant une garantie.

Si la victime était au service de l'exploitant lors de l'accident nucléaire et a été indemnisée au titre d'un accident du travail ou de service proprement dit ou d'une maladie professionnelle et si ledit accident a été causé par une personne autre que l'exploitant ou ses préposés, la victime et l'organisme qui lui a versé les prestations sociales exercent contre l'exploitant le recours dont ils disposent contre l'auteur de l'accident.

Les recours s'exercent dans les limites et les conditions prévues aux articles 9 et 14 ci-dessus.

Art. 22.

 

Tout navire nucléaire étranger peut se voir refuser l'accès des eaux territoriales, des eaux intérieures et des ports français si son exploitant et l'Etat du pavillon n'acceptent pas expressément de fournir des garanties au moins égales à celles qui sont prévues par la présente loi.

Art. 23.

 

(Complété : loi du 29/11/1968.)

Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à six mois et d'une amende de 10 000 à 100 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura sciemment contrevenu aux dispositions de l'article 10.

Sera puni d'un emprisonnement de deux mois à cinq ans et d'une amende de 20 000 à 20 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque aura sciemment enfreint l'interdiction prévue à l'article 22.

Art. 23.1.

 

Les dispositions de la présente loi excluent l'application des règles particulières relatives à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics.

Art. 24.

 

Un décret en conseil d'Etat déterminera en tant que de besoin les conditions d'application de la présente loi, et notamment des articles premier, 10, 19 et 22.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 12 novembre 1965.

C. DE GAULLE.

Par le Président de la République :

Le Premier ministre,

Georges POMPIDOU.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Jean FOYER.

Le ministre des affaires étrangères,

Maurice COUVE DE MURVILLE.

Le ministre des armées,

Pierre MESMER.

Le ministre des finances et des affaires économiques,

Valéry GISCARD D'ESTAING.

Le ministre des travaux publics et des transports,

Marc JACQUET.

Le ministre du travail,

Gilbert GRANDVAL.