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Archivé DIRECTION DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE : sous-direction de l'informatique ; bureau de l'informatique générale

CIRCULAIRE du Premier ministre relative à la protection juridique des logiciels.

Du 17 octobre 1990
NOR P R M X 9 0 0 5 0 6 7 C

Autre(s) version(s) :

 

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  160.10.

Référence de publication : JO du 21, p. 12757 ; BOC, 1997, p. 1489.

LE PREMIER MINISTRE À MESDAMES ET MESSIEURS LES MINISTRES ET SECRÉTAIRES D'ETAT.

La diffusion croissante de l'informatique, et notamment de la micro-informatique, dans les services centraux et extérieurs de l'Etat et dans ses établissements publics et les difficultés rencontrées par différents départements ministériels dans l'application du titre V de la loi du 03 juillet 1985 relatif à la protection juridique des logiciels (1) me conduisent à vous adresser les instructions qui suivent.

Le respect des droits des créateurs de logiciels s'impose en tout premier lieu aux services de l'Etat. Vous rappellerez donc aux services qui relèvent de votre autorité ou qui sont placés sous votre tutelle les principes juridiques, exposés dans la note technique ci-jointe élaborée par l'Observatoire juridique des technologies de l'information, concernant la protection des logiciels et les solutions qu'offre le droit positif pour trouver les réponses correctes aux problèmes que vos services peuvent rencontrer.

Par ailleurs, je ne peux que vous inviter à faire accompagner tout rappel des règles juridiques par des actions de formation et d'information des personnels et services concernés.

1. Les règles juridiques applicables à la protection des logiciels.

L'article premier de la loi 85-660 du 03 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle a étendu aux logiciels, en tant qu'œuvres de l'esprit, la protection prévue par la loi du 11 mars 1957 (2) loi 92-597 du 01 juillet 1992 (BOC, p. 2997) sur la propriété littéraire et artistique tout en aménageant un régime propre aux logiciels dans son titre V.

Dans ces conditions, les logiciels sont protégés au titre du droit de la propriété littéraire et artistique.

Le législateur a visé, de façon générale, « les logiciels ». Tous sont donc protégés quelle que soit la forme particulière qui leur est donnée. A cet égard, les systèmes experts, en tant qu'ils constituent en tout ou en partie des logiciels, relèvent du même régime de protection.

Pour l'essentiel, la loi précitée interdit toute copie autre que de sauvegarde. Elle exclut donc même la notion de copie privée. Elle prohibe en outre toute utilisation non expressément autorisée par l'auteur ; elle prévoit de sévères sanctions pénales et institue une procédure de saisie-contrefaçon afin de permettre une efficace recherche de la preuve.

Je vous demande d'appeler tout particulièrement l'attention de vos services et agents sur le caractère personnel des condamnations pénales en droit français. En conséquence, un fonctionnaire, auteur ou responsable de reproduction illicite, devra seul supporter les condamnations pénales encourues (peine privative de liberté et/ou amende pécuniaire) même s'il n'a pas agi dans son intérêt personnel.

De tels agissements, outre leur caractère pénalement répréhensible, sont également susceptibles d'engager la responsabilité civile de l'Etat.

Je vous rappelle également que pour toute procédure juridictionnelle la représentation des services de l'Etat doit être assurée par le service juridique et de l'agence judiciaire du Trésor qui peut vous apporter d'une manière générale toute l'assistance requise dans la phase précontentieuse ou contentieuse.

Pour prévenir tout litige, il est bon de rappeler que le droit offre les moyens de trouer les réponses correctes aux problèmes spécifiques que les administrations peuvent rencontrer.

Je vous invite à signaler à vos services et établissements que le contrat demeure le meilleur outil pour s'adapter à la variété des situations rencontrées. La loi autorise un certain nombre de modulations qui peuvent être proposées aux créateurs de produits et qui sont à négocier avec eux. Il appartient, en effet, aux différents services de faire la preuve de toute l'imagination requise pour trouver, dans le cadre de la loi, les solutions juridiques et techniques adéquates. Je vous recommande donc, si ce n'est déjà le cas, de faire collaborer sur ces thèmes vos services juridiques et vos services utilisateurs.

Je vous rappelle également que le régime de protection des logiciels ainsi mis en place s'applique également aux créations originales de logiciels effectuées par vos services. A cet égard, en l'absence d'organisme officiel de dépôt des logiciels pour établir l'antériorité d'une création sur une autre, je vous suggère d'avoir recours aux services offerts par les organismes de défense professionnelle qui se sont donnés pour objet de faire assurer le respect de dispositions législatives conformément à l'article 65 (A) de la loi du 11 mars 1957 précitée.

2. Les actions d'accompagnement.

Le rappel, par instruction ou circulaire, des dispositions législatives applicables est une démarche indispensable mais qui n'est pas suffisante pour parvenir à une sensibilisation satisfaisante de vos services et personnels.

Il vous appartient, en conséquence, par tous moyens que vous jugerez utiles, d'accompagner de tels rappels par des mesures d'information et de formation au droit de l'informatique.

Il convient, en premier lieu, de former sur ce terrain vos personnels informaticiens, mais également l'ensemble de vos agents utilisateurs de matériels micro-informatique.

Cette approche doit être large. Si elle concerne, au premier chef, la protection des logiciels, elle ne peut manquer de s'étendre aux questions de sécurité, au droit des contrats informatiques, à la criminalité informatique et aux aspects touchant l'informatique et les libertés, tous éléments qui ne sauraient être méconnus par les services de l'administration.

Pour le Premier ministre et par délégation :

Le secrétaire général du gouvernement,

Renaud DENOIX DE SAINT MARC.

Annexe

Annexe

I Interdictions, sanctions et procédures prévues par la loi du 03 juillet 1985.

La loi interdit toute copie autre que de sauvegarde et toute utilisation non expressément autorisée par l'auteur, prévoit de sévères sanctions pénales et instaure une procédure particulière de saisie-contrefaçon.

I.1 L'interdiction de toute copie autre que de sauvegarde.

Cette prohibition figure à l'article 47 (1) de la loi précitée et elle est dérogatoire au régime classique de la propriété littéraire et artistique qui prévoit que, dès lors que l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé ou familial du copiste et non destinées à une utilisation collective.

Le régime prévu pour les logiciels est donc beaucoup plus rigoureux : ils ne peuvent normalement être copiés qu'en un seul exemplaire dans un but de sauvegarde. Cette interdiction de reproduction ne peut être levée que par un accord conventionnel l'autorisant. L'absence de protection physique du logiciel ne suffit en aucun cas à autoriser sa reproduction.

La partie associée documentaire est également couverte par la protection attachée au droit d'auteur.

I.2 L'utilisation non expressément autorisée par l'auteur.

Le recours, dans la loi, à la notion d'utilisation non expressément autorisée par l'auteur, ou ses ayants droit, se justifie par le fait que les systèmes informatiques offrent des possibilités d'exploitation qui permettent de contourner l'interdiction légale de copier.

Les contrats doivent donc prévoir explicitement toute utilisation particulière car, à défaut, l'exploitation est illégale et encourt les mêmes sanctions que la duplication autre que de sauvegarde.

I.3 Les sanctions pénales.

La violation des principes ainsi posés par la loi du 11 mars 1957, modifiée en 1985, est réprimée par les articles 425 (2) et suivants du code pénal qui fixent le régime de la contrefaçon des différentes œuvres protégées.

Ainsi la reproduction et/ou l'utilisation illicites, dans les conditions ci-dessus indiquées, sont passibles d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 6 000 à 120 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement.

Le tribunal correctionnel peut ordonner, aux frais du condamné, l'affichage des jugements de condamnation ainsi que leur publication intégrale, ou par extraits, dans les journaux qu'il désigne. La récidive fait encourir le double des peines précédemment mentionnées (art. 427 du code pénal) (3).

Des réparations civiles peuvent être également allouées aux victimes par les juridictions saisies.

I.4 La procédure de saisie-contrefaçon.

La saisie-contrefaçon est une procédure instituée par la législation française en matière de propriété littéraire et artistique afin de rechercher la preuve de la contrefaçon par des investigations effectuées par surprise chez la personne soupçonnée d'être contrefacteur à la requête et aux risques du titulaire des droits.

S'agissant des logiciels, l'article 50 (4) de la loi précitée prévoit qu'une procédure de saisie-description peut être diligentée par un commissaire de police sur simple demande adressée par l'auteur.

Mais la loi instaure également une procédure non contradictoire de saisie-contrefaçon, sollicitée par simple requête, adressée au président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel doit être effectuée la saisie.

Dans son ordonnance, le magistrat définit les conditions dans lesquelles il sera instrumenté. L'ordonnance mandate un huissier ou le commissaire de police, assisté éventuellement d'un technicien, et précise si la saisie sera simplement descriptive ou réelle.

A compter de la saisie, le demandeur dispose d'un délai de quinze jours pour donner une suite juridictionnelle (pénale et/ou civile) devant les juridictions compétentes. A défaut, la saisie est nulle.

L'article 65, alinéa 2 (5) de la loi du 11 mars 1957 précitée prévoit également que : « les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués ont qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge ».

Ces organismes peuvent donc intervenir dans les différentes procédures prévues en matière de projection des logiciels.

II Les règles particulières résultant de la loi du 03 juillet 1985.

II.1 La durée de la projection.

L'article 48 (6) de la loi dispose que les droits reconnus aux créateurs, ou à ceux qui en sont légalement détenteurs, s'éteignent à l'expiration d'une période de vingt-cinq ans, comptée de la date de création du logiciel.

Ce régime dérogatoire au droit commun de la propriété littéraire et artistique, quant à la durée de la protection, et qui s'est justifié par la rapidité de l'évolution des produits, devrait être réexaminé dès l'adoption par les instances communautaires de la directive en préparation sur ce thème et qui s'oriente vers une protection plus longue.

II.2 Les créateurs salariés.

Un ou plusieurs salariés d'une organisation publique ou privée peuvent être conduits à créer un logiciel dans le cadre de leurs activités professionnelles.

Selon l'article 45 (7) de la loi du 03 juillet 1985 , le logiciel créé dans ces conditions appartient, sauf stipulations contraires, à l'employeur qui dispose des résultats du travail dont il assure l'organisation et la rémunération. Tous les droits reconnus aux auteurs sont ainsi dévolus à l'employeur. Ces dispositions s'appliquent aux employés des secteurs privé et public (agents de l'Etat, des collectivités publiques, etc.).

Cependant les fonctionnaires de l'Etat étant dans une situation statutaire et réglementaire, l'expression « sauf stipulations contraires » contenue dans l'article 45 ne peut être comprise pour eux que comme un renvoi à la publication d'un décret précisant les modalités selon lesquelles un fonctionnaire créateur d'un logiciel pourrait être rémunéré spécifiquement pour sa création.

II.3 L'absence de droit de repentir ou de retrait.

Sauf stipulations contraires, l'article 46 (8) de la loi du 03 juillet 1985 écarte le droit de repentir ou de retrait de l'auteur d'un logiciel à la différence du régime de protection classique de la propriété littéraire et artistique résultant des dispositions générales de la loi du 11 mars 1957.

Sauf stipulations contraires également, l'auteur ne peut, non plus, s'opposer à l'adaptation du logiciel dans les limites des droits qu'il a cédés.

Cette disposition ne peut permettre de contourner l'interdiction d'utilisation non expressément autorisée par l'auteur.

II.4 La rémunération forfaitaire du créateur.

Pour favoriser la diffusion et la commercialisation des logiciels, le législateur a adapté à ces produits le régime de la rémunération de l'auteur.

La loi du 03 juillet 1985 (art. 49) (9) a ainsi prévu une possibilité de rémunération forfaitaire.

Sur l'ensemble de ces points, les services du ministère de la culture, de la communication et des grands travaux (sous-direction des affaires juridiques), du ministère de l'économie et des finances (service juridique et de l'agence judiciaire du Trésor), du ministère de la fonction publique et des réformes administratives et de l'Observatoire juridique des technologies de l'information, se tiennent, chacun pour ce qui le concerne, à la disposition des différentes administrations et établissements publics concernés pour leur apporter l'assistance technique dont ils pourraient avoir besoin.

Notes

    9Devenu l'article L. 131-4 du CPI.