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DIRECTION DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE : Bureau de la Centralisation financière

CIRCULAIRE N° 32-2-B/3 du ministre du budget relative à l'application de la loi du 10 août 1922 sur le contrôle des dépenses envisagées. (radié du BOEM 410.3.).

Du 18 juin 1953
NOR

Référence de publication : BO/M, 1956, p. 143 ; BO/A, p. 1513.

1. Instruction du 10 mars 1924.

En vue d'assurer l'application de la loi du 10 août 1922 , l'un de mes prédécesseurs avait adressé aux ministres et secrétaires d'Etat une instruction en date du 10 mars 1924.

Ce document conserve aujourd'hui encore toute sa valeur. Cependant, les prescriptions en sont fréquemment perdues de vue par les différents services.

J'ai, en conséquence, l'honneur de vous adresser ci-joint un nouvel exemplaire de cette instruction mise à jour.

2.

Il me paraît, d'autre part, nécessaire d'apporter des précisions complémentaires sur les points suivants :

2.1. Distinction de l'engagement juridique et de l'engagement comptable.

C'est à tort que certaines administrations considèrent que l'engagement de dépenses consiste essentiellement dans l'envoi au contrôle d'une fiche d'engagement.

Les articles 2 et 3 du décret du 15 juin 1923 ont en effet nettement distingué ces deux éléments. Ces articles sont ainsi conçus :

  • « Art. 2. Toutes les propositions d'engagement de dépenses soumises au visa du contrôleur des dépenses engagées doivent être accompagnées des justifications nécessaires et d'une fiche signée par le chef de service chargé de la gestion du crédit intéressé indiquant l'objet de la dépense projetée, son évaluation, l'imputation budgétaire et la disponibilité du crédit.

    .................... 

  • « Art. 3. Le contrôleur, après avoir examiné chaque proposition et réclamé, le cas échéant, des justifications supplémentaires, appose, s'il y a lieu, son visa tant sur le document devant entraîner l'engagement de dépense que sur la fiche qui l'accompagne ; ce visa est daté et numéroté par référence au numéro d'enregistrement sur le carnet d'arrivée, les propositions sont ensuite inscrites sur le registre des dépenses engagées avec l'indication de la date et du numéro des visas correspondants. Après la rentrée du dossier au service, la fiche, annotée de la date de décision, est renvoyée au contrôleur des dépenses engagées pour être classée et conservée par lui. »

Il ressort de ces dispositions que la fiche d'engagement se borne à traduire, sur le plan de la comptabilité, les conséquences financières de l'acte que le décret du 15 juin 1923 appelle « proposition d'engagement ».

En d'autres termes, il y a lieu d'établir une distinction très nette entre l'engagement réel d'une dépense (que l'on peut appeler engagement juridique) et l'engagement comptable.

2.2. Définition de l'engagement juridique au sens strict.

Le législateur n'a pas jugé nécessaire de définir ce qu'il convenait d'entendre par « engagement de dépense ». Il faut en conclure qu'il a utilisé ce terme dans le sens courant.

Or, le mot « engagement », pris dans son acception la plus large, présente une signification complexe d'où se dégagent notamment les notions suivantes :

  • 1. Promesse, obligation résultant d'une promesse ;

  • 2. Commencement ;

  • 3. Affectation à un objet déterminé.

Il en résulte que l'engagement de dépense doit être défini comme une obligation de laquelle résultera ultérieurement une charge pour le Trésor public.

2.3. Cas général.

Cette obligation peut être contractée explicitement ou implicitement. Elle peut être conditionnelle ou inconditionnelle.

L'engagement juridique résulte, par exemple, d'un marché, d'une convention, d'une simple commande, d'un décret ou d'un arrêté de nomination.

L' instruction du 10 mars 1924 indique que ces actes constituent l'engagement de dépense. Il semble préférable de dire qu'ils comportent cet engagement. Ils présentent, en effet, des clauses et des caractères liés ou non à la notion d'engagement mais distincts par nature de celle-ci. Telles sont, par exemple, les clauses des marchés concernant les délais, les pénalités de retard, le contentieux, etc. De même, un arrêté de nomination peut comporter le commissionnement de l'agent, la collation d'un grade, etc.

Quoi qu'il en soit, je rappelle que la loi du 10 août 1922 soumet au visa préalable du contrôleur des dépenses engagées « tous décrets, arrêtés, contrats, mesures ou décisions émanant d'un ministre ou d'un fonctionnaire de l'administration centrale et ayant pour effet d'engager une dépense ».

Il en résulte que tous les actes visés par la loi précitée doivent être soumis au visa du contrôleur des dépenses engagées avant d'être signés par les ministres ou les fonctionnaires qualifiés.

L'omission de cette formalité indispensable n'entame sans doute en rien la validité de l'acte au regard des tiers, mais elle expose les responsables aux sanctions prévues par la loi.

2.4. Extension de la notion d'engagement juridique.

2.4.1.

L'article 7 du règlement d'administration publique du 15 juin 1923 a prescrit les mesures à suivre lorsque les engagements juridiques sont contractés par les fonctionnaires des services extérieurs.

Dans ce cas, l'engagement comptable de la dépense doit être effectué à l'échelon central en même temps que l'autorisation de passer des engagements juridiques est donnée aux fonctionnaires intéressés.

2.4.2.

D'autre part, la législation impose parfois aux administrations des obligations conditionnelles. Il en est ainsi par exemple du versement d'un capital-décès à la mort d'un fonctionnaire.

Il convient de considérer qu'en semblable occurrence, l'engagement virtuellement contenu dans la loi ne prend effet que lorsqu'est remplie la condition à laquelle est soumise l'obligation de paiement.

2.4.3.

Une solution analogue s'impose lorsque l'obligation n'a pas pour origine directe un acte de l'administration chargée de la gestion des crédits (jugements rendus par les tribunaux par exemple).

2.5. Engagement comptable.

L'engagement comptable n'est que la traduction de l'engagement juridique sur le plan de la comptabilité. Il se réalise en pratique par l'établissement et le visa d'une fiche d'engagement de dépense.

Tandis que l'engagement juridique résulte de la nature des choses, l'engagement comptable a été créé par la loi.

Le rôle du contrôleur des dépenses engagées est ici très nettement différent de celui que joue ce haut fonctionnaire dans l'engagement juridique. Le visa de la fiche d'engagement est en effet nécessaire et suffisant pour donner à ce document sa pleine validité.

La fiche a pour objet de permettre au contrôleur d'apprécier les conséquences financières de l'engagement juridique, élément indispensable de sa décision.

2.6. Conclusion.

Présentation au contrôle des fiches d'engagement. — La loi du 10 août 1922 interdit aux services tout engagement juridique sans passation préalable de l'engagement comptable. Cette règle ne souffre de dérogation qu'en ce qui concerne les cas exceptionnels où l'engagement juridique ne provient pas d'une initiative de l'administration intéressée (voir ci-dessus D)) (Extension de la notion d'engagement, § b et c).

Il en résulte que s'il apparaît logiquement nécessaire d'analyser la notion d'engagement en ses deux éléments essentiels, ceux-ci n'en sont pas moins inséparables, l'acceptation de l'engagement juridique par le contrôleur étant subordonnée au visa de l'engagement comptable.

C'est pour ces motifs que les textes en vigueur prescrivent de joindre la fiche d'engagement au projet d'acte comportant engagement juridique.

De là découlent des règles simples :

  • a).  Pour les dépenses nouvelles, les fiches et le projet d'acte (marchés, conventions, etc.) ou de textes (décrets, arrêtés, décisions, même sous forme de simple lettre) doivent être soumis simultanément au visa du contrôleur (1).

    Si, au moment où l'engagement juridique est contracté, le montant de la dépense n'est pas exactement connu, l'engagement comptable n'en doit pas moins être effectué immédiatement sur la base d'une évaluation sincère tenant compte de tous les éléments d'appréciation dont disposent les services, y compris, le cas échéant, une marge de sécurité.

  • b).  Pour les dépenses courantes de faible importance, il y a lieu de procéder à des engagements par provision ; les opérations qui, par leur nature, ne peuvent être considérées comme dépenses courantes, sont exclues de cette procédure et doivent faire l'objet d'engagements distincts, si minime que soit leur montant.

  • c).  Pour les dépenses donnant lieu à engagement par une autorité autre que celle qui gère les crédits à l'échelon central, la fiche d'engagement doit être soumise au visa, accompagnée du projet de l'acte autorisant tel ou tel fonctionnaire à engager la dépense.

  • d).  Pour les dépenses engagées sans intervention directe de l'administration qui gère les crédits, la fiche doit accompagner le projet d'acte acceptant ou constatant l'état de fait qui entraîne engagement de dépense.

  • e).  En ce qui concerne la prise en comptabilité au début de l'exercice des engagements résultant d'actes antérieurs, je n'ai rien à ajouter aux prescriptions contenues dans l' instruction du 10 mars 1924 .

La situation actuelle me fait un devoir de vous prier de bien vouloir veiller à ce que les dispositions de la loi du 10 août 1922 , dont la présente circulaire précise l'interprétation, soient strictement appliquées par vos services.

Je vous rappelle que toute ordonnance ne se référant pas à un engagement régulièrement passé doit être visée avec observation par le contrôleur des dépenses engagées et ne peut être mise en paiement que dans les conditions prescrites par le premier alinéa de l'article 6 de la loi du 10 août 1922 .

Notes

    1Complété et précisé par la lettre des finances n° 6-1/B/3 du 29 janvier 1954 (BO/A, p. 164).

Pour le Ministre et par autorisation :

Le Directeur du Budget,

R. GOETZE.