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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. SECRÉTARIAT D'ÉTAT AUX ANCIENS COMBATTANTS : Direction des Pensions ; Service des Expertises Médicales

INSTRUCTION MINISTÉRIELLE N° 606 B du 20 juillet 1976 relative aux expertises médicales.

Du 29 avril 2024
NOR

Référence de publication :

La présente instruction se substitue à la circulaire no 602B du 25 octobre 1966 qui est abrogée. Elle s'inscrit dans le cadre d'une orientation générale de l'administration du Secrétariat d'État aux Anciens Combattants, qui vise tant à simplifier et humaniser ses rapports avec ses usagers qu'à faciliter la tâche de ceux qui lui apportent leur concours.

Parmi ceux-ci figurent les médecins experts auprès des centres de réforme dont l'instruction no 831Ci/7 du 10 juillet 1919 définissait le rôle en des termes qui conservent toute leur valeur :

  • « L'expert sera bienveillant et juste envers les victimes de la guerre… »

  • « Les experts doivent, en toute circonstance, examiner minutieusement et complètement le candidat à pension qui se présente devant eux… »

  • « Il doit abandonner toute tendance restrictive et se garder de sous-estimer les invalidités des candidats à pension… »

  • « Enfin les experts seront à la fois consciencieux et rapides dans leurs expertises ; les infirmes attendent impatiemment la décision qui leur donnera l'indemnisation à laquelle ils ont droit et que la Nation a hâte de leur accorder. »

L'éloignement des conflits ne doit pas conduire à minimiser l'importance du rôle des experts :

  • sur le plan moral, l'expertise médicale constitue, en effet, un contact fondamental du postulant à pension avec notre administration. La bienveillance et l'humanité de l'accueil qui lui sera alors réservé seront pour le demandeur, qui en ressentira une marque déterminante pour ses rapports ultérieurs avec l'administration, un grand réconfort moral ;

  • sur le plan technique, l'expertise médicale constitue un élément essentiel de l'instruction des demandes de pension qui sera toujours nécessaire à l'évaluation des séquelles de blessures ou maladies invoquées et de leurs complications locales ou générales. La mission de l'expert consiste à voir, écouter, palper, ausculter pour d'autres et à recueillir le maximum d'éléments objectifs qui demeureront au dossier non seulement pour l'instance en cours mais également pour d'éventuelles instances ultérieures.

Il s'agit donc d'une participation au service public. C'est pourquoi cette mission est confiée à des médecins choisis, sur une liste arrêtée tous les ans parmi les praticiens qui présentent toutes les garanties professionnelles et morales. Il en résulte pour eux des obligations précises et qui peuvent parfois apparaître lourdes. Mais, la fonction d'expert ou de sur-expert, qu'ils ont accepté d'assumer, leur confère en contrepartie, une autorité et une notoriété qui ne peuvent qu'être bénéfiques à la pratique de leur discipline.

Dans le but d'aider les médecins experts à mener à bien la tâche difficile et capitale qui leur est confiée, la présente instruction rappelle les phases essentielles de toute expertise qui seront traduite dans le protocole.

1. Conditions d'examen du postulant

Après avoir recueilli les faits, rapporté les allégations, noté les symptômes, il est du devoir de l'expert de les vérifier, de les confronter pour séparer ce qui sera noté comme allégué de ce qui devra l'être comme effectivement constaté.

L'expert aura recours, en tant que de besoin, aux méthodes d'investigations modernes : examens biologiques, examens électroradiologiques, examens spéciaux d'explorations cliniques et fonctionnelles, photographies, mensurations…

Chaque fois que la clinique l'exigera, le candidat sera dirigé vers un médecin spécialiste.

On se référera en outre, pour ce qui concerne l'assistance du médecin traitant, aux dispositions de la circulaire 0450/CS 570 EMP 2051/SDC du 25 avril 1958 sur l'application des articles L. 23, R. 12 et R. 15 du Code des pensions militaires d'invalidité et à celles de la circulaire no 596B du 14 mai 1965.

2. Établissement du diagnostic

En vue de permettre aux différentes autorités qui auront à connaître de l'affaire exclusivement sur pièces de se faire une conviction et de se prononcer en toute connaissance de cause, la description figurant sur le protocole doit aboutir à l'établissement d'un diagnostic étiologique et précis ne rassemblant que les éléments essentiels de l'infirmité en cause.

Ces éléments qui figureront par la suite sur le procès-verbal de la commission de réforme et dans différentes pièces de procédure administrative, serviront également pour l'administration des soins gratuits dans le cadre de l'article L. 115 du Code.

Dans la description, l'expert prendra soin de noter :

  • la taille des cicatrices, leur siège, leur qualité, leur retentissement fonctionnel ;

  • le raccourcissement des membres, les atrophies musculaires, qui seront chiffrés en centimètres par comparaison avec les organes opposés ;

  • les amplitudes des mouvements des articulations qui seront évaluées en degrés et comparées à celles du membre opposé ;

  • le retentissement des troubles articulaires sur les articulations sus et sous-jacentes ;

  • la comparaison de toute radiographie d'un segment de membre, d'une articulation, avec le cliché de l'organe homologue ;

  • systématiquement la prise du poids et la mensuration de la taille.

Il sera toujours essentiel de donner des précisions sur l'état général du candidat, élément important dans la fixation du taux d'évaluation du déficit fonctionnel.

Enfin le médecin expert devra se prononcer sur l'incurabilité de l'infirmité objet de l'expertise.

3. Appréciation du taux d'invalidité

La partie médicale étant rédigée, le médecin expert doit évaluer le déficit fonctionnel, c'est-à-dire proposer un taux d'invalidité en fonction des barèmes applicables à l'espèce.

A cet effet, le médecin expert doit se rappeler que :

  • les infirmités doivent être scindées en infirmité multiples chaque fois que leurs éléments constitutifs sont prévus et évalués au guide-barème des invalidités (circulaire 414II.E du 25 juin 1945) ;

  • le degré d'invalidité doit toujours être déterminé d'après un seul et même barème, que l'infirmité en cause soit évaluée globalement ou après dissociation en ses divers éléments (art. L. 13 du Code) ;

  • le barème le plus avantageux doit être appliqué pour les bénéficiaires des dispositions des articles L. 12 et L. 13 bis du Code ;

  • l'échelle de gravité de 1887 est applicable uniquement pour les infirmités nommément désignées dans cette échelle ;

  • le barème est impératif en ce qui concerne les amputations et les exérèses, mais par contre indicatif dans les autres cas, dans les limites imparties (art. L. 10 du Code) : un pourcentage inférieur à celui fixé par le barème ne saurait être attribué à une infirmité dès lors qu'elle y figure ;

  • toute élévation du degré d'invalidité à l'occasion d'une visite sur demande d'aggravation, ou toute élévation ou diminution lors d'une visite de renouvellement, doivent être explicitées par les signes d'aggravation ou d'amélioration probants notés par rapport aux constatations relatées sur le protocole afférent aux instances précédentes ;

  • lorsque les libellés ne coïncideront pas exactement avec les infirmités qui seront constatées, les experts s'inspireront des lésions similaires décrites à propos de chaque membre ou organe.

4. Discussion de l'imputabilité

Au regard de l'imputabilité de l'affection expertisée, le rôle de l'expert varie suivant la nature de l'instance.

4.1.

lorsqu'il s'agira d'une première instance ou d'une nouvelle instance, le médecin-chef du centre de réforme peut attirer l'attention du médecin-expert sur un point précis, notamment en ce qui concerne l'influence productrice ou aggravante de tels facteurs, maladies, accidents ou sur un problème de filiation médicale entre le fait générateur et le fait invoqué. Dans ce cas, l'expert se doit de prendre position en émettant une réponse dûment argumentée.

4.2.

s'agissant toujours d'une première instance ou d'une nouvelle instance, le médecin expert n'a pas à formuler de conclusions sur le rattachement de l'infirmité au service puisqu'il ne dispose pas des pièces administratives du dossier de l'intéressé.

Ce rôle incombe à la commission de réforme qui, intégrant les éléments fournis par l'expert aux dispositions du Code des pensions militaires d'invalidité, émettra, en toute connaissance de cause, des propositions tendant à reconnaître l'imputabilité par preuve, preuve d'aggravation, présomption, présomption d'aggravation, ou au contraire à la rejeter par défaut de preuve, défaut de présomption ou preuve contraire.

4.3.

Lorsqu'il s'agira de demande en révision pour une ou des infirmités nouvelles en relation avec une ou des infirmités pensionnées, l'expert se prononcera toujours sur la relation éventuelle existant entre elles. Il devra, en particulier, se prononcer sur le caractère de cette relation qui, aux termes du Code, ne peut fonder l'imputabilité que si elle est directe et déterminante.

Ainsi conduite, l'expertise médicale remplira pleinement le rôle qui est le sien, d'évaluer tous les éléments de l'invalidité elle-même, de ses complications et de ses répercussions.

Une telle tâche ne saurait être menée à bien sans le concours de médecins experts tout particulièrement qualifiés, compétents et bienveillants.

Il sera ainsi possible de mettre chacun en possession de tous ses droits et d'accorder au pensionné une juste réparation.