CIRCULAIRE N° 76/SS relative à l'application du décret n° 57-1176 du 17 octobre 1957 (A)fixant les modalités spéciales d'application à la silicose et à l'asbestose professionnelles du livre IV du code de la sécurité sociale. (Non parue au Journal officiel. )
Du 28 août 1958NOR
Les décret du 18 octobre 1952 (1) et décret du 23 novembre 1953 (2) avaient apporté de sensibles améliorations au régime de réparation de la silicose professionnelle tel qu'il résultait de la loi du 30 octobre 1946 (3) et du décret du 17 novembre 1947 (4) pris en application de l'article 75 de ladite loi.
Les progrès réalisés dans la connaissance de la silicose, à la faveur même de l'application de ces dispositions, ont permis de nouveaux aménagements réalisés par le décret 57-1176 du 17 octobre 1957 fixant les modalités spéciales d'application à la silicose et à l'asbestose professionnelles du livre IV du code de la sécurité sociale (JO du 23 octobre 1957, rectificatif JO du 1er novembre). Le décret no 57-1177 du 17 octobre 1957 publié au même Journal officiel tend, par une modification des conditions de désignation des médecins spécialisés en matière de pneumoconioses, à accroître l'efficacité de l'organisation.
Enfin, l'arrêté du 7 août 1958 (JO du 21 août 1958) vient d'apporter à l'arrêté du 23 novembre 1953 les adaptations nécessaires pour le mettre en harmonie avec les nouvelles dispositions réglementaires.
J'ai l'honneur de vous adresser les indications suivantes en vue de faciliter l'application de ces textes.
1. Portée du décret n° 57-1176 du 17 octobre 1957
Ainsi que vous l'avez remarqué, le nouveau texte se présente sous une forme autonome ; il reprend certaines dispositions inchangées des décrets précités.
J'examinerai seulement les innovations.
Je rappelle, cependant, que l'ensemble du texte est inséparable de la loi elle-même (livre IV du code de la sécurité sociale) [cassation, chambre civile, section sociale, 18 juin 1954, caisse primaire de sécurité sociale de Paris c/Aubry]. Il doit donc être appliqué à la lumière des dispositions légales et réglementaires générales. Sur tous les points où le décret du 17 octobre 1957 ne prévoit pas de mesures particulières il y a lieu de se référer à ces dispositions générales.
2. Première constatation médicale
L'article 3 du décret comporte :
d'une part une légère retouche de forme qui tend à le rendre plus clair ;
d'autre part, une référence aux dispositions de l'article 20, deuxième alinéa, du décret no 52-1263 du 27 novembre 1952 prévoyant la possibilité pour le médecin du travail qui constate qu'un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle, de délivrer à celui-ci le certificat médical prévu à l'article 499, troisième alinéa, du code de la sécurité sociale.
Je rappelle, à cette occasion, la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle les juges du fond peuvent à bon droit estimer, au vu des documents médicaux qui leur sont fournis, que la première constatation médicale se situe à la date d'une radiographie pratiquée par le service médical de l'entreprise qui décelait avec certitude la silicose (cassation, chambre civile, section sociale, 10 octobre 1957 : houillères du bassin du Nord et du Pas-de-Calais c/Lhermitte ; 25 octobre 1957 : union régionale des sociétés de secours minières du Nord c/Vannienwenborch).
Je souligne à nouveau l'importance de la première constatation médicale et de l'intérêt qui s'attache, pour la victime, à l'établissement et à l'envoi de sa déclaration dès cette première constatation, même si celle-ci ne révèle qu'une atteinte légère ; ainsi, d'ailleurs, que le précise l'article 4, 1er alinéa, du décret du 17 octobre 1957 .
3. Instruction de la déclaration Cas relevant respectivement du médecin agréé en matière de pneumoconioses et du collège de trois médecins
Le deuxième alinéa de l'article 4 du décret prévoit que la caisse primaire (ou l'organisation spéciale) de sécurité sociale doit, au vu des documents reçus et, le cas échéant, de ceux qui étaient déjà en sa possession, qu'elle y annexe, déterminer, après avis du service de contrôle médical, compte tenu des dispositions de l'article 6 et en vue de l'examen prévu à l'article 9, si cet examen doit être effectué par le médecin agréé ou par le collège de trois médecins.
Ces dispositions comblent une lacune de l'ancien texte. Elles sont de nature à clarifier la procédure et à prévenir les doubles examens, au moins dans la plupart des cas. Cependant, il n'est pas toujours possible de déterminer avec certitude, à un stade aussi précoce, si le cas doit être soumis au médecin agréé ou au collège. C'est pourquoi le texte a donné à la décision de la caisse un caractère préparatoire « sous réserve de la décision à intervenir à l'issue de l'instruction du dossier ».
J'appelle votre attention sur les diverses obligations qui découlent de ce texte :
a). Le service de contrôle médical doit être saisi immédiatement de la déclaration accompagnée du certificat médical initial et, le cas échéant, des autres pièces que la victime y aurait annexées.
Ce service doit verser au dossier tous les éléments, particulièrement les diverses radiographies, tomographies… en sa possession et qui sont de nature à éclairer le médecin agréé ou les membres du collège.
Ces praticiens ont maintes fois insisté sur la nécessité de procéder à la comparaison de radiographies prises à des dates successives pour être en mesure de donner un avis. La caisse, et plus particulièrement son service de contrôle médical, doit contribuer à l'élaboration de cet avis dans les meilleures conditions possibles ;
b). La caisse doit motiver sa décision préparatoire sur l'orientation à donner au dossier qu'elle adresse à l'inspecteur du travail ou au fonctionnaire compétent ;
c). Elle doit veiller à ce que toute la célérité désirable soit apportée par le service administratif et le service de contrôle médical aux opérations leur incombant, afin que l'amélioration apportée à la procédure ne soit pas compromise en fait par un accroissement des délais.
3.1. Cas relevant de la connaissance du collège de trois médecins
La composition du collège n'est pas modifiée ; la désignation des membres titulaires et des membres suppléants, ces derniers dans la limite de six par collège, selon les besoins constatés, sera faite pour une durée de cinq ans renouvelable.
Comme par le passé le collège doit connaître :
des cas de silicose résultant d'une exposition au risque d'une durée inférieure à la durée de cinq ans, dix ans ou quinze ans applicable selon le cas (art. 6 du décret 57-1176 du 17 octobre 1957 ) ;
des cas de silicose dont la première constation médicale intervient postérieurement à l'expiration du délai de prise en charge de cinq ans prévu au tableau no 25 de la silicose professionnelle. De tels cas se sont, en effet, révélés en assez grand nombre après l'expiration du délai de quinze ans fixé à titre transitoire par le décret du 18 octobre 1952 ; qu'il s'agisse de silicose dont l'apparition est réellement tardive ou de silicose demeurée méconnue par suite d'une surveillance insuffisante du malade, il était indispensable de prendre des mesures. Il a paru y avoir lieu de ne pas opposer l'expiration du délai sous la réserve que le collège de trois médecins « atteste que la victime est ou était atteinte de silicose nettement caractérisée » (art. 19 du décret du 17 octobre 1957 ).
Il y a lieu de penser, d'ailleurs, que ces cas deviendront moins nombreux grâce au développement de la surveillance médicale des travailleurs exposés au risque.
Sous réserve de ce qui est indiqué plus loin (revision, expertise) le collège n'a plus à connaître d'autres cas. Les dispositions de l'article 5 du décret du 18 octobre 1952 qui réservait exclusivement au collège la reconnaissance de l'existence des complications prévues au tableau de la silicose n'ont pas été reprises dans le nouveau texte.
A l'égard des cas qui relèvent de sa connaissance, le collège a qualité pour procéder aux constatations et établir les certificats prévus à l'article 9.
C'est également le collège qui, pour ces mêmes cas, doit être saisi lorsqu'il s'agit de revision (art. 13) et notamment lorsqu'apparaissent des complications justifiant une nouvelle fixation des réparations.
3.2. Cas relevant de la connaissance du médecin agréé
Le décret no 57-1177 du 17 octobre 1957 a prévu l'agrément de médecins particulièrement qualifiés en matière de pneumoconioses dans les conditions qu'il détermine (art. 1er). Indépendamment des qualifications requises, nul praticien ne peut être inscrit sur la liste des médecins agréés en matière de pneumoconioses s'il ne déclare avoir pris connaissance des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale et des décrets d'application, notamment du décret 57-1176 du 17 octobre 1957 et s'engager à exécuter les examens prévus dans les délais fixés par lesdites dispositions.
Jusqu'à la publication de la liste des médecins agréés, les médecins précédemment désignés comme médecins inspecteurs du travail spécialisés en matière de pneumoconioses demeurent en fonction (art. 2). Les indications ci-après sont donc valables en ce qui les concerne :
Le médecin agréé a compétence pour tous les cas autres que ceux visés au paragraphe 1er ci-dessus qui relèvent de la connaissance du collège.
A l'égard des cas qui relèvent de sa propre compétence, le médecin agréé a qualité pour :
procéder aux constatations et établir les certificats prévus à l'article 9 ;
examiner ces mêmes malades en cas de revision (art. 13) et, notamment, lorsqu'apparaissent des complications justifiant une nouvelle fixation des réparations.
4. Instruction médicale du dossier de silicose portée de l'avis émis par le médecin agréé ou par le collège
Saisi du dossier par la caisse primaire ou par l'organisation spéciale de sécurité sociale, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire compétent transmet dans les cinq jours ce dossier soit au médecin agréé, soit au collège, en se conformant à l'avis motivé de ladite caisse (ou organisation spéciale) de sécurité sociale. Dans le cas, toutefois, où des éléments en sa possession en ce qui concerne, notamment, l'exposition au risque, lui permettraient d'apercevoir des lacunes ou des anomalies dans le dossier, il ne pourrait modifier de son propre chef la destination indiquée, mais devrait surseoir à la transmission et aviser immédiatement l'organisme de sécurité sociale.
Lorsque la transmission est effectuée il en informe immédiatement l'organisme intéressé en précisant la désignation du médecin agréé ou du collège saisi.
L'article 9 du décret précise ce que doit être l'examen du malade par le médecin agréé ou par le collège.
Cet examen doit avoir lieu sans délai.
Dans tous les cas sont indispensables :
l'examen clinique du malade ;
une téléradiographie thoracique ;
les épreuves fonctionnelles énumérées par l'arrêté du 18 janvier 1954.
Le médecin agréé peut examiner le malade soit à son cabinet, soit dans un centre d'études des pneumoconioses autorisé dans les conditions prévues aux articles 272 et suivants du code de la sécurité sociale, soit dans un établissement hospitalier public, soit dans un établissement hospitalier privé agréé (art. 10, premier alinéa).
Le collège doit, dans tous les cas qui relèvent de sa compétence, examiner le malade — sauf si celui-ci est hors d'état de se déplacer — dans un centre d'études des pneumoconioses agréé comme il est dit ci-dessus. Cette exigence se justifie par la nature particulière des cas qui sont soumis au collège.
Le médecin agréé, comme le collège, peut faire procéder aux examens complémentaires qu'il juge utiles (électrocardiogrammes, examens de laboratoire…). Il peut prescrire, en vue de son examen, l'hospitalisation du malade dans l'un des établissements susvisés, pour une durée maximum de sept jours.
Il peut, à l'issue de son examen, réserver son avis jusqu'à nouvel examen qui doit avoir lieu dans un délai qu'il détermine, au plus égal à six mois ; il en informe le malade et l'organisme de sécurité sociale intéressé. A la demande de plusieurs médecins inspecteurs du travail spécialisés en matière de pneumoconioses il a été prévu au dernier alinéa de l'article 9 que ce délai peut être renouvelé, s'il y a lieu, dans la limite d'un délai total d'un an à compter de la date du premier examen.
Ces dispositions sont, d'ailleurs, d'une application exceptionnelle. Dans la plupart des cas le médecin ou le collège est en mesure d'établir ses conclusions à l'issue des examens pratiqués. L'article 9 lui fait obligation d'établir « un certificat descriptif exprimant son avis sur l'état de l'intéressé, et, notamment, selon le cas, sur : l'existence des troubles fonctionnels et, s'il y a lieu, des complications visées au tableau de la silicose ; l'existence d'une incapacité permanente et le taux de cette incapacité, la nécessité d'un changement d'emploi. Une copie du certificat est remise à la victime ; l'original, accompagné du dossier complet, est adressé à la caisse primaire de sécurité sociale ou à l'organisation spéciale de sécurité sociale qui, en cas d'incapacité permanente, le joint au dossier de l'enquête prévue à l'article 474 du code de la sécurité sociale ».
Le texte de l'avis motivé du collège est adressé par le secrétaire, dans les dix jours, et par lettre recommandée à la victime et à l'organisme de sécurité sociale intéressé (art. 6 de l'arrêté du 7 août 1958).
Ni l'avis du médecin agréé en matière de pneumoconioses, ni celui du collège de trois médecins ne constituent des décisions. Seuls les organismes de sécurité sociale ont qualité pour prendre, dans la limite de leur compétence respective, des décisions susceptibles de recours, tant sur le caractère professionnel de la maladie déclarée que sur le droit aux prestations, le taux de l'incapacité permanente, etc. La notification de ces décisions, dans les formes prévues par la loi, fait courir le délai de recours (cf. commission régionale d'appel de Dijon, 4 mars 1957, dame G… contre caisse régionale de Bourgogne — Franche-Comté ; cour de cassation, chambre civile, section sociale, 1er février 1958, Lubrez contre Houillères du bassin des Cévennes).
Le législateur, en organisant une procédure particulière d'instruction médicale des déclarations de silicose professionnelle, n'a pas entendu réduire le pouvoir de décision des organismes de sécurité sociale mais bien procurer à ceux-ci comme aux victimes elles-mêmes les garanties techniques indispensables en cette matière particulièrement délicate.
La caisse ou l'organisation spéciale de sécurité sociale n'est pas liée par l'avis du médecin agréé ou du collège ; encore ne saurait-elle s'en écarter qu'avec une très grande prudence. Lorsque cet avis lui paraît soulever des doutes, comporter des lacunes… elle peut toujours demander au médecin agréé ou au collège qui en est l'auteur de le préciser ou de le compléter. Elle peut aussi provoquer l'expertise prévue à l'article 15 du décret du 17 octobre 1957 . Elle ne saurait passer outre sans justification d'ordre médical.
La décision prise par la caisse ou l'organisation spéciale de sécurité sociale doit se référer expressément à l'avis du médecin agréé ou du collège et, le cas échéant, aux autres avis médicaux sur lesquels ladite décision est fondée. Cette décision, ainsi motivée, est notifiée à la victime dans les conditions générales.
5. Contestations
5.1. Procédure d'expertise médicale
La décision prise par l'organisme de sécurité sociale compétent peut être contestée conformément aux dispositions générales. En particulier, si une contestation d'ordre médical s'élève il y a lieu de mettre en œuvre la procédure d'expertise médicale prévue à l'article 486 (5) du code de la sécurité sociale (arrêté du 24 juillet 1956, circulaire 83 SS du 24 juillet 1956) (6). Toutefois, conformément à l'article 15 du décret du 17 octobre 1957 , l'expertise doit être confiée :
— soit à un médecin agréé en matière de pneumoconioses (autre que celui qui a examiné précédemment la victime et non exclu pour l'un des motifs prévus à l'article 487 du code de la sécurité sociale) ;
— soit à un collège de trois médecins dans les cas suivants :
a). La victime, l'employeur ou l'un des organismes intéressés en fait la demande à l'inspecteur du travail ou au fonctionnaire compétent ;
b). La victime a été déjà examinée par un collège (art. 6 et 19 du décret du 17 octobre 1957 ). Dans ce cas l'expertise est confiée à un « collège autre que celui qui a procédé à l'examen de la victime ».
Ainsi que je l'ai précisé, ces dispositions ne visent pas un médecin agréé ou un collège déterminé. La victime peut donc être soumise à l'examen d'un collège régulièrement constitué au même siège et ne comprenant aucun des médecins qui ont effectué le précédent examen.
Lorsque cette solution ne peut être envisagée, il convient de saisir le collège voisin le plus proche.
Les dispositions des articles 4 à 6 de l'arrêté du 23 novembre 1953 sont applicables au collège intervenant en qualité d'expert, sans préjudice de l'application des dispositions générales relatives à la procédure d'expertise médicale.
Je rappelle qu'en vertu de ces dispositions générales l'avis technique de l'expert n'est pas susceptible de recours. En outre, les commissions du contentieux général de la sécurité sociale sont tenues de renvoyer les parties à mettre en œuvre la procédure d'expertise médicale lorsque le différend qui leur est soumis fait apparaître une difficulté d'ordre médical.
5.2. Contestations relatives au taux d'incapacité permanente
5.2.1.
Les recommandations figurant au chapitre III ci-dessus en ce qui concerne la communication de l'ensemble des éléments médicaux au médecin agréé ou au collège sont également valables pour la constitution du dossier soumis à la commission régionale d'invalidité et d'incapacité permanente et éventuellement à la commission nationale.
Certains organismes n'aperçoivent pas suffisamment l'importance que présente en la matière la confrontation des constatations cliniques et radiographiques successives. Ils se bornent à fournir les documents les plus récents, ou ceux qui se rapportent à la décision contestée.
Je vous demande instamment de veiller désormais à ce que les dossiers complets soient transmis aux juridictions saisies afin de leur permettre de statuer en pleine connaissance de cause ;
5.2.2.
La commission régionale doit obligatoirement faire examiner la victime soit par un médecin agréé soit par un collège suivant que la décision contestée a été rendue après avis d'un tel médecin ou d'un tel collège. Les indications données ci-dessus en ce qui concerne la détermination de l'« autre collège » sont également valables dans cette dernière hypothèse ;
5.2.3.
La commission nationale, qui statue sur pièces, prend l'avis d'un médecin agréé et, sur proposition dudit médecin, d'un collège, ce médecin et ce collège étant désignés auprès d'elle par arrêté ministériel ;
5.2.4.
Le dernier alinéa de l'article 16 envisage l'hypothèse exceptionnelle où, le taux de l'incapacité permanente ayant été fixé sans qu'à aucun moment l'existence de l'une des complications de la silicose n'ait été décelée ou tranchée dans les conditions indiquées plus haut, les examens médicaux effectués par la commission d'invalidité ou à sa demande révèlent la probabilité de cette existence à la date à laquelle on doit se placer pour apprécier le taux de l'incapacité permanente.
Les caractéristiques de la situation ainsi exposée sont nettement déterminées ; si l'une d'entre elles fait défaut, le texte en cause ne s'applique pas. C'est ainsi que lorsqu'il apparaît que la survenance des complications décelées à l'occasion des examens pratiqués par ou à la demande de la commission est postérieure à la date d'effet de la décision contestée, la commission régionale n'a pas à en connaître.
La commission régionale prend l'avis du collège compétent qui examine le malade dans les conditions générales prévues à l'arrêté du 7 août 1958 (7). L'avis motivé du collège est transmis à la commission. Celle-ci doit, alors, fixer le taux de l'incapacité permanente en tenant compte, selon le cas, de l'existence ou de l'absence de la ou des complications supposées à la date considérée.
La commission nationale, saisie en appel des décisions ainsi rendues par les commissions régionales, se prononcera également sur l'ensemble de la question, dans les limites de l'appel.
Cette mesure tend à accélérer la procédure dans les cas visés qui sont, d'ailleurs, peu fréquents.
6. Droit aux prestations des victimes de la silicose
Plusieurs dispositions doivent retenir l'attention :
6.1. Droit aux prestations en nature et aux indemnités journalières ; article 5 du décret
Je rappelle que le décret du 17 novembre 1947, comme l'avait fait l'ordonnance du 2 août 1945 (8) excluait formellement ce droit.
Les progrès réalisés dans la connaissance de la silicose firent apparaître les graves inconvénients d'une dérogation aussi sévère au droit commun de la réparation des maladies professionnelles.
Le décret du 18 octobre 1952 avait restreint de façon importante la portée de cette exclusion en ouvrant droit aux prestations de l'incapacité temporaire aux victimes atteintes de l'une des complications visées au tableau de la silicose professionnelle.
Cet élargissement du droit était assorti de garanties particulières quant au diagnostic : en effet, l'existence des complications devait être reconnue par un collège de trois médecins particulièrement qualifiés par leur connaissance de la silicose et de ses complications.
Une nouvelle étape vient d'être franchie. Si les dispositions de l'article 5 du 17 octobre 1957 sont encore limitatives en ce qui concerne les cas ouvrant droit aux prestations, du moins les conditions désormais applicables se rapprochent-elles de celles qui découlent de la loi et des dispositions réglementaires.
2° Aucun mode spécial de constatation n'a été prévu par l'article 5, 2°, et cela pour des raisons d'ordre pratique. En effet, la procédure de constatation prévue à l'article 9 du décret, qui prend tout son sens en ce qui concerne l'existence de la silicose et, éventuellement, de ses complications de caractère durable, ne pouvait être adoptée pour les manifestations passagères de la silicose.
Il convient donc, en l'absence de dispositions dérogatoires, de se référer aux règles générales. Il appartient à la victime reconnue atteinte de silicose, qui sollicite le bénéfice des prestations du chef de l'article 5, 2°, de faire parvenir à la caisse primaire ou à l'organisation spéciale un certificat de son médecin traitant fournissant toutes les précisions nécessaires. Après avoir fait procéder aux contrôles qu'elle juge utiles, ladite caisse ou organisation prend sa décision et la notifie à la victime. En cas de refus et de contestation, les dispositions visées au chapitre V, 1°, ci-dessus, sont applicables.
J'insiste tout particulièrement sur la nécessité d'agir avec la plus grande diligence en la matière.
6.2. Indemnité de changement d'emploi
Le montant de l'indemnité de changement d'emploi a été porté de trente jours à soixante jours de salaire par année d'exposition au risque avec maximum de trois cents jours (au lieu de cent cinquante jours) de salaire.
L'indemnité de changement d'emploi est payée par mensualités égales échelonnées sur une période double (au lieu de quadruple) du nombre de jours de salaire pris en considération pour le calcul de ladite indemnité.
Les dispositions antérieures excluant le cumul de l'indemnité de changement d'emploi soit avec l'indemnité journalière, soit avec la rente, ont été maintenues (art. 8, 4e et 5e alinéas, et art. 12, 2e alinéa, du décret du 17 octobre 1957 ).
En outre et compte tenu du relèvement important du montant de l'indemnité de changement d'emploi, il a été décidé que, si l'intéressé occupe un nouvel emploi, l'indemnité ne pourra représenter que la différence entre le salaire ayant servi de base au calcul de ladite indemnité, éventuellement revalorisée, et le nouveau salaire, dans la limite globale du montant maximum de l'indemnité de changement d'emploi (art. 8, 3e alinéa).
7. Organisme de prise en charge
La détermination de l'organisme compétent pour la prise en charge de la silicose professionnelle a soulevé des difficultés dans des cas où la victime ayant changé d'emploi en même temps qu'elle cessait d'être exposée au risque ne relevait plus, lors de la première constatation médicale de la maladie, de la caisse ou de l'organisation de sécurité sociale à laquelle elle était affiliée lorsqu'elle effectuait les travaux susceptibles d'avoir causé la maladie.
La Cour de cassation (chambre civile, section sociale) s'était prononcée nettement sur ce point dans le sens toujours soutenu par mon administration (cf. arrêt du 22 février 1957 suivi de plusieurs arrêts dans le même sens ; circulaire 36 de la sécurité sociale du 27 mars 1957).
Il importait de déterminer dans quelles conditions ces troubles pourraient être pris en considération, seules les conséquences directes de la maladie professionnelle pouvant donner lieu à indemnisation.
Les spécialistes éminents dont l'avis a été recueilli ont été unanimes à déclarer — et cette opinion est d'ailleurs généralement exprimée par les praticiens qualifiés — que les silicotiques présentent certaines affections broncho-pulmonaires de façon plus fréquente, plus prolongée, plus grave que les personnes indemnes de cette maladie professionnelle.
La silicose est donc directement responsable de cet accroissement de fréquence, de durée et de gravité. Il en découle, conformément aux principes généraux de notre législation consacrée par une jurisprudence constante de la cour de cassation que, dans la mesure de cet accroissement, les conséquences doivent être prises en charge au titre de la maladie professionnelle.
Telle est la justification de la disposition nouvelle, dont le principe, comme les modalités, sont fondés sur les avis médicaux recueillis.
Les conditions suivantes peuvent être dégagées :
1. Il doit s'agir de « suppuration bronchique ou pulmonaire caractérisée entraînant une incapacité temporaire d'une durée supérieure à trente jours consécutifs ou de rechute de la même affection survenant moins de six mois après la fin de la période d'incapacité temporaire susvisée ».
Les caractéristiques de la suppuration bronchique relèvent de l'appréciation médicale, mais je souligne que la notion de durée, comme celle de récidive précoce sont des éléments de la définition même de l'état considéré comme étant en relation avec la silicose.
Il en découle que les prestations et, s'il y a lieu, les indemnités ne peuvent être attribuées au titre de la maladie professionnelle qu'à partir du trente-et-unième jour de l'incapacité temporaire résultant de l'affection en cause ou du premier jour de l'incapacité temporaire causée par la rechute survenue dans le délai indiqué.
Pendant les trente premiers jours, le malade sera pris en charge s'il remplit les conditions requises, au titre des assurances sociales et les prestations servies le seront à titre définitif. Il en sera de même pour les trente premiers jours d'incapacité temporaire causée par une rechute survenant dans les conditions suivantes :
a). Plus de six mois après la fin de la période d'incapacité temporaire prise en charge au titre de la silicose professionnelle ;
b). A un moment quelconque après la fin d'une période d'incapacité temporaire n'ayant pas donné lieu à prise en charge au titre de la maladie professionnelle.
En cas de rechutes successives, le délai de six mois sera toujours apprécié par rapport à la rechute précédant immédiatement celle pour laquelle les prestations seront sollicitées.
Pour le calcul des indemnités journalières, le vingt-neuvième jour d'incapacité temporaire donnant lieu à l'application du taux des deux tiers du salaire de base sera déterminé à compter du premier jour d'incapacité indemnisée.
La première condition est que le malade ait été « reconnu atteint de silicose ». Cette condition va de soi.
Dans la plupart des cas, en raison de l'évolution lente de la maladie, les prestations seront sollicitées plus ou moins longtemps après que la silicose aura été reconnue et aura donné lieu à indemnisation.
Il n'est pas exclu cependant que la question des soins se trouve posée dès la première constatation médicale.
Rien ne s'oppose à ce que la décision soit prise en même temps sur l'existence de la silicose et l'attribution des prestations et indemnités de l'incapacité temporaire.
En second lieu, le droit aux prestations n'est ouvert que dans les cas énumérés par le texte sous deux groupes bien distincts.
Le premier comprend les complications de la silicose, telles qu'elles figurent au tableau no 25. La seule innovation est dans le mode de constatation de leur existence. Ainsi que je l'indiquais au chapitre III, l'intervention à cet effet du collège de trois médecins n'est plus requise de façon générale. Cependant, une complication alléguée n'ouvrira droit aux soins que si elle a été expressément constatée comme complication de la silicose professionnelle, soit par le médecin agréé, soit par le collège dans les conditions prévues aux articles 9, 10 et 13 du décret.
Ces conditions offrent d'incontestables garanties pour l'élaboration d'un diagnostic souvent délicat ; elles ont un caractère obligatoire.
Si le médecin agréé ou le collège estime que la victime n'est pas atteinte de l'une des complications figurant au tableau de la silicose, la caisse doit, après avis de son médecin conseil, soit notifier une décision de rejet en précisant les voies de recours, dans les conditions générales, soit prendre elle-même l'initiative de provoquer l'expertise médicale prévue à l'article 486 du code de la sécurité sociale et à l'article 15 du décret du 17 octobre 1957 comme il est indiqué au chapitre III, 1o, ci-dessus.
La seconde catégorie de cas ouvrant droit aux prestations constitue une innovation. Il s'agit : « 2° De suppurations bronchiques ou pulmonaires caractérisées entraînant une incapacité temporaire d'une durée supérieure à trente jours consécutifs ou de rechute de la même affection survenant moins de six mois après la fin de la période d'incapacité » temporaire susvisée. Les prestations et les indemnités visées au présent article sont attribuées, selon le cas, à partir du trente et unième jour d'incapacité temporaire résultant de l'affection en cause ou du premier jour de l'incapacité temporaire causée par ladite rechute. Pour l'application du deuxième alinéa de l'article 449 du code de la sécurité sociale, le vingt-neuvième jour est calculé à partir du jour où sont attribuées les indemnités de l'incapacité temporaire ».
Ces dispositions appellent quelques commentaires :
L'opinion était généralement exprimée par les praticiens compétents que les dispositions du décret du 18 octobre 1952 limitant le bénéfice des soins aux complications de la silicose présentaient un caractère trop rigoureux ; il était admis que la silicose même non compliquée peut donner lieu à des troubles justifiant l'octroi des prestations.
Ces dispositions ont été reprises sans modification. Je crois devoir appeler votre attention sur leur importance et vous signaler celles de l'arrêté du 7 août 1958 qui les complètent.
La victime et la caisse ou l'organisation spéciale de sécurité sociale peuvent, chacune en ce qui la concerne, désigner un médecin pour assister à l'examen de la victime par le collège (art. 5 de l'arrêté susvisé). Je n'ai pas besoin d'insister sur l'intérêt que présente pour chacune des parties l'usage de cette possibilité.
Conformément au principe posé à l'article 487 du code de la sécurité sociale, le médecin agréé en matière de pneumoconiose ou un membre du collège de trois médecins ne peut procéder à l'examen de la victime s'il est médecin traitant de celle-ci, médecin-conseil de l'organisme de sécurité sociale intéressé ou attaché à l'entreprise dont elle relève ou relevait. Dans le cas où il se trouverait saisi du dossier, le médecin agréé ou le membre du collège doit se récuser, le premier en renvoyant immédiatement le dossier à l'inspecteur du travail ou au fonctionnaire compétent, le second en avertissant le secrétariat du collège.
Il est fait application des mêmes principes en ce qui concerne le fonctionnement des centres d'exploration fonctionnelle [art. 7 de l'annexe XXVII au décret no 56-284 du 9 mars 1956 (9)].
En aucun cas, les résultats des examens ou des explorations fonctionnelles qui auraient été antérieurement pratiqués, notamment par les services médicaux de l'entreprise, ne pourraient être considérés comme constituant les examens ou explorations incombant au collège ou comme en tenant lieu. La connaissance des résultats de ces examens et explorations comme de l'ensemble des constatations médicales qui ont pu être déjà faites présente un intérêt certain pour le médecin agréé ou le collège et je confirme à cet égard qu'il convient de lui fournir ces éléments. Mais ils ne font pas double emploi avec les constatations directes que le médecin agréé ou le collège est tenu d'effectuer avant de formuler son avis.
L'article 6 de l'arrêté du 7 août 1958 exige expressément que le collège rappelle dans son avis la disposition en vertu de laquelle il a été saisi. Cette indication est substantielle, le collège ne pouvant intervenir dans les cas autres que ceux qui lui ont été dévolus.
En outre, l'avis du collège, qui doit comporter les éléments prévus à l'article 9, doit être motivé. Il ne saurait donc se limiter à l'énoncé du résultat des examens et à la conclusion, mais doit contenir les considérations qui justifient celle-ci. A l'instar de la jurisprudence très ferme de la Cour de cassation en ce qui concerne la validité des expertises médicales, la commission régionale de Paris a jugé que, pour prendre son plein effet, l'appréciation du collège devait être « claire, nette, non ambiguë » (17 octobre 1955, caisse primaire centrale de sécurité sociale de la région parisienne contre sieur Calavia Félix et autres).
Il incombe au médecin agréé de remettre à la victime une copie de son certificat descriptif dont il adresse l'original, avec le dossier, à la caisse primaire ou à l'organisation spéciale de sécurité sociale (art. 9 du décret du 17 octobre 1957 ).
L'article 19, deuxième alinéa, du décret du 17 octobre 1957 confirme par une disposition expresse les règles résultant de la loi.
C'est, dans tous les cas, à la date de la première constatation médicale, telle qu'elle est définie à l'article 3 du même décret, de la maladie professionnelle qu'il y a lieu de se placer pour déterminer l'organisme compétent. Si la victime relève, alors, d'un organisme de sécurité sociale couvrant le risque d'accidents du travail et de maladies professionnelles dans les conditions prévues au livre IV du code de la sécurité sociale, c'est à cet organisme qu'incombe la charge des prestations et indemnités.
Si la victime n'est plus affiliée à un tel organisme, soit parce qu'elle n'exerce plus d'activité professionnelle, soit parce que son activité l'assujettit à un régime légal autre que le livre IV du code de la sécurité sociale (exemples : travailleurs des professions agricoles ou forestières ; fonctionnaire soumis au statut de la fonction publique ; agent titulaire d'une collectivité locale…), c'est à l'organisme ou organisation spéciale de sécurité sociale couvrant le risque d'accidents du travail et de maladies professionnelles conformément au livre IV précité, auquel la victime était affiliée en dernier lieu, que : que soit l'emploi alors occupé par elle, qu'il appartient de lui attribuer les prestations et indemnités auxquelles elle sera reconnue avoir droit.
8. Dispositions de caractère transitoire
Dans l'esprit de l'article 4 de la loi du 28 novembre 1955 (10) qui tendait à accorder, sans rétro-activité dans les effets pécuniaires, le bénéfice des améliorations apportées au régime de réparation de la silicose aux victimes dont l'état avait été constaté depuis le 1er janvier 1947, l'article 22 du décret du 17 octobre 1957 leur ouvre droit à partir du 23 octobre 1957 :
d'une part, aux prestations dans les cas prévus à l'article 5 ;
d'autre part, à un nouvel examen de leur situation au regard des dispositions nouvelles relatives au délai de prise en charge, lorsqu'elles ne remplissaient pas les conditions antérieurement en rigueur et se trouvaient, de ce fait, privées des réparations légales.
9. Asbestose
Depuis l'origine (ordonnance du 2 août 1945), les dispositions spéciales d'application de la loi ont été communes à la silicose et à l'asbestose. Le décret no 52-1169 du 18 octobre 1952 relatif à cette dernière maladie renvoyait au décret no 52-1168 (11) de la même date relatif à la silicose. Pour la commodité, l'application du décret du 17 octobre 1957 à l'asbestose a été mentionnée dans ce texte lui-même (art. 23).
Les dispositions nouvelles qui font l'objet de la présente circulaire réalisent, dans toute la mesure compatible avec la nécessité de maintenir les garanties appropriées aux caractères particuliers de la silicose et de l'asbestose professionnelles, de notables améliorations au régime de réparation précédemment en vigueur.
Il appartient à vos organismes ainsi qu'aux praticiens et aux services qui concourent à l'application de ces dispositions, de donner à celles-ci leur pleine efficacité, notamment en accentuant leurs efforts en vue de réduire à la durée strictement indispensable les délais prévus pour les différents examens.
J'attacherais du prix à connaître éventuellement les difficultés que soulèverait l'application de ces dispositions.