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DIRECTION DES SERVICES FINANCIERS : Service de la comptabilité générale ; Bureau de la réglementation financière

INSTRUCTION N° 69-99/B du ministère de l'économie et des finances relative à la prescription des créances.

Du 08 septembre 1969
NOR

Précédent modificatif :  Erratum du 26 mai 1970 (BOC/SC, p. 524).

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  310.8.

Référence de publication : BOC/SC, 1970, p. 457.

L'attention des comptables est appelée sur la loi 68-1250 du 31 décembre 1968 (1) relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes, et les établissements publics. Cette loi, dont l'entrée en vigueur était fixée au 1er janvier 1969, a abrogé les articles 9, 9 bis et 10 de la loi modifiée du 29 janvier 1831 instituant la « déchéance quadriennale » (2).

La présente instruction a pour objet de dégager les principes généraux de la réforme et d'exposer en détail certaines dispositions particulières intéressant plus spécialement les comptables du Trésor.

1. Dispositions générales.

La loi répond à un double souci :

  • donner une protection efficace aux créanciers des collectivités publiques ;

  • assurer l'apurement des dettes de ces collectivités dans un délai raisonnable.

Elle a été conçue en tenant largement compte des principales règles dégagées par la jurisprudence administrative depuis 1831.

1.1.

La protection des créanciers, telle qu'elle résultait des dispositions antérieures, est renforcée par des dispositions d'un caractère très libéral.

Ces dispositions sont au nombre de quatre :

1.1.1.

L'augmentation du délai de prescription.

L'article premier de la loi fixe le point de départ du délai de quatre ans, au premier jour de l'année suivante celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sous le régime antérieur, le point de départ de la déchéance était fixé au premier jour de l'année au cours de laquelle la créance était née. Il s'ensuit que le délai de prescription est maintenant de cinq ans ou de quatre ans, selon que le droit à créance est acquis en début ou en fin d'année, alors qu'il était jusqu'alors de quatre ou trois ans.

1.1.2.

L'ouverture plus large des cas interruptifs du délai de prescription.

Ces cas énumérés à l'article 2 visent :

  • la demande de paiement, ou la réclamation écrite ;

  • le recours juridictionnel ;

  • la communication écrite d'une administration concernant le fait générateur, l'existence, le montant ou le paiement de la créance ; ce cas interruptif couvre, notamment les correspondances échangées entre ordonnateurs et comptables, avant la mise en paiement de la créance ;

  • l'émission d'un moyen de règlement.

Il faut noter que l'énumération précise des causes d'interruption a permis d'abandonner la notion abstraite du « fait de l'administration », qui constituait l'un des deux cas interruptifs de la déchéance, prévus par l'article 10 de la loi modifiée du 29 janvier 1831.

1.1.3.

L'institution des causes de suspension du délai de prescription ; ces causes de suspension sont au nombre de deux :

  • le créancier ne peut pas agir, en raison d'une incapacité ou d'un cas de force majeure, ou n'a pas connaissance de l'existence de la créance (art. 3) ;

  • la créance est frappée d'opposition (art. 5).

Ce cas est plus spécialement étudié dans la seconde partie de l'instruction, réservée aux dispositions particulières intéressant les comptables.

1.1.4.

La possibilité offerte aux administrations débitrices de relever de la prescription les créanciers digne d'intérêt.

Cette procédure prévue à l'article 6 (deuxième et troisième alinéas) est, elle aussi, étudiée à la seconde partie.

1.2.

Les impératifs d'ordre budgétaire et comptable ont conduit à retenir les règles suivantes :

1.2.1.

Le point de départ du délai est fixé au premier jour de l'année, afin de permettre la computation des délais par année civile.

1.2.2.

La loi confère un caractère obligatoire à la prescription, en disposant que les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription (art. 6, 1er alinéa).

1.2.3.

La loi, en apportant des précisions sur les personnes morales soumises à la prescription, lève l'équivoque que les textes antérieurs comportaient quant au régime de déchéance applicable aux établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial.

Désormais, la nouvelle prescription concerne tous les établissements publics dotés d'un comptable public, quel que soit leur régime juridique.

2. Dispositions particulières.

Plusieurs dispositions de la loi intéressent plus particulièrement les comptables du Trésor, et justifient une analyse détaillée.

2.1. CREANCES FRAPPEES D'OPPOSITION.

L'article 5 est ainsi rédigé : « Les créances au paiement desquelles il a été fait opposition entre les mains d'un comptable public ne sont plus soumises à la prescription, à partir de la date de l'opposition ».

De cette disposition, découlent les conséquences suivantes :

Au plan juridique.

L'opposition a pour effet d'écarter, à concurrence de son montant, l'application de la prescription. Cette opposition est soumise, en ce qui concerne sa validité, aux conditions fixées par le code de procédure civile, et notamment par l'article 561 (visa de l'original). Il est rappelé que toute opposition doit rester déposée jusqu'au lendemain, au bureau ou à la caisse où elle a été faite, les dimanches et jours fériés n'étant pas comptés (cf. instruction concernant les oppositions, saisies-arrêts et significations de transports du 31 aoüt 1905, art. 12).

Cette situation cesse lorsque la procédure applicable aux oppositions est parvenue à son terme et qu'il n'existe plus, par conséquent, d'obstacle juridique au paiement entre les mains soit du saisi, soit du saisissant.

Au plan comptable.

A concurrence du montant de l'opposition, les créances faisant l'objet d'oppositions seront portées au compte 33.021.03 ou 33.021.04 (3) « fonds consignés au Trésor par divers particuliers ou à leur profit. Consignations du service de la dépense » ou « consignations du service des pensions ». Le règlement des sommes portées aux comptes susvisés interviendra dans les conditions habituelles, à la suite soit d'une mainlevée de l'opposition, soit du jugement de validité de l'opposition.

Si la mise en paiement est subordonnée à la production de justifications particulières, notamment dans le cas de décès du saisi ou du saisissant, la créance est soumise à la prescription de quatre ans, le point de départ du délai étant fixé au premier jour de l'année suivant celle au cours de la laquelle est intervenue la mainlevée de l'opposition (qui vaut attribution au saisi et demande de paiement) ou le jugement la validant.

Enfin, la consignation administrative des sommes grevées de saisies-arrêts ou oppositions, organisée par l'instruction no 67-61/B/1 du 27 juin 1967 (n.i. BO) ne se justifie plus du fait de la disposition nouvelle, et il n'y a plus lieu d'en faire application.

2.2. CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA PRESCRIPTION.

( Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 , article 13, dernier alinéa.)

Le dossier de mandatement doit faire apparaître :

  • l'année au cours de laquelle les droits du créancier ont été acquis ;

    le cas échéant,

  • le fait interruptif de la prescription et l'année au cours de laquelle il est intervenu ;

  • le fait suspensif, l'année au cours de laquelle il est intervenu ainsi que celle où il a pris fin.

Dans le cas de renonciation à la prescription acquise par application de l'article 6 (2e et 3e alinéas), le dossier comporte :

  • pour les dépenses de l'Etat, la décision prise conjointement par le ministre ordonnateur de la dépense et le ministre de l'économie et des finances ;

  • pour les dépenses des départements, des communes et des établissements publics, l'extrait de la délibération prise par le conseil général, le conseil municipal ou le conseil ou organe chargé de l'établissement public, selon le cas. Ces délibérations, conformément à la loi, sont motivées et sont approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée.

2.3. DISPOSITIONS PARTICULIERES AUX CREANCES SUPERIEURES A 5000 FRANCS ET NON REGLEES AVANT L'EXPIRATION DU DELAI DE PRESCRIPTION.

Conformément à l'instruction no 68-143/B/1 du 26 novembre 1968 (4), les dossiers relatifs au paiement des créances d'un montant supérieur de 5 000 francs et non réglées avant l'expiration du délai de la prescription — apprécié par rapport à l'année au cours de laquelle les droits du créancier ont été acquis — doivent être appuyés d'une décision spéciale du ministre liquidateur, visée préalablement par le contrôleur financier, et indiquant les motifs pour lesquels la prescription n'est pas applicable.

2.4. MENTION DE REFERENCE APPOSEE SUR LES MOYENS DE REGLEMENT.

Au fur et à mesure de la réimpression des imprimés nécessaires au mandatement des dépenses de l'Etat, dont les modèles ont été annexés à l' instruction du 18 septembre 1961 il convient de remplacer la mention relative à la déchéance quadriennale par celle de la prescription édictée par la loi susvisée du 31 décembre 1968 .

La nouvelle mention sera ainsi rédigée :

« Attention, chèque (ou ordre de paiement) non payable après le 31 décembre de la quatrième année suivant celle où il a été émis.

Créance définitivement prescrite après cette date ( loi 68-1250 du 31 décembre 1968 ) ».

2.5. DISPOSITIONS APPLICABLES AUX PENSIONS ET EMOLUMENTS ASSIMILES PAR L'ETAT.

.................... 

2.6. DISPOSITIONS APPLICABLES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER.

L'article 11 de la loi réalise l'unification des règles de déchéance en métropole et dans les territoires d'outre-mer, sous réserve de certaines compétences dévolues aux autorités du territoire français des Afars et des Issas et du territoire des Comores.

Dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, de la Polynésie française, des terres australes et antarctiques françaises, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis et Futuna, les dispositions de ce texte sont applicables aux créances sur l'Etat, les territoires, les communes, et les établissements publics dotés d'un comptable public et, de ce fait, les dispositions des articles 237, 238 et 239 du décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des territoire d'outre-mer deviennent caduques.

En ce qui concerne le territoire français des Afars et des Issas et celui des Comores, la matière relevant de la compétence des autorités territoriales pour les créances sur les territoires, leurs collectivités locales et leurs établissements publics, ces dispositions sont applicables, à compter du 1er janvier 1969, aux seules créances sur l'Etat et les établissements publics de l'Etat.

Dès lors, jusqu'à intervention éventuelle de nouveaux textes locaux, les comptables intéressés continueront à faire application pour les créances territoriales, des articles 237, 238 et 239 du décret du 30 décembre 1912 susvisé.

3. Mesures transitoires.

La loi n'ouvre aucun droit nouveau aux détenteurs de créances qui, au 1er janvier 1969, date de son entrée en vigueur, étaient déjà atteintes par la déchéance instituée par les textes abrogés.

En conséquence, les créances nées antérieurement au 1er janvier 1966 ne peuvent bénéficier des dispositions nouvelles, dans la mesure où aucun des deux cas interruptifs (fait de l'administration ou recours devant une juridiction), prévus par l'article 10 de la loi modifiée du 29 janvier 1831, ne peut être invoqué. Dans l'hypothèse contraire, les dispositions de la nouvelle loi sont applicables, en vertu de son article 9.

.................... 

Pour le directeur de la comptabilité publique et par délégation du ministre :

Le chef de service,

Pierre LADURÉ.