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Archivé DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : Sous-Direction action scientifique et technique ; Bureau technique

INSTRUCTION N° 4699/DEF/DCSSA/2/TEC/1 relative à la surveillance médicale des personnels exposés au rayonnement laser.

Du 12 décembre 1980
NOR

Autre(s) version(s) :

 

Précédent modificatif :  a).  1er modificatif du 15 juin 1981 (BOC, p. 2919). , b).  2e modificatif du 6 octobre 1988 (BOC, p. 5104) NOR DEFE8854074J.

Référence(s) :

Instruction n° 31/DEF/DPC/PRA/HS du 30 janvier 1975 (BOC, p. 359, radié le 16 avril 1991, p. 1479).

Notices provisoires n° 750/DEF/EMAT/Etudes/8 993/DEF/EMAT/EMPL/EE 1273/DEF/EMAT/INS/IS approuvées le 4 avril 1979 (n.i. BO).

Instruction sur les mesures de sécurité applicables aux personnels de la marine nationale exposés au rayonnement laser n° 62/EMM/MAT/ST du 13 février 1981 (n.i. BO).

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  513.3.2.2.7., 726.3.2.1.2.

Référence de publication : BOC, p. 4718.

Les instructions citées en référence définissent les caractéristiques du rayonnement laser, les distances de sécurité et classent les matériels en fonction de leur utilisation dans chaque armée.

Le but de la présente instruction est de préciser et définir les modalités de la surveillance médicale des personnels civils et militaires exposés au rayonnement laser.

1. Généralités sur le rayonnement laser.

1.1. Définition du laser (Light Amplifier by Stimulated Emission of Radiation).

Le laser est une source de lumière cohérente, c'est-à-dire rigoureusement monochromatique et dont toutes les ondes sont accordées entre elles.

1.2. Caractéristiques de l'émission laser.

Trois paramètres sont à envisager :

  • la longueur d'onde d'émission ;

  • la durée des émissions du rayonnement ;

  • l'énergie ou puissance d'émission.

1.2.1. La longueur d'onde d'émission.

Elle s'exprime en nanomètre (1 nm = 10-9 m). Le spectre « visible », c'est-à-dire la portion du spectre des radiations électromagnétiques à laquelle l'œil est sensible, s'étend classiquement de 450 à 700 nm. En dessous de 450 nm c'est le domaine de l'ultraviolet, proche puis lointain. Au-dessus de 700 nm c'est le domaine du proche infrarouge, puis du lointain infrarouge.

Le terme laser présente une certaine ambiguïté du fait du terme Light (lumière) qui, en principe, ne devrait recouvrir que la portion comprise entre 400 et 700 nm dite « visible » du spectre des radiations électromagnétiques.

En fait, de nombreux lasers présentent des longueurs d'ondes hors du spectre visible.

1.2.2. La durée d'émission.

Le rayonnement laser peut être émis selon trois modes :

  • a).  En impulsions déclenchées.

    La durée des émissions est de quelques picosecondes (1 picoseconde = 10-12 seconde), à quelques centaines de nanosecondes (1 nanoseconde = 10-9 seconde). La fréquence de répétition de ces impulsions est très variable, de plusieurs megahertz à quelques impulsions par heure.

  • b).  En impulsions relaxées.

    La durée est alors de l'ordre d'une microseconde à 1/10 de seconde. La fréquence de répétition est d'une dizaine par seconde à une par minute.

  • c).  En émission continue.

    Conventionnellement, on désigne ainsi toute impulsion de durée supérieure à un dixième de seconde.

1.2.3. Energie de puissance délivrée.

L'unité d'énergie est le joule (J). C'est l'unité employée pour les lasers à impulsions déclenchées ou relaxées. On exprime l'énergie délivrée au cours d'une impulsion.

Pour les lasers à émission continue, le facteur temps doit être pris en compte et l'on parlera donc de puissance (énergie par unité de temps). L'unité est le watt (W) (1 watt = 1 joule/seconde).

L'énergie transportée par le faisceau peut être concentrée sur de petites surfaces, ou bien étalée sur une aire plus large, selon le type d'application. Mais le diamètre du faisceau émergeant du tube laser n'est pas rigoureusement cylindrique, et l'on fait intervenir la notion de divergence. Cette divergence est définie selon les constructeurs, par l'angle ou sommet du cône qui contient 50 p. 100 à 86 p. 100 de l'énergie transportée.

1.3. Les effets biologiques du laser.

Un impact laser peut produire trois types de réactions :

  • thermique ;

  • onde de choc ;

  • modifications du champ électrique.

1.3.1. Les effets thermiques.

Ils sont les mieux connus actuellement. L'augmentation de température se produit au niveau de l'impact, mais peut aussi diffuser à l'entour. Cette diffusion est fonction de la puissance de l'émission laser, donc de l'énergie et du temps d'exposition. L'élévation de température étant fonction du pouvoir absorbant du milieu, la nature de la pigmentation de ce dernier devra être confrontée à la longueur du rayonnement. La quantité de pigments intervient également.

1.3.2. L'onde de choc.

Elle entraîne des phénomènes de cavitation. Dans les cavités ainsi formées, on a pu mettre en évidence des molécules gazeuses et des molécules ionisées.

1.3.3. Les modifications du champ électromagnétique.

Elles ont des conséquences biologiques, encore mal connues. L'apparition de radicaux libres, mise en évidence par diverses méthodes, suscite de nombreuses études.

De ces trois modes d'action biologique, les effets thermiques sont les mieux connus. La brûlure ainsi provoquée entraîne une mort tissulaire et les réactions habituelles qui en découlent.

La peau et les yeux sont les organes les plus exposés. L'œil est d'autant plus vulnérable que son système optique propre va focaliser davantage l'énergie au niveau du fond d'œil. En outre, l'épithélium pigmenté de la rétine crée une zone d'absorption importante.

Les lasers ayant une longueur d'onde située dans les limites élargies du spectre visible, sont dangereux pour l'œil et les normes de protection applicables à cet organe sont, à fortiori, bonnes pour la peau. L'ultraviolet lointain, ainsi que l'infrarouge lointain, sont arrêtés par les milieux antérieurs de l'œil, et les puissances maximales tolérables pour la cornée le sont aussi pour la peau.

La surveillance du personnel exposé sera essentiellement une surveillance ophtalmologique et cutanée, en l'état actuel de nos connaissances sur les effets néfastes du laser.

Mais, indépendamment des dangers proprement liés à l'émission laser, il existe des risques dus à l'appareillage lui-même (électriques, bruits), qui ne doivent pas être négligés, et dont les normes de protection figurent dans des instructions déjà en vigueur.

2. Personnel exposé.

Les catégories de personnel exposé peuvent être diverses. Le laser a des applications chaque jour nouvelles.

Les puissances des émissions sont très variables selon les applications.

La définition d'un laser dangereux peut être trouvée dans l'annexe N du Stanag 3606, où les appareils laser sont classés en quatre classes (1). Cette classification des lasers est sommairement décrite en annexe.

La première classe, appelée classe des « lasers exempts », correspond à des appareils dont la puissance d'émission ne présente aucun danger de lésions irréversibles pour l'œil et la peau. Le risque va croissant dans les autres classes.

On peut donc définir comme personnel exposé, tout personnel travaillant de façon habituelle autour d'un système laser dangereux de classes II, III et IV.

La diversité des systèmes et des modes d'emploi interdit toute liste exhaustive.

La notion de personnels exposés aux risques des rayons laser comprend généralement ceux qui mettent en œuvre les émetteurs, les entretiennent, en assurent la maintenance et la réparation, et ceux qui ont accès de façon habituelle à la zone de danger laser. Les personnels spécialisés des laboratoires de recherches sont eux aussi soumis à cette surveillance médicale.

Il incombe au commandement de faire connaître au service de santé la liste des personnels ainsi exposés, la description du poste de travail de chaque personnel désigné, le type de laser employé avec ses caractéristiques, les détails des consignes de sécurité et les équipements de protection et sécurité utilisés.

3. La surveillance médicale.

Elle a trois objectifs :

  • définir l'aptitude médicale des personnels ;

  • tenir à jour les documents médicaux d'ordre général et spécifiques du risque ;

  • recueillir les données épidémiologiques sur un problème en pleine évolution.

Cette surveillance médicale s'exerce dans trois circonstances :

  • la visite d'aptitude, avant tout emploi dans une zone laser ;

  • les visites périodiques de surveillance médicale spéciale ;

  • les visites apériodiques.

3.1. Les visites médicales.

3.1.1. La visite d'aptitude.

Cette visite a pour but d'établir un bilan précis de référence concernant chacun des sujets exposés au risque.

Elle comprend :

3.1.1.1.

Un examen médical général portant plus particulièrement sur l'état cutané du sujet.

Toute affection dermatologique évolutive sur un mode chronique entraîne l'inaptitude de sujet (2).

3.1.1.2. Un examen ophtalmologique.

Effectué dans les hôpitaux des armées par un ophtalmologiste, il comporte :

  • A.  Un examen clinique avec examen du segment antérieur à la lampe à fente et du fond d'œil (sous-mydriatique), avec rétinophotographie à joindre au dossier. En cas d'anomalies du segment antérieur et du cristallin, une photographie des lésions ou un schéma extrêmement précis devra être joint au dossier du sujet.

  • B.  Des examens fonctionnels.

    • a).  Mesure de l'acuité visuelle et de la sensibilité à l'éblouissement, soit avec un nyctomètre enregistreur de Comberg, soit par le test de Bailliart (mesure de l'acuité visuelle de loin après correction, éblouissement pendant 30 secondes avec la lumière de l'ophtalmoscope, le sujet fixant le centre de la plage, mesure de l'acuité visuelle récupérée après 45 secondes, qui doit être égale à l'acuité initiale).

    • b).  Etude du champ visuel central et périphérique. Elle permet de détecter des scotomes centraux ou paracentraux. Elle peut se faire avec :

      • soit la grille d'Amsler dont le schéma sera joint au dossier ;

      • soit l'analyseur de Friedmann qui permet un examen précis et relativement rapide ; les tracés seront joints également au dossier.

    • c).  Etude du sens coloré.

Ce bilan fonctionnel est complété si nécessaire par tout autre test jugé nécessaire par l'ophtalmologiste.

Cet examen ophtalmologique doit permettre de déceler les contre-indications à l'emploi du laser, toujours laissées à l'appréciation du médecin consultant ; à titre d'exemple, les contre-indications absolues sont l'amblyopie importante, la monophtalmie, les affections oculaires chroniques ou aiguës en relation avec une atteinte primitive du système visuel ou secondaires à une maladie de système.

3.1.2. Les visites périodiques de surveillance médicale spéciale.

Elles comportent :

3.1.2.1. Un examen général.

Il est annuel et inclus, chaque fois que cela est possible, dans le cadre des visites systématiques.

3.1.2.2. Un examen ophtalmologique.

Sa périodicité est fixée à 2 ans. Il est fait par un ophtalmologiste des hôpitaux des armées et comprend un examen clinique avec en particulier, un examen du cristallin et du fond d'œil sous-mydriatique.

Les résultats sont confrontés aux photographies faites lors de la visite d'aptitude.

Le médecin examinateur est seul juge de la nécessité de répéter les examens fonctionnels ou non et de faire procéder à la prise de nouveaux clichés en fonction d'éventuelles affections intercurrentes.

3.1.3. Les visites apériodiques.

L'examen ophtalmologique est également pratiqué :

  • à la reprise du travail après une affection ophtalmologique ou du globe oculaire ;

  • à la cessation du service ou pour toute mutation de service mettant fin à l'exposition laser ;

  • chez les sujets se plaignant de troubles oculaires subjectifs après utilisation ou exposition au laser, ou en cas d'infraction aux règles de sécurité ;

  • enfin, en cas d'accident ou d'incident de surexposition (3) à la demande de l'intéressé ou du commandement.

L'examen, pour ces deux derniers cas, est répété 48 heures et 15 jours plus tard en raison du temps de latence d'apparition des lésions. Un examen angiographique à la fluorescéine est pratiqué au plus tard 48 heures après la surexposition.

Tout sujet victime de surexposition fait l'objet d'une surveillance médicale pendant 6 mois.

Lorsque le service hospitalier possède un équipement d'exploration fonctionnelle insuffisant, le sujet victime d'un phototraumatisme rétinien par laser est adressé vers un centre mieux équipé (hôpital d'instruction des armées ou centre d'expertise médicale du personnel navigant).

3.2. Documents médicaux à établir ou à renseigner.

3.2.1. Le livret médical.

La notion d'exposition au risque est mentionnée sur le livret médical des personnels militaires et le dossier médical no 628*/5 des personnels civils, avec date du début et de la fin de l'exposition.

3.2.2. La fiche de surveillance médicale spéciale.

Les visites médicales d'aptitude, les visites périodiques, les visites de reprise du travail, les visites de fin de service ou de fin d'exposition au risque donnent lieu à l'établissement d'une fiche de surveillance médicale spéciale du personnel exposé au risque laser no 628*/14 dont le modèle est défini en annexe ; cette fiche renseignée au recto par le médecin de l'unité ou le médecin du travail est remise à l'intéressé pour être communiquée à l'ophtalmologiste qui mentionne les résultats de l'examen pratiqué au verso. Elle est insérée au retour de la consultation avec les documents annexes définis au paragraphe 1.1.2, dans le registre de surveillance médicale spéciale des personnels civils modèle N° 628*/8 ou pour les personnels militaires dans le registre de médecine du travail appliquée aux militaires exerçant des activités professionnelles ouvrières (en cours d'élaboration).

3.2.3. L'attestation médicale d'aptitude.

A l'issue des visites médicales d'aptitude, des visites périodiques, de certaines visites apériodiques, il est établi pour les personnels civils une fiche d'aptitude modèle N° 628*/6 et pour les personnels militaires un certificat de visite modèle N° 622-5/1 ou modèle 31. Ce document est remis au chef d'établissement.

3.2.4. Compte rendu d'accident.

En cas d'accident ou d'incident dû au rayonnement laser, le médecin de la formation ou le médecin du travail établit un compte rendu d'accident modèle N° 628*/15 dont le modèle est défini en annexe.

Ce compte rendu renseigné d'abord au recto par le commandant de formation, puis au verso par le médecin est rédigé en trois exemplaires. Un exemplaire est joint au livret médical des personnels militaires ou au dossier médical des personnels civils. Le deuxième exemplaire est inséré dans le registre de surveillance médicale spéciale des personnels civils no 628*/8 ou dans le registre de médecine du travail appliquée aux personnels militaires exerçant des activités professionnelles ouvrières. Le troisième exemplaire, accompagné de la fiche de surveillance médicale spéciale no 628*/14, est adressé sous pli confidentiel médical à la direction centrale du service de santé des armées — sous-direction action scientifique et technique — par le canal des directions régionales ou chefferies du service de santé.

Ces documents sont ensuite exploités par le centre d'études et de recherches de médecine aérospatiale, service de physiologie sensorielle.

Un compte rendu d'accident sera de même rédigé de la même manière en cas d'anomalie constatée lors d'une visite médicale périodique de surveillance médicale spéciale ou lors d'une visite médicale de reprise du service.

4. Application de la présente instruction.

La technologie laser est en constante évolution.

De nouveaux facteurs de risque, autres que ceux exposés ci-dessus, ou à l'inverse, la diminution des risques extérieurs, peuvent apparaître. Cette instruction, comme les instructions générales ou propres à chaque armée citées en référence, est donc évolutive, et fera l'objet d'une réactualisation dès que le besoin s'en fera sentir.

Les modalités de surveillance médicale des personnels civils et militaires du ministère de la défense entreront en application dès la parution au Bulletin officiel de cette instruction.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le médecin général inspecteur, directeur central du service de santé des armées,

RONFLET.

Annexe

ANNEXE I. Classification des laser.

Contenu

Les systèmes laser sont répartis en quatre classes en fonction des risques calculés à partir des paramètres de puissance :

  • Classe I. Sans risque ou exempt.

    Les lasers de classe I ne présentent aucun danger de lésion significative. Leur distance oculaire critique nominale est nulle même si l'on observe le faisceau direct avec des instruments optiques grossissants.

  • Classe II. Faible puissance. Risque faible.

    Les lasers de classe II (ou à faible puissance) peuvent être regardés directement sous réserve de conditions d'exposition soigneusement contrôlées.

    Cette classe comporte les lasers émettant en continu dans le visible (0,4 à 0,7 micron) avec une puissance de sortie égale ou inférieure à 1 mW et les lasers pulsés à répétition émettant une énergie non dangereuse pour une durée d'exposition inférieure à 0,25 seconde.

  • Classe III. Puissance moyenne. Risque modéré.

    Ce sont des lasers qui sont dangereux à regarder directement (ou après une réflexion spéculaire) mais qui ne présentent pas de danger après réflexion sur une surface diffusante dans le cas de l'observation à l'œil nu ou avec des optiques grossissantes.

  • Classe IV. Grande puissance. Haut risque.

    Ce sont des lasers qui émettent un rayonnement dangereux même après réflexion sur une surface diffusante.

628*/14 FICHE DE SURVEILLANCE MEDICALE SPECIALE DU PERSONNEL EXPOSE AU RISQUE LASER

628*:15 COMPTE RENDU D'ACCIDENT OU INCIDENT APRÈS EXPOSITION AU LASER