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DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : Sous-Direction action scientifique et technique ; Bureau technique

ARRÊTÉ du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle fixant les instructions techniques que doivent respecter les médecins du travail assurant la surveillance médicale des salariés exposés aux substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie.

Du 05 avril 1985
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  513.3.2.3.10.

Référence de publication : BOC, 1987, p. 1615.

LE MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE.

Vu les articles R. 241-50, R. 241-52 et R. 241-56 du code du travail ;

Vu l'avis de la commission spécialisée en médecine du travail du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels ;

Vu l' arrêté du 11 juillet 1977 (1) fixant la liste des travaux nécessitant une surveillance médicale spéciale ;

Sur le rapport du directeur des relations du travail,

ARRÊTE :

1.

La surveillance médicale des salariés exposés aux substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie est assurée dans les conditions indiquées à l'annexe technique jointe au présent arrêté.

2.

Après la fin d'exposition au risque, lors d'un changement d'affectation dans l'entreprise ou l'établissement, la surveillance médicale de tout salarié ayant été exposé au moins trois ans doit être maintenue pendant toute la durée de son activité professionnelle dans cette entreprise ou cet établissement.

3.

Le dossier médical du personnel exposé aux dérivés aminés et nitrés des hydrocarbures aromatiques doit réunir les informations sur les expositions au poste de travail ou dans les locaux de travail et les observations médicales recueillies lors de la surveillance médicale du salarié. Ces dossiers doivent être conservés pendant trente ans.

4.

Le directeur des relations du travail est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Pour le ministre et par délégation :

Le directeur des relations du travail,

M. AUBRY.

Annexes

Annexe Instruction technique aux médecins du travail.

Surveillance médicale des travailleurs professionnellement exposés aux substances susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie.

Dans les industries :

  • de synthèse et utilisation de matières colorantes ;

  • de synthèse et de mise en œuvre des polymères ;

  • de mise en œuvre du caoutchouc ;

Dans les laboratoires de recherche et d'analyse, peuvent être utilisées des substances cancérogènes susceptibles d'exposer les salariés au risque de lésions malignes de la vessie.

Le pouvoir cancérogène de ces substances, qui sont des dérivés aminés et nitrés des hydrocarbures aromatiques (voir liste en annexe) est démontré par l'observation de maladies professionnelles chez les travailleurs exposés et par l'expérimentation animale, décrit dans les publications scientifiques et les travaux de l'agence internationale de recherche sur le cancer de l'organisation mondiale de la santé.

Le but de la présente instruction est de préciser la mission des médecins du travail dans la conduite de la surveillance et de la prise en charge des travailleurs exposés à ces substances.

Il est évidemment indispensable que le médecin du travail soit informé en temps utile, par le chef d'entreprise ou d'établissement :

  • de l'utilisation de ces substances ;

  • des personnes susceptibles d'être exposées, et que ces informations soient régulièrement actualisées.

Il est tout aussi indispensable que le médecin du travail puisse tenir compte des niveaux d'exposition que la surveillance du milieu et du poste de travail permet de mettre en évidence. C'est pourquoi les résultats des analyses et mesures ainsi pratiquées sont reportés par le médecin sur un document annexé au dossier médical, lui permettant ainsi de suivre, dans le temps, l'exposition professionnelle de chaque travailleur.

La surveillance médicale.

La surveillance médicale repose sur :

  • des indicateurs biologiques d'exposition ;

  • des examens cliniques ;

  • des indicateurs d'effets biologiques de l'exposition.

En l'état actuel des connaissances, les indicateurs biologiques d'exposition ne sont spécifiques et sensibles que pour un nombre limité des substances visées par la présente instruction (benzidine et dérivés, amino 4 diphényle, naphtylamines, méthylène bis orthochloroaniline, O-toluidine). Il est toujours souhaitable, cependant, de procéder à la recherche de dérivés aminés libres urinaires (méthode de diazotation de Bratton et Marshall). L'interprétation des résultats individuels doit toutefois tenir compte d'un apport médicamenteux éventuel (en particulier phénacétine, acétanilide, certains sulfamides telle la sulfanilamide).

Ces résultats, exprimés le plus souvent de façon semi-quantitative, n'ont de valeur significative quant à l'exposition professionnelle que s'ils sont :

  • positifs à plusieurs reprises ;

  • et chez plusieurs travailleurs d'un même atelier.

Il peut alors être possible de rapprocher les résultats obtenus de ceux résultant de la surveillance du milieu et du poste de travail.

L'examen médical d'embauchage.

Doit être pratiqué avant toute affectation au poste de travail exposé.

Il a pour but :

  • de détecter les sujets présentant une susceptibilité particulière vis-à-vis du risque urologique représenté par les amines aromatiques ;

  • de permettre de réunir les éléments de référence permettant d'assurer la surveillance médicale ultérieure ;

  • d'informer les salariés sur la nature des risques avant l'exposition et les moyens de prévention collective ou individuelle, technologique ou médicale, existants.

L'interrogatoire étudiera en particulier les antécédents familiaux et personnels, notamment en recherchant :

  • les expositions professionnelles antérieures éventuelles ;

  • la consommation de certains médicaments (phénacétine, etc.) ;

  • la consommation de tabac ;

  • les habitudes alimentaires (alcool) ;

  • les antécédents urologiques ;

  • un déficit constitutionnel en glucose - 6 phosphodehydrozénase, facteurs qui devront tout particulièrement retenir l'attention du médecin du travail dans la mesure où ils peuvent accroître la susceptibilité individuelle.

De même, les sujets atteints de bilharziose urinaire, ayant reçu une irradiation pelvienne ou une chimiothérapie anticancéreuse doivent être écartés du risque.

L'affectation de travailleurs intérimaires ne doit également pas être acceptée, en raison des difficultés de surveillance médicale ultérieure, sauf dans le cas naturellement où le chef d'entreprise a obtenu une dérogation en application de l'article 3 de l'arrêté du 19 février 1985 (Journal officiel du 22 février 1985, p. 2348). L'examen clinique sera complété :

  • dans tous les cas par un examen cytologique-urinaire et une recherche d'hématurie microscopique (l'hématurie microscopique ne constitue pas un symptôme précoce, constant et surtout spécifique de lésion tumorale de la vessie, mais sa recherche est utile pour évaluer et surveiller l'état de l'arbre urinaire) ;

  • en outre, en cas d'exposition à des substances ayant également des propriétés toxiques pour le sang ou le foie (cas des dérivés aminés du diphénylméthane) par :

    • une numération et une formule sanguines ;

    • un dosage de la méthémoglobinémie ;

    • un titrage de la transminase-glutamo-oxalo-acétique ou aspartate amino-transférase (ASAT) ;

    • un titrage de la transaminase-glutamopyruvique ou alanine-amino-transférase (ALAT).

Les examens médicaux périodiques.

Pendant la période d'exposition au risque, les examens médicaux périodiques ont pour objet de suivre l'état de santé du travailleur et de rechercher d'éventuels signes traduisant un fléchissement des défenses naturelles. Ils comporteront un examen clinique annuel, mais cette périodicité peut être réduite par le médecin du travail :

  • soit en raison des informations fournies par l'observation du milieu et du poste de travail, ainsi que les mesures d'exposition qui y sont faites ;

  • soit en raison des résultats des examens biologiques qui, eux, seront en tout état de cause pratiqués tous les six mois.

Les examens biologiques sont ceux demandés lors de l'examen médical d'embauchage. Ils peuvent, à l'initiative du médecin et compte tenu de leurs résultats, être complétés par d'autres investigations ou renouvelés en tant que de besoin.

Les examens médicaux de reprise.

Après interruption du travail pour cause de maladie, les examens médicaux de reprise auront pour objectif de rechercher si une affection a été de nature à rendre le travailleur exposé plus sensible et de permettre, le cas échéant, de pratiquer un nouveau bilan biologique. L'examen clinique pourra donc être complété, à l'initiative du médecin du travail, par les investigations biologiques déjà indiquées.

Les examens médicaux à la demande du salarié.

Constituent le complément naturel de la surveillance médicale spéciale. En plus de l'examen clinique, ils peuvent être l'occasion d'examens biologiques, de telle façon que le médecin du travail soit en mesure de se prononcer, s'il en est besoin, sur le maintien du salarié à un poste et que, dans tous les cas, il dispose des éléments suffisants pour répondre à la demande précise qui est à l'origine de tels examens.

La continuité de la prise en charge médicale.

En ce qui concerne le maintien de la surveillance médicale de tout salarié ayant été exposé au moins trois ans, celle-ci devrait comporter sur le plan biologique un examen cytologique régulier des urines pendant une durée de vingt ans.

Il devra en être de même dans le cas de changement d'entreprise ou d'établissement ou encore de cessation d'activité professionnelle. Afin de permettre la réalisation de cette surveillance médicale par le médecin du travail d'une autre entreprise ou d'un autre établissement ou par le médecin traitant du travailleur, il est recommandé de délivrer au salarié qui en fait la demande la fiche prévue au troisième alinéa de l'article R. 241-57 du code du travail. Ce document de liaison reprendra les éléments significatifs du dossier médical, en matière d'investigations cliniques et d'exposition, afin de permettre au médecin qui prendra la suite d'être informé au mieux, par l'intermédiaire du travailleur lui-même.

Enfin, l'attention du médecin du travail doit être attirée sur la présence possible, à titre d'impureté, des substances visées par la présente instruction, dans d'autres substances, produits ou préparations susceptibles d'être produits ou mis en œuvre dans les industries et laboratoires de recherches et d'analyses mentionnés au premier alinéa.

Il appréciera la valeur de la surveillance médicale utile en s'inspirant de celle définie au présent arrêté, et en se déterminant sur :

  • la teneur en impureté ;

  • les résultats des prélèvements et mesures faits sur le milieu du travail ;

  • les techniques de mise en œuvre (contact cutané, effluents aériens) ;

  • et l'état des connaissances scientifiques intéressant ce domaine particulier.

ANNEXE I. Annexe.

Dérivés aminés du diphényle.

Amino 4 diphényle (xénylamine).

Benzidine et les dérivés suivants :

  • 0-dianisidine (3, 3¿, diméthoxybenzidine).

  • 3, 3¿ dichlorobenzidine (0-dcb).

  • 0-tolidine (3, 3¿ diméthylbenzidine).

  • Colorants dérivés directs de la benzidine : noir 38, bleu 6 et brun 95.

Naphtylamines :

2-Naphtylamine (béta-naphtylamine).

Dérivés aminés du diphénylméthane :

  • Méthylène bis orthochloroaniline.

  • Auramine (N, N¿ tétraméthyldiamino 4,4 diphénylméthylénéimine).

  • Ditolyl base (méthylène bis orthométhylaniline).

Divers :

  • 0-toluidine.

  • M- et P-crésidine.

  • 0-anisidine.

  • 4 chloro 0-phénylène diamine.

  • 0-aminoazotoluène.

  • P-diméthylaminoazobenzène.