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CIRCULAIRE N° 56-14/B/3 du ministre des finances relative à l'imputation des dépenses de personnel. (radié du BOEM 410.4.1.).

Du 07 juin 1947
NOR

Référence de publication : N.i. BO ; n.i. JO.

La cour des comptes a parfois l'occasion de constater, au cours de ses vérifications, que les crédits sont détournés de leur objet normal. Elle a signalé récemment qu'en 1945 certains ordonnateurs secondaires n'avaient pas hésité à employer les crédits qui leur étaient délégués à des dépenses qui ne correspondaient aucunement à l'intitulé des chapitres.

Les abus les plus fréquemment relevés concernent la rémunération d'agents auxiliaires en surnombre.

Des ordonnateurs locaux, disposant de crédits de personnels ouverts à la 4e partie du budget général, ont imputé en totalité sur les chapitres d'études et de travaux des traitements et indemnités versés à des agents employés de façon permanente.

Un tel procédé est irrégulier pour deux raisons :

Dès lors qu'un crédit est ouvert à un service, pour ses dépenses de personnel, à la 4e partie du budget général, il est indiscutable que tout le personnel employé à titre permanent doit être rétribué sur ce seul crédit ; toute autre imputation est abusive.

L'irrégularité commise se complique d'une infraction aux dispositions légales qui interdisent l'imputation sur crédits de matériel de dépenses correspondant au personnel permanent. Je rappelle que les dispositions de l'article 57 de la loi provisoirement applicable du 22 décembre 1941 ont été reprises et précisées par l'article 113 de la loi de finances du 31 décembre 1945 (1).

Il est précisé dans l'exposé des motifs que ce texte a pour but d'éviter que les administrations ne soient tentées d'imputer sur les crédits de matériel ou de travaux les personnels excédant les effectifs autorisés. « Seuls les agents embauchés pour une tâche déterminée de durée limitée peuvent être exceptionnellement rémunérés dans ces conditions. »

Il est essentiel au bon ordre des finances publiques que cette disposition légale soit strictement respectée. On ne saurait admettre, en effet, que les services locaux tiennent pour lettre morte les réductions de personnel qui leur sont imposées, en transférant à des chapitres de matériel les dépenses de traitements et d'indemnités du personnel en surnombre.

De même, il ne saurait être question de faire supporter par un chapitre de matériel les émoluments d'un agent employé à titre permanent, sous le prétexte qu'à l'origine il a été embauché pour l'accomplissement d'une tâche de durée limitée, et a pu, à ce titre, être régulièrement rétribué sur crédits de matériel.

Lorsque la tâche prévue à l'origine se trouve achevée, le service local doit procéder au licenciement de l'agent. S'il désire conserver cet agent pour lui confier d'autres fonctions, il est indispensable que le service obtienne l'autorisation de son administration centrale et se fasse déléguer les crédits nécessaires à la rémunération de l'agent, par prélèvement sur la 4e partie du budget général.

Je ne saurais admettre que le traitement des personnels en question continue à être imputé sur les crédits de matériel. Cette imputation cesse d'être régulière dès qu'a pris fin la tâche pour laquelle le recrutement a eu lieu.

La commission des finances de l'assemblée nationale a eu l'occasion de manifester son sentiment au sujet de cette importante question. Dans un rapport sur un projet de loi portant ouverture et annulation de crédits sur l'exercice 1946 (collectif d'octobre no 11-850), elle a demandé au gouvernement de le saisir de propositions tendant à soumettre à « des sanctions extrêmement sévères » les chefs de service qui abuseraient des facilités que leur donne l'article 113 de la loi de finances du 31 décembre 1945 .

La cour des comptes précise, en outre, que les détournements de crédits qu'elle a pu relever ne concernent pas seulement des dépenses de personnel ; elle a constaté que certains services ont imputé une partie de leurs dépenses courantes de fonctionnement — dépenses de caractère normal et permanent — sur des crédits d'études ou de travaux auxquels elles ne se rattachent à aucun titre.

Les ordonnateurs en cause, après avoir épuisé leurs crédits de matériel, n'ont pas hésité à imputer les dépenses en excès sur ces crédits spéciaux, qui ne sont cependant ouverts aux services locaux que pour les besoins de leur activité technique normale.

En utilisant des crédits de recherches pour le paiement de dépenses courantes, ces administrateurs ne commettent pas seulement un détournement de crédits — irrégularités budgétaires des plus graves. Lorsqu'ils augmentent les frais généraux de fonctionnement administratif au détriment des dépenses de subventions ou de recherches techniques, ils se privent de tout ou partie de leurs moyens d'action. Les services locaux perdent alors leur raison d'être et ne justifient plus les charges qu'ils imposent au budget général.

Vous estimerez certainement comme moi-même, que ces pratiques abusives doivent cesser.

Certains services locaux ont pris, pendant les années de guerre et d'occupation, des habitudes d'indépendance qui ne sauraient se perpétuer sans danger pour les finances publiques.

Ainsi que la cour des comptes le fait observer, la procédure budgétaire perd toute signification, si les services modifient l'objet des autorisations de dépense.

Les administrations locales doivent réapprendre à respecter le crédit ouvert, expression de la volonté du parlement.

Notes

    1Dispositions remplacées en dernier lieu par celles de l'article 4 de la loi n°49-958 du 18 juillet 1949 (n.i. BO ; JO du 20, p. 7086).