CIRCULAIRE N° 42878/DEF/CAB/SDBC/CDG relative à l'application dans les armées de la loi n o 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie.
Du 27 novembre 1995NOR D E F M 9 5 5 8 0 2 1 C
Le Parlement vient d'adopter la loi no 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie, publiée au Journal officiel du 6 août 1995, et qui est entrée en vigueur de manière simultanée sur l'ensemble du territoire français un jour franc après sa publication, soit le 8 août 1995.
La circulaire de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, publiée également au Journal officiel du 6 août 1995, précise l'économie générale de ce texte et examine ses dispositions dans leur ensemble.
La présente circulaire a pour objet de définir les conditions dans lesquelles les dispositions de cette loi seront appliquées aux militaires.
Elle précise par ailleurs les directives déjà données par les messages du 10 août 1995 (1).
1. Champ d'application de l'amnistie.
1.1. Amnistie de droit.
1.1.1. Amnistie en raison de la nature de l'infraction et portée des articles 3, 4 et 5 de la loi du 3 août 1995.
Les articles 3, 4 et 5 de la loi du 3 août 1995, concernent les infractions prévues et réprimées par le code de la justice militaire et le code du service national.
L'article 3 prévoit l'amnistie de délits d'ordre militaire, commis avant le 18 mai 1995. Cette amnistie n'est assortie d'aucune condition.
L'article 4 vise les infractions d'insoumission ou de désertion.
Le premier alinéa de l'article 4 fait obligation aux auteurs de tels faits, pour acquérir l'amnistie, de se présenter volontairement à l'autorité militaire ou administrative compétente (autorité consulaire à l'étranger) avant le 31 décembre 1995 (2).
La portée de cet alinéa est limitée aux :
insoumis ayant fait l'objet d'un ordre de route fixant une date de convocation antérieure au 18 mai 1995 (3) ;
déserteurs dont le point de départ de l'absence irrégulière ayant conduit à la réalisation de l'infraction est antérieur au 18 mai 1995.
La conduite à tenir à l'égard des déserteurs qui se présentent volontairement est précisée à l'article 3 de la présente instruction.
En aucun cas ils ne pourront se voir appliquer une punition disciplinaire pour l'absence irrégulière correspondant à la désertion amnistiée.
Le second alinéa de l'article 4 considère le cas particulier des citoyens français ayant une double nationalité déclarés insoumis (3) ou déserteurs dans les mêmes conditions que celles prévues au 1° et 2° de l'alinéa 1 de l'article 4 de la loi du 3 août 1995.
Toutefois, pour les déserteurs, la condition de présentation volontaire visée précédemment est remplacée par l'établissement par les intéressés de leur nationalité étrangère et de l'accomplissement effectif d'un service militaire ou d'un service de substitution existant dans le pays de cette dernière nationalité. Ils ne seront donc pas astreints, quel que soit leur âge, à parfaire leurs obligations du service national actif. En cas de présentation sur le territoire, ils seront invités à produire les documents justifiant leur autre nationalité et le service accompli à l'étranger. Dans l'éventualité où ils ne seraient pas en possession de ces documents, une permission de dix jours leur sera accordée pour leur permettre de se les procurer. S'ils se sont présentés à l'autorité consulaire française, celle-ci transmettra ces justifications à l'autorité militaire aux fins de régularisation sur pièces de la situation.
L'article 5 vise les refus d'obéissance commis avant le 18 mai 1995. Ces infractions sont amnistiées sous réserve de l'accomplissement des obligations du service national actif. Il en résulte que l'amnistie est automatiquement acquise par tous les militaires servant au-delà de la durée légale de ces obligations et que, pour les autres, elle devra être constatée au terme de cette durée.
1.1.2. Amnistie en raison du quantum ou de la nature de la peine et portée des articles 7 à 11 de la loi du 3 août 1995.
Sont amnistiées les infractions commises avant le 18 mai 1995 qui sont ou seront punies soit d'une peine d'amende, soit d'une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis égale ou inférieure aux taux fixés par l'article 7 de la loi, soit d'une peine de substitution ou qui ont ou auront donné lieu à une dispense de peine, sous réserve des exclusions prévues par l'article 25 de ladite loi.
L'amnistie en raison du quantum ou de la nature de la peine n'intervient normalement qu'après condamnation devenue définitive.
Toutefois, en l'absence de partie civile et d'exercice des voies de recours, cette amnistie est acquise dès le prononcé du jugement rendu par défaut, itératif défaut ou par jugement contradictoire à signifier.
Ces dispositions s'appliquent, dans les conditions prévues par les articles 7 à 10 de la loi, à toutes les infractions militaires, y compris celles d'insoumission et de désertion.
Les militaires condamnés pour une insoumission ou une désertion commise avant le 18 mai 1995 bénéficient donc de l'amnistie sans condition de présentation volontaire ou de fourniture des justificatifs prévues à l'article 4, alinéa 2 de la loi.
1.1.3. Règlement de la situation administrative des militaires de carrière, des militaires servant en vertu d'un contrat et des militaires du contingent bénéficiaires de l'amnistie pour des infractions de désertion.
Le cas de ces militaires, quelle que soit la disposition en vertu de laquelle l'amnistie leur aura été acquise, sera traité dans les conditions précisées ci-après.
31. Militaires de carrière.
Les militaires de carrière non radiés des cadres par mesure disciplinaire pour des faits de désertion amnistiés devront être invités à indiquer leurs souhaits quant à l'éventualité de poursuivre leurs services.
S'ils déclarent vouloir démissionner, alors qu'ils n'ont pas atteint la limite d'âge de leur grade ou acquis des droits à pension de retraite à jouissance immédiate, les demandes correspondantes seront transmises, accompagnées de tous les éléments d'information utiles, au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales) selon des modalités à fixer par chaque armée, la gendarmerie et les services de soutien interarmées.
Ceux qui auraient acquis l'amnistie dans les conditions exposées à l'article 2 ci-dessus et n'auraient pas rejoint leur formation d'affectation pourront faire l'objet d'une proposition de radiation des cadres par référence à la jurisprudence relative à l'abandon de poste. La procédure à suivre dans ce cas étant identique à celle prévue par le paragraphe 6.4.2 de l'instruction no 21400/DEF/DAJ/FM/1 du 9 octobre 1978 (BOC, p. 4085).
32. Militaires servant en vertu d'un contrat.
La durée de l'interruption des services résultant de la désertion et, le cas échéant, de l'exécution d'une peine est prise en compte fictivement pour l'accomplissement des obligations contractuelles.
En conséquence, les mesures suivantes seront appliquées pour le règlement de la situation des militaires servant en vertu d'un contrat dont la désertion aura été amnistiée.
321. Contrat résilié ou arrivé à expiration avant le 8 août 1995 ou avant la date de présentation.
Le militaire est dégagé de tout lien contractuel avec l'armée.
S'il se présente en vue d'obtenir le bénéfice de l'amnistie prévue au 2° du premier alinéa de l'article 4 de la loi, il y aura lieu de procéder comme indiqué à la rubrique 342 infra et de le renvoyer immédiatement dans ses foyers s'il a, par ailleurs, accompli les obligations du service national actif.
322. Contrat en cours à la date du 8 août 1995 ou à la date de présentation.
Le militaire servant en vertu d'un contrat pourra, s'il le souhaite :
soit continuer à servir jusqu'au terme de son contrat, sans qu'il soit préjugé du renouvellement de celui-ci ;
soit en demander la résiliation pour motif grave d'ordre personnel (4) s'il a, par ailleurs, accompli les obligations du service national actif. Les demandes de l'espèce seront systématiquement agréées, sauf pour les militaires dont le contrat a été souscrit en vue de l'acquisition d'une formation spécialisée et si l'obligation qui en résulte n'a pas été intégralement exécutée. Dans ce dernier cas, les dossiers seront adressés au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales) selon des modalités à fixer par chaque armée, la gendarmerie et les services de soutien interarmées.
323. Cas particulier des militaires servant en vertu d'un contrat qui ne se présentent pas à l'autorité militaire.
Les déserteurs en instance de poursuites ou condamnés à une peine non amnistiée au quantum qui ne seront pas présentés avant le 31 décembre 1995, feront l'objet, dès le 1er janvier 1996, d'une procédure de résiliation de contrat, dans les conditions prévues par le paragraphe 642 de l'IM no 21400/DEF/DFAJ/FM/1 du 9 octobre 1978 précitée (5).
Les déserteurs amnistiés en raison du quantum ou de la nature de la peine ne peuvent plus recevoir la qualification de déserteurs. Cependant, ceux qui n'auront pas rejoint leur formation seront considérés en absence irrégulière à compter du 8 août 1995.
Ils ne pourront faire l'objet d'une proposition de résiliation de contrat sur le fondement de la jurisprudence de l'abandon de poste (§ 6.4 de l'inst. no 21400/DEF/DAJ/FM/1 du 9 octobre 1978) qu'après avoir fait l'objet d'une mise en demeure établie par l'autorité compétente, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au dernier domicile connu et restée infructueuse.
33. Militaires du contingent.
331. En cas de présentation volontaire.
Ceux âgés de 29 ans au moins à la date du 30 décembre 1995 seront immédiatement renvoyés dans leurs foyers.
Ceux qui atteignent l'âge de 29 ans après le 30 décembre 1995 devront parfaire leurs obligations du service national actif.
Toutefois, une permission de dix jours sera accordée, dès leur retour au corps, à ceux dont il pourra être sérieusement présumé qu'ils se trouvent dans une situation susceptible de justifier l'octroi d'une libération anticipée, de manière à leur permettre d'en apporter la preuve.
332. Amnistie en raison du quantum.
Ceux âgés de 29 ans au moins à la date du 30 décembre 1995 ne seront pas tenus de parfaire leurs obligations du service national actif. Après constatation de l'amnistie et cessation des recherches, ils seront rayés des contrôles de l'armée active et leur dossier sera adressé au bureau du service national dont ils relèvent en même temps qu'une copie de l'avis de cessation de recherches.
Ceux qui atteignent l'âge de 29 ans après le 30 décembre 1995 devront parfaire les obligations légales du service national actif. Après constatations de l'amnistie et cessation des recherches, ils seront rayés des contrôles de l'armée active et leur dossier sera adressé au bureau du service national compétent, qui les invitera à parfaire leurs obligations légales d'activité. Ceux qui ne répondront pas à cette convocation feront l'objet d'un ordre de route conformément aux dispositions des articles L. 122 à L. 125 du code du service national. Toutefois, cet ordre de route ne devra pas fixer une date de convocation antérieure au 31 décembre 1995.
34. Conséquences.
341. Tout militaire servant en vertu d'un contrat qui se manifestera auprès de l'autorité militaire par quelque moyen que ce soit sera informé par l'organisme qui l'administre, saisi par cette autorité :
soit de la rupture du lien contractuel qui l'unissait à l'armée (cf. 321 supra) ;
soit des possibilités qui lui sont offertes (cf. 322 supra et 343 infra).
342. L'acquisition de l'amnistie entraînera, s'il n'y a pas déjà été procédé pour une autre cause, la diffusion systématique par le corps d'un avis de cessation de recherches lorsque le signalement de désertion aura été délivré au titre de cette infraction ou à la suite d'une absence irrégulière constatée avant le 18 mai 1995. Une copie de l'avis de cessation de recherches sera adressée au bureau du service national dont relève l'amnistié, ainsi qu'au parquet de la juridiction saisie de l'affaire.
343. Les militaires servant en vertu d'un contrat restent tenus, le cas échéant, de parfaire les obligations du service national actif lorsque le déroulement de celles-ci a été interrompu par une désertion. Dans ce cas, les dispositions du paragraphe 33 supra concernant les militaires du contingent leur sont applicables.
344. Les certificats du service militaire seront délivrés aux bénéficiaires des mesures visées ci-dessus sous réserve, s'agissant du certificat de bonne conduite, que les intéressés n'aient pas commis, par ailleurs, des fautes constituant des infractions non amnistiées ou ayant donné lieu à des punitions disciplinaires exclues de l'amnistie.
345. Le temps passé en absence irrégulière et en désertion ne comportant pas l'accomplissement de services militaires, il n'est donc pris en compte ni pour la progressivité de la solde, ni pour l'avancement, ni pour la constitution des droits à pension.
1.1.4. Avis ou attestation d'amnistie et bulletin n° 2.
Toutes les formations détentrices des dossiers généraux des militaires d'active ou de réserve procéderont sans délai au recensement de ceux à l'encontre desquels ont été engagées des poursuites judiciaires ou prononcées des condamnations pénales.
Il leur appartiendra de s'assurer dans chaque cas, auprès de la juridiction pénale compétente, de l'acquisition de l'amnistie en procédant de la manière suivante :
demander au parquet de la juridiction pénale si les faits qui sont à l'origine de l'engagement des poursuites ou les condamnations prononcées ont été amnistiés ;
éventuellement, demander la délivrance d'un nouveau bulletin n° 2 (B 2) du casier judiciaire (6).
Il est cependant précisé que l'absence de mention de la condamnation sur le B 2 n'est pas en soi une garantie certaine de l'amnistie et, en outre, que le récapitulatif complet du passé judiciaire d'une personne (B 1), n'est délivré qu'aux seules autorités judiciaires.
1.2. Amnistie des sanctions statutaires ou professionnelles et des punitions disciplinaires.
1.2.1. Champ d'application.
Le terme « sanctions disciplinaires » mentionné dans la loi recouvre :
les sanctions statutaires prévues par le statut général des militaires et par les statuts particuliers de certaines catégories de militaires ;
les punitions disciplinaires prévues par les articles 31 et 32 du décret 75-675 du 28 juillet 1975 (BOC, p. 2861) portant règlement de discipline générale dans les armées (depuis l'arrêt Hardouin du conseil d'État en date du 17 février 1995, les punitions disciplinaires ne sont plus considérées comme des mesures d'ordre intérieur).
Le terme « sanctions professionnelles » visé par la loi concerne les sanctions qui résultent des dispositions de l'article 27, 2° du statut général des militaires.
1.2.2. L'amnistie de droit.
61. Cas général.
Ce type d'amnistie s'applique aux sanctions prononcées pour des faits qui ont été commis avant le 18 mai 1995, sous réserve qu'ils ne constituent pas des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur.
Toutefois, si les mêmes faits ont donné lieu à une condamnation pénale définitive et à une sanction statutaire ou professionnelle ou à une punition disciplinaire, l'amnistie de ces sanctions ou punition est subordonnée à l'amnistie préalable de la condamnation pénale.
62. Cas particulier des punitions disciplinaires.
Pour tenir compte du fait que :
en l'absence de définition par la loi des notions de manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur, l'autorité disciplinaire dispose d'un pouvoir d'appréciation ;
les punitions disciplinaires et les sanctions statutaires étant cumulatives, les militaires sont les seuls agents publics qui, sur le plan disciplinaire, peuvent être sanctionnés deux fois pour les mêmes faits.
Il a été décidé (7) que seuls les faits constituants des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur, dont la gravité de la faute a justifié soit un blâme du ministre, soit une punition d'arrêts supérieure à trente jours seraient exclus du bénéfice de l'amnistie de droit.
Toutefois cette disposition ne joue pas dans le cas où, pour les mêmes faits, une sanction statutaire ou professionnelle et une punition disciplinaire ont été infligées, l'amnistie de la punition disciplinaire restant liée, quel que soit son quantum, à l'amnistie de la sanction statutaire ou professionnelle.
Il est souligné que les dispositions particulières relatives aux punitions disciplinaires s'appliquent également aux punitions prononcées pour des faits commis avant le 22 mai 1988.
63. Modalités relatives à la constatation de l'amnistie de droit.
Les autorités ayant prononcé les sanctions statutaires ou professionnelles et les punitions disciplinaires sont chargées :
de vérifier systématiquement, dans chaque cas individuel, si les conditions de l'amnistie se trouvent remplies ;
de s'assurer, en cas de condamnation pénale, de l'acquisition de l'amnistie selon la procédure décrite à l'article 4 ci-dessus ;
de constater ensuite l'amnistie de la sanction statutaire ou professionnelle ou de la punition disciplinaire.
Ces mêmes mesures doivent être appliquées au personnel de réserve par les organismes chargés de leur administration.
Concernant le cas particulier des punitions disciplinaires non exclues du bénéfice de l'amnistie de droit, la constatation est effectuée par l'organisme administrant le militaire concerné. En revanche, la détermination de l'exclusion de l'amnistie de droit des punitions disciplinaires supérieures à trente jours d'arrêts ou du blâme du ministre, relève exclusivement de l'autorité ayant infligé ces punitions.
Par ailleurs, le cas des sanctions statutaires prononcées par décret sont à soumettre au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales).
64. Modalités relatives aux contestations concernant l'acquisition de l'amnistie de droit.
Les contestations relatives au bénéfice de l'amnistie de droit seront portées devant l'autorité ayant rendu la décision.
Lorsqu'elles porteront sur des procédures en cours, il y aura lieu de surseoir au prononcé de la sanction jusqu'à l'intervention de cette décision.
Toutes difficultés rencontrées dans l'application des dispositions des paragraphes 61 à 63 supra seront soumises au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales). Il en sera de même lorsque la contestation portera sur une sanction prise par décret du Président de la République.
1.2.3. L'amnistie par mesure individuelle.
71. Les sanctions statutaires ou professionnelles, ainsi que les punitions disciplinaires (visées au § 62 supra), qui ont été infligées pour des faits contraires à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur, ne peuvent être amnistiées que par mesure individuelle prise par décret du Président de la République.
Il est rappelé que seuls les faits sont à prendre en considération et non la qualification qui leur a été donnée par l'autorité ayant infligé la sanction. Ainsi, par exemple, dans le cas d'une radiation des cadres prononcée pour faute grave contre la discipline, ce seul motif ne peut suffire à considérer que cette sanction est amnistiée.
Il va de soi que, si ces mêmes faits ont donné lieu à une condamnation pénale, les demandes d'amnistie par mesure individuelle ne pourront être présentées qu'après amnistie (de droit ou par mesure individuelle) de ladite condamnation pénale, dans un délai d'un an à compter soit de la date de publication de la loi du 3 août 1995, soit de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.
Selon la jurisprudence, sont considérés comme des manquements contraires :
à la probité, toute appropriation ou détournement à des fins personnelles, de biens ou de deniers appartenant à l'État ou à autrui ;
aux bonnes mœurs, tout comportement ou tout agissement commis ou toléré, sur la personne d'autrui, accompagné de violences ou de sévices graves constituant des agressions sexuelles ;
à l'honneur, les faits qui entachent gravement la réputation et la considération du militaire soucieux de ne pas manquer à ses devoirs élémentaires, ainsi que les faits qui compromettent gravement la fonction ou le fonctionnement du service.
Ainsi, par exemple :
la conduite d'un véhicule automobile en état d'ébriété par un gendarme qui n'était pas en service ne constitue pas une faute contre l'honneur ;
la mise en danger de la sécurité des personnes à l'occasion de l'exercice de la profession, lorsque son auteur n'en ignore pas le caractère dangereux, constitue une faute contre l'honneur ;
l'exercice de violences à l'encontre d'une personne dans une situation de dépendance est contradictoire avec les exigences de la moralité professionnelle et constitue une faute grave contre l'honneur ;
le fait d'émettre un grand nombre de chèques sans provision, même si l'intéressé a, ultérieurement, désintéressé ses créanciers, constitue un manquement à l'honneur et à la probité.
72. Dès son dépôt auprès de l'autorité militaire, la demande d'amnistie individuelle d'une sanction statutaire ou professionnelle ou d'une punition disciplinaire sera adressée au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales) selon des modalités à fixer par chaque armée, la gendarmerie et les services de soutien interarmées.
Chaque demande sera obligatoirement accompagnée des pièces suivantes :
fiche individuelle dont le modèle figure en annexe II de la présente circulaire. Cette fiche étant destinée à la présentation du dossier au Président de la République, elle doit être renseignée avec un soin tout particulier ;
copie de l'état des services mis à jour ;
copie des notes des cinq dernières années précédant la sanction statutaire ou professionnelle ou la punition disciplinaire et, le cas échéant, de celles attribuées depuis cette sanction ;
copie du feuillet des punitions non effacées et non amnistiées ;
dossier de procédure de conseil d'enquête ou de la commission particulière pour les cas concernés ;
avis du conseil permanent de la sécurité aérienne de l'armée concernée pour ce qui concerne les activités aéronautiques ;
le cas échéant, document fourni par l'intéressé lors du dépôt de sa demande attestant de l'acquisition de l'amnistie de la condamnation pénale ;
la demande sera présentée sur l'état du modèle joint en annexe III de la présente circulaire pour chaque cas individuel.
Lorsque l'intéressé a formulé des demandes concernant à la fois des punitions disciplinaires et des sanctions statutaires ou professionnelles, elles seront présentées, dans toute la mesure du possible, en même temps et sur le même tableau, selon le modèle précité.
2. Effets de l'amnistie.
Conformément aux dispositions de l'article 23 de la loi, il est interdit, à toute personne en ayant eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, de rappeler sous quelque forme que ce soit ou de laisser subsister dans tout document quelconque les condamnations pénales, les sanctions statutaires ou professionnelles et les punitions disciplinaires, ainsi que les déchéances, les interdictions et les incapacités effacées par l'amnistie.
En particulier, toute mention ou référence à ces condamnations, déchéances, sanctions, doit disparaître (amnistie de droit) ou devra disparaître (amnistie par mesure individuelle) des dossiers du personnel, de tout document à caractère nominatif et des fichiers de gestion manuelle ou informatisée, dans les conditions fixées à l'article 11 ci-après.
Aux termes de l'article 17 de la loi, l'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne la remise des peines et des mesures de police et de sûreté, exception faite des cas précisés à l'article 18 de cette même loi.
2.1. Effets en matière pénale.
2.1.1. A l'égard de la perte du grade.
L'amnistie d'une condamnation ayant entraîné la perte du grade a pour effet de relever le militaire concerné de cette perte du grade.
Toutefois, cette relève ne peut être appliquée aux militaires dont la condamnation amnistiée était accompagnée soit d'une interdiction de séjour, soit d'une interdiction des droits civiques, civils et de la famille, pendant toute la durée de ces interdictions (application de l'article 18-II de la loi).
Cette exception mise à part, les militaires bénéficiant de l'amnistie sont réputés avoir recouvré leur grade à la date du 8 août 1995 ou à la date d'effet de la mesure individuelle d'amnistie, sans que ce « recouvrement » n'ait d'autre effet sur leur situation administrative.
Il est précisé sur ce point que la loi d'amnistie leur ouvre seulement la possibilité de solliciter leur réintégration dans les cadres qui peut être prononcée par mesure individuelle du ministre de la défense (voirCHAPITRE 2 ci-après).
2.1.2. A l'égard du brevet militaire de conduite.
Les restrictions de conduite prises à l'égard du personnel titulaire du brevet militaire de conduite, ayant eu un comportement fautif, sont des mesures d'ordre intérieur qui ne relèvent pas de la loi d'amnistie. Toutefois, lorsque de telles mesures ont été prises à la suite de la suspension ou du retrait du permis du conduire civil et que cette suspension ou ce retrait ont été amnistiés, il appartient à l'autorité militaire compétente de décider, s'il y a lieu, d'autoriser le militaire concerné à conduire des véhicules militaires.
2.2. Effets en matière de sanctions statutaires ou professionnelles et de punitions disciplinaires.
2.2.1. Règle générale concernant les affaires en cours.
Lorsque le bénéfice de l'amnistie est acquis et qu'aucune sanction statutaire ou professionnelle n'a été prononcée avant sa date d'effet, les faits commis avant le 18 mai 1995 ne peuvent plus motiver une procédure d'envoi devant un conseil d'enquête ou une commission particulière prévue par l'article 28 de la loi 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée (BOC/SC, p. 784). Si une telle procédure est en cours elle doit être abandonnée même si des poursuites judiciaires ont été engagées. Toutefois, si le militaire concerné est condamné ultérieurement, une nouvelle procédure d'envoi devant un conseil d'enquête en vue d'une éventuellement sanction statutaire, pour condamnation n'entraînant pas la perte du grade, pourra être engagée.
En revanche, la procédure pourra être engagée ou devra être poursuivie tant que les faits en cause, constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l'honneur, ne seront pas amnistiés par mesure individuelle.
Dans l'hypothèse où le militaire est envoyé devant un conseil d'enquête pour plusieurs faits dont certains sont amnistiés, il conviendra de modifier l'ordre d'envoi devant le conseil d'enquête afin que ne subsistent que les faits non amnistiés.
2.2.2. Effets généraux de l'amnistie.
En cas de sanction statutaire ou professionnelle ou de punition disciplinaire, seule la mention de la sanction prononcée ou de la punition infligée doit être obligatoirement effacée et non la mention des faits qui l'ont entraînée.
Cette procédure est applicable aux « points négatifs » attribués à titre de sanction professionnelle.
A ce sujet, l'accent est mis sur le fait que l'administration n'est pas tenue par la loi d'amnistie de détruire les pièces du dossier disciplinaire. En fait, une telle destruction mettrait le juge administratif, saisi d'un recours contre une sanction statutaire ou professionnelle, ou d'une punition disciplinaire dont l'amnistie n'aurait pas fait disparaître tous les effets, dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la légalité de cette sanction. Il ne pourrait donc que condamner l'administration.
En conséquence, dans la pratique, il y a lieu de prendre deux mesures :
la première mesure consiste à rendre définitivement illisible la mention des sanctions statutaires ou professionnelles ou des punitions disciplinaires figurant sur les pièces qui ne peuvent être retirées du dossier du militaire concerné. Si besoin est, la mention effacée doit être remplacée par une explication ; ainsi, par exemple, la mention du retrait d'emploi par mise en non-activité doit être effacée et remplacée par l'indication suivante : « interruption de services effectifs du… au… » ;
la seconde mesure consiste à extraire du dossier individuel toutes les pièces relatives à une sanction statutaire ou professionnelle ou à une punition disciplinaire lorsque ces pièces ne contiennent aucun autre élément devant continuer à y figurer. Les pièces ainsi retirées et les dossiers d'envoi devant un conseil d'enquête ainsi que ceux relatifs aux manquements aux règles professionnelles ne doivent pas être détruits mais regroupés au niveau de la direction de personnel concernée et classés en un lieu d'où ils ne pourraient être retirés qu'en cas de recours contentieux ou de nouvelle faute passible de sanction statutaire ou professionnelle ou de punition disciplinaire (récidive) pour les motifs exposés à l'article 12 ci-après.
2.2.3. Limite des effets de l'amnistie.
Le juge administratif, comme d'ailleurs le juge judiciaire, a toujours estimé que si l'amnistie efface la sanction statutaire ou professionnelle ou la punition disciplinaire, elle n'en laisse pas moins subsister les faits car leur oubli total serait contraire à l'intérêt public. En droit, l'amnistie des faits entraîne la disparition de leur caractère fautif alors que leur matérialité demeure.
Il est donc possible malgré l'amnistie d'une sanction statutaire ou professionnelle ou d'une punition disciplinaire, de tenir compte des faits qui avaient justifié cette sanction en retenant, dans la seule hypothèse où ils viendraient à se reproduire, leur persistance ou leur caractère répétitif parmi les éléments d'appréciation sur lesquels sera fondé l'importance ou le degré de gravité d'une nouvelle sanction ou punition disciplinaire, notamment pour inconduite habituelle.
2.2.4. Réadmission en service des militaires placés en retrait d'emploi par mise en non-activité.
Les militaires ayant fait l'objet d'un retrait d'emploi par mise en non-activité doivent être réadmis en service soit à compter du 8 août 1995, si cette sanction statutaire est amnistiée de droit, soit à la date d'effet du décret portant amnistie lorsque celle-ci est accordée par mesure individuelle.
2.2.5. Réintégration dans les cadres, grades et emplois.
Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi, l'amnistie n'entraîne pas de droit la réintégration dans les fonctions, emplois et grades et ne donne lieu en aucun cas à reconstitution de carrière.
Il en résulte que les militaires bénéficiaires de l'amnistie ne peuvent être réintégrés que par l'effet d'une mesure individuelle sous réserve qu'une telle réintégration ne soit pas susceptible de porter préjudice aux droits des tiers (art. 21, 1er alinéa de la loi).
141. Réintégration dans les cadres ou dans le grade.
Dans ces conditions, toutes les demandes de réintégration dans les cadres ou dans le grade seront adressées au cabinet du ministre (sous-direction des bureaux du cabinet/bureau correspondance et discipline générales) revêtues des avis hiérarchiques motivés et accompagnées des pièces justificatives de l'amnistie de la condamnation pénale ou (et) de la sanction statutaire.
Les demandes de l'espèce seront regroupées, et fusionnées sur l'état du modèle joint en annexe IV de la présente circulaire par chaque état-major d'armée ou organismes similaires ou par la direction centrale du service national (lorsque les auteurs des demandes ne relèvent pas de ces états-majors), en distinguant les différentes catégories de personnel.
Les demandes ultérieures seront transmises au fur et à mesure de leur instruction accompagnées de cet état.
142. Cas particuliers des sanctions professionnelles.
Les demandes de réintégration dans l'emploi tendant à la relève des interdictions définitives d'exercice attachés à des sanctions professionnelles amnistiées seront soumises pour avis au conseil permanent de la sécurité aérienne propre à chaque armée pour ce qui concerne les activités aéronautiques et à la commission particulière compétente pour ce qui concerne les activités à bord des sous-marins et les activités des médecins, pharmaciens chimistes et dentistes des armées.
Les décisions correspondantes seront prises par les autorités ayant infligé les sanctions.
2.3. Effets à l'égard de la suspension de fonctions prévue à l'article 51 du statut général des militaires.
2.3.1. Militaires suspendus de fonctions n'ayant fait l'objet ni d'une sanction statutaire, ni de poursuites pénales.
La mesure de suspension doit être rapportée avec effet au 8 août 1995. Le militaire a droit au remboursement des retenues éventuellement opérées sur sa rémunération, à partir de cette dernière date, à l'exception des indemnités liées à l'emploi.
2.3.2. Militaires suspendus de fonctions n'ayant pas fait l'objet d'une sanction statutaire, mais poursuivis pénalement.
La mesure de suspension est maintenue jusqu'à ce qu'intervienne la décision de la juridiction saisie.
2.4. Réintégration dans les droits à pension et dans les ordres nationaux.
2.4.1. Réintégration dans les droits à pension.
Le second alinéa de l'article 20 de la loi précise que l'amnistie entraîne la réintégration dans les divers droits à pension à compter du 8 août 1995, date de publication de la loi lorsque l'amnistie est acquise de droit ou à compter du jour d'acquisition de l'amnistie lorsque celle-ci résulte d'une mesure individuelle.
Les demandes de l'espèce qui pourraient être adressées aux autorités militaires chargées de la gestion du personnel seront examinées dans les conditions fixées au § 141 supra.
2.4.2. Réintégration dans les ordres nationaux et dans le droit au port de la Médaille Militaire.
L'amnistie n'entraîne pas la réintégration dans les ordres nationaux ni dans le droit au port de la Médaille Militaire.
Le quatrième alinéa de l'article 20 de la loi dispose qu'une telle réintégration peut toutefois résulter d'une mesure individuelle prise par décret du Président de la République après avis du grand chancelier compétent.
Les demandes de réintégration seront instruites selon la procédure prévue au § 141 supra.
Le ministre de la défense,
Charles MILLON.
Annexes
ANNEXE I. Liste des infractions prévues et réprimées par le code de justice militaire amnistiées ou amnistiables en vertu des articles 3, 4 et 5 de la loi du 3 août 1995.
Articles du code de justice militaire. | Qualification des infractions. |
---|---|
397 | Insoumission. |
398 à 406 | Désertion à l'intérieur et désertion à l'étranger en temps de paix. |
414 | Provocation à la désertion. |
415 | Recel de déserteur. |
418 | Mutilation volontaire. |
429 (alinéa 1°) | Destruction, perte ou mise hors service, par négligence, d'un édifice, ouvrage, bâtiment de la marine, aéronef, approvisionnement, armement, matériel ou installation quelconque. |
438 | Usurpation de décorations, médailles, insignes, uniformes. |
441 | Incitation à commettre des actes contraires au devoir ou à la discipline. |
447 | Refus d'obéissance. |
451 | Voies de fait envers un supérieur en dehors du service. |
453 | Outrage envers un supérieur par paroles, écrits ou menaces. |
456 (alinéa 3°) | Violence contre une sentinelle ou une vedette commise par un militaire seul et sans arme. |
457 | Insulte à sentinelle ou vedette par paroles, gestes ou menaces. |
460 | Violences à subordonné. |
461 | Outrages envers un subordonné. |
465 | Infraction aux consignes. |
468 | Abandon de poste. |
469 (alinéa 1°) | Abandon de poste ou non-exécution d'une consigne en temps de paix étant en faction, en vedette, de veille ou de quart. |
ANNEXE II. Fiche individuelle.
Figure 1.
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ANNEXE III. Amnistie par mesure individuelle des sanctions statutaires ou professionnelles et des punitions disciplinaires.
Figure 2. AMNISTIE PAR MESURE INDIVIDUELLE DES SANCTIONS STATUTAIRES OU PROFESSIONNELLES ET DES PUNITIONS DISCIPLINAIRES.
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ANNEXE IV. Réintégration.
Figure 3. REINTEGRATION.
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