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CONTRÔLE GÉNÉRAL DES ARMÉES :

CIRCULAIRE du Premier ministre relative aux directives pour la mise en œuvre d'une méthode rationnelle de négociation des prix et des marges dans les marchés de gré à gré. (radié du BOEM 432.3.4.).

Du 10 octobre 1969
NOR

Pièce(s) jointe(s) :     Une annexe.

Référence de publication : BOC, 1976, p. 105.

Le Premier ministre

à

MM. les ministres et secrétaires d'Etat.

La mise en concurrence des entreprises doit demeurer le moyen d'action normal des acheteurs du secteur public. Cependant, la complexité des besoins et le faible nombre d'entreprises susceptibles de les satisfaire empêchent souvent une mise en concurrence effective par le jeu des procédures formalistes traditionnelles et conduisent l'administration à traiter directement avec une seule entreprise. En France comme à l'étranger, la négociation des marchés de gré à gré constitue donc maintenant la tâche la plus absorbante et la plus délicate des services d'approvisionnement. Or, en ce domaine complexe, il n'a pas été jusqu'à présent défini de doctrine à l'usage de l'ensemble des acheteurs.

A la demande du gouvernement, la commission centrale des marchés a défini les principes d'une méthode de négociation des prix et des marges qui incite les entreprises à réduire leurs coûts de production et ainsi favorise le développement et la compétitivité de secteurs industriels dans lesquels la demande publique est importante.

J'ai l'honneur d'attirer votre attention sur les dispositions essentielles de cette méthode et sur l'esprit dans lequel elle devrait être progressivement mise en application par les services dépendant de votre autorité.

1. Le champ d'application de la méthode et les objectifs visés.

Dans tous les secteurs industriels où la concurrence peut jouer efficacement, sa mise en œuvre constitue le mode normal de sélection du fournisseur et de détermination du prix.

La méthode exposée ci-dessous doit donc s'appliquer aux seuls marchés pour lesquels une mise en concurrence effective, selon des procédures formalistes, se révèle impossible et pour lesquels l'acheteur doit négocier les conditions de prix.

Le jugement porté sur les offres des fournisseurs s'appuie alors de préférence sur l'emploi des méthodes comparatives (analyse de prix), qui sont plus simples.

Lorsque celles-ci ne sont pas suffisantes, une appréciation du niveau des coûts (analyse de coût) et du montant souhaitable de la marge doit être effectuée. Cette dernière méthode, développée dans le guide joint en annexe, est particulièrement utile pour les prestations d'une certaine importance, dont le montant, les difficultés techniques ou le caractère répétitif justifient le lancement d'une enquête approfondie.

Trois principes devront guider l'acheteur dans la conduite de ses négociations de prix :

  • souci permanent de la réduction des coûts dans la discussion des éléments du devis, aussi bien pour le marché en cause que pour les prestations ultérieures, qui seront éventuellement demandées au fournisseur ;

  • respect de la responsabilité de l'entreprise, ce qui conduit, d'une part, à n'effectuer que le nombre minimal de contrôles, d'autre part, à éliminer toute méthode tendant à l'assimiler à un simple exécutant garanti contre tout risque de perte et limité trop étroitement dans ses perspectives de profit ;

  • fixation d'une marge bénéficiaire prévisionnelle qui tienne compte de la contribution du fournisseur à l'exécution de la prestation, du risque assumé par celui-ci ainsi que de ses efforts en vue de l'abaissement des coûts et de l'amélioration des services rendus.

Dans la négociation du prix qui englobe le coût et la marge, l'acheteur doit agir avec le souci de la plus grande efficacité. La rigueur dans l'appréciation des éléments du coût s'accompagnera d'une plus grande souplesse dans la détermination du taux de marge normal dont l'éventail sera sensiblement élargi. Cette liberté plus grande laissée aux acheteurs ne doit pas être interprétée dans le sens d'une politique restrictive en matière de marge. Au contraire, l'importance relative très différente du coût et de la marge doit conduire progressivement à un accroissement moyen de cette dernière dans la stabilité des prix.

2. Les conditions de réussite de la réforme.

Les conditions d'application de la méthode sont exposées dans le guide annexé à la présente circulaire, qui a été mis au point, au sein de la commission centrale des marchés, par les administrations et entreprises publiques après consultation des milieux professionnels intéressés.

Je crois nécessaire d'appeler votre attention sur l'esprit dans lequel ce document doit être appliqué.

Le domaine des marchés négociés de gré à gré est trop divers et fluctuant pour qu'une circulaire impérative et durable puisse régler tous les problèmes de façon satisfaisante. Le pourrait-elle même, que la diminution de leurs responsabilités qu'en ressentiraient les acheteurs, ne tarderait pas à présenter des inconvénients supérieurs aux avantages escomptés de la réforme. Pour être efficace, celle-ci doit donc reposer sur une véritable adhésion aux objectifs visés ; elle ne peut s'appliquer de façon autoritaire.

La prise de conscience des intérêts communs aux acheteurs et aux fournisseurs doit inciter ceux-ci à une collaboration poussée partout où elle est possible. En ce domaine, l'attitude des services acheteurs sera prépondérante. Ils devront convaincre leurs fournisseurs que cette réforme correspond à la volonté de l'Etat de mieux adapter la négociation des marchés aux impératifs économiques du développement industriel.

Une modification des mentalités au sein même de l'administration sera également nécessaire.

Un service acheteur ne doit pas avoir pour seule motivation la recherche systématique du plus bas prix possible dans l'immédiat. Cet objectif est important, mais doit être concilié, d'une part avec celui du moindre coût global pour l'utilisateur, y compris les frais d'usage, d'autre part avec le souci de ne pas compromettre la rentabilité financière et donc le développement technologique du fournisseur. Un prix doit être replacé dans le temps, et ses diverses composantes ne sauraient être prises en considération autrement.

Il importe que les organismes de contrôle adoptent une attitude comparable. La plus grande responsabilité laissée à l'acheteur dans la négociation de la marge accroîtra sans doute la difficulté de leur tâche, mais en accentuera encore l'importance ; ils auront, pour ce qui les concerne, à juger les conditions dans lesquelles cette réforme sera appliquée par les services justiciables de leurs contrôles.

L'application de la réforme exigera qu'y soient affectés les moyens nécessaires, dans les services d'achats et de contrôle. Il importe en particulier que les responsables prennent les mesures indispensables pour améliorer l'organisation et renforcer les effectifs des services chargés de l'analyse des prix et des coûts. Enfin, une vaste action de formation professionnelle et d'information sera développée.

Pour toutes ces raisons le mise en œuvre de la réforme devra être progressive et porter, en priorité, au cours des prochains mois, sur des opérations importantes justifiant la concentration sur elles des moyens disponibles. Dans toute la mesure du possible, ces opérations devront concerner des entreprises auprès desquelles ont été placés des fonctionnaires-coordonnateurs. Par leur connaissance des fournisseurs, ces hauts fonctionnaires sont, en effet, particulièrement bien placés pour apporter aux acheteurs et aux autorités compétentes de chaque ministère une aide précieuse dans l'examen des devis et pour faciliter leur jugement sur certains éléments d'appréciation de la marge. Ils devront également veiller à ce que les demandes d'information adressées aux fournisseurs soient limitées au minimum nécessaire.

A échéance d'un an à compter des premières applications de la réforme, la commission centrale des marchés fera le point des progrès accomplis et des difficultés rencontrées. Les modifications qui s'avéreraient utiles seront alors apportées au guide.

L'application des principes contenus dans le guide devrait entraîner progressivement une profonde inflexion dans la politique des marchés, dans le sens d'une plus grande efficacité économique pour quelques-uns des secteurs les plus importants de l'industrie.

J'attache en conséquence le plus grand intérêt à ce que vous donniez aux services placés sous votre responsabilité les instructions nécessaires pour qu'ils appliquent les principes et les conseils contenus dans ce document. Je souhaite également que vous demandiez aux entreprises publiques placées sous votre tutelle de les adapter à leurs situations particulières.

J. CHABAN-DELMAS.

Annexe

ANNEXE.

Contenu

GUIDE POUR LA NÉGOCIATION DES PRIX ET DES MARGES DANS LES MARCHÉS DE GRE À GRE.

Contenu

La réglementation en matière de marchés publics a été élaborée, essentiellement, autour de la mise en œuvre de procédures formalistes d'appel à la concurrence : l'adjudication et l'appel d'offres.

Chaque fois que la concurrence existe, ces procédures doivent rester le moyen d'action normal des services d'achat du secteur public pour réaliser leurs approvisionnements dans les meilleures conditions d'économie et assurer l'égalité, entre eux, des fournisseurs éventuels.

Néanmoins, la complexité croissante des commandes de l'Etat empêche souvent une mise en concurrence effective des fournisseurs, par le jeu des procédures formalistes. Le recours aux marchés de gré à gré, qui s'impose alors, ne doit pas signifier qu'un effort permanent ne soit pas à accomplir pour mettre en concurrence de façon souple les fournisseurs éventuels.

La négociation des marchés passés de gré à gré qui, en France comme à l'étranger, représentent un pourcentage important du montant des achats publics, constitue donc actuellement la tâche la plus absorbante et la plus délicate des services acheteurs. Or, dans ce domaine qui concerne les prestations les plus complexes, sans la garantie de la mise en jeu d'une procédure formaliste, les acheteurs sont trop souvent laissés sans directives.

Le présent guide est destiné à combler cette lacune. Il fait suite aux décisions prises en conseil des ministres, sur l'avis de la section économique de la commission centrale des marchés, concernant les buts et les moyens d'une politique des marchés publics conçue en fonction des objectifs économiques du gouvernement. Il propose, dans ce sens, une méthode de détermination des prix et des marges destinée à procurer aux entreprises une rémunération raisonnable, tout en les encourageant à réduire leurs coûts et à améliorer la qualité de leurs produits et de leur gestion.

Cette méthode a pour objectif de permettre la fixation a priori des prix et des marges, en vue de la conclusion des marchés. Elle doit donc être distinguée de celles qui conduisent à la détermination de ceux-ci a posteriori, dans les différents types de marchés en dépenses contrôlées.

Par ailleurs, elle ne doit pas être considérée comme constituant une réglementation rigide. Elle fera l'objet d'une mise en œuvre progressive. Elle est appelée à être complétée et éventuellement modifiée, pour tenir compte de l'expérience acquise. En tout état de cause elle doit être, pour les acheteurs, un guide qui leur permettra de se fixer un objectif de prix avant d'aborder la négociation d'un marché, puis de conduire celle-ci en vue d'arriver à un accord global, satisfaisant pour les deux parties. Elle devrait donc rendre tout son sens à la notion de personne responsable d'un marché, laquelle peut adapter en connaissance de cause les éléments et les critères de la méthode d'analyse de la marge, exposée plus loin, à la conduite des négociations et aux cas particuliers des projets de marchés.

Les problèmes soulevés par la mise en œuvre de cette méthode de détermination des prix et des marges sont de trois ordres, qui font l'objet des trois parties du guide. Ils ont trait aux modalités de l'analyse des prix et des coûts à laquelle doivent procéder les acheteurs, à la détermination d'une marge bénéficiaire raisonnable pour le fournisseur, aux conditions de succès de cette politique, enfin, c'est-à-dire à la nécessaire adaptation des méthodes et des moyens.

Il n'est pas douteux, par ailleurs, que certaines adaptations sectorielles devront être apportées aux principes définis dans ces trois parties.

I L'appréciation des prix et des coûts.

L'acheteur doit, avant d'engager la négociation d'un marché de gré à gré, chercher à déterminer le niveau du juste prix de la prestation. Il dispose, à cet effet, de deux méthodes principales et complémentaires : l'analyse de prix et l'analyse de coûts.

Sous le terme d'analyse de prix, on désigne les différents moyens par lesquels un acheteur peut trouver des critères simples pour juger un prix, sans avoir à procéder à une évaluation du prix de revient de la prestation et de la marge bénéficiaire de l'entreprise. Toujours utile lorsque l'on utilise les procédures formalistes d'appel à la concurrence, l'analyse de prix est indispensable pour les marchés de gré à gré.

L'analyse de coûts désigne une étude critique du prix de revient prévisionnel de la prestation et de la marge bénéficiaire escomptée par le fournisseur. Plus complexe et plus onéreuse à mettre en œuvre que la méthode précédente, il est raisonnable de ne l'utiliser que pour les marchés importants.

Les deux méthodes ne sont généralement utilisables qu'à partir de l'étude d'un devis préalablement établi par le fournisseur, l'analyse de coûts requérant un devis présenté sous une forme plus élaborée que pour une simple analyse de prix.

A) L'analyse de prix.

L'analyse de prix est une méthode essentiellement pragmatique et comparative. Elle laisse aux acheteurs publics une large part d'initiative quant à l'application des critères à retenir, mais elle suppose que les évaluations faites s'appuient sur des justifications précises et chiffrées.

Les méthodes d'analyse varient suivant la nature de la prestation fournie et seuls les services acheteurs sont à même de les déterminer ; cependant, toutes requièrent une connaissance approfondie des conditions de fabrication et de commercialisation des produits en cause. La plupart sont fondées sur des comparaisons de prix portant soit sur l'ensemble de la prestation soit sur les éléments dont elle est composée. On peut citer, à titre indicatif, les comparaisons :

  • avec les prix de marchés conclus précédemment et concernant les mêmes produits ou des produits semblables ;

  • avec les prix de produits comprenant, avec l'objet de la commande, des sous-ensembles communs ;

  • avec les prix moyens au kilogramme, au cheval-vapeur, etc., obtenus couramment pour des prestations analogues.

Il est, dans ce cas, indispensable de s'assurer que les prix servant de référence sont économiquement fondés. Il convient ensuite de les mettre à jour, non par le jeu automatique de formules, mais en fonction des variations réellement constatées des coûts des composants et des gains de productivité. Il faut prendre, enfin, en considération les différences éventuelles entre les caractéristiques des prestations, notamment en ce qui concerne les quantités, les délais et les conditions de livraison.

Au cas où des différences, apparemment inexplicables, se feraient jour entre prix de référence et prix proposé, des justifications précises devraient être demandées aux entreprises et faire l'objet d'une appréciation critique.

La qualité d'une analyse de prix repose sur le caractère probant des comparaisons effectuées : c'est la raison pour laquelle de simples références à des situations passées ne peuvent être admises sans de soigneuses vérifications chiffrées que tout acheteur public doit s'efforcer d'établir.

Il n'est pas nécessaire que le devis fasse apparaître le prix de revient de la prestation quand son utilisation est limitée à une analyse de prix ; il doit, en revanche, comporter une ventilation du prix en ses divers composants : prix unitaires, prix des sous-ensembles, prix de l'emballage, du transport, etc.

L'analyse de prix peut être utilisée seule, chaque fois que l'acheteur dispose de soldes références de prix et dans le cas de commandes de faible montant ou de marchés de matériels connus.

Lorsque la concurrence ne joue pas ou joue mal et que les comparaisons de prix portent sur des marchés relatifs à des matériels nouveaux et complexes, l'analyse de prix doit être, dans toute la mesure du possible, complétée par une analyse de coûts, dès l'instant où l'importance des intérêts en jeu justifie le recours à cette méthode relativement onéreuse. L'analyse de prix constitue alors un utile instrument de vérification des résultats obtenus.

B) L'analyse de coûts.

L'analyse de coûts, comme l'analyse de prix, a pour point de départ l'étude d'un devis, mais celui-ci doit, dans ce faire, faire apparaître le prix de revient prévisionnel de la prestation, établi à partir de données techniques et comptables, et la marge bénéficiaire demandée par le fournisseur.

L'analyse de coûts consiste alors en un examen critique, poste par poste, de ce devis, en l'assortissant éventuellement de vérifications portant sur les justifications présentées par le fournisseur ou effectuées sur place, dans les établissements de ce dernier. Elle suppose donc une bonne connaissance de l'entreprise et l'utilisation d'un personnel hautement spécialisé en matière d'appréciation des coûts, tant d'un point de vue technique que comptable et commercial.

La qualité du devis est primordiale pour la valeur de l'analyse des coûts. Elle conditionne également, dans une large mesure, celle des vérifications qui pourront être faites a posteriori, dans le cas de marchés en dépenses contrôlées ou à clause d'intéressement, ou en vue de la passation de marchés futurs, lorsque l'acheteur estime qu'une telle vérification est utile pour ses analyses de coûts ultérieures. Dans la plupart des cas, le marché devra comporter alors une clause précisant que l'entreprise aura à faire apparaître, dans sa comptabilité analytique ou ce qui en tient lieu, d'une façon claire et sans ambiguïté, les éléments constitutifs tels qu'ils apparaissent aux devis, du prix de revient de la prestation.

L'étude et l'établissement des devis posent quatre catégories de problèmes relatifs :

  • à la définition du prix de revient retenue pour le marché ;

  • à l'évaluation prévisionnelle de ce prix de revient ;

  • à la présentation du devis ;

  • à la critique du prix de revient prévisionnel.

En cas de difficultés dans la solution de ces questions, qui sont étudiées ci-après, les services pourront s'adresser :

  • aux fonctionnaires coordonnateurs nommés, en application du décret 68-165 du 20 février 1968 (1), auprès de certains fournisseurs de l'Etat et des entreprises nationales et qui, ainsi qu'il sera précisé plus loin, auront à jouer un rôle important dans la mise en œuvre du présent guide ;

  • au secrétaire général de la commission centrale des marchés, assisté par un groupe de travail interministériel, à qui une circulaire du Premier ministre 2012 /SG du 07 janvier 1964 (2) a confié une tâche de coordination en matière d'enquêtes de prix de revient.

La définition du prix de revient retenue pour le marché.

Le prix de revient d'un objet (d'une prestation de services, d'un groupe d'objets ou de prestations de services) est tout ce que coûte cet objet (cette prestation de services, ce groupe d'objets ou de prestations de services), dans l'état où il se trouve au stade final y compris les coûts de livraison, de distribution, d'administration, de financement et « autres frais à couvrir ».

La détermination de certains éléments de ce prix de revient ne pose pas de problèmes de principe particuliers. En revanche, pour d'autres éléments, les solutions adoptées ont obligatoirement un aspect conventionnel. Il en est par exemple ainsi des charges d'amortissements, pour lesquelles l'affectation aux prix de revient peut théoriquement se faire suivant plusieurs méthodes, admissibles les unes et les autres. Il importe alors que les solutions retenues soient aussi logiques et opérationnelles que possible, compte tenu à la fois des besoins des entreprises et des acheteurs. Il est souhaitable également qu'elles soient homogènes pour tous les services acheteurs, dans un secteur économique donné. L'harmonisation nécessaire se réalise progressivement :

  • soit par concertation des acheteurs au sein du groupe de travail visé ci-dessus ;

  • soit par la publication de cahiers des clauses comptables qui, dans les branches où le pourcentage du chiffre d'affaires réalisé avec le secteur public est important, viendront compléter les guides comptables professionnels qui doivent peu à peu couvrir l'ensemble des divers secteurs économiques français. Ces guides comptables sont rédigés par des comités professionnels, en liaison avec le conseil national de la comptabilité. Les dispositions des cahiers des clauses comptables seront généralement précisées et rendues applicables par la signature de protocoles comptables négociés entre l'administration et les entreprises.

Deux catégories de dépenses posent, sous cet aspect, un problème particulier : il s'agit d'une part, des charges qui n'apparaissent pas incorporables aux prix de revient des prestations fournies au secteur public, et, d'autre part, des dépenses qui posent un problème quant au principe même de leur affectation aux prix de revient.

a)
Contenu

Charges non incorporables aux prix de revient des prestations fournies au secteur public.

Certaines charges peuvent être exclues du coût des prestations destinées aux acheteurs publics, lorsqu'il est manifeste qu'elles ne peuvent pas résulter de l'exécution de celles-ci. Il en est ainsi, entre autres :

  • de certaines commissions versées à des représentants ou intermédiaires ;

  • de certaines dépenses de publicité ;

  • des charges ayant le caractère de distribution de bénéfices ;

  • des charges ayant pour contrepartie une augmentation réelle des valeurs d'actif.

Le paragraphe II 200 A du cahier des clauses comptables applicables à la détermination des prix des études et des fournitures concernant les matériels de télécommunications et les matériels électroniques fournit une liste plus complète des charges dont l'imputation aux prix de revient peut être contestée par les acheteurs. Ceux-ci pourront s'en inspirer pour les marchés relevant d'autres secteurs économiques. Il conviendra néanmoins qu'ils ne prennent pas en ce domaine de positions excessives, qui risqueraient d'annuler, pour certaines entreprises, les effets d'incitation recherchés ci-après dans la deuxième partie de ce guide.

Contenu

Les devis doivent faire apparaître tous les éléments nécessaires pour la conduite de la négociation.

Dans cette optique, il est nécessaire que les devis fassent apparaître clairement, ainsi qu'il a déjà été précisé, le prix de revient de la prestation, par lot, série et catégorie.

Ils doivent ensuite permettre la détermination du taux de la marge, suivant la méthode qui sera exposée dans la deuxième partie de ce guide. Les coûts seront donc reclassés dans trois rubriques principales :

  • les frais d'approvisionnement, les charges de production et de commercialisation (main-d'œuvre, outillages spéciaux, amortissements, entretien, etc.), les frais administratifs généraux à l'exclusion des frais d'études générales, ainsi que les frais d'études propres au marché ;

  • la valeur des achats à l'extérieur qui entrent dans la prestation (matières premières, pièces détachées, sous-commandes et sous-traitées, transports, etc.), à l'exclusion des frais d'approvisionnement ;

  • les frais d'études générales et les frais financiers.

b)
Contenu

Charges posant des problèmes quant au principe même de leur affectation aux prix de revient.

Certaines dépenses des entreprises n'apparaissent pas comme évidemment incorporables aux coûts et on pourrait valablement envisager que les entreprises les financent sur leur marge.

Il en est ainsi, plus particulièrement, en ce qui concerne :

  • les charges financières réelles et la rémunération des capitaux propres à l'entreprise ;

  • les frais d'études, de recherche et de développement, lorsqu'ils ne sont pas affectables à un marché particulier et que ces études, de caractère général, ne sont pas propres à un matériel ou à une catégorie de matériel déterminé (dans le cas contraire, ils doivent être inclus dans le prix de revient de ce matériel, soit dans celui de la première commande, soit étalés dans le coût de plusieurs commandes successives).

Certaines réglementations étrangères, américaines en particulier, rejettent les frais financiers des prix de revient. La pratique américaine, en revanche, y admet les dépenses d'études générales, mais dans certaines cas et sous certaines conditions seulement.

En France, les frais financiers réels sont admis dans les prix de revient. Ceux-ci comprennent aussi, souvent, incluses dans les frais généraux, les dépenses d'études générales. Enfin, le cahier des clauses comptables applicables à la détermination des prix des matériels de télécommunications et des matériels électroniques, qui est le premier de l'espèce, a adopté la solution suivante :

  • les charges financières sont admises dans les prix de revient, sous une forme forfaitaire ce forfait porte le nom de « charges financières calculées » et est destiné à couvrir tant les intérêts des emprunts que la rémunération des capitaux propres ;

  • les dépenses d'études de caractère général sont imputables aux prix de revient sous forme d'un « coefficient d'études libres » qui ne peut dépasser 8 p. 100 du coût global de production.

En attendant que de nouveaux cahiers des clauses comptables viennent fixer la situation dans d'autres secteurs de l'économie, la position suivante pourra être adoptée par tous les services d'approvisionnement :

  • les frais financiers réels continueront à être admis dans les coûts, dans les conditions actuelles ;

  • les études de caractère général pourront être admises, sur justification, dans les coûts, sous la forme d'un coefficient spécial de frais indirects, distinct du coefficient de frais généraux ; dans ce cas, et sous réserve de pourcentages maximaux différents fixés par des cahiers des clauses comptables ou par des protocoles négociés par les fonctionnaires coordonnateurs, ce coefficient ne devrait pas, en principe, dépasser 5 p. 100 du coût global de production.

Contenu

Les devis doivent permettre toutes les vérifications utiles.

Il est nécessaire que la personne responsable du marché soit en mesure de vérifier aisément tous les éléments de coûts figurant au devis, soit a priori, soit a posteriori, cette vérification pouvant donner lieu, suivant le cas, à des analyses sur pièces ou à des enquêtes sur place. Cela ne sera possible que si les devis sont établis conformément au schéma d'analyse de la comptabilité analytique d'exploitation de l'entreprise, ou de ce qui en tient lieu. Ils devront, en particulier, distinguer les charges directes et indirectes.

Il n'est pas possible, dans le cadre de ce guide, de fournir un cadre type pour l'établissement de ces devis. Ce travail sera fait, en revanche, soit dans les cahiers des clauses comptables à paraître, soit dans les protocoles comptables, établis entre l'administration et les entreprises qui les complèteront.

L'évaluation prévisionnelle du prix de revient.

Lorsque le problème du contenu du prix de revient d'une prestation a été résolu, celui de son évaluation prévisionnelle se pose. Les questions sont alors au nombre de deux et ont trait :

  • à la prévision du nombre d'éléments de base d'ordre technique qui doivent figurer au devis ;

  • à la valorisation de ce dernier.

a) La prévision du nombre d'éléments de base d'ordre technique.

Le devis doit reposer sur une prévision des quantités d'éléments de base d'ordre technique qui seront mis en œuvre. Ces éléments concernent essentiellement les matières et fournitures achetées à l'extérieur ou sous-commandées et les heures de main-d'œuvre directe ; il peut aussi s'agir d'heures de travail sur machines, de quantités de produits traités, de services fournis par des tiers, etc.

Lorsque le marché comporte des lots, des séries ou plusieurs catégories de travaux, fournitures ou services, les éléments de base d'ordre technique doivent, afin de faciliter l'analyse ou une enquête ultérieure, être affectés à chaque lot, série ou catégorie.

La prévision des éléments de base d'ordre technique doit être justifiée par l'entreprise offrante. Elle est d'une particulière importance, puisque c'est sur elle que repose toute la valeur des devis. Il serait illusoire que les entreprises mettent sur pied un bon système d'analyse comptable permettant de valoriser correctement ceux-ci, si la prévision des quantités d'éléments de base d'ordre technique demeurait empirique, comme elle l'est souvent à l'heure actuelle.

Cette prévision peut se faire suivant deux méthodes.

Pour le matériel nouveau, on utilise des méthodes comparatives, analogues à celles évoquées ci-dessus à propos de l'analyse de prix et complétées par l'examen des données techniques fournies par l'entreprise en matière de gammes et de standards de fabrication.

Pour le matériel ayant déjà donné lieu à fabrication, on procède par extrapolation à partir des résultats obtenus dans le passé, compte tenu de l'effet de série qui tend à réduire le nombre d'heures de main-d'œuvre directe nécessaire pour produire un bien ou un service.

Dès lors, en effet, qu'une fabrication devient répétitive, des gains de productivité doivent apparaître, à moins qu'un défaut dans l'organisation de la production n'y mette obstacle. Ces gains ont généralement des causes multiples, dont les effets se cumulent : amélioration du tour de main des exécutants, disparition des tâtonnements et des doubles emplois, simplification des procédés, diminution des pertes de temps dans la préparation du travail, l'approvisionnement des postes de travail, etc. Ils prennent naissance avec une cadence de production et une technologie demeurant à peut près identiques et doivent donc être distingués des économies qui résultent des effets de volume (augmentation de la cadence de production) ou d'une modification importante de la technologie. C'est la raison pour laquelle on parle souvent, à leur propos, d'accroissement naturel de la productivité, qui est évalué prévisionnellement par la méthode dite des « courbes d'apprentissage » ou « courbes de dégressivité des temps ».

Pour chaque marché, les acheteurs publics devront veiller à ce que ces prévisions soient faites avec le maximum de soins et de précision, l'absence d'évaluation en ce qui concerne les effets de série pouvant constituer un motif parfaitement valable pour ne pas retenir les offres d'une entreprise.

Les gains de productivité ont une autre source : la recherche active de l'entreprise en vue de réduire ses coûts, grâce à de nouveaux procédés de fabrication, à une action plus efficace du service d'approvisionnement, à la pratique systématique de l'analyse de valeur, etc.

A priori, ces gains de productivité ne peuvent être obtenus que pour des séries importantes, pour des fabrications se prolongeant sur de longues périodes. Ils dépendent uniquement de la valeur des techniciens de l'entreprise et de son service de réduction des coûts. Ils sont difficiles à prévoir et il ne serait pas raisonnable de vouloir les prendre systématiquement en considération lors de l'établissement des devis. Au surplus, ils constituent pour l'entreprise, si elle en conserve le bénéfice, une incitation très forte à la recherche des économies et à l'amélioration de sa gestion. Néanmoins, le service public acheteur doit lui aussi avoir sa part de ces gains de productivité et la personne responsable du marché doit s'en préoccuper.

Il importe donc qu'elle se tienne au courant des conditions de fabrication et qu'elle procède à un réexamen des coûts lorsqu'une modification importante est intervenue dans la technologie du fournisseur. En l'absence de changements substantiels dans cette technologie, une méthode efficace paraît être de procéder à des analyses de coûts successives, assorties éventuellement d'enquêtes sur pièces et sur place, et d'ajuster périodiquement les prix et les coûts, le bénéfice des gains de productivité restant acquis à l'entreprise dans l'intervalle de deux analyses,

Les acheteurs publics auront intérêt, lorsque les circonstances s'y prêteront, à effectuer une étude de l'évolution des coûts sur une longue période, de façon à parvenir à de véritables objectifs de coûts, qui permettront une meilleure programmation des commandes et donc de la production et du financement de l'industriel.

b) Valorisation des devis.

Les devis sont établis hors taxes sur le chiffre d'affaires.

En ce qui concerne les charges directes, les devis sont valorisés en multipliant les quantités prévues d'éléments de base d'ordre technique par l'évaluation retenue de leur coût unitaire.

Cette évaluation est faite à partir des résultats constatés dans la comptabilité analytique d'exploitation, ou ce qui en tient lieu.

Les matières et fournitures qui doivent être approvisionnées spécialement pour l'exécution du marché, ainsi que les parties sous-commandées, sont valorisées à partir des offres faites à l'entreprise. A défaut, elles font l'objet d'une évaluation de cette dernière, lorsque ces offres n'ont pu être effectuées pour des raisons acceptées par l'acheteur.

Ces offres ou évaluations doivent faire l'objet d'un examen critique approfondi et relèvent éventuellement des mêmes techniques, analyse de prix et analyse de coûts, que l'offre principale. Les offres des sous-commandiers peuvent donc donner lieu, comme celle-ci, à des enquêtes sur pièces et sur place, dans les cas où ces dernières se révèlent indispensables.

Les matières et fournitures banales, habituellement stockées par l'entreprise, sont chiffrées conformément à la méthode qu'elle pratique habituellement (méthode du premier entré-premier sorti, du prix moyen pondéré, etc.). La personne responsable doit s'assurer de la validité et de la continuité d'application de cette méthode.

Les heures de main-d'œuvre sont valorisées par application des barèmes de salaires et d'appointements en vigueur dans l'entreprise, en tenant compte des charges sociales et des frais sur personnel déterminés en comptabilité analytique. Dans les marchés assortis d'une clause de révision des prix, les barèmes utilisés sont ceux en vigueur à la date de référence de l'offre. Dans les marchés à prix ferme, ils tiennent compte de l'évolution prévisible du coût de la main-d'œuvre pendant la période d'exécution du marché. Dans ce cas, la méthode utilisée doit faire l'objet d'une analyse critique de la part de la personne responsable.

Pour l'imputation des charges indirectes, il est fait application des coûts d'unités d'œuvre et des coefficients de frais calculés en comptabilité analytique et éventuellement actualisés, suivant une méthode admise par la personne responsable, soit à la date de référence de l'offre, si le marché comporte une clause de révision de prix, soit de façon à obtenir une ou plusieurs valeurs moyennes valables pour la période prévue de l'exécution, si le marché est à prix ferme. La liste des frais retenus pour le calcul des charges indirectes peut varier en fonction du système comptable adopté par le fournisseur, de la dimension et des caractéristiques de son entreprise.

Dans l'examen de la valorisation des devis, il convient de tenir compte d'une dernière source de réduction des coûts qui s'ajoute aux effets de série sur le nombre d'éléments de base d'ordre technique, signalés au paragraphe précédent : les effets de volume produits par une augmentation des cadences de production. Sauf lorsqu'ils permettent une technologie nouvelle, ceux-ci ne conduisent pas à des gains de productivité proprement dits mais, par une meilleure utilisation des moyens de production, ils permettent de répartir les frais fixes de fabrication sur un plus grand nombre d'unités produites. Ils n'ont d'ailleurs un effet particulièrement important que dans le cas d'un accroissement régulier et planifié du volume des commandes. Leur prise en considération constitue donc un argument supplémentaire en faveur d'une programmation des achats publics (problème qui déborde le cadre du présent guide), l'acheteur devant alors veiller à leur intégration dans les prévisions de coûts.

La présentation des devis.

La présentation des devis doit répondre à deux objectifs principaux :

  • les devis doivent fournir à la personne responsable du marché tous les renseignements qui lui sont nécessaires pour négocier valablement ;

  • ils doivent permettre à la personne responsable et, éventuellement, aux enquêteurs de prix, de procéder à toutes les vérifications utiles, a priori ou a posteriori.

La critique du prix de revient prévisionnel.

Le prix de revient prévisionnel doit, comme la marge faire l'objet d'une étude critique avant le commencement de la négociation et celle-ci doit porter sur ces deux composantes du prix, compte tenu des observations et des recommandations qui précèdent.

La critique doit s'exercer ensuite sur la valori-prévision des quantités d'éléments de base d'ordre technique. L'acheteur doit s'assurer, en particulier, que cette prévision tient compte des gains de productivité réalisés dans le passé ou prévisibles pendant l'exécution du marché. Il convient également qu'il vérifie que, pour les achats à l'extérieur et surtout pour les parties de la prestation à sous-commander ou à soustraiter, l'entreprise a eu, comme préoccupation première, la réduction du prix de revient prévisionnel.

La critique doit s'exercer ensuite sur la valorisation des devis, tant en ce qui concerne les charges directes que les charges indirectes. Il ne convient pas que l'acheteur, parce que leur origine comptable paraît leur conférer un caractère objectif et irréfutable accepte sans discussion les coûts d'unité d'œuvre ou les coefficients de charges indirectes. Il doit, au-delà des données comptables, analyser les situations concrètes que ces données traduisent et celles-ci doivent faire éventuellement l'objet d'une négociation, au même titre que tous les autres éléments du prix. Lorsqu'un fonctionnaire coordonnateur aura été nommé dans l'entreprise, c'est à lui qu'il appartiendra de fournir aux services acheteurs les renseignements indispensables et d'aider ceux-ci à procéder aux projections nécessaires pour adapter aux conditions de réalisation du marché les données comptables déterminées dans le passé.

Parmi les données qui doivent faire l'objet d'une étude attentive, on peut mentionner, à titre indicatif, les rebuts et déchets et les pertes sur stocks. De même, les services acheteurs devront s'efforcer, dans toute la mesure du possible, de dégager le coût de la sous-activité éventuelle de leurs fournisseurs.

Lorsque plusieurs services acheteurs négocieront avec la même entreprise, une certaine coordination devra être aménagée en ce qui concerne leur manière d'appréhender et de juger les éléments de coûts qui leur seront proposés. Il conviendrait, en particulier, qu'ils adoptent la même définition en matière de prix de revient prévisionnel et qu'ils se répartissent rationnellement les tâches lorsqu'ils seront amenés à procéder à des enquêtes sur place. Dans les entreprises où aura été nommé un fonctionnaire coordonnateur, c'est à ce dernier qu'incombera cette mission de coordination. Pour les autres entreprises. il conviendra éventuellement qu'un service pilote soit désigné par les autorités compétentes du ministère intéressé ; si la coordination doit étre faite au plan interministériel, des mesures seront prises à cet effet par accord entre les ministères intéressés, à l'initiative, le cas échéant du secrétaire général de la commission centrale des marchés, assisté du groupe de travail compétent, visé ci-dessus en I-B.

II La rémunération raisonnable du fournisseur : la détermination de la marge.

Lorsque l'acheteur public n'aura pas estimé utile de procéder à une analyse de coûts, la rémunération accordée au fournisseur sous forme de marge n'a pas à être explicitée ni évoquée au cours de la négociation.

En revanche, lorsqu'une telle analyse aura été effectuée, le prix à payer sera déterminé en deux temps : évaluation du prix de revient puis adjonction d'une marge, celle-ci devant constituer pour le fournisseur une rémunération raisonnable, compte tenu de toutes les caractéristiques de la prestation.

Cette marge, venant s'ajouter à un prix de revient qui est tout ce que coûte la prestation à son stade final, constitue la rémunération nette de l'entreprise. Elle n'est donc qu'une partie relativement faible du prix total prévisionnel de la prestation. Elle en est, en revanche, pour le fournisseur, la partie vive, celle qui lui permettra de progresser, de développer son entreprise, d'améliorer sa compétitivité. Dans ces conditions, elle constitue l'élément du prix où l'action des acheteurs peut avoir un puissant effet incitatif.

Actuellement, les pratiques les plus répandues sont trop rigides. Les taux retenus sont assis essentiellement sur le chiffre d'affaires et ne tiennent que peu compte de la notion de valeur ajoutée. La qualité de la prestation du fournisseur et les efforts qu'il a pu effectuer pour réduire ses coûts ne sont pas pris en considération ; de plus, les marges actuelles ne varient pas suffisamment en fonction des risques encourus, tant du point de vue technique que commercial.

Une nouvelle approche du problème de la fixation des marges est donc nécessaire. L'esprit en sera le suivant : des marges très diversifiées sont indispensables pour s'adapter aux services rendus par l'entreprise et des marges importantes peuvent être souhaitables dans la mesure où elles sont le signe, le résultat et la récompense d'une gestion efficace et conforme à l'intérêt général. La meilleure façon d'intéresser les industriels à une politique de réduction des coûts consiste certainement à ne pas leur retirer systématiquement tout le bénéfice de cette réduction. Elle consiste également à les inciter plus à fabriquer « bien » de « bons produits » qu'à consacrer leurs efforts à l'obtention de « bons contrats ».

L'éventail des marges retenues pour la négociation pourra donc être très ouvert, suivant qu'il s'agira de prestations simples et non aléatoires, commandées à une entreprise dont les prix de revient paraissent élevés, ou de prestations complexes et aléatoires, commandées par un marché à prix forfaitaire à une entreprise faisant un effort important en matière de réduction des coûts et d'amélioration de la qualité.

Pour les mêmes raisons, les incitations négatives que l'on trouve parfois, actuellement, dans certains marchés, devront disparaître. C'est ainsi que, sauf pour les marchés à commandes ou de clientèle, ont été prohibés, par la circulaire du 04 mars 1969 du ministre de l'économie et des finances, les marchés en dépenses contrôlées comportant une marge bénéficiaire fixée en pourcentage des dépenses réellement effectuées.

Les développements qui suivent ont pour objet d'indiquer aux acheteurs les critères qu'ils pourront utiliser pour se fixer un objectif de marge avant d'aborder la négociation et pour, ensuite, conduire celle-ci de façon rationnelle.

La marge doit varier d'abord avec l'apport technique, administratif, commercial, intellectuel de l'entreprise, c'est-à-dire avec la valeur ajoutée par celle-ci au titre du marché. Elle doit rémunérer le risque assumé par le fournisseur. Elle doit enfin intéresser l'entreprise à l'abaissement des coûts et à l'amélioration du service rendu.

Bien que l'acheteur doive finalement parvenir à une marge globale et à un prix d'ensemble, la méthode recommandée pour lui permettre de se fixer un objectif de prix avant la négociation est une méthode analytique, qui décompose la marge en taux partiels A, B et C correspondant aux trois éléments principaux que celle-ci doit rémunérer.

Pour chacun de ces taux partiels, une fourchette est fixée ci-après, dans les limites de laquelle l'acheteur devra en principe se maintenir, l'existence de « fourchettes » étant justifiée, d'une part par l'absolue nécessité de laisser à l'acheteur une possibilité de négociation et, d'autre part, par le fait que la rémunération du fournisseur doit pouvoir varier sensiblement, pour chacun des taux partiels, selon les caractéristiques de la prestation.

Les pourcentages de marge sont à appliquer aux prix de revient des prestations ou à certains de leurs éléments, tels qu'ils ont pu être déterminés conformément aux disposifions de la première partie de ce guide. Ainsi, le taux partiel A ne s'applique qu'à la valeur ajoutée par l'entreprise au titre du marché. En revanche, les taux partiels B et C s'appliquent à la totalité des prix de revient des prestations.

A) La marge rémunération de la contribution du fournisseur à l'exécution de la prestadon.

La première partie A de la marge devra donc varier avec la valeur ajoutée au titre du marché. Cela signifie que les achats à l'extérieur, les frais financiers et les frais d'études générales seront exclus de l'assiette de son calcul.

Par achats à l'extérieur, il faut entendre les achats de matières et de produits semi-finis ou finis, les sous-commandes et les travaux à façon. Les frais d'approvisionnement et de gestion de stocks, qui font partie de la valeur ajoutée par l'entreprise, en sont exclus et doivent être traités comme les autres frais généraux. La détermination des éléments de marge B et C devant logiquement se faire sur une assiette incluant la totalité du prix de revient retenu, les achats à l'extérieur donneront lieu à versement, au titulaire du marché, d'une rémunération suffisante pour ne pas défavoriser les sous-commandes et pour ne pas encourager les intégrations de production qui ne seraient pas économiquement rentables.

Les frais financiers exclus de l'assiette du calcul de A comprendront les intérêts des emprunts, les frais d'escompte, les commissions bancaires, etc., c'est-à-dire la totalité des frais qui, en comptabilité générale, sont enregistrés au compte 67. Il conviendra donc d'en exclure éventuellement les frais du centre de travail chargé de la gestion financière, qui font partie de la valeur ajoutée au titre du marché.

La valeur ajoutée par le fournisseur au titre du marché se compose donc des éléments suivants :

  • charges de production et de commercialisation ;

  • frais d'études propres au marché ;

  • frais généraux administratifs à l'exclusion des frais d'études générales.

Pour cette valeur ajoutée, la marge sera comprise dans une fourchette de 2 à 6 p. 100 ; le taux choisi devra tenir compte du caractère plus ou moins élaboré au complexe de la prestation et de la part plus ou moins importante d'études nécessitées par l'exécution du marché.

Un taux de 2 p. 100 conviendrait parfaitement pour la fabrication d'un matériel classique, n'exigeant pas la mise en œuvre de moyens de production très élaborés, ni le recours à une main-d'œuvre très qualifiée, et n'incluant pas de frais d'études propres au marché. La marge pourrait atteindre 6 p. 100, en revanche, pour un produit nouveau et complexe, requérant des frais d'études élevés et exigeant un outillage de haute technicité, un personnel et un encadrement particulièrement qualifiés, des services développés d'organisation et méthodes et de contrôle de la qualité (fabrication et approvisionnement).

En outre, une majoration allant jusqu'à 1 p. 100 pourrait être accordée aux entreprises qui ne bénéficient pas du système des « charges financières calculées » ou d'une rémunération forfaitaire des capitaux propres incluse dans les coûts et qui doivent mettre en œuvre, pour l'exécution du marché, d'importants investissements financés sur leurs fonds propres.

Une illustration de la méthode de détermination de la marge applicable à l'élément A est fournie par l'exemple ci-dessous :

Exemple. Soit un marché de fabrication, dont la structure des coûts est la suivante :

  • A I (valeur ajoutée) = 70 p. 100 du prix de revient de la prestation se décomposant en 50 p. 100 de charges de production et de commercialisation et 20 p. 100 de frais d'études propres au marché (3).

  • A 2 (achats à l'extérieur) = 20 p. 100 du prix de revient de la prestation.

  • A 3 (frais financiers, frais d'études générales) = 10 p. 100 du prix de revient de la prestation.

Si l'on retient un taux de 5 p. 100 pour rémunérer A 1, la marge bénéficiaire pondérée, calculée sur la valeur ajoutée, sera :

A = 5 p. 100 × 70 p. 100 = 3,5 p. 100 du prix de revient total.

B) La marge, rémunération des risques assumés.

L'acheteur s'efforcera de donner à l'entreprise le maximum de responsabilités compatibles avec le niveau de risques qu'elle peut sainement accepter.

Ces risques seront rémunérés par un élément de marge B, compris entre 0 et 5 p. 100 de la totalité du prix de revient, qui sera ajouté au taux pondéré A et qui devra être suffisamment élevé pour inciter le fournisseur à les assumer.

Le taux de risque sera choisi compte tenu des cinq facteurs principaux qui conditionnent ce risque :

  • le caractère plus ou moins serré avec lequel auront été déterminés les coûts utilisés pour l'établissement du devis, qui pourra notamment être présumé par l'acheteur, quand une méthode rationnelle sera utilisée pour l'évaluation des effets de série (courbes d'apprentissage par exemple) ;

  • le caractère plus ou moins aléatoire des conditions de réalisation de la prestation ;

  • les conditions de la garantie assurée, compte tenu des caractéristiques techniques du matériel ;

  • les modalités du marché en matière de prix (forfait, dépenses contrôlées, prix plafond, clause d'incitation, etc.) ;

  • l'importance et les conditions des achats à l'extérieur, ceux-ci pouvant permettre à l'entreprise de reporter une part des risques sur ses propres fournisseurs ou, à l'inverse, pouvant rendre plus difficile sa mission de coordination.

L'acheteur pourra conduire son analyse sur la base du schéma suivant :

Marchés en dépenses contrôlées.

En principe, pour ce type de marché, le risque assumé est nul. Néanmoins, certaines modalités de ces marchés peuvent laisser un léger risque à la charge de l'entreprise. Il en est ainsi des marchés en régie d'heures, des marchés sur prix unitaires, des marchés à coefficients de frais conventionnels et, d'une manière générale, des marchés dont certains éléments de prix ont un caractère forfaitaire.

Comme, par ailleurs, ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, la marge de ces marchés doit être fixée en valeur absolue, il sera possible d'admettre un taux de risque de 1 p. 100 maximum, pour les opérations très aléatoires ou lorsque les éléments forfaitaires du prix sont particulièrement importants. Dans le cas où ces deux conditions se cumulent, ce taux pourra atteindre, exceptionnellement, 2 p. 100.

Marchés à prix forfaitaires.

Pour ce type de marché, l'entreprise assume un risque important, tous les dépassements par rapport au devis prévisionnel restant à sa charge. En contrepartie, elle conserve l'intégralité des économies réalisées.

Le taux de risque accordé pourra être compris entre 3 et 5 p. 100, compte tenu de la garantie, du caractère complexe ou aléatoire de la prestation et du caractère plus ou moins serré du devis qui sert de base à la détermination du prix.

L'acheteur devra tenir particulièrement compte, ici, de l'importance et des conditions des sous-commandes éventuelles.

En effet, le risque industriel assumé par le fournisseur principal, en sa qualité d'ensemblier et de coordonnateur final des moyens de production mis en œuvre, ne varie guère suivant la part prise dans sa prestation par les approvisionnements et les sous-commandes. Il peut arriver, néanmoins, dans certaines circonstances, que ce risque soit accru. En contrepartie, il est parfois en mesure de reporter, sur ses propres fournisseurs, une part du risque économique qui résulte de l'évaluation des coûts et du type du marché. Le recours à la sous-traitance ou à la sous-commande peut donc influer sensiblement sur les risques assumés par l'entreprise mais, néanmoins, il ne doit pas se traduire systématiquement par un abaissement de la marge correspondante.

Marchés en dépenses contrôlées à montant plafond.

Ce type de contrat est souvent utilisé, actuellement dans les marchés industriels, lorsque ceux-ci portent sur un matériel nouveau, pour lequel il est difficile de faire une prévision valable des coûts.

Avec ces marchés, l'industriel assume un risque maximum, puisque tous les dépassements par rapport aux prévisions sont à sa charge et qu'il ne conserve pas les économies réalisées. Il n'est d'ailleurs, dans ces conditions, absolument pas incité à réduire ses coûts, dès l'instant où il pense pouvoir rester dans les limites du plafond.

En outre, la perspective de pouvoir réduire éventuellement le prix provisoire en fin de marché conduit parfois les acheteurs à ne pas étudier avec assez de soin le prix plafond. Prix plafond élevé, absence d'incitation à la réduction des coûts, ces défauts sont assez graves pour que l'utilisation de ce type de contrat soit déconseillée, surtout si les coûts constatés doivent servir de base pour la détermination du prix de marchés futurs, traités à forfait. Les marchés à clause d'intéressement devront leur être préférés dans toute la mesure du possible.

Si, néanmoins, l'acheteur pense devoir passer un marché de l'espèce, il pourra retenir un taux de risque variant entre 2 et 5 p. 100, compte tenu, comme pour les marchés à forfait, de la qualité des évaluations de coûts, de la garantie et du caractère aléatoire ou complexe de la prestation.

Marchés à clause d'intéressement.

Une clause de partage des écarts avec les prévisions doit être, dans toute la mesure du possible, introduite dans les marchés en dépenses contrôlées.

La marge de risque retenue, fondée sur les mêmes critères que pour les autres catégories de contrats, pourra alors varier entre 1 et 4 p. 100. Mais l'acheteur devra également prendre en considération le type de la clause d'intéressement adoptée.

Lorsqu'il possède une clause d'intéressement impliquant pour le fournisseur la garantie d'un prix couvrant au minimum son prix de revient, le marché se rapproche des marchés en dépenses contrôlées visés au 1o. Compte tenu des critères qui précèdent et également de la règle adoptée pour le partage des écarts, la marge de risque retenue pourra varier entre 1 p. 100 et 2 p. 100.

Lorsque la clause d'intéressement comportera, au contraire, un prix plafond et pourra donc, éventuellement, avoir pour conséquence une marge réelle négative, le taux de risque devra être plutôt compris entre 2 p. 100 et 4 p. 100.

Pour la détermination du prix objectif et, éventuellement, du prix plafond, l'acheteur s'inspirera des considérations du paragraphe 2o ci-dessus, relatif aux marchés à prix forfaitaires, en particulier pour ce qui concerne les achats à l'extérieur.

C) La marge, intéressement de l'entreprise à l'abaissement des coûts et à l'amélioration du service rendu.

Il est de l'intérêt commun de l'entreprise et de l'acheteur d'améliorer autant que possible la relation « qualité-coût ».

Pour réduire le coût des prestations, qui représente, bien que cela soit parfois oublié, la majeure partie du prix, tous les moyens d'incitation doivent être utilisés, le principe commun de ceux-ci étant qu'il ne convient pas d'enlever à l'entreprise, par une position trop stricte, tout le bénéfice des réductions de coûts résultant d'une gestion efficace.

Cette question a déjà été abordée en I, B), 2e, a), à propos de l'évaluation prévisionnelle des gains de productivité et en II, B), à propos du choix du type du marché. Il convient de redire, à ce propos, que les marchés à prix forfaitaires sont à recommander particulièrement, car, laissant à l'entreprise le bénéfice de toutes les économies réalisées au-delà des gains de productivité prévus lors de la négociation, ils donnent lieu à l'incitation maximale. Toutefois, si une connaissance imparfaite des éléments, du prix, en début de fabrication par exemple (présérie ou tête de série), rend impossible ou dangereux l'emploi de cette formule, un marché à clause d'intéressement, pour lequel la marge effective augmente avec les réductions de coûts obtenues, doit être préféré dans toute la mesure du possible à un pur marché en dépenses contrôlées. Dans ce cas, le degré d'incitation est fonction du taux retenu pour le partage des économies ou des dépassements.

Les prévisions de coûts qui figureront au devis prévisionnel doivent, néanmoins, être aussi proches que possible de la réalité et doivent tenir compte de tous les gains de productivité obtenus dans le passé ou prévisibles pendant l'exécution du marché. L'intéressement de l'entreprise à l'abaissement de ces coûts ne peut donc pas se limiter à celui qui résulte de l'utilisation de marché à prix forfaitaire ou à clause d'incitation ; il doit tenir compte également des résultats obtenus dans le passé et de ceux qu'à la lueur de ces derniers, il est raisonnable d'escompter dans l'avenir.

Les efforts de l'entreprise en vue de réduire ses coûts et d'améliorer le service rendu pourront être appréciés en procédant à une analyse fondée notamment sur les critères décrits ci-après :

Résultats en matière de réduction des coûts.

Le premier critère à retenir par l'acheteur est celui des résultats obtenus en matière de réduction des coûts.

En ce qui concerne le marché en cours de négociation, l'acheteur tiendra compte, s'il s'agit d'une fabrication répétée :

  • des baisses de coûts obtenues à l'occasion des marchés précédents et prises en considération pour l'établissement du devis du nouveau marché ;

  • des gains de productivité escomptés dans le devis, pendant la période d'exécution du marché, grâce en particulier à la méthode des courbes d'apprentissage ;

  • des économies résultant de l'action du service d'approvisionnement.

S'il ne s'agit pas d'une fabrication répétée, ou s'il s'agit d'un marché de présérie ou de tête de série, l'acheteur pourra fonder son jugement d'une part, sur les réductions de coûts éventuellement prévues dans le devis et, d'autre part, sur les baisses de prix que ses efforts de productivité auront permis au fournisseur de consentir dans le passé, pour des prestations comparables.

Pour apprécier l'action du fournisseur en vue de réduire ses coûts, l'acheteur pourra en outre, en tenant compte de la taille de l'entreprise, chercher dans quelle mesure le fournisseur applique pour la prestation, objet du marché, et d'une manière plus générale pour l'ensemble des prestations qui pourraient lui être commandées, des moyens modernes de gestion tels que :

  • l'utilisation des courbes de décroissance des temps, dont l'acheteur pourra vérifier la validité en les comparant à des courbes types dégagées par l'expérience ;

  • l'utilisation systématique de l'analyse de la valeur (remise d'un rapport montrant que cette analyse a été appliquée à l'objet du marché) ;

  • l'existence d'un service de réduction des coûts ;

  • l'existence d'une procédure de choix rationnel entre production intégrée et sous-traitance : la mise en concurrence systématique du plus grand nombre possible de fournisseurs potentiels et des départements spécialisés de l'entreprise peut constituer, à cet égard, un élément favorable d'appréciation ; ce n'est cependant que par un examen d'ensemble de chaque cas d'espèce qu'il sera possible de déterminer la justification économique d'une politique de sous-traitance ;

  • la formation permanente du personnel, etc.

En se fondant sur l'ensemble de ces critères, l'acheteur pourra accorder un taux de marge pouvant varier entre - 1 p. 100 et +1 p. 100.

La qualité du service rendu.

La qualité du service rendu peut, comme la réduction des coûts, faire l'objet d'une clause d'incitation, mais seulement dans des cas assez particuliers. Il convient donc, par une modulation de la marge, que les fournisseurs soient incités, d'une façon plus générale et plus globale, à l'amélioration permanente du service rendu.

Celui-ci peut être apprécié en se fondant sur trois critères principaux qui sont :

  • la fiabilité des produits ;

  • le respect habituel des spécifications relatives aux performances du matériel ;

  • la qualité du service après-vente (valeur du personnel, rapidité des interventions en cas de panne, durée d'immobilisation du matériel, clarté de la documentation fournie, fournitures de toutes les pièces détachées quelle que soit leur origine, etc.).

L'acheteur formera son jugement d'après l'examen des prestations passées du fournisseur, soit en procédant à des comparaisons avec des fournitures identiques ou comparables d'autres entreprises, soit en considérant l'amélioration, ou la dégradation, de la qualité de ces prestations. Il est bien évident que ces analyses n'auront de sens qu'à des niveaux de prix analogues.

Etant donné que les critères retenus ici font, dans les marchés, l'objet de spécifications minimales qui doivent être respectées par l'entreprise, sous peine pour celle-ci de se voir appliquer des pénalités financières, il ne serait pas logique d'envisager une sanction sous forme d'un taux de marge négatif. Un effet d'incitation seul devra donc être poursuivi, grâce à un taux de marge pouvant varier entre 0 et + 1 p. 100.

Dans les secteurs où certains éléments d'appréciation de la qualité du service rendu, tels que la fiabilité, revêtent une importance particulière, ce taux pourrait atteindre + 2 p. 100.

La comptabilité.

Si une bonne comptabilité ne constitue pas une condition suffisante pour qu'une entreprise puisse procéder à des réductions effectives de coûts, elle en est en revanche un moyen indispensable. Comme par ailleurs, elle est généralement nécessaire pour effectuer les analyses de coûts, l'absence d'une telle comptabilité, qui soit en outre ouverte à l'acheteur, constitue pour celui-ci un motif parfaitement valable pour ne pas retenir un fournisseur.

Une bonne comptabilité doit comprendre une comptabilité analytique d'exploitation, dont les résultats soient rapidement disponibles. Certaines petites entreprises peuvent se satisfaire d'une comptabilité générale sérieuse et détaillée, assortie de calculs de prix de revient extra-comptable. Cela n'est pas admissible pour une entreprise importante, dont on peut penser qu'elle doit utiliser sa comptabilité analytique pour sa gestion, par exemple, en utilisant une méthode relevant du contrôle budgétaire.

La validité des prévisions de coûts utilisée pour l'établissement des devis des marchés antérieurs constituera pour l'acheteur un critère de la qualité de la comptabilité de l'entreprise. Il pourra l'apprécier en rapprochant de ces prévisions les prix de revient réels, tels qu'ils ressortent des enquêtes sur pièces et sur place qu'il aura été amené à faire effectuer.

Lorsqu'une entreprise appartient à un secteur ou il existe, depuis suffisamment longtemps, un guide comptable professionnel et, éventuellement, un cahier des clauses comptables, une bonne comptabilité sera conforme à ce guide et à ce cahier.

Le taux de la marge attaché au critère « comptabilité » pourra varier de - 1 p. 100 à + 1 p. 100.

Le refus d'un fournisseur d'ouvrir sa comptabilité à l'acheteur empêche la conduite de toute négociation rationnelle. Lorsque l'application des règlements relatifs aux fournitures de matériels de guerre ou de l'article 54 de la loi de finances pour 1963 fournit à l'acheteur des moyens d'intervention sur la base de marchés antérieurs, celui-ci peut se heurter à de la mauvaise volonté et à des tentatives de dissimulation. La sanction normale d'une telle attitude est de ne pas retenir l'entreprise comme fournisseur éventuel. Si pour des raisons importantes, telle que la situation de monopole dans laquelle peut se trouver cette dernière, l'acheteur est conduit néanmoins à traiter avec elle, un taux de - 1 p. 100 pourra être appliqué.

La diversification de la clientèle.

Il est de l'intérêt à la fois de l'acheteur et de l'entreprise que celle-ci diversifie au maximum sa clientèle. Cette diversification est liée à la réduction des coûts dans la mesure où, d'une part, elle prouve la compétitivité du fournisseur et où, d'autre part, en entraînant un allongement des séries, elle permet des gains de productivité ainsi qu'une meilleure répartition des frais fixes.

Par ailleurs, il n'est pas sain, sauf cas exceptionnels, qu'une entreprise travaille presque exclusivement pour un seul client, ou même seulement pour le secteur public. Une clientèle diversifiée, en revanche, tant sur le marché intérieur qu'à l'exportation élargit son assise. Elle diminue sa dépendance vis-à-vis de l'acheteur et atténue, en conséquence, le sentiment de responsabilité que peut, de son côté, ressentir celui-ci ; cette situation tend à rendre l'acheteur à son tour dépendant de l'entreprise, si bien qu'il peut être amené à passer des marchés en contradiction tant avec son intérêt particulier qu'avec l'intérêt général.

Il n'est pas possible, néanmoins, de sanctionner une entreprise parce qu'elle n'a pas une clientèle suffisamment diversifiée. L'acheteur ne pourra donc que rechercher un effet d'incitation par le moyen d'un taux de marge pouvant varier de 0 à + 1 p. 100 et même + 2 p. 100 dans le cas d'un effort exceptionnel de diversification des débouchés.

L'acheteur pourra fonder son jugement sur des comparaisons faites avec les autres entreprises du secteur économique concerné et, mieux encore, sur l'évolution dans le temps de la composition du chiffre d'affaires de son fournisseur. Il est bien évident que, dans son examen de la situation l'acheteur devra tenir compte éventuellement de l'insertion de l'entreprise dans un groupe industriel. Il se peut, en effet, que, pour des raisons propres à l'organisation de ce groupe, l'entreprise fournisseur soit très spécialisée alors que l'ensemble du groupe a des activités suffisamment diversifiées.

La marge bénéficiaire totale, que l'acheteur retiendra comme objectif pour la négociation, sera obtenue par application du taux de marge global (A + B + C) à la totalité du prix de revient prévisionnel de la prestation. Les critères d'appréciation à utiliser pour la déterminer sont résumés dans le tableau suivant :

Eléments constitutifs de la marge.

Taux.

A) Rémunération de la contribution du fournisseur à l'exécution de la prestation.

 

A) 1. Valeur ajoutée au titre du marché.

2 à 6 (7) (*)

A) 2. Achats à l'extérieur

0

A) 3. Frais financiers et frais d'études générales

0

B) Rémunération des risques assumés.

 

1o Marchés en dépenses contrôlées

0 à 2

2o Marchés à prix forfaitaires

3 à 5

3o Marchés en dépenses contrôlées à montant plafond

2 à 5

4o Marchés à clause d'intéressement

1 à 4

C) Intéressement du fournisseur à l'abaissement des coûts et à l'amélioration du service rendu.

 

C) 1. Résultats en matière de réduction des coûts

- 1 à + 1

C) 2. Qualité du service rendu

0 à + 2

C) 3. Comptabilité

- 1 à + 1

C) 4. Diversification de la clientèle

0 à + 1 (+ 2) (*)

(*) Les taux indiqués entre parenthèses doivent conserver un caractère exceptionnel.

 

Dans le cas d'un marché à prix forfaitaires, la marge sera ajoutée au prix de revient prévisionnel de la prestation pour constituer le prix du marché.

Dans le cas d'un marché en dépenses contrôlées, elle sera, après exécution de la prestation, ajoutée au montant des dépenses, déterminées conformément aux stipulations du contrat, pour constituer le montant du règlement. Dans le marché elle devra, sous réserve des considérations qui figurent ci-dessus dans l'introduction de la deuxième partie, figurer, non sous forme d'un pourcentage, mais sous celui d'un montant fixé en valeur absolue.

Dans le cas d'un marché à clause d'incitation, elle sera ajoutée au prix de revient prévisionnel de la prestation pour constituer le prix objectif du marché. Son montant définitif sera fixé après exécution, conformément aux dispositions du contrat.

Dans tous les cas, la responsabilité finale de la fixation de la marge appartient, compte tenu des structures propres de chaque ministère, à la personne responsable du marché.

Cela ne signifie pas que les modalités de l'appréciation doivent toujours être identiques. Certains éléments sont caractéristiques du marché en cours de passation et sont normalement appréciés par le service négociateur (A, B). D'autres dépassent ce cadre, soit qu'ils mettent en cause des résultats obtenus lors de marchés antérieurs exécutés par le titulaire au profit de ce service ou d'autres services négociateurs, soit qu'ils supposent une prise en compte de la totalité de l'activité de l'entreprise (C). Dans ces derniers cas, les renseignements qui peuvent être nécessaires aux services négociateurs leurs seront fournis par les autorités compétentes en matière de coordination, telles qu'elles sont définies ci-après en 111, B), 3o, et parmi lesquelles les fonctionnaires coordonnateurs auront à jouer un rôle de premier plan.

De toute manière, la mise en œuvre des principes définis ci-dessus implique que certaines adaptations soient apportées aux méthodes et aux moyens des services d'approvisionnement.

III L'adaptation nécessaire des méthodes des moyens.

Sans une inflexion sensible des méthodes utilisées par la plupart des services d'achat et une adaptation des moyens mis à leur disposition, les principes définis plus haut ne pourront pas faire rapidement sentir leurs effets bénéfices pour l'économie en général et les finances publiques en particulier. Or, la vigueur de la concurrence au sein de la Communauté européenne et les difficultés actuelles de l'économie française exigent une mise en œuvre de ces principes, de façon progressive sans doute, mais manifestant dès le départ une volonté très ferme d'inciter les entreprises à réduire les coûts de production et tirant, sur le plan de la rémunération, les conséquences financières des résultats obtenus.

Ces deux conditions, modification des méthodes et adaptation des moyens, concernent en fait l'attitude des acheteurs et l'organisation des services.

A) L'attitude des acheteurs.

Les motivations d'un service acheteur.

L'utilisation du présent guide est limitée aux marchés de gré à gré portant sur des prestations complexes. Dans ce domaine, la motivation essentielle d'un service acheteur ne peut plus consister en la recherche du plus bas prix possible immédiat.

La recherche du plus bas prix doit demeurer l'objectif principal, à condition que ce dernier soit replacé dans le temps et que les diverses composantes du prix soient jugées de façon différente.

Il importe d'abord de replacer un prix dans le temps. L'acheteur doit préparer ses approvisionnements futurs. Tout ce qui compromettrait les chances de développement des entreprises fournisseurs, en leur interdisant par exemple un effort de recherche ou d'investissement suffisant, doit être pris en compte au passif du bilan économique d'une opération d'achat envisagée. Le meilleur prix à moyen terme peut passer par un apparent sacrifice à court terme.

Dans le même ordre d'idées, les différentes composantes du prix d'achat n'ont pas la même signification et ne peuvent être traitées de façon identique. Une baisse du prix d'achat obtenue par un amenuisement de la marge est, sauf cas particuliers, d'une efficacité économique à moyen terme plus limitée qu'une baisse de même montant obtenue par réduction des coûts de production. Il ne sera jamais suffisamment insisté sur le fait que, compte tenu de l'importance relative du prix de revient d'une part, de la marge d'autre part, une action sur le premier élément du prix d'achat devrait se révéler beaucoup plus rémunératrice, pour les deux parties, qu'une action sur le second.

La méthode proposée ci-dessus pour la détermination de la marge devra conduire les services acheteurs à examiner de près et à juger, non seulement les capacités techniques d'une entreprise, mais également ses possibilités de réduction des coûts.

Cette politique se situe aux antipodes des procédures formalistes d'attribution des marchés et de fixation des prix. Cela, non pas parce que ces dernières ont démérité, bien au contraire, mais parce que l'évolution des techniques et des structures industrielles ne les rend plus toujours applicables.

Autrement dit, le rôle des acheteurs publics, par la force des choses, devient plus « responsable ». Aux qualités techniques et juridiques qui leur étaient demandées, ils doivent ajouter aujourd'hui des qualités d'analyse et de jugement s'appliquant tant à l'aspect économique et industriel que technique des marchés. Au-delà de l'intérêt particulier de leurs services, ils ne peuvent plus ignorer leur responsabilité d'agent économique particulièrement important.

Sans doute, de nombreux acheteurs ont-ils déjà ces préoccupations. Ils doivent désormais les avoir plus ouvertement, car elles sont une partie intégrante de leurs attributions et peut-être la part la plus noble de leur mission. Si leur tâche devient plus difficile, l'extension de son champ d'action rend tout son sens à la notion de personne responsable du marché.

Les relations avec les fournisseurs.

La dialectique classique client-fournisseur repose trop exclusivement sur l'opposition d'intérêts entre les deux parties. Une certaine opposition demeurera toujours. Mais elle ne doit plus cacher la coïncidence profonde, à moyen terme, des intérêts pour tout ce qui concerne la réduction des coûts.

Sur ce plan, à la notion d'opposition, il convient de substituer celle de coopération et de concertation, c'est-à-dire qu'il faut désormais promouvoir une « politique de la maison de verre ».

Cette politique suppose d'abord que, dès le début de la négociation d'un marché, les acheteurs publics puissent procéder à toutes les enquêtes sur pièces et sur place qu'ils jugeront nécessaires, tant pour vérifier la véracité des renseignements sur les coûts figurant au devis que pour obtenir les éléments d'appréciation qui leur permettront de déterminer la marge.

Il serait extrêmement néfaste pour la réussite de l'opération que ces enquêtes ne puissent se dérouler que par coercition, dans une atmosphère de méfiance. Le principe suivant, admis souvent à l'étranger, doit pénétrer les esprits en France : dans les relations contractuelles, il est normal, légitime et de bonne gestion qu'un acheteur, lorsqu'il ne peut pas utiliser les procédures formalistes de mise en concurrence, obtienne de son fournisseur les renseignements, tant comptables que techniques, qui lui sont nécessaires pour former son jugement.

Il est possible qu'un tel point de vue choque, en France, des entrepreneurs habitués au secret des affaires, encore que des progrès certains aient été réalisés en cette matière depuis quelques années. Les acheteurs auront à les persuader qu'il s'agit là d'une chose naturelle et de la seule méthode utilisable pour la négociation des marchés portant sur des prestations complexes. Un maniement judicieux de la marge appuiera d'ailleurs l'effort de persuasion.

En contrepartie, les services acheteurs devront communiquer à leurs fournisseurs, en ce qui concerne leurs programmes d'équipements et les jugements sur lesquels sont fondées les négociations, une information aussi complète et loyale que possible. Ils ne feront effectuer des enquêtes sur place que dans la mesure où elles s'avéreront nécessaires et ils veilleront à ce qu'elles ne prennent jamais un caractère tatillon.

B) L'organisation des services.

Les problèmes soulevés par l'organisation des services d'achat, dans le cadre de l'application du présent guide, paraissent se situer sur trois plans relatifs à leur place au sein de l'administration, leurs moyens, lesquels dépendent de cette place, et la coordination de leur activité.

La place des services d'achat.

La fonction d'approvisionnement est trop souvent méconnue en France. Or, dans le secteur public comme dans une entreprise industrielle, une fonction d'achat bien assumée permet de réaliser des économies importantes. Il est aussi rentable de bien acheter que de bien produire ou de bien vendre.

La particularité des techniques d'achat suppose que soit reconnue, dans chaque département ministériel, l'existence de services spécialisés, distincts des services techniques, ou tout au moins relativement autonomes en leur sein. Autrement dit, la fonction approvisionnement doit être définie et organisée, ce que, trop souvent, elle n'est pas.

Les moyens des services d'achat.

La mise en œuvre complète des réformes présentées ci-dessus constituera, pour les services acheteurs, une lourde charge, qui ne pourra souvent être assurée avec succès qu'au prix d'une mutation quantitative et qualitative des effectifs et d'un effort important de formation professionnelle du personnel.

Les analyses que cette réforme implique exigeront que les services fassent appel à des spécialistes de diverses disciplines (techniciens de fabrication, enquêteurs de prix de revient, négociateurs…) travaillant dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire. L'organisation optimale des services d'achat, compte tenu de leurs sujétions propres suivant les ministères auxquels ils appartiennent, pourra faire utilement l'objet d'une étude conduite, à l'initiative des ministres responsables, en collaboration avec les services de la commission centrale des marchés.

En ce qui concerne les enquêteurs sur pièces ou sur place à effectuer au moment des négociations, il ne semble pas nécessaire de donner aux acheteurs publics de nouveaux droits juridiques d'investigation venant s'ajouter à ceux que leur confèrent déjà les textes existants. Il importe en effet d'accroître au maximum l'aspect de coopération volontaire entre acheteur et fournisseur. Des obligations contractuelles sont préférables à des méthodes coercitives.

La coordination.

La méthode exposée ci-dessus, compte tenu du nombre et de la qualité des spécialistes que sa mise en œuvre exige, n'est applicable que par les grands services acheteurs, à la structure particulière desquels il conviendra de l'adapter, étant entendu que ces services devront souvent, comme cela a été précisé, modifier leurs procédures et leurs moyens.

On peut, dans cette perspective, envisager pour l'avenir le regroupement, sur un plan ministériel et même éventuellement interministériel, des achats de certains matériels complexes.

Dans l'immédiat, toutefois, il convient de coordonner l'action des services d'achat, à l'intérieur de chaque ministère, d'une part, sur un plan interministériel, d'autre part.

Cette coordination s'opérera sur le premier de ces plans par l'intermédiaire des autorités compétentes de chaque ministère, sur le second par une information systématique et réciproque entre départements ministériels et, éventuellement, entreprises publiques. Sur ces deux plans, les fonctionnaires coordonnateurs nommés auprès de certaines entreprises auront à jouer un rôle important.

Par leur connaissance des fournisseurs, ces fonctionnaires sont bien placés pour apporter aux services négociateurs une aide précieuse dans l'examen des devis et aussi pour faciliter leur jugement sur certains éléments de la marge. Il conviendra donc que les acheteurs et les autorisations visées ci-dessus s'adressent à eux afin d'obtenir les éléments d'information dont ils pourraient avoir besoin pour conduire leurs négociations.

Les modifications proposées aux méthodes de détermination des prix et des marges dans les marchés de gré à gré vont dans le sens des actions poursuivies pour accroître la compétitivité et la rentabilité de l'industrie française. Les efforts des services acheteurs concernés devront donc être tendus vers la réussite de sa mise en œuvre.

Dans cette dernière, qui sera progressive, des difficultés inévitables, prévues ou imprévues, surgiront certainement. Pour les surmonter, une collaboration de tous les services responsables apparaît indispensable. Périodiquement une confrontation des expériences sera organisée dans le cadre de la commission centrale des marchés et les inflexions ou additions qui se révéleraient nécessaires seront apportées au présent guide. Les dispositions de celui-ci, si souples soient-elles, ne pourront en effet être considérées comme figées pour une longue période, dans un domaine aussi mouvant que celui de la nature des relations techniques et économiques entre les acheteurs publics et les entreprises fournisseurs. Dans ces relations, l'état d'esprit importera plus encore que les procédures et c'est essentiellement cet état d'esprit que la nouvelle méthode exposée voudrait modifier pour le rendre plus parfaitement conforme à l'ensemble des responsabilités de la puissance publique.