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CABINET DU MINISTRE : Bureau de la correspondance générale

CIRCULAIRE N° 10043/K relative aux règles à suivre par les militaires en ce qui concerne les associations ou sociétés quelconques.

Du 14 août 1930
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  200.5.2.

Référence de publication : <em>BO/G</em>, p. 3328.

LE MINISTRE DE LA GUERRE,

à MM. les généraux gouverneurs militaires de Paris, Lyon, Metz et Strasbourg ; le général commandant la région de Paris ; les généraux commandant les régions 1 à 5, 7 à 13, 15 à 20 ; les généraux commandants supérieurs des troupes du Maroc, de Tunisie et du Levant ; le général commandant supérieur des troupes coloniales dans la métropole.

Il est parvenu à ma connaissance que des groupements dont les comités d'organisation comprennent de hautes personnalités militaires du cadre de réserve adressent annuellement aux élèves de nos écoles militaires et aux officiers ayant passé par ces écoles des circulaires les engageant à se grouper pour l'accomplissement en commun d'actes religieux. Il s'agit là d'une propagande d'ordre confessionnel absolument contraire aux principes qui doivent être observés dans l'armée.

Dans l'armée, en effet, justement parce qu'il existe une discipline plus ferme, une hiérarchie plus forte que dans d'autre milieux, tout prosélytisme en faveur d'une religion quelconque doit être rigoureusement interdit. Là où l'autorité s'exerce avec plus de force, la liberté de conscience doit être plus particulièrement respectée.

De même qu'un militaire ne doit pas être inquiété pour ses opinions politiques, du moment qu'elles ne se traduisent pas en manifestation contre la partie, le régime ou l'armée ; de même, il ne doit être gêné, en aucune façon, dans ses croyances et la pratique de sa religion. En un pareil domaine, aucune contrainte, aucune pression, aucune invitation à des pratiques collectives ne peuvent être tolérées. Il serait, d'autre part, déplorable et contraire aux intérêts de l'armée de laisser supposer que l'attitude religieuse ou le manque de religion d'un officier puissent être un motif à la faveur ou à la défaveur de ses chefs, une cause d'avancement ou de retard dans sa carrière.

Si on veut que l'armée joue son rôle, qui est, à l'intérieur, de servir la République et de faire respecter la légalité, qui est, en cas d'agression extérieure, de défendre le sol national, il faut qu'elle constitue un faisceau de dévouements et d'énergies qu'aucun empiétement sur la liberté de penser et de croire de chacun ne puisse entamer.

C'est pourquoi les discussions politiques y sont interdites, de même que la liberté d'association, d'ailleurs incompatible avec les exigences de la discipline, n'y est pas admise.

Ces principes, qui valent pour aujourd'hui comme ils valaient hier, car sans leur stricte observation la discipline risquerait de se trouver affaiblie, la camaraderie entre officiers ébranlée, l'union si nécessaire dans l'armée compromise, ont maintes fois été rappelés par mes prédécesseurs. Ils ont inspiré les circulaire du 5 juillet 1844, circulaire du 20 février 1845, circulaire du 22 juillet 1880, circulaire du 10 septembre 1882, circulaire du 6 mars 1889, circulaire du 27 mai 1895 (1).

Je vous prie, à mon tour, de rappeler ces principes à tous les officiers qui servent sous vos ordres.

Vous voudrez également tenir la main à ce que, conformément à la réglementation en vigueur, aucun d'eux n'entre, sous un prétexte quelconque, dans une association ayant un caractère politique ou religieux et, d'une façon plus générale, ne fasse partie d'une société sans l'autorisation expresse du ministre de la guerre (2).

J'attache le plus grand prix à ce que ces instructions soient à l'avenir strictement observées.

Notes

    1La dernière de ces circulaires figure ci-dessus ; elle a rendu les précédentes sans objet [voir note (3) sous la circulaire du 27 mai 1895, (BO/G, p. 621.)].2Lire aujourd'hui : de la défense.

MAGINOT.