CIRCULAIRE N° 36/SS relative à l'application du décret n° 72-1010 du 2 novembre 1972 (A)révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles.
Du 10 novembre 1972NOR
1. Contenu
LE MINISTRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES SOCIALES,
à M. le président du conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
2. Contenu
Le décret no 72-1010 du 2 novembre 1972 a révisé et complété les tableaux de maladies professionnelles annexés au décret 46-2959 du 31 décembre 1946 (1) modifié relatif à l'application du livre IV du code de la sécurité sociale.
Compte tenu des avis émis par la commission d'hygiène industrielle, il me paraît y avoir lieu d'appeler l'attention des caisses primaires et des caisses régionales d'assurance maladie sur les indications ci-après.
3. Adjonction de dix tableaux nouveaux.
3.1. Affections provoquées par les amines aliphatiques et alicycliques
ET
3.2. Affections provoquées par la phénylhydrazine
L'étude des affections causées par les amines dans leur ensemble a conduit à dissocier du tableau no 15 la phénylhydrazine pour lui consacrer un tableau spécial (no 50) et à prévoir un tableau consacré aux affections provoquées par les amines aliphatiques et alicycliques (no 49).
Tel est l'objet des deux nouveaux tableaux pris en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale (1).
3.3. Maladies professionnelles provoquées par les résines époxydiques et leurs constituants
S'agissant de produits dont la composition est particulièrement complexe, il n'a pas été possible de désigner le ou les composants qui se trouvent plus directement à l'origine d'affections causées par ces résines.
Dans ces conditions, le tableau est pris en application du troisième alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale : la liste des travaux est donc limitative. Elle englobe pratiquement l'ensemble des travaux actuellement effectués à l'aide de ces produits.
Sont couvertes par ledit tableau les dermites eczématiformes récidivant à une nouvelle exposition au risque ou confirmées par un test épicutané.
Le délai de prise en charge est de sept jours.
3.4. Affections consécutives aux opérations de polymérisation du chlorure de vinyle
L'agent nocif déterminé étant le chlorure de vinyle, le tableau relève des dispositions du premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale ; la liste des travaux est donc indicative. Mais il doit être justifié d'une durée d'exposition au risque d'au moins six mois.
Les affections couvertes sont : les troubles angio-neurotiques des doigts et l'ostéolyse des phalanges unguéales des mains confirmées radiologiquement, le délai de prise en charge étant fixé respectivement à deux mois et à trois ans.
3.5. Affections professionnelles dues aux rickettsies
Le tableau couvre « toutes les manifestations de rickettsioses ».
Dans tous les cas, une confirmation biologique du diagnostic doit être apportée par les examens de laboratoire.
Le tableau relève des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale, la liste des travaux est donc limitative.
3.6. Poliomyélite
La question de l'inscription de la polyomyélite aux tableaux des maladies professionnelles pour les personnes exposées dans leur travail au contact de malades dans la phase aiguë, a été posée au cours des dernières années.
Certes, la fréquence déjà peu importante de cette affection devrait encore s'abaisser du fait de la généralisation de la vaccination. Mais, lorsqu'elle survient néanmoins, les séquelles peuvent en être très lourdes et définitives.
Le tableau de la poliomyélite tel qu'il a été adopté par la commission d'hygiène industrielle couvre toutes les manifestations de la poliomyélite « antérieure aiguë ».
La liste des travaux est limitative en application de l'article L. 496 deuxième alinéa du code de la sécurité sociale.
Elle mentionne :
les travaux exposant au contact de malades « atteints de poliomyélite antérieure aiguë » ;
les travaux qui mettent en contact avec le matériel ou le linge utilisé dans les services où sont traités les malades. L'énumération de cette deuxième catégorie de travaux correspond à celle qui avait été adoptée pour les hépatites virales professionnelles (no 45).
Se trouvent donc garantis non seulement les praticiens qui, dans leur emploi sont habituellement en contact avec les malades atteints de poliomyélite aiguë, mais aussi les salariés qui sont en contact avec le matériel utilisé dans les services où ces malades reçoivent les soins.
3.7. Affections professionnelles dues aux amibes
Les informations rassemblées au cours de l'étude préparatoire faisaient apparaître deux sources distinctes de contamination en relation avec la profession :
les travaux effectués dans les laboratoires de bactériologie ou de parasitologie ;
les travaux effectués dans des régions du globe où sévit l'endémie amibienne.
Mais la prise en considération de cas de cette seconde catégorie qui ont pu se présenter à la suite de missions professionnelles se heurte à de sérieuses difficultés en raison, notamment, du fait que les conditions de vie et de climat sont, plus que les conditions de travail elles-mêmes, à l'origine de l'amibiase contractée dans les régions d'endémie.
La commission d'hygiène industrielle a estimé qu'une étude devait être poursuivie sur ce point.
Elle a adopté une liste limitative de travaux (art. L. 496, 2e alinéa) couvrant les « travaux effectués dans les laboratoires de bactériologie ou de parasitologie ».
Le diagnostic biologique de la maladie est obligatoire.
3.8. Hygromas du genou
La question de l'inscription aux tableaux des maladies professionnelles des bursites ou hygromas du genou avait déjà été évoquée il y a plusieurs années devant la commission d'hygiène industrielle. Mais les éléments d'appréciation étant alors insuffisants, cette question avait été réservée jusqu'à plus amples informations.
Les études poursuivies sur la base, notamment, des déclarations médicales effectuées en application de l'article L. 500 du code de la sécurité sociale, ont permis d'élaborer un projet de tableau couvrant les affections présentées par les travailleurs qui exécutent habituellement des travaux en position agenouillée dans les professions du bâtiment et travaux publics et des mines.
Le tableau no 57 relève des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale ; la liste des travaux est donc limitative.
3.9. Affections professionnelles provoquées par le travail à haute température
L'attention des services compétents avait été appelée sur les manifestations pathologiques observées chez de nombreux travailleurs des mines de potasse exposés à des températures élevées.
Ces manifestations ont été retenues pour l'établissement du tableau no 58. Ce tableau appartient à la catégorie prévue au troisième alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale. Il comporte donc une liste limitative de travaux ; ceux-ci doivent exposer à une « température résultante » égale ou supérieure à 28o.
Le tableau précise que la température résultante doit être calculée selon la formule utilisée dans les mines françaises.
Cette formule est la suivante :
t. résultante = 0,7 th + 0,3 ts - v m/seconde ;
th = température humide ;
ts = température sèche ;
v = vitesse de l'air.
4. Révision de dix tableaux.
4.1.
relatif aux affections provoquées par les dérivés halogénés suivants des hydrocarbures acycliques : le chlorure de méthylène, le trichloro 1-1-1 éthane (méthylchloroforme), les dichloréthylènes, le trichloréthylène, le tétrachloréthylène (perchloréthylène) et le dichloro 1-2 propane.
La modification de ce tableau résulte d'une connaissance plus approfondie des effets nocifs de certains dérivés halogénés des hydrocarbures acycliques. La liste de ceux-ci a été établie de façon précise.
La liste des maladies ainsi que les délais de prise en charge ont été également remaniés, compte tenu de l'expérience médicale.
4.2. relatif aux affections provoquées par les amines aromatiques et leurs dérivés hydroxylés, halogénés, nitrosés, nitrés et sulfonés
Le nouveau tableau résulte, ainsi qu'il a été dit à propos des nouveaux tableaux nos 49 et 50, de la refonte de l'ancien tableau no 15, après étude des affections provoquées par les amines dans leur ensemble.
La liste des maladies a été complétée par la rubrique « Asthme récidivant en cas de nouvelle exposition ou confirmé par un test », le délai de prise en charge étant fixé à sept jours.
4.3. relatif aux affections provoquées par les goudrons de houille, brais de houille et huiles anthracéniques
Le champ d'application de ce tableau a été élargi.
Le nouveau tableau concerne les affections provoquées par les goudrons de houille, brais de houille et huiles anthracéniques.
Il comporte, en ce qui concerne la liste des maladies, une rédaction plus précise.
En outre, le délai de prise en charge prévu pour les épithéliomas primitifs de la peau a été porté de cinq à vingt ans afin de couvrir les cas qui se manifestent tardivement.
4.4. relatif aux leptospiroses professionnelles
Une précision a été introduite en ce qui concerne la confirmation du diagnostic de la maladie.
D'autre part, la liste — limitative — des travaux a été complétée par cinq nouvelles rubrique : travaux exécutés dans les boucheries, dans les poissonneries, dans les brasseries, dans les cimenteries, travaux exécutés sur les bateaux et les péniches en navigation.
4.5. concernant les brucelloses professionnelles
La modification de fond apportée au tableau no 24 consiste en l'adjonction finale des termes : « ou au service d'un vétérinaire » à la liste limitative des travaux.
D'autre part, sans être modifiée au fond, la liste des maladies présente plus de clarté.
4.6. relatif aux affections ostéo-articulaires provoquées par l'emploi des marteaux pneumatiques.
La liste des maladies figurant au tableau no 35 a été complétée par la « maladie de Koëhler » (fracture du scaphoïde carpien) le délai de prise en charge de cette nouvelle affection étant fixé à un an, comme pour la maladie du semi-lunaire, maladie de Kienböck, déjà inscrite.
Au sujet de celle-ci une indication insérée en note par la commission met en garde contre une erreur matérielle fréquemment répétée lors de la reproduction du tableau qui consiste à écrire : « maladie du semi-lunaire » alors que le terme médical exact est : « maladie du semi-lunaire ».
4.7. relatif aux dermatoses professionnelles consécutives à l'emploi de lubrifiants
La liste limitative des travaux a été complétée par une rubrique relative aux « travaux du bâtiment et des travaux publics comportant l'emploi des huiles de décoffrage ».
4.8. relatif aux affections professionnelles dues aux bacilles tuberculeux
Le tableau no 40 ne concernait jusqu'alors que les affections professionnelles dues au bacilles tuberculeux de type bovin.
Les études poursuivies d'autre part, en ce qui concerne les affections consécutives à l'inoculation du bacille humain ont abouti à un résultat positif, en ce qui concerne les risques présentés par les travaux de laboratoire de bactériologie, et qui sont susceptibles d'entraîner les formes pleurales ou pulmonaires de la maladie.
Il a paru y avoir lieu d'adopter un seul tableau des « affections professionnelles dues aux bacilles tuberculeux », mais comportant deux parties A et B distinctes, tant par la désignation des maladies que par les travaux énumérés.
Sur ce dernier point, on signalera que la commission a supprimé la mention « tueries particulières » qui lui a paru désuète et inutile, le terme « abattoirs » devant être entendu comme couvrant ce cas.
4.9. relatif aux affections professionnelles provoquées par les bruits
La modification apportée au tableau no 42 consiste en l'adjonction à la liste, limitative, des travaux, de deux rubriques nouvelles :
« L'emploi, la destruction des munitions et explosifs militaires ;
« L'utilisation en galerie souterraine ou en puits d'accès aux galeries souterraines de marteaux pneumatiques et perforateurs pneumatiques. »
4.10. relatif aux hépatites virales professionnelles
L'ancienne rédaction du tableau no 45 exigeait que le diagnostic soit confirmé par un taux de transaminase sérique supérieur à 50 unités. Récemment, les méthodes de dosage ont été modifiées et le résultat en est exprimé en milli-unités internationales selon les recommandations de l'union internationale de biochimie et de l'OMS. On a établi que les valeurs supérieures à 20 mU/ml sont pathologiques. Les valeurs inférieures à 12 mU/ml sont normales ; les valeurs intermédiaires sont douteuses et doivent être confrontées avec les données cliniques. C'est pourquoi la rédaction actuelle ne fixe plus de seuil et se réfère à des taux sérologiques considérés comme significatifs par l'OMS.
Actuellement, l'élévation du taux des transaminases sériques reste la base la plus significative du diagnostic, mais il est possible que d'autres méthodes sérologiques s'avèrent aussi valables dans l'avenir. « Sero-diagnostic » doit donc s'entendre, au sens large du terme, de diagnostic sérologique.
5. Date d'entrée en vigueur.
Conformément à la position constamment suivie depuis le 1er janvier 1947, l'article 12 du décret no 72-1010 du 2 novembre 1972 prévoit que les dispositions dudit décret entreront en vigueur dès sa publication.
Les nouvelles dispositions sont donc applicables aux cas entrant dans les prévisions de celles-ci, qui ont fait ou feront l'objet d'une première constatation médicale à partir du 9 novembre 1972.
6. Application aux cas dont la première constatation médicale a eu lieu au cours de la période du 1er janvier 1947 au 8 novembre 1972 inclus.
Conformément aux dispositions de l'article L. 496, 4e alinéa, troisième phase, les adjonctions et modifications apportées aux tableaux de maladies professionnelles par le décret no 72-1010 du 2 novembre 1972 sont applicables aux maladies considérées dont la première constatation médicale a été faite avant le 9 novembre 1972, la date d'effet des réparations éventuellement dues ne pouvant, toutefois être antérieure à cette dernière date.
Les indications données par la circulaire 44SS du 5 juin 1967 relative à l'application du décret no 67-127 du 14 février 1967 sur les conditions d'application de ces dispositions demeurent valables pour l'application des dispositions nouvelles.
Je rappelle notamment que la première constatation médicale doit ressortir d'un document médical, établi à l'époque et permettant à l'organisme et, en cas de litige, à la juridiction, d'apprécier l'existence et les caractéristiques de la maladie à la date considérée (cf. cour de cassation, 7 novembre 1962, CRSS de Limoges contre Anglard ; 10 octobre 1957, Houillères du bassin du Nord contre Lhermitte, 25 octobre 1957, URSSM contre Vannieuwenborch ; 24 février 1966, CPSS Lens contre Abramowicz ; 16 décembre 1966, cinq arrêtés portant sur l'application du tableau no 42 des affections professionnelles causées par les bruits ; CPSS Valenciennes contre Menissez et Houillères du bassin de Blanzy contre Triboulier-Lhote-Nigay-Lautrey ; 7 mars 1968, Wujcik contre Houillères bassin de Blanzy ; 4 février 1971, Houillères bassin de Blanzy contre Fouilloux.)
Conformément aux dispositions de l'article L. 499, 2e alinéa du code de la sécurité sociale, la déclaration de la maladie professionnelle doit être adressée à la caisse de sécurité sociale dans un délai de trois mois à compter de la date d'entrée en vigueur du nouveau tableau.
Je précise que ce délai n'est pas un délai de forclusion. La caisse serait fondée à opposer la prescription à la victime qui effectuerait la déclaration de maladie professionnelle après l'expiration du délai de deux ans prévu à l'article L. 465 du code précité, commençant, en l'espèce, à courir à compter du jour de la publication du décret portant adjonction ou modification du tableau considéré (en ce sens notamment arrêt cour de cassation, séc. soc. du 5 juillet 1968, Royère contre CP Basses-Alpes).
Il y a lieu, pour les organismes de sécurité sociale, de procéder spontanément à l'examen des cas visés au présent chapitre chaque fois qu'ils seront en mesure de le faire.
Je rappelle, également, qu'en vue de la liquidation des prestations éventuellement dues, il doit être tenu compte, le cas échéant, des réparations que l'intéressé aurait pu recevoir au titre du droit commun, afin de les déduire desdites prestations.
Ainsi que le précise le 4e alinéa de l'article L. 496 modifié par la loi 66-419 du 18 juin 1966 BOC/G, p 519, il convient, avant cette déduction, d'appliquer au montant des réparations de droit commun, la revalorisation y afférente.
Les modalités de cette opération ont été fixées par le décret no 67-1075 du 4 décembre 1967 (2) déterminant les conditions d'application de la loi du 18 juin 1966 .
7. Prévention des maladies professionnelles révision et extension des tableaux.
Je ne saurais trop souligner, à l'occasion de la mise en application des présentes améliorations apportées à la réparation des maladies professionnelles, l'importance des déclarations médicales prévues à l'article L. 500 du code de la sécurité sociale.
L'attention des médecins conseils et de tous les praticiens avec lesquels les organismes de sécurité sociale se trouvent en relation, doit être appelée de façon pressante sur le rôle essentiel qui leur est dévolu dans la mise à jour des tableaux de maladies professionnelles.
Les résultats positifs que représentent l'adoption de dix nouveaux et la révision d'un nombre égal de tableaux existants ne peuvent qu'encourager les médecins à apporter leur concours actif à la mise en œuvre des dispositions légales tendant au développement des mesures de prévention et de réparation des maladies professionnelles.
Dans cet esprit, je vous serais obligé de bien vouloir donner la plus large diffusion à la présente circulaire et inviter les caisses primaires et régionales d'assurance maladie ainsi que les services du contrôle médical de la sécurité sociale à participer à cette information.