CIRCULAIRE N° 11/SS relative à l'application du décret n° 73-215 du 23 février 1973 (A)révisant et complétant les tableaux de maladies professionnelles.
Du 07 mars 1973NOR
LE MINISTRE D'ÉTAT CHARGÉ DES AFFAIRES SOCIALES,
à M. le président du conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
Le décret no 73-215 du 23 février 1973 vient de modifier et compléter à nouveau les tableaux de maladies professionnelles annexés au décret 2959 du 31 décembre 1946 (1) modifié, relatif à l'application du livre IV du code de la sécurité sociale.
Compte tenu des avis émis par la commission d'hygiène industrielle, il me paraît y avoir lieu d'appeler l'attention des caisses primaires et des caisses régionales d'assurance maladie sur les indications ci-après :
1. Adjonction de cinq tableaux nouveaux.
1.1. Intoxications professionnelles par l'hexane
Ce tableau a été établi en considération d'un certain nombre de cas graves de polynévrites survenues chez des ouvrières effectuant des travaux de collage de cuir.
Les constatations faites ont établi que les colles utilisées contenaient de l'essence C à forte teneur en hexane.
Sans doute, ainsi que l'a constaté la commission d'hygiène industrielle, toute incertitude n'est-elle pas dissipée quant à l'action combinée de plusieurs composants du produit complexe utilisé par les ouvrières.
Cependant, il a paru à la commission que si un doute subsistait à cet égard, la présence indiscutable de l'hexane et sa responsabilité dans l'apparition de lésions graves telles que celles constatées tant en France, notamment dans les cas ci-dessus mentionnés, que dans plusieurs pays étrangers, constituaient des éléments suffisants pour justifier l'établissement d'un tableau relatif à ce produit.
Ce tableau relève des dispositions de l'article L. 496, 1er alinéa, du code de la sécurité sociale.
La liste des travaux est donc indicative.
1.2. Intoxications professionnelles par le pentachlorophénol ou le pentachlorophénate de sodium
Ce tableau relève des dispositions de l'article L. 496, premier alinéa, du code de la sécurité sociale. Il couvre les dermites ainsi que les intoxications subaiguës et suraiguës. Les symptômes apparents, dans leur forme subaiguë, pouvant être confondus avec ceux d'une affection fébrile banale, il a été prévu que le diagnostic serait confirmé par la présence de chlorophénols dans les urines.
Le délai de prise en charge a été fixé pour chacune des affections à huit jours.
1.3. Maladies professionnelles provoquées par le cadmium et ses composés
Le tableau, adopté par la commission d'hygiène industrielle sans observations, relève des dispositions du premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale. La liste des travaux est donc indicative.
Il prévoit, en ce qui concerne les maladies qui y sont visées, des délais de prise en charge de cinq et trois jours pour les affections aiguës, de deux ans et douze ans pour les affections chroniques (néphropathie et ostéomalacie).
1.4. Affections provoquées par les isocyanates organiques
Comme le précédent, ce tableau appartient à la catégorie prévue au premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale ; il comporte une liste indicative des travaux exposant au risque.
On notera, à cet égard, que la troisième rubrique de cette liste a été remaniée par la commission d'hygiène industrielle afin de préciser que l'application envisagée était celle des mousses polyuréthanes « à l'état liquide ».
Les délais de prise en charge prévus par le tableau sont de trois jours pour la blépharo-conjonctivite et la rhino-pharyngite récidivantes ; de sept jours pour le syndrome bronchique récidivant et le syndrome asthmatiforme.
1.5. Affections professionnelles provoquées par les enzymes protéolytiques
Ce tableau relève également des dispositions du premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale. La liste des travaux est donc indicative. En ce qui concerne les maladies, la récidive en cas de nouvelle exposition ou la confirmation par un test, est exigée pour la confirmation du diagnostic.
Le délai de prise en charge est de sept jours pour les dermites eczématiformes, la conjonctivite et l'asthme et de trois jours pour les ulcérations cutanées et la rhinite avec épistaxis.
2. Révision d'un tableau
2.1. Affections professionnelles provoquées par les phosphates, pyrophosphates et thiophosphates d'alcoyle, d'aryle ou d'alcoylaryle ainsi que par les phosphoramides.
Les informations recueillies depuis l'intervention en 1951 du tableau no 34, alors limité au thiosphosphate de diéthyle et paranitrophényle, ont fait apparaître la nécessité d'étendre ce tableau aux esters phosphoriques et thiosphosphoriques.
Les travaux entrepris ont ainsi abouti à une refonte d'ensemble du tableau qui concerne, désormais, les « affections professionnelles provoquées par les phosphates, pyrophosphates et thiosphosphates d'alcoyle, d'aryle ou d'alcoyaryle ainsi que par les phosphoramides ».
Les modifications correspondantes ont été apportées à l'intitulé de la colonne des maladies ainsi qu'à celui de la liste des travaux.
La liste des maladies comporte une définition plus précise. Dans cet esprit, la colonne des maladies a été complétée par :
1. L'adjonction du mot « notamment » après la première rubrique « troubles digestifs », indiquant que la liste de ceux-ci n'est pas limitative.
2. L'insertion du mot « significatif » dans la phrase concernant le diagnostic, ainsi libellé : « le diagnostic sera confirmé par un abaissement significatif du taux de la cholinestérase sérique et de l'acétyl cholinestérase des globules rouges ».
3. Date d'entrée en vigueur
Aux termes de son article 3, le décret du 23 février 1973 est entré en vigueur dès sa publication.
Il s'ensuit que toute maladie professionnelle entrant dans les prévisions de l'un des tableaux nouveaux ou révisés doit être prise en considération, dès lors que la première constatation médicale en est faite à partir du 2 mars 1973, si toutes les autres conditions sont remplies.
Pour les cas constatés antérieurement, les dispositions du 4e alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale permettent aux intéressés d'obtenir réparation sans effet pécuniaire antérieur au 2 mars.
Toutes indications utiles ont été données sur les conditions d'application de ces dispositions par les précédentes circulaires, notamment par la circulaire 36 SS (chap. IV) du 10 novembre 1972 (2) relative à l'application du décret no 72-1010 du 2 novembre 1972 (3). Il convient de s'y reporter.
4. Instrucion de la déclaration notion d'exposition au risque.
J'ai été amené à constater que des organismes se prononçaient parfois sur le caractère d'une affection déclarée comme étant une maladie professionnelle, sans avoir réuni l'ensemble des informations indispensables.
Or, en une matière souvent délicate, il importe que la caisse dispose de tous les éléments de fait susceptibles de déterminer l'application de la loi, compte tenu des principes dégagés par la jurisprudence.
A cette occasion, il me paraît y avoir lieu de rappeler les conditions essentielles qui déterminent la présomption en matière de maladie professionnelle. Ces conditions sont les suivantes :
être atteint de l'une des affections inscrites à un tableau déterminé ;
avoir été exposé dans son travail, et cela d'une manière habituelle, à l'action de l'agent nocif mentionné audit tableau.
La première condition relève des constatations et appréciations médicales.
La seconde se réfère à des éléments de fait de caractère technique : circonstances dans lesquelles la victime s'est trouvée placée dans son travail ; présence de l'agent nocif ; importance, continuité, durée de l'exposition au risque, etc.
La collecte de ces éléments est importante ; elle peut exiger des investigations de la part de la caisse.
A cette occasion, il me paraît utile de rappeler à la lumière de la jurisprudence la portée des termes « exposés d'une façon habituelle ».
Il ne paraît pas douteux que, par cette condition, le législateur ait écarté le cas d'exposition au risque tout à fait occasionnel dans lequel il s'agirait d'une rencontre fugace, non répétée (et n'ayant pas eu le caractère brutal et massif susceptible d'engendrer un accident du travail).
Ainsi, la Cour de cassation, dans une espèce où les troubles invoqués par la victime (intoxication benzolique) étaient apparus après deux demi-journées de travail, a-t-elle estimé que les premiers juges avaient à bon droit considéré que le débat ne pouvait être porté, dans ce cas, que sur le plan de l'accident du travail (Cour de cassation, 22 février 1968 ; Rance c/CPCRP).
De même, ne peut être considéré comme ayant été exposé d'une manière habituelle à l'action de l'agent nocif incriminé, le travailleur qui effectuait de brefs passages dans un local où le risque de benzolisme était sinon existant, du moins très faible (Cour de cassation, 18 juillet 1962 ; CPCSSRP c/société UCLAF).
En revanche, il a été considéré que les conditions légales étaient remplies, lorsqu'il était établi que l'intéressé utilisait « habituellement » le marteau pneumatique, bien que ce fut pour un travail intermittent et discontinu (cour d'appel de Dijon, 9 mars 1966 : Rault c/H.-B. Blanzy). La cour d'appel de Rennes (7 février 1967) a estimé, il est vrai, s'agissant de l'application du tableau no 42, que l'expression « de façon habituelle ne pouvait s'entendre, en la matière, que d'une répétition fréquente de même sous et dont la durée se prolonge ».
Il apparaît donc que l'appréciation doit être faite dans chaque cas, et qu'il doit être tenu compte de la nature du risque.
D'une façon générale, il est permis de considérer que les termes « exposés d'une façon habituelle » doivent être interprétés comme n'impliquant pas nécessairement la permanence du risque, mais au moins sa répétition avec une fréquence et une durée suffisantes.
Il appartient aux organismes de sécurité sociale de rechercher, dans chaque cas d'espèce, si ces conditions sont remplies.
5. Prévention des maladies professionnelles ; révision et extension des tableaux de maladies professionnelles.
Je rappelle l'intérêt primordial que présente, pour le développement et l'amélioration constante des tableaux de maladies professionnelles, l'observation diligente par tous les médecins des prescriptions obligatoires de l'article L. 500 du code de la sécurité sociale.
Ainsi que l'a souligné la circulaire 36 /SS du 10 novembre 1972 , il importe que l'attention des médecins conseils et de tous les praticiens avec lesquels les organismes de sécurité sociale se trouvent en relation soit appelée sur le rôle essentiel qui leur est dévolu en la matière.
La publication de nouveaux tableaux peut offrir l'occasion de nouvelles actions en ce sens.
Je rappelle que l'établissement matériel des déclarations effectuées en application de l'article L. 500 précité est facilité par la mise à la disposition des praticiens de carnets de cartes-lettres.
Il appartient aux organismes de sécurité sociale d'y pourvoir.
Mon attention a été appelée récemment sur des lacunes constatées à ce sujet.
Il importe qu'elles soient comblées.
Je vous serais obligé de bien vouloir donner la plus large diffusion à la présente circulaire et inviter les caisses primaires et régionales d'assurance maladie, ainsi que les services du contrôle médical de la sécurité sociale, à se conformer aux indications données.