> Télécharger au format PDF

CIRCULAIRE N° 22/SS relative à l'application du décret n° 74-354 du 26 avril 1974 (A)complétant les tableaux de maladies professionnelles.

Du 03 mai 1974
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  261.1.2.1.2.2.

Référence de publication : N.i. <em>BO</em> ; n.i. <em>JO, Bulletin sécurité sociale.</em>

LE MINISTRE DE LA SANTÉ PUBLIQUE ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE,

à M. le président du conseil d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

Le décret no 74-354 du 26 avril 1974 a inséré, à la suite des tableaux de maladies professionnelles annexés au décret 46-2959 du 31 décembre 1946 (1) relatif à l'application du livre IV du code de la sécurité sociale, un soixante-quatrième tableau : intoxication professionnelle par l'oxyde de carbone.

Ainsi que vous le savez, l'élaboration de ce tableau a été précédée d'études approfondies. Sa mise au point a été délicate ; la commission de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles y a contribué efficacement.

Le tableau publié est conforme à l'avis émis par la commission d'hygiène industrielle le 21 décembre 1973, en ce qui concerne son contenu technique, ainsi qu'à l'avis du Conseil d'État (section sociale) qui a apporté une précision d'ordre juridique à la rédaction du deuxième alinéa, in fine, de la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer les maladies mentionnées au tableau.

Celui-ci appelle les commentaires ci-après qui reprennent les éléments techniques adoptés par la commission d'hygiène industrielle et par la commission de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

1. Base juridique du tableau

Le tableau no 64 désigne un agent nocif déterminé : l'oxyde de carbone. Il est établi sur la base des dispositions du premier alinéa de l'article L. 496 du code de la sécurité sociale : la liste des travaux qui y figure est indicative.

En vertu des dispositions légales, est couvert le travailleur qui est exposé habituellement dans son travail aux émanations d'oxyde de carbone, sous réserve des conditions qui, aux termes des dispositions mentionnées dans la deuxième colonne du tableau, caractérisent l'exposition au risque.

2. Maladies engendrées par l'oxyde de carbone.

Le taux de 1,5 millilitre d'oxyde de carbone pour 100 millilitres de sang à partir duquel la présomption d'origine peut être admise a été retenu dans le tableau des intoxications professionnelles par l'oxyde de carbone.

Toutefois, l'expérience montre que pour de gros fumeurs la teneur d'oxyde de carbone dans le sang provenant de la fumée du tabac peut atteindre et même dépasser ce taux.

Ce fait, qui a rendu nécessaire une détermination plus précise de l'exposition au risque, doit être également pris en considération pour l'application des dispositions figurant à la première colonne du tableau.

C'est ainsi que pour tenir compte de l'influence éventuelle du tabac, il convient de n'effectuer le prélèvement de sang en vue de la recherche du taux d'oxyde de carbone, qu'après une abstinence de tabac d'au moins 24 heures, qui pourra être, éventuellement, contrôlée par la recherche de nicotine dans les urines.

Pour apprécier le taux d'oxyde de carbone dans le sang, la méthode de dosage qui a été choisie comme méthode de référence est celle décrite par MM. Moureu, Chovin, Truffert et Lebbe.

Cette méthode comporte deux opérations distinctes :

  • 1. L'extraction des gaz du sang ;

  • 2. Le dosage de l'oxyde de carbone, grâce à sa propriété d'absorber l'infrarouge, ceci pour des longueurs d'ondes caractéristiques, l'intensité de l'absorption étant proportionnelle à la quantité de gaz présent.

Les auteurs de la méthode ont appelé l'attention sur l'intérêt d'éviter la présence de toute trace d'éther dans l'aiguille et la seringue, et sur la nécessité d'agiter énergiquement l'échantillon après prélèvement pour bien dissoudre le fluorure de sodium utilisé comme conservateur et anticoagulant.

Deux autres méthodes peuvent être utilisées :

  • la méthode du semi-microdosage de l'oxyde de carbone sanguin par G. Le Moan, basée sur la réduction du chlorure de palladium ;

  • la méthode de chromatographie en phase gazeuse de D.-J. Blackmore.

Ces deux méthodes ont des qualités très voisines de la précédente ; mais il y aurait lieu de corriger leurs résultats d'un coefficient de corrélation entre ces méthodes et la méthode de référence.

3. Caractéristiques de l'exposition au risque

Compte tenu du fait mentionné au B ci-dessus, il a paru aux commissions compétentes que devaient être expressément exclus les travaux effectués dans des locaux comportant des installations telles que, manifestement, aucune intoxication ne peut se produire.

Une disposition analogue figure au tableau no 13 relatif aux intoxications professionnelles par les dérivés nitrés et chloronitrés des carbures benzéniques.

Les « installations de ventilation » pouvant justifier l'exclusion sont celles qui ont pour objet d'assurer une aération convenable des locaux, ce qui peut être obtenu par l'utilisation de dispositifs mécaniques, tels que ventilateurs ou aspirateurs, ou par la mise en place d'un système d'aération naturelle efficace, la simple ouverture des portes et des fenêtres n'étant pas suffisante.

Encore doit-il être démontré que :

  • 1. La teneur en oxyde de carbone vérifiée à hauteur des voies respiratoires des travailleurs exposés est, de façon habituelle, inférieure à 50 cm3 par mètre cube. Il est admis, en effet, que l'on peut respirer sans risque, de façon habituelle, une quantité d'oxyde de carbone de l'ordre de 55 milligrammes par mètre cube ou 50 parties par million en volume et pour huit heures d'exposition.

    On observera que, de même que la présomption d'origine professionnelle de la maladie résulte de l'exposition au risque de « façon habituelle » (art. L. 496 du code de la sécurité sociale), ce risque ne peut être réputé inopérant qu'à la condition d'être demeuré, de façon habituelle, inférieur au seuil fixé et cela au niveau des voies respiratoires ;

  • 2. Les installations de ventilation sont maintenues en bon état de fonctionnement.

    Cette obligation incombe à l'employeur.

    A cet égard, un contrôle mensuel par les soins de l'employeur est particulièrement recommandé ; il pourra comporter quelques mesures avec un appareil simple.

    Mention des résultats des contrôles sera portée sur un registre tenu à la disposition des services et organismes chargés du contrôle des entreprises ;

  • 3. Ces installations sont contrôlées, au moins une fois par an, par un organisme agréé dans les conditions prévues à l'article D. 241-21 (2o) du code du travail.

Ce contrôle tend à vérifier l'efficacité des installations, c'est-à-dire à mesurer la teneur de l'oxyde de carbone au niveau des voies respiratoires des travailleurs pendant la durée du travail.

Des dispositions en préparation fixeront les modalités d'agrément des organismes de contrôle.

La méthode de contrôle la plus utilisée, qu'il s'agisse de prélèvements d'échantillons d'atmosphère ou de mesures en continu, fait appel aux analyseurs à détection pneumo-électrique fonctionnant grâce à l'absorption spécifique de l'oxyde de carbone de certaines fréquences infrarouges. Cette méthode est en cours de normalisation.

Je vous serais obligé de vouloir bien appeler l'attention des caisses primaires et régionales d'assurance maladie sur les indications contenues dans la présente circulaire.

Je vous demanderais d'insister, à cette occasion, sur l'intérêt qui s'attache à ce que tous les médecins se conforment aux prescriptions de l'article 500 du code de la sécurité sociale.

Une mission toute particulière d'information incombe à cet égard aux médecins-conseils auprès des praticiens avec lesquels ils sont en relation.

Le caractère insidieux des risques d'intoxication professionnelle incite à une grande vigilance. La détection précoce, notamment par le médecin du travail et tout médecin traitant, des cas d'affection pouvant résulter de risques encore mal connus et la déclaration de ces cas à l'inspection du travail, conformément aux dispositions de l'article 500 précité, permettent la mise en œuvre rapide de mesures de prévention. Elles fournissent, en outre, la base des études en vue de l'inscription aux tableaux des maladies dont le caractère professionnel est mis en évidence par leur manifestation, avec une fréquence anormale, parmi les travailleurs exposés à un risque déterminé.

Je ne saurais trop souligner, dans l'intérêt de la santé des travailleurs, comme dans l'intérêt général, l'importance de la mission que le législateur a ainsi confiée aux praticiens. Je souhaite vivement que ceux-ci, grâce à une large information, apportent à ces questions une attention nouvelle et contribuent par leurs déclarations à l'efficacité des dispositions tendant à la prévention et à la réparation des risques professionnels.

Michel PONIATOWSKI.