CIRCULAIRE du ministre de l'économie et des finances relative à l'incidence des hausses de prix de certaines matières premières et de l'énergie sur les marchés publics de fournitures et de services.
Du 14 juin 1974NOR
Mes circulaire du 7 novembre 1973 (1), circulaire du 24 janvier 1974 (2) et circulaire du 5 février 1974 (3) ont précisé dans quelles conditions les maîtres d'ouvrage pouvaient accorder des indemnités aux titulaires de marchés publics de travaux lorsque des hausses imprévisibles des prix des matières ou des produits pétroliers ne pouvaient pas être contractuellement répercutées dans les prix de règlement.
Ces dispositions trouvaient leur fondement juridique dans la théorie de l'imprévision par laquelle les tribunaux administratifs ont reconnu aux titulaires de marchés publics le droit, non pas à une révision des prix contractuels, mais à une certaine indemnisation des pertes subies du fait de l'exécution de ces contrats.
Elles avaient d'autre part pour objectif de simplifier l'établissement et la liquidation des dossiers d'indemnisation grâce à un système forfaitaire d'appréciation du « seuil de bouleversement » des contrats et d'évaluation des pertes à rendre en compte.
Cette méthode a pu être mise en place sans difficultés majeures pour les raisons suivantes :
le domaine des travaux immobiliers comporte un nombre réduit de corps d'état et d'ouvrages ;
les titulaires des marchés ont un statut homogène, celui des entrepreneurs (ou artisans) ;
pour chaque type d'ouvrage, les matériaux et les produits mis en œuvre sont connus, ainsi que l'incidence moyenne de leurs prix d'achat sur le coût global d'exécution ;
l'évolution de ces prix élémentaires peut être suivie aisément grâce aux indices ou aux séries de prix de gros publiées dans les documents officiels ou les revues spécialisées.
1. Analyse de la situation.
Mon attention a été attirée sur la situation difficile que rencontrent également certains titulaires de marchés publics de fournitures ou de services qui, comme pour le cas des travaux, subissent des hausses de prix qu'ils ne pouvaient raisonnablement prévoir lors de l'établissement des offres.
La question se pose de savoir s'il est possible de dégager une méthode forfaitaire permettant, comme dans le cas des travaux, de simplifier les opérations d'établissement et de vérification des demandes d'indemnisation qui soulèvent, dans le cadre de la théorie de l'imprévision, des problèmes complexes, quelquefois sans aucune mesure avec les sommes en cause.
Les études que j'ai fait effectuer ont mis en relief plusieurs difficultés, en particulier les suivantes :
1. Le nombre et la variété des fournitures achetées par les services publics sont beaucoup plus importants que ceux des travaux immobiliers.
2. Les fournisseurs des administrations peuvent être des industriels, des artisans, des façonniers ou des commerçants (grossistes, détaillants, importateurs) et même des producteurs agricoles pour lesquels le coût de production est difficile à définir ou même n'a pas de signification.
Lorsque ce coût de production a une signification précise, il peut être difficile à déterminer ; il n'est généralement pas traduit dans une formule de variation de prix ; il ne peut a fortiori faire l'objet d'une analyse d'évolution par l'emploi d'indices élémentaires.
3. Pour les fournitures, il n'existe en général pas de repères analogues aux situations mensuelles utilisées pour les paiements d'acomptes sur marchés de travaux.
Malgré ces difficultés, la présente circulaire devrait permettre de traiter de façon assez simple les cas les plus nombreux. Elle se situe dans l'esprit de la théorie de l'imprévision mais, comme elle est forfaitaire, son domaine d'application a été volontairement limité et ses possibilités d'interprétation réduites par rapport à la circulaire du Président du conseil du 18 mai 1938 (4) toujours en vigueur, mais dont la mise à jour est à l'étude.
En dehors des cas d'application de la présente circulaire, les fournisseurs, s'ils estiment remplir les conditions prévues, ont la possibilité d'invoquer la théorie de l'imprévision auprès de l'acheteur public.
Si pour une raison quelconque, il n'est pas donné suite à la demande du titulaire, celui-ci n'a plus alors que la solution du recours devant les tribunaux compétents.
2. Domaine d'application.
Les mesures préconisées par la présente circulaire sont limitées aux marchés publics de fournitures ou de services pour lesquels la demande du titulaire est déposée dans un délai maximal de deux mois après paiement du solde par le comptable.
Elles ne concernent pas :
les marchés de produits industriels assortis d'une clause de révision des prix ;
les marchés de services industriels spéciaux même à prix fermes ;
les marchés dont les prix de règlement s'établissent par application d'un rabais ou d'un pourcentage à des prix figurant dans un document de référence : mercuriale, cours, barème, tarif, catalogue, bordereau, série. Le cas exceptionnel des fuel-oils a été traité par ma circulaire CCM no 20694 du 29 novembre 1973 (5).
Seuls peuvent être pris en considération les marchés d'une durée de plus de six mois comptée à partir du mois d'établissement ou de mise à jour des prix ou, lorsque celui-ci n'est pas précisé, le mois fixé pour la réception des offres et à condition, dans les deux cas, que ce mois soit antérieur à février 1974. Toutefois, lorsque le fournisseur a accepté la reconduction d'un marché à commandes ou de clientèle, il n'y a pas lieu de lui accorder une indemnité pour les tranches soldées.
Lorsque toutes ces conditions sont remplies, j'autorise mes services à accepter les engagements et les règlements d'indemnités que les acheteurs décideraient d'octroyer aux titulaires qui en feraient la demande, sous la seule réserve que soient respectées les règles indiquées ci-dessous.
3. Les produits industriels spéciaux.
Il est rappelé que ces produits sont ceux qui sont exécutés à la demande particulière d'un client, pour ses besoins spéciaux, et selon des spécifications techniques définies ou acceptées par ce client.
Lorsque ces produits ont été achetés à prix fermes, le calcul de l'indemnité ne pourra faire intervenir que les majorations imprévisibles des prix ayant affecté les éléments suivants :
métaux non ferreux et demi-produits en métaux non ferreux ;
produits sidérurgiques et ferrailles ;
ensemble des produits de la première transformation de l'acier ;
fibres textiles naturelles, artificielles et synthétiques ;
caoutchouc naturel ou synthétique ;
cuirs et peaux bruts ;
pâtes à papier ;
grumes et sciages ;
matières premières dérivées du pétrole et du charbon ;
combustibles solides, liquides et gazeux ;
liants hydrauliques.
Il conviendra d'autre part, en se référant à la formule de variation de prix qui aurait pu être utilisée, compte tenu du secteur industriel concerné, pour des marchés conclus à prix révisables, de s'assurer que la part de ces éléments atteint globalement au moins 20 %.
L'évolution des indices représentatifs des prix de ces éléments est prise en compte entre le mois d'établissement des prix (ou le mois fixé pour la réception des offres) et le mois d'approvisionnement des matières. Il n'est toutefois tenu compte que des approvisionnements effectués postérieurement à juin 1973.
Dans ces conditions, le calcul se présentera comme une révision partielle : l'indemnisation sera le résultat de cette révision, multiplié par un coefficient au plus égal à 0,7. Ce coefficient correspond à l'idée que le fournisseur est réputé s'être couvert au moins partiellement des hausses des prix des matières, qu'il est présumé avoir prévu une marge bénéficiaire et qu'en tout état de cause il convient seulement de participer à la perte qu'il subit.
4. Les produits courants et services courants dont les prix sont établis dans le cadre de la réglementation générale des prix.
Pour ces prestations, mon arrêté du 5 février 1974 (abrogé en dernier lieu par la circulaire du 23 novembre 1979 (BOC, p. 4610)) a ouvert la possibilité aux acheteurs publics de déterminer les prix de règlement des marchés nouveaux par référence à la réglementation générale des prix, et plus particulièrement aux accords de programmation et aux conventions nationales ou départementales.
Des demandes ne peuvent être reçues pour les marchés en cours que pour des fournitures ou services faisant appel, dans une proportion qui peut être raisonnablement estimée à 20 % au moins, aux matières premières et produits énumérés au chapitre III de la présente circulaire ainsi qu'aux produits alimentaires visés à l'article 2 de mon arrêté du 5 février 1974 (abrogé en dernier lieu par la circulaire du 23 novembre 1979 (BOC, p. 4610)), elles ne seront prises en considération que pour les fournitures livrées, ou pour les services exécutés après le mois de juin 1973.
Pour les fournitures, la répercussion à prendre en compte sera la moitié au maximum des majorations résultant des autorisations réglementaires concernant la prestation objet du marché. Ce coefficient de 0,5 est plus faible que celui applicable aux produits spéciaux en raison de l'incorporation de hausses de salaires dans les majorations autorisées.
Pour les services catalogables, les majorations autorisées seront prises en compte avec un coefficient de 0,4 au maximum, pour tenir compte du fait que les matières interviennent en général en plus faible proportion dans les services que dans les fournitures.
Dans les cas où il existe un catalogue encadré par la réglementation générale des prix, il peut être plus expédient de tenir compte des variations de prix du catalogue avec application des coefficients ci-dessus.
5. Dispositions diverses
Si une indemnité est attribuée dans le cadre de la présente circulaire, elle se traduira nécessairement par un avenant accompagné des justifications nécessaires et comportera une clause par laquelle le titulaire renonce à tout recours ultérieur fondé sur l'imprévision.
Dans le souci d'allégement des procédures administratives, je demande au rapporteur général des commissions spécialisées des marchés d'examiner, de concert avec les présidents intéressés, les conditions dans lesquelles les projets d'avenants établis dans le cadre de la présente circulaire pourraient être dispensés de l'examen sélectif, ou même, dans certains cas, de l'expédition des dossiers habituels.
Je vous serais obligé de porter la présente circulaire à la connaissance de vos services et de la transmettre aux collectivités, établissements et entreprises dont vous avez la tutelle en leur faisant part de mon vœu que le bénéfice des dispositions envisagées soit accordé sous réserve que l'indemnité justifie les frais qu'implique la passation d'un avenant tant pour l'administration que pour l'entreprise, c'est-à-dire représente une part non négligeable du montant du marché.
Le ministre de l'économie et des finances,
J.-P. FOURCADE.