CIRCULAIRE N° 47/SS relative à l'application du décret n° 76-1095 du 25 novembre 1976 (A)modifiant le décret n° 57-1176 du 17 octobre 1957 modifié fixant les modalités spéciales d'application à la silicose, à l'asbestose et à la sidérose professionnelles du livre IV du code de la sécurité sociale.
Du 14 janvier 1977NOR
1. Contenu
La circulaire 1 /SS du 30 janvier 1976 (1) a déjà appelé votre attention sur les modifications apportées par le décret no 76-34 du 5 janvier 1976 (2) aux tableaux des maladies professionnelles et notamment au tableau no 30 qui vise désormais les affections professionnelles provoquées par les poussières d'amiante.
Je rappelle que les modifications apportées audit tableau consistent, d'une part dans l'adjonction de nouvelles complications de l'asbestose proprement dite (insuffisance respiratoire aiguë, pleurésie exsudative, cancer broncho-pulmonaire), d'autre part, dans l'extension du champ d'application du tableau considéré à de nouvelles affections (mésothéliome primitif, pleural, péricardique ou péritonéal).
Ces affections dont certaines sont particulièrement graves sont justifiables de soins, d'hospitalisation et peuvent entraîner l'arrêt du travail.
Il convenait donc, ainsi que l'avait annoncé la circulaire du 30 janvier 1976 précitée, d'apporter au décret 57-1176 du 17 octobre 1957 fixant les modalités spéciales d'application à la silicose, à l'asbestose et à la sidérose professionnelles, du livre IV du code de la sécurité sociale, les modifications nécessaires afin de permettre aux victimes de bénéficier des prestations et indemnités de l'incapacité temporaire.
Le décret no 76-1095 du 25 novembre 1976 publié au Journal officiel du 2 décembre 1976 répond à cet objectif.
En effet, indépendamment de deux modifications de forme intéressant le titre du décret précité du 17 octobre 1957 et l'article 23 de ce texte, qui découlent du nouveau libellé du tableau no 30, le décret en cause a essentiellement pour objet d'ajouter à l'énumération prévue à l'article 5, des cas d'affections ouvrant droit aux prestations et indemnités de l'incapacité temporaire, les nouvelles manifestations pathologiques visées au tableau.
Ces nouvelles dispositions appellent de ma part les remarques suivantes.
2. Contenu
PORTÉE DU NOUVEL ARTICLE 5 DU DÉCRET No 57-1176 DU 17 OCTOBRE 1957 MODIFIÉ
3. Droit aux soins
Jusqu'en janvier 1976, les seules complications autorisant prestations en espèces et soins étaient les manifestations d'insuffisance cardiaque, ultime, puisque limitées à l'« hyposystolie ou asystolie par insuffisance ventriculaire droite ».
Les enquêtes poursuivies depuis 1945 ont établi :
a). Qu'une exposition importante aux poussières provoque une fibrose plus ou moins grave et qu'une exposition relativement minime peut provoquer une fibrose modérée, et surtout, des manifestations pleurales (calcifications et pleurésies) ;
b). Que des corps asbestosiques dans l'expectoration sont un témoin d'exposition, mais inconstants dans des asbestoses histologiquement démontrées, alors qu'ils peuvent être présents dans l'expectoration, sans manifestations pulmonaires ;
c). Que l'évolution d'une asbestose peut comporter des épisodes infectieux bronchiques, entraînant des troubles obstructifs graves avec état de détresse respiratoire nécessitant assistance ventilatoire, traitement anti-infectieux avec une récupération thérapeutique excellente dans un pourcentage considérable de cas ;
d). Que le meilleur moyen de retarder ou même d'éviter l'installation d'un « cœur pulmonaire chronique » cause de mort fréquente chez les malades atteints de fibrose asbestosique, est de dépister aussitôt que possible les premiers signes électriques de défaillance cardiaque afin de mettre en œuvre un traitement efficace ;
e). Que le cancer bronchique se rencontre avec une fréquence particulière chez les malades atteints d'asbestose : environ 15 % des cas ayant donné lieu à autopsie.
Les observations actuelles tendent à démontrer que la fréquence générale du cancer bronchique est la même chez les travailleurs de l'amiante que dans les populations non exposées, mais chez les malades atteints d'asbestose, la fréquence du cancer bronchique est hautement significative et tout particulièrement chez ceux qui ont des habitudes tabagiques ;
f). Que les travailleurs exposés à l'amiante étaient plus fréquemment atteints de mésothéliomes, ceci indépendamment de toute fibrose pulmonaire :
Le mésothéliome est une tumeur bénigne ou maligne (pour les travailleurs de l'amiante, le plus souvent maligne) dérivée des cellules tapissant les séreuses (plèvre, péritoine, péricarde). C'est une affection rare (sur 24 700 autopsies, pourcentage 0,30 % dans la population générale).
Il était médicalement impossible de refuser le droit aux soins pour des malades atteints d'une affection de pronostic grave et présentant des complications qu'il faut tout d'abord rapporter à leur cause, ce qui exige des examens complémentaires, souvent faits à l'occasion d'hospitalisation et qui nécessitent des traitements, c'est le cas notamment des insuffisances respiratoires aiguës que l'on peut récupérer totalement après traitement en service de réanimation respiratoire : des cancers broncho-pulmonaires posant des indications chirurgicales, cobaltothérapiques, médicamenteuses (traitements anti-infectieux, chimiothérapie, antimitotiques, etc.), de l'insuffisance ventriculaire droite au début (traitement général, traitement anti-infectieux, éventuellement pour améliorer l'hématose, antispasmodiques, diurétiques, etc.), des manifestations pleurales avec épanchements (repos, traitements anti-infectieux, anti-inflammatoires, etc.)
Quant aux mésothéliomes, la chirurgie reste souvent le seul recours : souvent l'intervention n'est qu'exploratoire. La décortication pulmonaire, avec ou sans exérèse partielle, peut obtenir une symphyse pleurale et tarir l'épanchement. Elle trouve sa justification majeure souvent dans des résultats valables sur les douleurs et l'état général. On ne peut refuser le recours à la radiothérapie, aux isotopes intrapleuraux et surtout au traitement antimitotique.
Il convient même d'ajouter que les cas très fréquents de suppuration bronchique chez les sujets atteints d'asbestose doivent être traités avec une particulière attention si l'on veut éviter une aggravation rapide de l'évolution.
4. Procédure
La constatation de ces affections doit être faite dans les conditions prévues aux articles 9, 10, 13 du décret 57-1176 du 17 octobre 1957 modifié.
Je rappelle à ce sujet que l'intervention du collège de trois médecins ne présente un caractère obligatoire que dans les cas qui relèvent de sa connaissance, c'est-à-dire s'agissant de l'application du tableau no 30 :
des cas d'asbestose résultant d'une exposition au risque d'une durée inférieure à cinq ans ;
des cas d'asbestose dont la première constatation médicale intervient postérieurement à l'expiration du délai de prise en charge de cinq ans prévu par le tableau.
Compte tenu des modifications apportées au tableau considéré le collège doit donc être saisi obligatoirement :
1. Lorsqu'apparaissent, pour ces mêmes cas, des complications de l'asbestose ;
2. Lorsqu'il s'agit de cas de mésothéliome constatés postérieurement au délai de prise en charge de cinq ans susvisé.
Pour les autres cas, le médecin agréé en matière de pneumoconioses a qualité pour :
procéder aux constatations et établir les certificats prévus à l'article 9 ;
examiner ces mêmes malades en cas de révision (art. 13).
Ainsi qu'il a déjà été indiqué la caisse ou l'organisation spéciale de sécurité sociale n'est pas liée par l'avis du médecin agréé ou du collège, mais elle ne saurait s'en écarter qu'avec une très grande prudence. Lorsque cet avis lui paraît soulever des doutes ou comporter des lacunes, elle peut — et doit — demander au praticien concerné de préciser ou de compléter cet avis. Elle peut aussi provoquer l'expertise prévue à l'article 15 du décret 57-1176 du 17 octobre 1957 .
La décision prise par la caisse ou l'organisation spéciale de sécurité sociale doit en tout état de cause se référer expressément à l'avis du médecin agréé ou du collège et, le cas échéant, aux avis médicaux sur lesquels ladite décision est fondée. Cette décision ainsi motivée est notifiée à la victime (ou à ses ayants droit) dans les conditions générales.
5. Date d'effet
Les dispositions du décret du 25 novembre 1976 sont applicables, en principe, aux cas constatés à compter du 4 décembre 1976.
Cependant, compte tenu du fait que les modifications apportées au tableau no 30 ont pris effet au 15 janvier 1976, je ne verrais pas d'objections à ce que cette dernière date soit prise en considération pour le versement des prestations et indemnités de l'incapacité temporaire prévues par le livre IV du code de la sécurité sociale en ce qui concerne :
les personnes qui ont fait constater à partir du 15 janvier 1976 l'existence de l'une des affections visées audit tableau ;
les personnes dont la maladie avait déjà été constatée avant le 15 janvier 1976 mais qui présentaient encore des manifestations à cette date.
Pour les victimes qui, conformément aux instructions contenues dans la circulaire 1 /SS du 30 janvier 1976 , avaient été prises en charge au titre de l'assurance maladie, il y aura lieu de procéder à une régularisation du dossier.
A l'occasion de la présente circulaire, il me paraît bon de rappeler qu'en vertu des dispositions de l'article L. 481-1 du code de la sécurité sociale les ayants droit de la victime décédée antérieurement au 15 janvier 1976 des suites de l'une des complications de l'asbestose visées au nouveau tableau no 30 ou d'un mésothéliome sont fondés à se prévaloir des nouvelles dispositions en vue d'obtenir un nouvel examen de leurs droits à réparation.
Bien entendu, dans cette hypothèse, la rente éventuellement due ne peut avoir d'effet antérieur au 15 janvier 1976.
Les dispositions nouvelles qui font l'objet de la présente circulaire apportent, dans toute la mesure compatible avec la nécessité de maintenir les garanties appropriées, de sensibles améliorations au régime de réparation des affections provoquées par les poussières d'amiante.
Je ne saurais trop insister sur l'intérêt primordial qui s'attache à ce que les organismes de sécurité sociale ainsi que les praticiens qui ont à connaître des cas dont il s'agit, et dont certains sont particulièrement douloureux, fassent diligence afin d'assurer aux dispositions en cause leur pleine efficacité.
Je vous serais obligé de bien vouloir donner la plus large diffusion à la présente circulaire et me tenir informé des difficultés que pourraient rencontrer, le cas échéant, les caisses primaires d'assurance maladie.