INSTRUCTION INTERARMÉES N° 31386/DEF/DAJ/MDE/41 sur la participation du ministère de la défense à la politique de protection de la nature.
Du 12 décembre 1980NOR
Le Gouvernement a engagé depuis plusieurs années une politique de protection des richesses naturelles sur l'ensemble du territoire national.
Cette politique présente actuellement trois axes principaux de réalisation :
les parcs nationaux visant à préserver l'équilibre écologique d'une zone importante et à promouvoir sur le plan national ce patrimoine naturel ;
les parcs naturels régionaux qui doivent assurer conjointement la protection de la nature, la promotion du milieu rural et l'accueil des visiteurs pour des activités de détente et d'initiation à la nature ;
les réserves naturelles destinées à soustraire certaines zones dans lesquelles le milieu naturel présente une importance particulière aux interventions artificielles susceptibles de les dégrader.
Les armées se doivent, au même titre que les autres services publics, de participer activement à cette politique de protection de l'environnement, en particulier, dans les parcs et les réserves comme l'a demandé le Premier ministre dans la circulaire du 12 septembre 1979 (1), mais aussi dans l'ensemble des zones naturelles sensibles, tout en veillant à ce que soit préservée la liberté d'action nécessaire à l'accomplissement de leurs missions.
La présente instruction définit les modalités de participation des armées à la politique de protection de la nature et les dispositions particulières applicables dans les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles.
1. Dispositions générales relatives à la participation des armées aux actions de protection de la nature.
1.1.
La mise en condition d'unités opérationnelles, mission principale des armées, entraîne la mise en œuvre de nombreux moyens terrestres, maritimes et aériens, et le déplacement d'unités sur l'ensemble du territoire.
Ces activités peuvent entraîner dans certains cas des atteintes à l'environnement. Celles-ci font l'objet de remises en état et d'indemnisations dans les conditions fixées par l'instruction générale no 670/MA/DAAJC/CX/3 du 2 décembre 1967 (A) modifiée sur la réparation amiable ou judiciaire des dommages causés ou subis par les armées (BOM 461*).
Mais il est essentiel que les armées prennent en compte, préventivement, dans l'accomplissement de leurs missions, les préoccupations de protection de la nature.
1.2.
A cet effet les armées s'attacheront à promouvoir des actions de sensibilisation des militaires, lors de l'instruction et notamment à l'occasion des activités extérieures.
Au cours de l'instruction du personnel, il conviendrait de faire apparaître que la défense de l'environnement est une forme du civisme.
Cette sensibilisation se traduira également dans les consignes données par les chefs de corps selon les directives des commandants de région et portant sur la préservation du milieu naturel au cours des exercices d'entraînement et de manœuvres (exemple : consignes de ramassage des munitions consommées).
Dans cet esprit, des recommandations pourront être adressées aux unités afin que la vie animale ne soit pas trop perturbée lors des exercices, notamment lorsqu'ils coïncident avec les périodes de reproduction.
1.3.
Au titre de la protection active de la faune, les armées doivent se conformer, notamment dans les camps militaires, à la réglementation départementale de la chasse qui stipule, entre autres dispositions indispensables à observer, les dates d'ouverture et de fermeture pour les différentes espèces.
Dans le même ordre de préoccupations, les chefs de corps auront soin, en liaison avec les services locaux de la gendarmerie nationale, de prévenir et, le cas échéant, de faire réprimer le braconnage qui peut sévir sur le domaine militaire.
1.4.
Il conviendra, en second lieu, que les armées portent un soin particulier à l'insertion dans le site des projets d'infrastructure et d'équipements militaires importants au travers des procédures administratives générales (études et notices d'impact, dossiers soumis aux commissions départementales et régionales des opérations immobilières de l'architecture et des espaces protégés) ou spécifiques (1 % décoration, secteurs pilotes d'architecture).
Un effort particulier sera accompli dans toutes les zones qui présentent un caractère pittoresque qu'il convient de préserver.
1.5.
Les armées sont souvent sollicitées pour des opérations ponctuelles de protection de la nature (lutte contre diverses formes de pollutions, ravitaillement de refuges, transport de matériaux en altitude, évacuation de déchets, reconnaissance d'itinéraires, étude du milieu, etc.).
Certaines de ces missions font déjà l'objet d'instructions particulières (plan Polmar, Orsec, lutte contre les incendies de forêts) auxquelles il convient de se référer.
Dans les autres cas, il convient de rappeler que les nécessités du service et de l'entraînement des unités sont prioritaires et que le concours des armées ne peut être accordé que dans la mesure où l'exécution des missions de défense le permet.
En matière de protection de l'environnement, la participation des armées sera engagée dans les conditions prévues par la réglementation générale selon les prescriptions administratives, techniques et financières posées par l'instruction no 3742/DEF/DAAJC/AA/2 du 27 janvier 1976 (2) circulaire 16350 /DEF/DAG/AA/2 3034 /DEF/DSF/1/E du 30 octobre 1987 (BOC, p. 6140), modifiée relative à la participation des armées à des tâches ne relevant pas de leurs missions spécifiques.
2. Dispositions particulières applicables dans les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles.
2.1. Procédure de création des parcs nationaux, des parcs régionaux et des réserves naturelles.
2.1.1. Parcs nationaux.
La création des parcs nationaux est régie par la loi no 60-708 du 22 juillet 1960 (3) et par le décret no 61-1195 du 31 octobre 1961 (3) portant règlement d'administration publique pour l'application de cette loi.
En application de ces textes, les projets de création des parcs nationaux font l'objet de consultations préliminaires des services civils et militaires ainsi que du comité interministériel des parcs nationaux qui comprend un représentant du ministre de la défense.
Chaque parc régional fait ensuite l'objet d'un décret de création, pris après enquête publique, qui peut soumettre à un régime particulier les activités militaires à l'intérieur du parc.
Les conseils d'administration des parcs nationaux comportent un représentant du ministre de la défense, désigné par celui-ci.
2.1.2. Parcs naturels régionaux.
Le décret no 75-983 du 24 octobre 1975 (4) décret no 88-443 du 25 avril 1988 (BOC, p. 2193), relatif aux parcs naturels régionaux a décentralisé la procédure de création de ces organismes. Il a posé dans son article 3 l'obligation d'une concertation entre l'établissement public régional, les collectivités locales et les organismes intéressés pour établir la charte constitutive du parc qui sera ensuite agréée par arrêté du ministre de l'environnement et du cadre de vie.
Les autorités militaires régionales doivent donc être associées à la politique des parcs naturels régionaux dès leur conception.
La commission interministérielle des parcs naturels régionaux, comprenant un représentant du ministre de la défense, est consultée par le ministre de l'environnement et du cadre de vie sur les chartes constitutives des parcs et tenue informée du fonctionnement de ceux-ci.
La participation des administrations n'étant pas directement assurée dans l'organisme chargé de la gestion et de l'aménagement des parcs naturels régionaux, il appartiendra aux généraux commandant les régions militaires et aux généraux commandants supérieurs interarmées dans les départements d'outre-mer de désigner un officier chargé d'assurer la liaison avec le directeur du parc.
2.1.3. Réserves naturelles.
Les réserves naturelles sont créées en application de la loi 76-269 du 10 juillet 1976 (5) relative à la protection de la nature et du décret no 77-1298 du 25 novembre 1977 (6).
Leur procédure de création est détaillée dans la circulaire du ministre de la culture et de l'environnement 3045 du 21 février 1978 (7).
Les autorités militaires régionales doivent être consultées sur le projet de réserve naturelle qui sera soumis à enquête publique.
L'autorité chargée de faire connaître la position des armées lors de l'élaboration d'un décret constitutif d'une réserve naturelle doit veiller, si les activités de défense sont particulièrement concernées par les dispositions de ce texte, à ce que soit prévu un représentant du commandant de région militaire ou le cas échéant du préfet maritime dans le comité consultatif chargé de la gestion de ce territoire.
Au niveau central, le décret du 25 novembre 1977 (8) prévoit dans son article 9 (8) que le ministre de la défense doit faire connaître son avis sur ce projet et donner son accord si le territoire concerné fait partie du domaine militaire, intéresse les eaux territoriales ou entraîne des contraintes de survol.
2.2. Représentation des armées.
Les armées doivent être présentes dans les diverses instances appelées à proposer, à définir ou à approuver la politique des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des réserves naturelles ainsi d'ailleurs que les autres actions de protection et d'aménagement de la nature (zones naturelles d'équilibre, espaces verts urbains et péri-urbains, secteurs sauvegardés, etc.).
2.2.1. Au niveau régional.
Par analogie avec les mesures prises dans le cadre des travaux préparatoires à l'élaboration des SDAU et des POS [ circulaire interministérielle 154 /AF/UP/1 30251 /MA/DAAJC/MD du 07 mai 1974 (9) et circulaire interministérielle 76-78 30385 /DEF/DAAJC/MD du 22 juin 1976 BOC, p 2447 relatives à la participation des armées à l'élaboration des documents d'urbanisme], la représentation des armées est assurée par :
les généraux commandant les régions militaires pour le territoire métropolitain ;
les généraux commandants supérieurs interarmées dans les départements d'outre-mer.
Ces autorités ont la mission générale de coordonner la représentation des armées au sein des instances locales participant à l'élaboration des textes constitutifs des parcs et réserves, pour y exprimer les besoins militaires et reçoivent à cet effet les instructions du ministre.
A ce titre, elles doivent prendre l'attache, selon l'incidence, pour les activités de défense des projets présentés :
du préfet maritime ;
du général commandant la région aérienne ;
du commandant régional de gendarmerie ;
du directeur régional du service à la surveillance industrielle de l'armement (SIAR) représentant sur le plan local la délégation générale pour l'armement, pour traiter les problèmes se rapportant aux parcs et aux réserves.
Dans le cas de parcs ou de réserves implantés sur le territoire de plusieurs régions militaires, il appartient à l'état-major de l'armée de terre de désigner la région militaire chargée d'assurer la participation des armées.
Lorsqu'il s'agit d'un parc marin ou d'une réserve naturelle implantée sur le domaine publics maritime, c'est au préfet maritime qu'il incombe en liaison avec le général commandant la région militaire concernée d'assurer la représentation de la défense.
Lorsqu'il est prévu que l'utilisation de l'espace aérien au-dessus du territoire d'un parc ou d'une réserve naturelle doit faire l'objet d'une réglementation particulière, le représentant des armées prend l'avis du général adjoint opérationnel au commandant de région aérienne, président du CRICAM (comité régional interarmées de circulation aérienne militaire), seul compétent en la matière au niveau régional interarmées [cf. instruction no 9415/DN/DM/15 du 24 février 1972 (10), instruction no 1920/DIRCAM/D/1 du 10 juillet 1972 (11) instruction no 247/DEF/DA/DIRCAM/D/1 du 20 février 1992 (BOC, p. 987) et l'instruction no 923/DEF/EMAT/BSI du 26 août 1975 (12).
2.2.2. Au niveau national.
Cette représentation est assurée, en liaison avec les états-majors et directions concernés, par la direction des affaires juridiques (13) (mission du domaine et de l'environnement) notamment au sein du comité interministériel des parcs nationaux et de la commission interministérielle des parcs régionaux. La direction des affaires juridiques (13) assure également la représentation des armées au niveau national au cours de la procédure de création des réserves naturelles et plus généralement pour toutes les affaires relatives à la protection de l'environnement.
2.3. Rôle des autorités militaires régionales.
La position du ministère de la défense sur les projets de décrets et de chartes créant des parcs et des réserves n'est définie et traitée qu'à l'échelon central.
La mission des échelons régionaux consiste à présenter les principes de liberté d'action indispensables au service public de la défense pour lui permettre de remplir sa mission en toutes circonstances.
Des instructions sont demandées à l'administration centrale lorsque les projets de zones protégées sont de nature à influer sur les activités des armées.
Les autorités militaires régionales assurent la représentation de la défense, au cours de l'élaboration des projets de réglementation des parcs nationaux, des réserves et des chartes, ainsi que dans les organismes consultatifs ou délibérants des parcs et réserves, mais elles tiennent systématiquement informée l'administration centrale des propositions au niveau local et de leurs incidences prévisibles sur les activités de défense.
La direction des affaires juridiques (mission du domaine et de l'environnement) (B) est rendue destinataire en copie de toutes les correspondances et comptes rendus échangés entre états-majors et autorités militaires locales.
2.4. Participation des armées aux actions de protection de la nature dans les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles.
2.4.1.
La participation des armées à la protection de la nature dans ces zones protégées s'inscrit dans l'application rigoureuse des dispositions réglementaires figurant dans chacun des décrets créant un parc national ou une réserve naturelle et des dispositions générales figurant au paragraphe I de la présente instruction.
Les généraux commandant les régions militaires et les généraux commandants supérieurs interarmées dans les départements d'outre-mer devront assurer, en liaison avec les responsables des parcs et des réserves, la collaboration des armées aux actions de protection de la nature entreprises sur ces territoires.
Si cette participation nécessite la fourniture de moyens importants en hommes et en matériels ou présente un caractère de continuité dans le temps, ils soumettront pour accord à l'état-major intéressé les éléments, notamment financiers, d'une convention à établir avec les autorités responsables du parc ou de la réserve.
2.4.2.
A la différence des décrets portant création des parcs nationaux et des réserves naturelles, dont les dispositions s'imposent aux armées, les chartes des parcs naturels régionaux ne peuvent pas réglementer les activités militaires. Il appartient en conséquence aux généraux commandant les régions militaires de veiller dans toute la mesure du possible, en liaison avec les directeurs de parcs à ce que ces activités ne portent pas atteinte au milieu naturel et à l'aspect des lieux.
A cet effet, ils informeront le directeur du parc des manœuvres et exercices qui, par l'importance des moyens mis en œuvre en hommes et en matériels, seraient susceptibles d'avoir des répercussions dommageables sur le territoire protégé. Ils établiront le cas échéant en liaison avec celui-ci des consignes à respecter en ce qui concerne notamment :
le survol des hélicoptères ;
la limitation de bivouacs ;
la limitation des manœuvres terrestres et aériennes, des exercices :
dans l'espace (secteurs fragiles ou d'intérêt récréatif, zones de silence et d'observation…) ;
dans le temps (périodes de forte fréquentation touristique, date de brâme des animaux ou de mises-bas…) ;
les travaux d'organisation de terrain.
Bien que par ailleurs aucune limitation de survol des territoires des parcs naturels régionaux ne soit applicable, il est demandé aux autorités militaires de ne pas faire une utilisation excessive du droit de survol.
Si une partie du domaine militaire est comprise à l'intérieur du territoire d'un parc régional, la réalisation de bâtiments ou d'infrastructures qui ne seraient pas couverts par le secret de défense nationale fera l'objet d'une information du directeur du parc lors de l'élaboration de l'avant-projet.
La création d'un parc régional ne peut en aucun cas créer de servitudes au détriment des armées sur les terrains qui leur sont affectés et qui feront l'objet d'un marquage « zone militaire interdite » sur les documents cartographiques relatifs au parc. Cependant, à la demande du parc, une convention pourra être établie avec le général commandant la région de manière à ce que, sans remettre en cause l'entraînement et l'instruction des troupes, soient protégées certaines zones présentant un intérêt particulier en matière de protection de la nature.
Cette convention pourra aussi prévoir, à titre exceptionnel, la participation des armées aux actions de protection de la nature et d'aménagement du milieu naturel entreprises dans les parcs naturels régionaux.
Les éléments de cette convention seront soumis pour accord à l'état-major ou à l'organisme de l'administration centrale concerné avec copie à la direction des affaires juridiques (mission du domaine et de l'environnement).
3.
La présente instruction, qui sera publiée au Bulletin officiel des armées, annule et remplace l'instruction no 30446/DEF/DAAJC/MD du 28 juin 1976 sur la participation du ministère de la défense à la politique des parcs naturels.
Le ministre de la défense,
Joël LE THEULE.