CIRCULAIRE relative à l'organisation comptable de l'Etat. (Radié du BOEM 410).
Du 15 avril 1981NOR
L'organisation traditionnelle de la tenue de la comptabilité de l'Etat reposait en pratique sur le double enregistrement des écritures par les ordonnateurs et par les comptables sur des registres parallèles, qui étaient périodiquement rapprochés. Cette méthode était adaptée à une époque où prévalaient les procédures manuelles d'exécution des tâches administratives. Elle se trouve désormais dépassée du fait de l'irruption des techniques nouvelles de gestion informatique dans la comptabilité publique.
La prolifération de systèmes d'informatique comptable conçus et développés de manière séparée par chaque administration n'a pas manqué de se traduire, dans l'immédiat, par certains doubles emplois générateurs de surcoûts budgétaires. Plus grave encore, elle comporte, à terme, une menace pour la cohérence et l'unité du système comptable de l'Etat.
Par ailleurs, le système actuel ne permet pas une mobilisation facile et rapide des données comptables, dispersées dans de nombreux fichiers, mobilisation qui est indispensable pour fournir aux divers responsables publics une information synthétique, directement utilisable pour préparer et éclairer leurs décisions.
Sans remettre en cause les principes fondamentaux et les règles de la comptabilité publique, il apparaît donc nécessaire d'organiser les progrès de l'automatisation des comptabilités, en assurant une étroite concertation et coordination entre chaque département ministériel et le ministère du budget, responsable de l'organisation et de la gestion financière et comptable.
A la lumière des propositions contenues dans le rapport que j'avais demandé à M. Dupont et M. Pelissolo, j'ai donc décidé d'entreprendre la modernisation de la comptabilité de l'Etat et d'engager à cette fin un programme de cinq ans pour la mise en place d'une nouvelle organisation comptable.
Cette réforme, conçue pour rationaliser l'organisation et la gestion des systèmes de traitement comptable, à la fois dans les services ordonnateurs et dans les services comptables, permettra, par la généralisation d'une informatisation ordonnée de la comptabilité de l'Etat, une meilleure analyse des activités financières des services publics, la transparence des fichiers comptables et une circulation plus rapide des informations. Ainsi, tant les pouvoirs publics centraux, que les responsables de l'administration territoriale et les gestionnaires de chaque administration, pourront disposer de résultats comptables plus directement utilisables.
Sur le plan juridique, la réforme fait l'objet du décret 81-371 du 15 avril 1981 (1) relatif à la tenue automatisée des comptabilités de l'Etat. La présente circulaire précise les objectifs de cette réforme, les principes d'organisation à mettre en œuvre et leurs conditions d'application.
1. Les objectifs.
Les objectifs de la réforme de l'organisation comptable de l'Etat tiennent compte des possibilités offertes par les développements nouveaux de l'informatique. Ils procèdent également d'une analyse rénovée des besoins auxquels doit satisfaire un système moderne de comptabilité publique.
Les résultats comptables doivent être présentés et rendus disponibles selon des modalités ajustées aux impératifs de la décision et de la gestion.
Sans sous-estimer l'intérêt que peuvent présenter pour l'étude les résultats comptables de l'agent économique qu'est l'Etat, il est clair que la comptabilité doit d'abord être conçue et organisée comme un instrument au service de la décision, qu'elle soit politique ou administrative ; c'est pourquoi il conviendra de donner la priorité aux présentations comptables qui correspondent le mieux aux besoins des différents utilisateurs, et notamment aux besoins qui concernent la décision et la gestion à court terme.
Cette orientation conduit à privilégier, dans un souci d'efficacité, les exploitations intéressant le budget et la trésorerie ; pour l'exécution de la loi de finances, il s'agit d'améliorer le contenu et la présentation des situations de consommation des crédits, notamment dans le domaine de la dépense d'investissement, où le système d'information actuel demeure partiel et disparate et ne permet donc pas toujours d'acquérir une vision précise et exhaustive des conditions d'utilisation des autorisations de programme.
Pour que la comptabilité publique puisse faciliter ainsi la prise de décisions à tous les échelons, il convient de respecter certains principes et certaines disciplines, destinées à assurer la cohérence d'ensemble du système.
Dans cet esprit, l'adaptation de l'organisation comptable devra être menée de manière à assurer notamment :
Une meilleure utilisation des informations comptables, dont la richesse est aujourd'hui mal exploitée.
Les capacités de stockage et de traitement des systèmes informatiques autorisent un enrichissement de l'information comptable traditionnelle par la prise en compte, dès la saisie des données financières de base, des multiples, codes et spécifications qui peuvent caractériser une opération et permettront de diversifier l'exploitation des résultats comptables selon les besoins des différents utilisateurs.
La généralisation de l'automatisation des procédés comptables et, en particulier, la mise en place progressive du réseau interconnecté de télégestion permettront aussi une description comptable plus proche de la réalité juridique et financière. Le nouveau système comptable permettra une représentation plus fidèle, à travers les situations comptables et notamment au cours de l'année, du déroulement de l'action administrative.
Une transparence parfaite des fichiers comptables.
Destinés à être mis à la disposition de l'ensemble des utilisateurs concernés, les fichiers tenus par le réseau des services extérieurs du Trésor devront être plus commodément accessibles pour tous les intéressés. Cette exigence implique non seulement la mise au point des procédures adéquates de consultation et de fourniture d'extraits, mais également une exacte identification des utilisateurs et des domaines auxquels ils doivent avoir accès, ainsi que la définition des garanties de discrétion à l'égard des tiers.
Une meilleure exploitation géographique et fonctionnelle de l'information.
Jusqu'à présent, l'exploitation des résultats comptables a été essentiellement orientée vers la satisfaction des besoins d'information des échelons centraux (gouvernement, parlement, administrations centrales des ministères) ; des progrès doivent certainement être encore obtenus en direction de ces utilisateurs prioritaires, mais il ne faudra pas pour autant négliger les besoins des nouveaux utilisateurs qu'ont fait apparaître l'institution d'organismes et de missions à compétence horizontale et les progrès de la déconcentration administrative. Ainsi l'amélioration de l'information des responsables de l'administration territoriale, qui revêt une importance capitale, pourra être obtenue grâce à la décentralisation systématique de la tenue des fichiers comptables des services du Trésor.
Une accélération de la fourniture des productions comptables aux différents utilisateurs.
L'utilité de la plus grande partie des exploitations comptables dépend de la rapidité avec laquelle les résultats sont mis à la disposition des utilisateurs. Des progrès très substantiels ont déjà été obtenus de ce point de vue, notamment dans la production du compte général de l'administration des finances, qui conditionne le dépôt du projet de loi de règlement. Néanmoins, d'importants délais sont encore nécessaires pour la présentation des diverses situations périodiques. La construction d'un réseau interconnecté de télégestion utilisant les services les plus modernes de télécommunications doit permettre de disposer à tous les échelons d'une image quasi instantanée des opérations financières de l'Etat.
2. Les principes de la nouvelle organisation comptable.
L'organisation de la tenue automatisée de la comptabilité de l'Etat repose sur trois principes essentiels :
la distinction des responsabilités et de l'organisation des tâches, selon qu'il s'agit de la comptabilité générale de l'Etat ou des comptabilités analytiques ou de gestion ;
dans le cas de la comptabilité générale de l'Etat, l'affirmation de la nécessité d'une organisation unifiée et d'une tenue intégrée, qui débouche sur le principe général du fichier unique ;
la vérification permanente du caractère harmonisé des développements de la comptabilité générale d'un côté, et analytique de l'autre.
2.1. La distinction selon le type de comptabilité.
Il convient de distinguer dans l'élaboration des systèmes comptables :
d'une part, la comptabilité générale de l'Etat, qui retrace, aux phases successives de leur exécution, les opérations budgétaires et financières de l'Etat telles que régies par les lois de finances, les règles d'exécution du budget, les dispositions du plan comptable de l'Etat et les diverses nomenclatures officielles.
Le ministre du budget a la responsabilité principale en ce domaine, étant entendu que chaque département doit disposer en temps utile des informations nécessaires à la bonne gestion de ses crédits ;
d'autre part, les comptabilités analytiques ou de gestion, organisées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque administration et non couverts par les développements de la comptabilité générale.
Ces comptabilités sont élaborées et tenues sous la responsabilité du ministre concerné sous réserve du respect de règles générales d'harmonisation avec la comptabilité générale de l'Etat.
La tenue mécanisée des comptabilités analytiques ou de gestion pourra toutefois, si le ministre concerné en exprime la demande, être confiée aux comptables du Trésor, qui agiront alors comme simples prestataires de services.
Relèvent notamment de la comptabilité générale, les comptabilités auxiliaires de la dépense et spéciale des investissements, qui fournissent les résultats détaillés de l'exécution de la loi de finances, présentés selon la nomenclature budgétaire.
Appartiennent, par exemple, à la seconde catégorie les comptabilités analytiques destinées à faire ressortir un coût d'opération ou les comptabilités de subdivision suivies à l'intérieur du service d'un ordonnateur secondaire.
2.2. Le principe d'une organisation unifiée de la comptabilité générale de l'Etat.
Pour assurer la cohérence et l'efficacité de la comptabilité générale, il convient d'adopter une organisation unifiée.
La tenue informatisée de la comptabilité générale de l'Etat doit normalement reposer sur un fichier commun à l'ordonnateur et au comptable. Ce fichier est tenu en règle générale par ce dernier. Selon les cas, l'alimentation de ce fichier pourra être effectuée soit par saisie de données chez le comptable à partir de documents-papier transmis par l'ordonnateur, soit par saisie directe chez l'ordonnateur au moyen d'un terminal relié au centre de traitement du comptable, sous réserve de la validation normale du contrôle.
En tout état de cause, ce dispositif doit entraîner, globalement une importante réduction des tâches de saisie et garantir la validité des informations de base.
Lorsque les services ordonnateurs disposeront d'un équipement informatique et que leurs applications de gestion comporteront des prolongements comptables, il pourra être admis, à titre dérogatoire, que soit constitué et exploité dans ces services un fichier comptable parallèle à celui du comptable. L'analyse de ces situations donnera lieu à un examen conjoint du ministère concerné et du ministère du budget. Il conviendra, en tout état de cause, de ménager une liaison informatique avec l'ordinateur du comptable de manière à assurer la mise à jour automatique et instantanée du fichier tenu par ce dernier selon des normes de raccordement dont les principes généraux seront précisés par le ministre du budget.
La centralisation des informations de la comptabilité générale sera assurée exclusivement par le réseau des comptables du Trésor, de manière à garantir l'unité et la cohérence permanente des comptes de l'Etat. En contrepartie, les fichiers nationaux réunis par l'agence comptable centrale du Trésor seront régulièrement mis à la disposition des services des ministères dans des conditions et des délais adaptés à leurs besoins, de la même manière que les fichiers locaux, communs aux ordonnateurs et aux comptables, seront immédiatement accessibles aux deux partenaires.
En ce qui concerne le traitement automatisé des comptabilités des administrations centrales, les ministères concernés et le ministère du budget examineront les modalités propres à assurer le respect des principes d'organisation de la comptabilité générale de l'Etat.
2.3. Le développement harmonisé des divers projets d'informatique comptable.
L'informatisation des comptabilités analytiques ou de gestion sera mise en œuvre sous la seule responsabilité des services gestionnaires.
Toutefois, lorsqu'un service gestionnaire élabore un projet de système informatique concernant la comptabilité analytique ou de gestion, il convient de s'assurer :
que ce projet respecte bien le principe énoncé plus haut de distinction des responsabilités et de l'organisation des tâches ;
qu'il se fonde sur les données de la comptabilité générale et qu'il s'articule correctement avec ces données ;
qu'il est conforme aux objectifs assignés à la comptabilité analytique et aux modalités de son organisation, tels qu'ils sont fixés soit par le ministre du budget, soit, conjointement, par le ministre du budget et le ou les ministres intéressés.
C'est dans cet esprit que tous les investissements informatiques tendant à instituer ou à modifier la tenue des comptabilités dans les services administratifs (qu'il s'agisse de comptabilité générale, analytique ou de gestion) devra donner lieu à concertation avant d'être soumis à l'approbation conjointe du ministre concerné et du ministre du budget, qui apprécieront si ce projet est conforme aux principes généraux d'organisation générale de la comptabilité de l'Etat rappelés ci-dessus.
En cas de désaccord sur un projet concret, l'affaire sera soumise à une commission de conciliation présidée par un magistrat de la Cour des comptes nommé par mes soins et composée du directeur de la comptabilité publique, du directeur du budget, d'un représentant du ministre intéressé et d'un représentant du ministre de l'industrie. Cette commission rendra un avis à partir duquel les deux ministres devront se mettre d'accord, sauf à recourir, dans les cas les plus difficiles, à mon arbitrage.
Le ministre du budget fixera les modalités pratiques de saisine de la commission de conciliation et, en liaison avec le ministre de l'industrie, l'articulation de la nouvelle procédure avec celle qui se déroule devant les commissions de développement de l'informatique.
Par ailleurs, la nécessaire concertation interministérielle sur les mesures à prendre sera assurée par un comité des utilisateurs réunissant les administrations utilisatrices des informations de la comptabilité générale de l'Etat et présidé par le directeur de la comptabilité publique.
Ce comité, de caractère permanent, sera appelé à se prononcer sur les modalités d'accès des services utilisateurs aux informations comptables et sur les modalités de raccordement des systèmes informatiques des ordonnateurs et des comptables. Il examinera également les conditions dans lesquelles sont satisfaits les besoins des ordonnateurs et les améliorations susceptibles d'être retenues en la matière.
3. La mise en œuvre de la réforme de l'organisation comptable.
Cette réforme sera engagée et mise en place suivant un programme de cinq ans, qui associera étroitement les différents ministères concernés.
Conformément à sa mission d'organisation de la comptabilité de l'Etat, la direction de la comptabilité publique du ministère du budget est chargée de la mise en œuvre du nouveau dispositif de tenue automatisée de la comptabilité de l'Etat, en liaison avec l'ensemble des autres parties prenantes.
La mise en œuvre de cette réforme s'effectuera suivant un échéancier précis et conformément à un « cahier des charges » qui définira les procédures techniques de la nouvelle organisation, dont le développement s'appuiera essentiellement sur l'automatisation du réseau des comptables du Trésor. Enfin, dès à présent, des expérimentations conjointes de tenue automatisée de comptabilité seront étudiées par le ministère du budget et les ministères intéressés.
3.1. L'élaboration d'un « cahier des charges ».
En liaison avec les différents ministères concernés, la direction de la comptabilité publique préparera le plus tôt possible, et en tout cas d'ici la fin de l'année 1981, un « cahier des charges » qui comportera la définition précise des schémas et procédures techniques découlant, selon les divers cas envisageables, de l'application des principes énoncés ci-dessus (modalités de saisie et de contrôle des données comptables, de raccordement des systèmes informatiques, d'accès et de consultation des fichiers…). Les engagements de la direction de la comptabilité publique sur les délais de mise en place de son réseau seront aussi précisés. Les prescriptions à caractère général qui résultent de ce cahier des charges seront fixées par arrêté du ministre du budget ; les conditions particulières d'application à chaque département ministériel seront, le cas échéant, fixées par arrêté conjoint du ministre du budget et du ministre intéressé.
La réalisation de ce « cahier des charges » sera une étape décisive de l'engagement de la réforme.
3.2. L'automatisation du réseau des comptables du Trésor.
Engagée en 1974, l'automatisation de la tenue des comptabilités par le recours au télétraitement au sein des trésoreries générales et recettes des finances s'applique à présent à une forte proportion de ces postes comptables. Elle sera accélérée pour mettre, avant le début de 1983, les comptables de tous les départements en mesure de constituer le fichier comptable de base nécessaire à la réforme et de participer à des expériences de liaison automatisée avec certains services ordonnateurs.
L'achèvement de cette automatisation intermédiaire doit également permettre d'accélérer et d'enrichir les centralisations comptables, afin de compléter le système d'information des échelons centraux (comptabilité des engagements notamment).
Le projet de réseau interconnecté de télétraitement des services extérieurs du Trésor, qui commence à s'implanter sous forme de présérie, sera utilisé en priorité pour la comptabilité de l'Etat, compte tenu de son adaptation aux impératifs de la centralisation comptable.
La direction de la comptabilité publique examinera les possibilités d'exploiter les résultats déjà produits par l'automatisation des trésoreries générales pour mieux informer les services ordonnateurs locaux.
De même seront étudiées à bref délai les possibilités d'offrir à tous les services qui le souhaiteraient l'usage d'un module d'automatisation conjointe minimale de la comptabilité budgétaire de l'ordonnateur et du comptable.
3.3. Les expérimentations conjointes de la phase transitoire.
Sans attendre le déploiement du réseau des services extérieurs du Trésor, toutes les voies d'une amélioration du service comptable doivent être explorées à partir des applications existantes et grâce à des expérimentations décidées et menées conjointement par le ministère du budget et les ministères intéressés.
Dans une première phase, des expériences associant les grandes administrations et les services comptables du Trésor seront engagées. Ces expériences pourront s'étendre, d'une part, à une ou plusieurs circonscriptions territoriales et, d'autre part, à un ou plusieurs services d'administration centrale.
Elles seront suivies sur le plan interministériel par un groupe spécialisé de la commission interministérielle de rationalisation des choix budgétaires.
Enfin, la période transitoire devra permettre de mettre à l'épreuve, avec les ministères les plus avancés dans la voie de l'informatisation de leur gestion, les modalités techniques du raccordement automatisé des fichiers comptables.
J'attends du ministre du budget qu'il donne une vigoureuse impulsion à l'effort d'amélioration des performances du système comptable de l'Etat poursuivi depuis plusieurs années et qu'il développe systématiquement sa mission de prestation de services et d'assistance technique au profit de l'ensemble des administrations.
La réforme doit permettre d'offrir aux gestionnaires des informations plus complètes et mieux adaptées aux besoins qu'ils auront exprimés. Elle permettra également une accélération des centralisations comptables pour répondre au souhait de l'ensemble des utilisateurs.
L'enjeu de la réforme est donc celui du renforcement de l'efficacité administrative. Aussi je vous demande de veiller personnellement à ce que ces nouvelles dispositions soient appliquées dans les meilleures conditions.
Raymond BARRE.