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COMMISSION PERMANENTE DE PUBLICATION ET DE REFONTE DU BULLETIN OFFICIEL DES ARMÉES :

CIRCULAIRE du Premier ministre concernant la loi du 31 décembre 1975.

Du 14 mars 1977
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  120-0.3.2.

Référence de publication : BOC, 1983, p. 389.

LE PREMIER MINISTRE, À MMES ET MM. LES MINISTRES ET SECRÉTAIRES D'ETAT.

1. Objectifs de la loi.

Le législateur s'est proposé de protéger les usagers français au sens le plus large (consommateurs ou utilisateurs de produits, de biens et services, de documents publics et d'informations) contre une mauvaise compréhension qui résulterait de l'emploi, soit de textes exclusivement rédigés en langue étrangère, soit de textes français comportant des termes et expressions étrangers.

La loi rend donc obligatoire l'emploi de la langue française dans les textes écrits et inscriptions, et interdit la présence d'expressions étrangères, lorsqu'il existe des termes français équivalents, dans les domaines suivants :

  • l'offre et la vente de biens et services ;

  • les informations et la présentation des programmes de radio-diffusion et de télévision ;

  • les contrats de travail ;

  • l'usage des lieux, biens ou services publics et la passation des contrats avec une collectivité ou un établissement public.

Il convient de préciser les exigences résultant de l'emploi obligatoire de la langue française :

  • 1. La langue française a annexé, dans le cours des temps, un certain nombre de termes étrangers qui sont entrés dans l'usage courant et dont certains figurent dans les dictionnaires usuels ; ils ne peuvent être admis que s'ils n'ont pas d'équivalent français.

    C'est le cas, par exemple, de termes comme :

    • en matière de denrées alimentaires : beefs-teak ou bifteck, golden (pomme), sandwich, spaghetti, toast ;

    • en matière de produits textiles : blue-jean, short ;

    • en matière de semences : ray-grass.

  • 2. Lorsque le vocabulaire français présente des lacunes, il peut être enrichi suivant la procédure des arrêtés pris en application du décret no 72-19 du 7 janvier 1972(1)

  • 3. Continueront d'être employées les dénominations des produits typiques et spécialités d'appellation étrangère connus du plus large public. On peut citer, à titre d'exemple : chorizo, couscous, gin, merguez, paella, salami, vodka, aquavit.

  • 4. La prohibition frappant les termes étrangers ne peut atteindre les dénominations étrangères protégées en France, dans les mêmes conditions que les appellations françaises, à la suite d'accords internationaux. Citons quelques-unes de ces très nombreuses dénominations : parmesan, gorgonzola, provolone, whisky, etc.

  • 5. Les marques de fabrique ou de commerce et les raisons sociales échappent également à l'application de la loi de 1975.

  • 6. Le texte français peut toujours être complété par une ou plusieurs traductions en langue étrangère.

Territoire d'application.

La loi est applicable sur l'ensemble du territoire français, y compris dans les départements et territoires d'outre-mer.

2. Emploi obligatoire de la langue française dans les opérations relatives à la vente des biens et services.

La premier volet de la loi, constitué par les articles 1 à 3, se différencie des autres, non seulement par ses prescriptions particulières et la définition des infractions, mais aussi par les pénalités et les règles d procédure qu'il emprunte à la loi du 1er août 1905 (2) sur la répression des fraudes.

Il en résulte que ce sont les personnels désignés à l'article 4 du décret modifié du 22 janvier 1919 (3) portant application de la loi de 1905, et notamment les agents de la répression des fraudes et de la direction de la concurrence et des prix, qui assureront les respects des deux lois.

Celles-ci offrent, par ailleurs, d'autres analogies :

  • elles ont un objectif commun qui est l'information et la protection des acheteurs ;

  • elles ont également un domaine d'intervention commun qui est celui des opérations portant sur la présentation et la vente des marchandises.

Champ d'application des dispositions prescrivant l'emploi obligatoire de la langue française.

L'emploi de la langue française est obligatoire dans les transactions concernant les biens et services.

Le mot « biens » désigne les biens mobiliers et immobiliers vendus ou proposés sur le territoire national ; par « services », il faut entendre les services fournis ou proposés sur le territoire national.

Il résulte des termes très généraux employés à l'article 1er de la loi pour définir le champ d'application de cet article que l'emploi de la langue française est obligatoire non seulement pour la rédaction intégrale de tous les documents utilisés dans les transactions (contrats, étiquetages, catalogues, prospectus, bons de commande, de livraison, de garantie, modes d'emploi, attestations d'assurance, titres de transport, certificats de qualité, etc.) mais encore pour le libellé des inscriptions portées sur les emballages et sur les marchandises elles-mêmes ainsi que dans la publicité écrite ou parlée.

Le législateur a, en effet, voulu assurer la protection du consommateur afin qu'il puisse acheter et utiliser un produit, ou bénéficier de services, en ayant une parfaite connaissance de leur nature, de leur utilisation et de leurs conditions de garantie.

En cas de vente sur le territoire national de marchandises étrangères ne satisfaisant pas aux règles imposées aux produits nationaux lors de leur commercialisation, la responsabilité de la violation de ces règles est imputée par la jurisprudence à l'importateur. Comme en matière de répression des fraudes, c'est à l'importateur qui revend en France qu'il appartient de satisfaire aux prescriptions de la loi. Il en est de même de l'exportateur étranger qui procède à une vente directe sur le marché français.

Ne sont pas soumises à ces obligations :

  • les opérations entre exportateurs étrangers et importateurs français ;

  • les relations au sein de groupes de sociétés dont certaines sont établies en France ;

  • les opérations afférentes à l'exportation ou à la réexportation de produits ou de services destinés à des consommateurs hors du territoire national.

Au cas particulier où l'étiquetage des produits importés serait réalisé par des commerçants autres que l'importateur, en vue d'une revente au stade du détail, celui-ci devrait fournir à ces commerçants, sur des documents, la traduction française de toutes les mentions portées sur l'étiquetage original.

3. Emploi obligatoire de la langue française dans les programmes de radiodiffusion et de télévision.

Les mêmes obligations sont imposées à toutes les informations et présentations de programmes de radiodiffusion et de télévision qui ne seraient pas destinées expressément à un public étranger.

4. Emploi obligatoire de la langue française dans les contrats de travail.

Les articles 4 et 5 de la loi ne posent pas de problèmes particuliers d'application. En ce qui concerne le dernier alinéa de l'article 4 (contrat de travail avec un salarié étranger), l'existence d'un contrat type souscrit par l'employeur demandant l'introduction d'un travailleur étranger conduit à apporter les précisions suivantes :

  • l'office national d'immigration remet aux travailleurs recrutés par ses missions une traduction de ce contrat dans la langue du pays d'origine ;

  • des dispositions sont prises, par ailleurs, pour que les travailleurs recrutés dans d'autres pays — non francophones — suivant la procédure consulaire puisse recevoir une traduction de ce contrat dans la langue officielle de leur pays.

5. Emploi obligatoire de la langue française dans les lieux publics.

En ce qui concerne les inscriptions apposées dans les lieux publics, il convient de préciser que les dispositions de la loi visent notamment :

  • quant aux lieux :

    • les voies publiques ;

    • le domaine public maritime et ferroviaire, les aéroports, stations, abris… ;

    • les véhicules de transports en commun et tout autre moyen de transport ou de déplacement exploité sous un régime de droit public ;

  • quant aux personnes : non seulement les autorités publiques propriétaires et responsables de ces lieux publics et leurs concessionnaires, mais aussi toutes les personnes qui y apposent des inscriptions ; sont par conséquent concernés les panneaux ou enseignes ayant un objet d'information ou de publicité situés dans l'emprise du domaine public, qu'ils aient ou non donné lieu à autorisation, ou ceux qui se trouvent à l'intérieur des installations et véhicules concernés par la loi.

Il est rappelé que la responsabilité du respect des dispositions de la loi relatives aux inscriptions dans les lieux publics incombe aux collectivités propriétaires des biens concernés. Il appartiendra à celles-ci d'informer, puis de contrôler leurs concessionnaires.

6. Diffusion des instructions et contrôle de l'application de la loi.

L'article 9 de la loi prévoit que les dispositions des articles premier, 2 et 6 entreront en vigueur à l'expiration du douzième mois suivant cette publication. Ces articles sont donc applicables depuis le 1er février 1977.

Les biens qui avaient été importés avant cette date pourront continuer à être commercialisés sous leur présentation initiale jusqu'à écoulement des stocks. Par contre, les modes de présentation, de publicité, d'emploi, de garantie et autres procédés utilisés dans les transactions concernant les biens importés après cette date, ainsi que les services offerts depuis cette date, doivent être conformes aux prescriptions législatives.

Il convient de manifester une vigilance particulière dans les cas où le délai intervenu depuis la promulgation de la loi était suffisant pour que celle-ci puisse recevoir sa pleine application à la date prévue, par exemple dans le cas de titres de transports (billets d'avion et de bateau notamment), de factures (hôtels, locations d'autos), de garanties, de publicité.

Les administrations prendront les mesures d'application nécessaires et informeront pour exécution les concessionnaires ou exploitants de services publics, tels que la société nationale des chemins de fer français (SNCF) ou Air France.

La présente circulaire sera publiée au Journal officiel de la République française.

Raymond BARRE.