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DIRECTION DES PERSONNELS CIVILS : bureau des pensions civiles

LOI N° 48-1251 portant statut définitif des déportés et internés de la Résistance.

Du 06 août 1948
NOR

Précédent modificatif :  Loi n° 50-729 du 24 juin 1950 (BO/G, p. 2515 ; BO/A, p. 2073) et son erratum du 28 février 1951 (BO/G, p. 368) ; , Loi n° 51-632 du 24 mai 1951 (BO/G, p. 1260 ; BO/A, p. 2046) ; , Loi n° 52-843 du 19 juillet 1952 (BO/G, p. 2500 ; BO/A, p. 1452) ; , Loi n° 53-58 du 3 février 1953 (BO/A, p. 228) , Erratum de classement du 13 mai 2014 : suppression du BOEM 308.2.5.

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  262-0.1.2.1.3., 202.3.2.

Référence de publication : BO/G, p. 2546 ; BO/A, p. 1876 ; [décret d'application n° 49-427 du 25 mars 1949 (BO/A, p. 913)

Contenu.

 

L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE CONSEIL DE LA RÉPUBLIQUE ONT DÉLIBÉRÉ,

L'ASSEMBLÉE NATIONALE A ADOPTÉ,

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE PROMULGUE LA LOI DONT LA TENEUR SUIT :

Art. 1er.

 

La République française reconnaissante s'incline respectueusement devant la mémoire des martyrs de la barbarie nazie et fasciste qui ont contribué à sauver la patrie, salue leurs familles et rend hommage aux rescapés de la Résistance dont elle proclame les droits.

Art. 2.

 

Le titre de déporté résistant est attribué à toute personne qui, pour acte qualifié de résistance à l'ennemi, a été :

  • 1. Soit transférée par l'ennemi hors du territoire national, puis incarcérée ou internée dans une prison ou un camp de concentration ;

  • 2. Soit incarcérée ou internée par l'ennemi dans les camps et prisons du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ;

  • 3. Soit incarcérée ou internée par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi, notamment en Indochine, et sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement réponde aux conditions qui seront fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 17 ci-après.

Art. 3.

 

Le titre d'interné résistant est attribué à toute personne qui a subi, quel qu'en soit le lieu, sauf les cas prévus à l'article 2 ci-dessus, une détention minimum de trois mois pour acte qualifié de résistance à l'ennemi.

Aucune condition de durée ne sera exigée de ceux qui se sont évadés ou qui ont contracté, pendant leur internement, une maladie ou une infirmité, provenant notamment des tortures, susceptibles d'ouvrir droit à pension à la charge de l'État.

Art. 4.

 

Les personnes arrêtées et exécutées pour acte qualifié de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ.

Art. 5.

 

Les prisonniers de guerre, les travailleurs en Allemagne non volontaires qui ont été transférés dans les camps de concentration pour acte qualifié de résistance à l'ennemi, ou leurs ayants cause peuvent, après enquête, dans les conditions qui seront fixées par le règlement d'administration publique prévu à l'article 17 ci-après, bénéficier de la présente loi.

Les travailleurs en Allemagne qui, partis volontairement, auraient été transférés par l'ennemi dans un camp de concentration ou emprisonnés par lui pour acte qualifié de résistance à l'ennemi et leurs ayants cause pourront introduire une requête exceptionnelle auprès du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, qui statuera, après avis d'une commission spéciale constituée dans les conditions prévues à l'article 14 ci-après.

Art. 6.

 

Les déportés et internés résistants et leurs ayants cause bénéficient de pensions d'invalidité ou de décès dans les conditions prévues par l' ordonnance 45-321 du 03 mars 1945

Les déportés et internés titulaires de la carte du combattant bénéficient du statut des grands mutilés prévu par les articles 36 à 40 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre annexé au décret no 47-2084 du 20 octobre 1947

Seront assimilées aux blessures, pour l'application desdits articles, les maladies contractées ou présumées telles par les déportés résistants au cours de leur déportation.

En cas d'infirmités multiples résultant soit de blessures, soit de maladies, soit de blessures associées à des maladies contractées ou aggravées en déportation, l'ensemble des infirmités est considéré comme une seule blessure au regard des articles 8, 36 à 40 du code précité (1)

Les déportés résistants bénéficieront, en outre, de la présomption d'origine pour les maladies, sans condition de délai.

Art. 7.

 

Les déportés et internés visés aux articles 2, 3, 4 et 5 ci-dessus bénéficient de grades d'assimilation attribués par l'autorité militaire et des soldes et accessoires de soldes correspondants, conformément à la réglementation appliquée aux membres des forces françaises combattantes de l'intérieur (FFCI) et de la résistance intérieure française (RIF). Lorsque les déportés résistants sont décédés en déportation, la prime de déportation sera payée aux ascendants, à défaut d'autres ayants cause, sans aucune condition d'âge.

Art. 8 (2).

 

En ce qui concerne les déportés résistants, le temps passé en détention ou en déportation est compté comme service militaire actif dans la zone de combat, dans une unité combattante et donne droit :

  • pour la retraite, au bénéfice de la campagne double jusqu'au jour du rapatriement, augmenté de six mois ;

  • en matière d'avancement d'échelon, à une majoration égale au double du temps passé en détention ou en déportation, jusqu'au jour du rapatriement ;

  • pour les internés résistants, la détention et l'internement sont comptés comme service militaire actif et donnent droit :

    • pour la retraite, au bénéfice de la campagne simple,

    • pour l'avancement d'échelon, à une majoration égale au temps de détention ou de l'internement.

Les majorations prévues aux alinéas précédents n'entrent pas en ligne de compte pour le calcul du temps de service effectif exigé dans le grade inférieur pour postuler le grade supérieur.

En revanche, lorsque ces majorations auront pour effet de porter le fonctionnaire à l'échelon de traitement maximum de sa catégorie, ou lorsqu'elles s'appliqueront à des fonctionnaires déjà en possession de ce traitement maximum, le reliquat des majorations non utilisées ou leur totalité, suivant le cas, seront mis en réserve en vue de leur utilisation ultérieure, après accession à un grade supérieur.

Les rappels et bonifications accordés par le présent article compteront, dans tous les cas, pour l'attribution des décorations.

Le bénéfice des campagnes sera supputé, conformément aux dispositions de l'article 36 de la loi du 14 avril 1924 portant réforme du régime des pensions civiles et militaires. Les maladies contractées par les déportés résistants dans les camps et prisons déterminées à l'article 2 de la présente loi sont assimilées à une blessure de guerre pour l'application du présent alinéa.

Les fonctionnaires ayant au cours de leur déportation ou de leur internement, pour faits de résistance, reçu des blessures ou contracté des maladies ouvrant droit à pension, suivant les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et à la suite desquelles, restés atteints d'infirmités, ils ont été réformés à titre temporaire ou définitif, peuvent être en cas d'indisponibilité constatée mis en congé dans les conditions fixées par l'article 41 de la loi du 19 mars 1928.

Les fonctionnaires, déportés et internés pour faits de résistance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et ayant contracté, au cours de leur déportation ou de leur internement, une maladie ouvrant droit à congé, de longue durée, en vertu du statut général des fonctionnaires, peuvent bénéficier de la prolongation de congé prévue par l'article 93 (alinéa 2) de la loi du 19 octobre 1946.

Les dispositions ci-dessus sont applicables aux militaires.

Art. 9.

 

Un contingent spécial de distinctions dans l'ordre national de la Légion d'honneur et un contingent de médailles militaires sont réservés chaque année aux déportés et internés résistants.

La Légion d'honneur ou la médaille militaire, ainsi que la croix de guerre et la médaille de la Résistance, seront attribuées d'office, à titre posthume, aux déportés résistants disparus et aux internés résistants fusillés ou morts des suites de mauvais traitements.

Art. 10.

 

Il est institué une médaille avec ruban, dite « Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de résistance », qui sera attribuée à toute personne justifiant de la qualité de déporté ou interné résistant, dans les conditions fixées par les articles 2, 3, 4 et 5 de la présente loi.

Cette médaille comportera un ruban distinctif pour les déportés et pour les internés.

L'autorisation du port de cette médaille sera délivrée par le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre.

Art. 11.

 

La carte du combattant est attribuée aux déportés résistants ainsi qu'aux internés résistants, dans les conditions prévues par le décret du 29 janvier 1948 et les textes subséquents.

Art. 12.

 

La restitution à leurs familles des corps des déportés et internés résistants identifiés sera effectuée dans le plus court délai et dans les conditions fixées par la loi du 16 octobre 1946 et les textes pris pour son application.

Le conjoint survivant ou, à défaut, un ascendant ou descendant du disparu pourra aller se recueillir une fois, aux frais de l'État, sur le lieu présumé du crime.

Les modalités de remboursement de ces frais seront fixées par le règlement d'administration publique prévu par l'article 17 ci-après.

Art. 13.

 

Les pertes de biens (3) de toute nature résultant directement de l'arrestation et de la déportation, dont la preuve sera dûment établie, seront intégralement indemnisées. Cette indemnisation ne pourra se cumuler avec les sommes perçues ou à percevoir, pour le même objet, au titre de la législation sur les dommages de guerre.

Les modalités en seront fixées par le règlement d'administration publique prévu par l'article 17 ci-après (4).

Toutefois, les internés et déportés de la Résistance peuvent, sur leur demande, opter pour une indemnité forfaitaire, ce qui les dispensera de toute justification (5)

Art. 14.

 

Les commissions et jurys appelés à statuer sur le cas des déportés ou internés résistants dans le cadre des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 13 et 15 de la présente loi devront obligatoirement comprendre plus de 50 % de membres choisis parmi les déportés et internés résistants.

Art. 15.

 

Les dispositions des articles 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11 de la présente loi seront applicables aux déportés résistants et internés résistants de 1914-1918.

Art. 16.

 

Ne peuvent bénéficier des avantages du présent statut toutes personnes non amnistiées condamnées en application de l'ordonnance du 18 novembre 1944, instituant une Haute Cour de justice et de l'ordonnance du 28 novembre 1944, relative à la répression des faits de collaboration, et de texte subséquents, de l'ordonnance du 26 décembre 1944, portant modification et codification des textes relatifs à l'indignité nationale ou du code de justice militaire.

Sont exclus également du bénéfice du présent statut ceux qui, au cours de leur déportation ou de leur internement, se sont rendus coupables d'activités contraires à l'esprit de la Résistance.

Art. 17.

 

Un décret portant règlement d'administration publique, pris sur la proposition du ministre des finances, du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre, du ministre de la France d'outre-mer et du ministre des forces armées fixera, dans un délai maximum de deux mois, les modalités d'application de la présente loi (6)

Art. 18.

 

La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Paris, le 6 août 1948.

Vincent AURIOL.

Par le Président de la République :

Le président du conseil des ministres,

André Marie.

Le vice-président du conseil, garde des sceaux, ministre de la justice

par intérim,

Pierre-Henri TEITGEN.

Le ministre des finances et des affaires économiques,

Paul Reynaud.

Le ministre de la défense nationale,

René Mayer.

Le ministre de la France d'outre-mer,

Paul Coste-Floret.

Le ministre des anciens combattants et victimes de la guerre,

André Maroselli.