CIRCULAIRE du ministre délégué à l'économie et aux finances relative à l'examen de certains projets de marchés et de marchés par la section des prix de la commission centrale des marchés. (radié du BOEM 430.2.1.1.).
Du 10 février 1978NOR
Le décret no 76-89 du 21 janvier 1976 (1) a modifié et étendu la compétence de la section des prix de la commission centrale des marchés définie par l'article 7 du code des marchés publics. Cette section est désormais appelée à me proposer son avis sur les projets de marchés :
qui posent des problèmes au regard de la réglementation des prix ;
dont les prix sont anormaux par rapport à ceux pratiqués ou aux besoins à satisfaire ;
ou pour lesquels la concurrence ne paraît pas avoir joué de façon satisfaisante.
La présente circulaire se substitue à la circulaire no 1136/SG du 24 janvier 1973 relative à l'action sur les prix dans les marchés publics de l'État et des établissements publics nationaux à caractère administratif.
1. Les cas d'intervention de la section des prix de la comission centrale des marchés.
Les affaires concernées sont celles visées à l'article 7 du code des marchés publics.
La section des prix ne doit en aucune manière se substituer à la personne responsable d'un marché ni aux autorités de contrôle.
Elle a pour rôle d'aider, le cas échéant, cette personne responsable à obtenir les meilleures conditions de la part des entreprises avec lesquelles elle envisage de conclure le marché.
Elle ne doit donc être saisie que lorsque cette personne responsable a mis en œuvre, éventuellement après avis des autorités de contrôle, tous les autres moyens permettant d'aboutir à un juste prix ou de faire jouer normalement la concurrence.
Les trois chefs de saisine sont analysés ci-après :
A. Problèmes au regard de la réglementation générale des prix
Ce cas concerne les projets de marchés pour lesquels, indépendamment de toute appréciation sur le rapport qualité-prix, ceux-ci excèdent les limites résultant de l'application de la réglementation des prix. Il peut principalement se présenter dans les périodes où ladite réglementation impose, sur le plan général, de strictes limitations (par exemple : blocage de prix ou de marges au niveau atteint à une date déterminée, ou décisions fixant des prix-limites pour des produits ou des services).
Lorsque le régime est moins astreignant, des problèmes de cette nature sont néanmoins susceptibles de se poser à l'égard des produits et services pour lesquels la réglementation, soit définit le mode de calcul des prix-limites ou les conditions de révision (principalement pour les produits spéciaux fabriqués sur devis ou de fabrication répétée), soit institue des modalités de concertation ayant pour but de maintenir dans certaines limites l'évolution des prix (par exemple : engagements de modération, conventions nationales ou locales).
B. Prix anormaux
1. Le cas le plus fréquent est celui du prix anormalement élevé et il peut se rencontrer dans les deux hypothèses suivantes :
a). Le prix anormalement élevé résulte de la position de force du fournisseur.
Il en est ainsi en particulier :
dans le cas où un fournisseur semble abuser de sa position de titulaire déjà en place ou de son monopole technique ou commercial ;
dans le cas où l'action concertée d'un groupe de fournisseurs a pour conséquence le maintien, évident ou présumé, de niveaux de prix élevés ;
lorsque la concurrence joue dans une ambiance de tension générale ou locale.
L'anomalie du prix peut se manifester alors par :
l'« actualisation » automatique d'un prix de référence vieux de plusieurs années par utilisation d'une formule paramétrique (dont les imperfections sont nécessairement aggravées du fait de la longueur de la période concernée), ou un rabais jugé insuffisant sur ce prix « actualisé » ;
un niveau des prix nationaux nettement supérieur au niveau des prix étrangers pour la prestation concernée ;
des majorations de prix brutales après assouplissement de la réglementation ou mise en liberté des prix ;
l'application de marges commerciales brutes hors de proportion avec les services rendus, notamment dans le cas des importateurs concessionnaires exclusifs ;
des propositions de rabais jugées insuffisantes, dans le cas d'octroi au titulaire d'un marché en cours d'exécution de commandes supplémentaires non prévues initialement.
Lorsque, dans de telles éventualités, le service se heurte à une intransigeance évidente de la part de ses interlocuteurs, la section des prix peut être saisie.
b). Le prix anormalement élevé résulte de méthodes d'achat défectueuses.
Il peut s'agir ici :
d'exigences inhabituelles ou trop rigoureuses de la part de l'utilisateur ;
de la dispersion ou de la mauvaise organisation des commandes ;
de la passation des marchés dans des conditions de temps inopportunes (époque de lancement de la consultation, délai de réception des offres, délais et cadence d'exécution).
Les autorités de contrôle doivent examiner ces anomalies et rechercher à y remédier en suggérant :
la référence à des spécifications techniques courantes, et en particulier à celles qui résultent des décisions des groupes permanents d'étude des marchés ;
la recherche de prestations de substitution ;
l'emploi des méthodes d'allotissement et de regroupement, des tranches conditionnelles, des marchés à commandes ;
le recours à une nouvelle procédure de consultation en vue de faciliter ou d'élargir la concurrence ;
l'aménagement des délais ou des cadences d'exécution de la commande.
En cas d'échec dans la mise en place des remèdes mentionnés ci-dessus, la saisine de la section des prix permet d'exercer un recours contre le service acheteur ou l'utilisateur des prestations en cause.
2. Le cas du prix anormalement bas est plus exceptionnel, mais cette éventualité doit être envisagée, car elle comporte des origines et des conséquences tout à fait différentes.
Il y a d'abord lieu de noter qu'une telle circonstance ne se rencontre normalement pas dans la procédure de négociation engagée avec un seul fournisseur ; si cela se produisait, en effet, il appartiendrait à ce fournisseur de reprendre les pourparlers avec la personne responsable du marché, sans que la section des prix ait à intervenir à cette étape du projet.
Il ne peut donc s'agir, en dehors de cas tout à fait exceptionnels, que d'un projet de marché à conclure après une procédure « formaliste » de mise en jeu de la concurrence.
a). Si le prix est anormalement bas du fait que le candidat le moins-disant a commis une erreur évidente dans l'établissement de son offre, la personne responsable du marché a toute liberté — sauf dans le cas, devenu exceptionnel, de l'adjudication — pour provoquer les mises au point jugées nécessaires ou pour écarter d'office une proposition peu sérieuse ; l'intervention de la section des prix ne saurait alors être demandée.
b). Dans les autres cas, les prix anormalement bas peuvent avoir, l'expérience l'a montré, des conséquences néfastes, soit au stade de l'exécution de la prestation, soit par l'élimination — parfois irréversible — des entreprises sérieuses ; dans ce dernier cas, l'administration risque de se trouver en face d'un fournisseur devenu unique et qui ne manquerait pas de se dédommager, lors des commandes ultérieures, de son sacrifice initial.
Dans de telles hypothèses, la personne responsable du marché peut encore écarter de sa propre initiative (exception faite de la procédure de l'adjudication), mais en respectant les procédures éventuellement mises en place à cet effet dans son administration, une proposition entrant dans cette catégorie, par conséquent sans être tenu pour sa part de soumettre le projet de marché ainsi écarté à l'examen de la section des prix ; la personne responsable devra bien évidemment indiquer dans son rapport de présentation accompagnant le projet de marché à conclure avec l'entreprise retenue les raisons pour lesquelles elle a cru devoir rejeter l'offre apparemment la plus intéressante. Au vu de ce rapport, les autorités de contrôle pourront saisir la section des prix de ce projet de marché si elles estiment que le prix proposé revêt un caractère anormalement élevé.
Si au contraire la personne responsable du marché décide d'accepter l'offre présumée anormalement basse, le projet de marché pourra être déféré pour ce motif à la section des prix.
C. La concurrence ne paraît pas avoir joué de façon satisfaisante
1. Présomption d'entente.
La personne responsable du marché ou les autorités de contrôle ont de sérieuses raisons de présumer que les candidats se sont concertés :
Cette action a pour conséquence, en général, l'obtention d'un prix anormalement élevé, cas qui justifie la saisine de la section des prix dans les conditions qui ont été indiquées au paragraphe B-1-α ci-dessus.
Dans cette éventualité, indépendamment de la suite qui aura été réservée à l'avis formulé par la section des prix sur le projet de marché en cause, je prendrai les dispositions nécessaires pour déférer le dossier à la commission de la concurrence créée par la loi no 77-806 du 19 juillet 1977 (2).
2. La personne responsable du marché a, sans justifications suffisantes, négocié avec un fournisseur prétendu unique. Dans ce cas, les autorités de contrôle peuvent ne pas être en mesure de se faire une opinion sur le niveau des prix figurant au projet de marché, soit parce qu'il n'est pratiquement pas possible de procéder à des comparaisons ou analyses de prix, soit parce qu'une étude de coût sérieuse ou approfondie n'aura pas été effectuée.
La saisine de la section des prix peut alors être envisagée.
3. La procédure de consultation adoptée par la personne responsable du marché n'a suscité qu'un nombre de candidatures ou d'offres jugé insuffisant ; ici encore, le niveau des prix proposés ne peut pas être correctement apprécié.
La solution du paragraphe précédent peut également être retenue.
4. La procédure de mise en jeu de la concurrence semble avoir été entachée d'irrégularité, soit vis-à-vis des principes fixés par le code des marchés publics, soit eu égard aux textes réglementaires pris conformément aux directives du conseil des communautés européennes.
Dans une telle hypothèse, ce n'est pas nécessairement le niveau du prix retenu qui peut être mis en question ; il s'agit alors du non-respect des règles de l'équité, qui sont fondamentales dans le domaine des commandes publiques.
Là encore, la section des prix peut être saisie du dossier, réserve faite des suites qui pourraient être envisagées au titre des interventions de la brigade d'enquête créée par l'article 221 bis du code des marchés publics.
2. Modalités de saisine de la section des prix.
A. Cas des affaires pouvant faire l'objet d'un examen par une commission des marchés.
Sont visées ici les affaires adressées aux commissions spécialisées des marchés ou aux commissions des marchés auprès des entreprises publiques, pour un examen sélectif ou systématique.
Il est souhaitable que, chaque fois que la réglementation en donne la possibilité, les projets de marchés dont la section des prix est susceptible d'être saisie soient d'abord examinés par la commission compétente. Le plus souvent en effet, les problèmes de prix ou de concurrence peuvent être réglés au niveau de la commission par la recommandation au service acheteur de reprendre la procédure ou par la formulation de réserves.
Il peut cependant apparaître nécessaire de saisir la section des prix. La saisine peut être demandée par la commission, son président, la personne responsable du marché ou son représentant, le contrôleur financier ou le contrôleur d'État ou leur représentant, le directeur général de la concurrence et des prix ou son représentant, le secrétaire général de la commission centrale des marchés ou son représentant.
La conclusion du marché est alors différée jusqu'à notification de la décision prise conformément à l'article 9 du code des marchés publics.
B. Cas des affaires ne pouvant faire l'objet d'un examen par une commission.
Les affaires concernées sont les projets de marchés dont l'examen par une commission n'est pas prévu et qui posent un des problèmes prévus par l'article 7 du code des marchés publics.
Elles sont soumises au secrétaire général de la commission centrale des marchés.
1. S'il s'agit d'un marché à conclure au nom de l'État ou d'un établissement public national à caractère administratif, l'initiative peut être prise par la personne responsable du marché concerné, par le contrôleur financier auprès de l'ordonnateur principal ou secondaire, ou, le cas échéant, par le préfet appelé à en connaître, et, dans cette dernière hypothèse, sur la proposition du représentant local du directeur général de la concurrence et des prix.
2. S'il s'agit d'un marché à conclure par une entreprise publique, l'initiative peut être prise par la personne responsable du marché ou par le contrôleur d'État auprès de cette entreprise.
Le secrétaire général de la commission centrale des marchés décide alors, en liaison avec le directeur général de la concurrence et des prix, de saisir, si nécessaire, la section des prix. Il informe par écrit de sa décision la personne responsable du marché.
La conclusion du marché est différée jusqu'à cette décision si le projet de marché n'est pas soumis à la section des prix, et jusqu'à la notification de la décision prise conformément à l'article 9 du code des marchés publics, si le projet de marché est déféré à la section des prix.
3. Nature de l'avis formulé par la section des prix et suite donnée à cet avis.
Lors de l'examen d'une affaire qui lui a été déférée, la section des prix peut délibérer sur l'ensemble des points pour lesquels l'article 7 du code des marchés publics lui a donné compétence.
Il en résulte que l'avis qu'elle doit m'adresser peut porter, non seulement sur la licéité ou l'anomalie des prix proposés et sur la mise en jeu de la concurrence, mais encore sur tous les facteurs qui ont concouru à la situation constatée : spécifications techniques retenues, délais et cadence d'exécution ou de livraison, absence de marchés préalables de définition ou d'étude, pratique des agréments ou homologations préalables, etc.
L'avis de la section des prix est soumis à mon approbation ; la décision prise est notifiée par le secrétaire général de la commission centrale des marchés à l'autorité intéressée.
Cette décision est exécutoire pour la personne responsable du marché conformément à l'article 9 du code des marchés publics.
Les autorités intéressées font connaître à la commission centrale des marchés (section des prix) la suite donnée au marché tant en ce qui concerne les prix que les autres points de la décision (art. 16 du code des marchés publics).
4. Modalités de saisine à postériori de la section des prix.
Dans les cas exceptionnels où il ne paraîtrait pas opportun de retarder la procédure de passation d'un marché par la saisine de la section des prix, il n'y aurait que des avantages à ce que cette section soit saisie a posteriori, pour autant que l'affaire évoquée puisse servir d'exemple permettant d'éviter le renouvellement des erreurs constatées.
Dans cette hypothèse, l'avis de la section des prix est notifié directement à l'autorité intéressée en application de l'article 16 du code des marchés.
Le marché examiné étant déjà notifié il n'y a pas de suite en ce qui le concerne, mais les autorités concernées doivent faire connaître, comme dans le cas précédent, les mesures prises ou envisagées pour mettre fin aux pratiques relevées.
Je vous serais particulièrement obligé de porter la présente circulaire à la connaissance des personnes responsables des marchés de votre département, des établissements publics nationaux et des entreprises publiques dont vous avez la tutelle.
Le ministre délégué à l'économie et aux finances,
Robert BOULIN.