CIRCULAIRE N° 165/SS relative à l'application du décret n°47-2201 17 novembre 1947 (A)(silicose professionnelle).
Du 26 mai 1948NOR
1. Contenu
LE MINISTRE DU TRAVAIL ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE,
à MM. les présidents des conseils d'administration des caisses primaires et des caisses régionales de sécurité sociale.
S/le couvert de MM. les directeurs régionaux de la sécurité sociale.
à MM. les présidents des conseils d'administration des sociétés de secours minières et des unions régionales des sociétés de secours minières.
S/le couvert de MM. les ingénieurs en chef des mines,
En communication :
à MM. les inspecteurs divisionnaires du travail et de la main-d'œuvre,
MM. les directeurs départementaux du travail et de la main-d'œuvre,
MM. les médecins inspecteurs du travail spécialisés en matières de pneumoconioses.
2. Contenu
Le caractère très particulier de la silicose considérée comme maladie professionnelle avait justifié l'adoption, par l'ordonnance du 2 août 1945, de certaines dispositions dérogatoires aux règles inscrites dans les législations alors en vigueur sur la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
De même, le décret no 47-2201 du 17 novembre 1947 a fixé les dispositions spéciales d'application à la silicose professionnelle de la loi du 30 octobre 1946 (1) sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.
3. Portée du décret du 17 novembre 1947
Le décret se borne à fixer les modalités d'application de la loi adaptée à la silicose ; sur tous les points non visés par ce décret les dispositions générales légales et réglementaires doivent recevoir application.
Les modalités particulières d'application ainsi fixées ont, bien entendu, le même point de départ que la loi elle-même. Il n'y a d'ailleurs pas eu solution de continuité puisqu'il vous avait été indiqué au moment de la mise en application de la loi du 30 octobre 1946 que celles des dispositions de l'ordonnance 2 août 1945 (2) qui n'étaient pas incompatibles avec le régime nouveau de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, seraient reprises dans le décret.
4. Détermination de la date de la première constatation médicale de la silicose
Aux termes de l'article 70 de la loi du 30 octobre 1946« en ce qui concerne les maladies professionnelles, la date de la première constatation médicale de la maladie est assimilée à la date de l'accident ».
En présence d'une maladie à évolution lente comme la silicose, il convenait de préciser ce que l'on doit entendre par « première constatation médicale de la maladie ». L'article 3 du décret du 17 novembre 1947, sur lequel j'appelle spécialement votre attention, donne de cette expression une définition très précise : « … la date de la première constatation médicale de la maladie est celle de la première constatation, dont la date est connue avec certitude par le médecin traitant, de l'une des maladies énumérées au tableau de la silicose professionnelle, sous réserve de l'avis émis par le médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses, conformément aux dispositions de l'article 8 ci-après. »
Il faut donc que quatre conditions soient réalisées :
a). Qu'il s'agisse d'une première constatation médicale ;
b). Que la date en soit connue avec certitude, c'est-à-dire que cette constatation ait été consignée, à l'époque, dans un document médical, ordonnance, rapport, certificat…, accompagné ou non d'une radiographie, document portant mention de sa date. La date de la première constatation médicale ne peut être fixée à posteriori ;
c). Que cette constatation, ainsi caractérisée et située dans le temps, porte expressément sur l'une des maladies énumérées au tableau de la silicose professionnelle. Seule la constatation de la maladie professionnelle en tant que telle et non la constatation d'un état pathologique quelconque peut être regardée comme première constatation médicale au sens de l'article 3 du décret du 17 novembre 1947. Toutefois, il convient d'observer que le texte n'exige pas que cette constatation comporte une affirmation absolue de l'existence de la silicose. Répondrait à la définition donnée par le texte, l'avis exprimé par le médecin traitant, par exemple, que le malade « paraît être atteint de silicose, sous réserve du résultat d'examens complémentaires » qu'il prescrit ;
d). Enfin, que l'avis du médecin traitant soit confirmé par le médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses, qui procède obligatoirement à l'examen de la victime, conformément aux dispositions de l'article 8 du décret.
5. Délimitation entre l'ancien et le nouveau régime
Toutes les fois que la date de la première constatation médicale, répondant aux conditions ci-dessus rappelées, est antérieure au 1er janvier 1947, les droits de la victime demeurent intégralement régis par les dispositions de l'ordonnance du 2 août 1945 et de la législation générale sur les accidents du travail et des maladies professionnelles alors en vigueur. La réparation en incombe à l'employeur ou aux employeurs responsables sans que l'organisme de sécurité sociale ait à intervenir (art. 19 du décret du 17 novembre 1947). Si cet organisme a été saisi à tort d'une déclaration pour un tel cas, il doit la retourner immédiatement à l'intéressé en lui faisant connaître qu'il lui appartient, pour obtenir réparation, de déposer sa déclaration à la mairie du lieu du dernier emploi l'ayant exposé au risque de silicose.
Si, au contraire, la « première constatation médicale », au sens ci-dessus précisé, est postérieure au 31 décembre 1946, même si elle intervient après une longue période de soins au cours desquels l'existence de la silicose n'avait pas été décelée, la loi du 30 octobre 1946 est applicable et il appartient à la caisse de sécurité sociale ou à l'organisme du régime spécial de sécurité sociale de donner suite à la déclaration.
J'insiste particulièrement sur ce point, qui a donné lieu, surtout avant la parution du décret du 17 novembre 1947, à des erreurs d'interprétation. Ainsi, dans l'exemple suivant : un assuré a interrompu son travail au cours de l'année 1946 et reçu des soins pour « bronchite » ou autre affection des voies respiratoires, en 1947 il a subi des examens radiographiques ayant permis de diagnostiquer la silicose, la caisse intéressée estimant, de l'avis de son médecin-conseil, que la maladie professionnelle existait avant le 1er janvier 1947 a cru devoir rejeter la demande. Une telle position est absolument contraire aux dispositions légales et réglementaires ; dès lors, je le répète, qu'aucune constatation médicale de la silicose professionnelle n'a été faite avant le 1er janvier 1947 et que le diagnostic de cette maladie a été porté pour la première fois après cette date, la maladie relève exclusivement du nouveau régime.
6. Délais
Trois délais se combinent en matière de réparation des maladies professionnelles et, pour la silicose, s'ajoute un quatrième délai :
a). Délai de quinzaine à partir de la cessation du travail pour faire la déclaration (art. 73 de la loi du 30 octobre 1946).
b). Délai de prise en charge fixé par chacun des tableaux annexés au décret 46-2959 du 31 décembre 1946 (3) (art. 71, dernier alinéa de la loi susvisée).
c). Délai de prescription des droits aux prestations et indemnités (art. 78 de la même loi).
d). Délai d'exposition au risque (art. 5 du décret du 17 novembre 1947).
Nous donnerons sur chacun d'eux quelques indications.
6.1. Délai imparti aux travailleurs pour faire sa déclaration accompagnée de deux certificats médicaux.
Ce délai est de quinze jours à compter de la cessation du travail et la déclaration doit être faite même si la caisse a été déjà informée de l'état de l'intéressé au titre de l'assurance maladie. Cette dernière situation se présente fréquemment en matière de silicose.
Il est bien évident que, dans ce cas, le délai de quinzaine a pour point de départ la date de la première constatation médicale de la silicose. On ne saurait en effet faire grief au malade de n'avoir pas déclaré comme maladie professionnelle une affection dont il ignorait qu'elle eût ce caractère.
Aucune déchéance ne sanctionne la non-observation du délai de quinzaine.
6.2. Délai de prescription.
Sauf la substitution de la date de la première constatation médicale au sens précisé ci-dessus, à celle de l'accident, les dispositions de l'article 78 de la loi du 30 octobre 1946 s'appliquent à la silicose sans appeler de remarque spéciale.
6.3. Délai de prise en charge.
C'est le délai pendant lequel doit avoir lieu la première constatation médicale de la maladie ; il a pour point de départ la date de cessation d'exposition au risque et pour durée : cinq ans (tableau no 25 annexé au décret du 31 décembre 1946 ) ou dix ans dans les cas prévus à l'article 18 du décret du 17 novembre 1947.
De la combinaison du délai de prescription et du délai de prise en charge, il résulte que les organismes de sécurité sociale peuvent être amenés à indemniser des cas de silicose déclarés plus de cinq ans (ou de dix ans) après la cessation du travail dangereux, à la condition que la première constatation médicale de la silicose ait été faite avant l'expiration de ce délai de cinq ans (ou de dix ans).
6.4. Délai d'exposition au risque.
Le droit à une rente est subordonné pour la victime ou, éventuellement, ses ayants droit à la justification qu'elle a été occupée à des travaux énumérés au tableau de la silicose professionnelle pendant au moins cinq ans. Le délai peut être discontinu et les employeurs différents ; il s'obtient par totalisation de date à date de toutes les périodes de travail dangereux, au sens du tableau no 25. La déclaration faite à l'organisme de sécurité sociale doit contenir toutes les précisions utiles à cet effet (art. 4 du décret du 17 novembre 1947). Il y aurait intérêt à ce que les organismes de sécurité sociale intéressés mettent à la disposition des établissements dont le personnel est exposé au risque de silicose, outre les formules de déclaration (modèle S. 6100), des questionnaires complémentaires permettant à la victime d'annexer, le cas échéant, à sa déclaration les renseignements exigés sur les divers emplois occupés.
Le délai de cinq ans peut être réduit à deux ans s'il est constaté par le médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses ou, en cas de contestation, par l'expert, « que la victime est atteinte de silicose nette à manifestation fonctionnelle précoce ».
Dans tous les cas où il serait justifié d'une durée d'exposition au risque inférieure à cinq ans, mais supérieure à deux ans, le médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses, saisis conformément à l'article 8 du décret du 17 novembre 1947, devra exprimer son avis sur ce point.
7. Particularités de la réparation
7.1.
Exclusion des prestations et indemnités de l'incapacité temporaire (sous réserve de ce qui est dit plus loin au sujet de la réadaptation fonctionnelle).
La silicose, maladie à évolution lente, ne donne pas lieu, habituellement, à des manifestations aiguës temporaires. C'est en raison de ces considérations d'ordre médical que l'article 5 du décret du 17 novembre 1947 (comme, avant le 1er janvier 1947, l'art. 4 de l'ordonnance du 2 août 1945) décide que les maladies énumérées au tableau de la silicose professionnelle ne donnent pas lieu au paiement, par les organismes de sécurité sociale intéressée, des indemnités et prestations de l'incapacité temporaire, c'est-à-dire des indemnités journalières, des frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et accessoires.
Seuls les frais d'hospitalisation correspondant à la mise en observation dans un établissement hospitalier, prescrite par le médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses, sont, le cas échéant, à la charge de l'organisme de sécurité sociale intéressé (art. 9 du décret du 17 novembre 1947).
Si de telles manifestations aiguës temporaires se produisent chez un malade atteint de silicose, elles ne peuvent légalement être rattachées à cette maladie professionnelle ; elles donnent lieu à l'application de l'assurance maladie si les conditions requises se trouvent remplies.
Mais une confusion ne doit pas s'établir à cette occasion entre les deux régimes : le malade exclusivement atteint de l'une des maladies énumérées au tableau de la silicose professionnelle ne saurait se voir attribuer les indemnités journalières de l'assurance maladie, dans l'attente par exemple de la décision à intervenir sur le droit à une indemnité de changement d'emploi ou à une rente. Il importe donc, en la matière, que la plus grande diligence soit faite par tous ceux, organismes de sécurité sociale, inspecteurs du travail, ingénieurs des mines, médecins-inspecteurs du travail spécialisés en matière de pneumoconioses, qui concourent à l'application des différentes dispositions légales et réglementaires.
Les opérations successives prévues pour aboutir à la liquidation des droits doivent se dérouler dans les délais strictement fixés. J'appelle tout particulièrement votre attention sur cette nécessité impérieuse.
7.2.
L'article 9 du décret du 17 novembre 1947 précité n'exclut pas les victimes de la silicose du bénéfice de la réadaptation fonctionnelle et de la rééducation professionnelle. Ces prestations leur sont accordées, s'il y a lieu, dans les conditions générales.
7.3. Indemnités de changement d'emploi.
7.3.1.
Les articles 6 et 7 du décret précisent les conditions et modalités de son attribution, l'article 11, celles de l'imputation éventuelle d'une fraction de cette indemnité sur les arrérages de la rente venant à être due ;
7.3.2.
Afin de répondre aux questions qui m'ont été posées, je précise, sous réserve de l'appréciation des juridictions de sécurité sociale compétentes, que :
l'indemnité de changement d'emploi ne saurait être attribuée lorsque ce changement a eu lieu avant la première constatation médicale de la maladie ;
l'indemnité de changement d'emploi n'est pas due aux ayants droit de la victime lorsque celle-ci vient à décéder après que son droit à indemnité a été constaté, mais avant d'avoir effectivement quitté son emploi et, par conséquent, d'avoir reçu le premier paiement de l'indemnité.
En effet, seul le changement effectif d'emploi peut donner lieu à la mise en paiement de l'indemnité. Si le décès est consécutif à la silicose et que les conditions de délai d'exposition au risque et de délai de prise en charge soient remplies, les ayants droit peuvent obtenir une rente dans les conditions générales ;
7.3.3.
En vertu de l'article 32 du décret no 45-0179 du 29 décembre 1945 (4), modifié par celui du 14 juin 1947 (5), la période pendant laquelle l'assuré bénéficiaire d'une indemnité de changement d'emploi s'est trouvé effectivement sans emploi est assimilée à une période de chômage constaté pour la détermination ultérieure du salaire de base des indemnités journalières de maladie.
Il convient d'adopter la même règle pour l'application de l'article 105, 2e alinéa, du décret 46-2959 du 31 décembre 1946 , dont le texte sera complété à ce sujet à la faveur d'une modification éventuelle.
7.4. Rente.
Nous avons vu que les cas médicalement constatés pour la première fois après le 31 décembre 1946 sont régis par la loi du 30 octobre 1946. Il en résulte, notamment, que les rentes sont intégralement à la charge des organismes de sécurité sociale sans que ceux-ci puissent exercer un recours à l'encontre des employeurs ayant occupé les victimes pendant la période d'exposition au risque antérieure au 1er janvier 1947.
8. Règlement des honoraires et frais nécessités par l'intervention du médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses.
8.1.
Aux termes de l'article 16 du décret du 17 novembre 1947, les dépenses dont il s'agit sont supportées, selon le cas, soit par la caisse primaire ou la caisse régionale de sécurité sociale, soit par l'organisation spéciale de sécurité sociale dont relève la victime. Il convient d'observer, d'autre part, que le certificat du médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses ainsi que le dossier doivent être adressés, par ce dernier, soit à la caisse primaire de sécurité sociale (art. 8 du décret), et cela même lorsqu'il s'agit d'une demande en révision (art. 12 du décret), soit à l'organisation spéciale de sécurité sociale (société de secours minières).
Il en résulte que, dans le régime général, la caisse primaire de sécurité sociale doit régler ces frais dans tous les cas et dès réception des notes d'honoraires ou factures.
Elle n'en supporte définitivement la charge que si les frais exposés sont afférents à l'attribution d'une indemnité de changement d'emploi, que celle-ci ait été effectivement allouée ou non à la victime. Lorsqu'il s'agit de l'attribution d'une rente, les frais sont remboursés à la caisse primaire par la caisse régionale.
Toutefois, les frais d'hospitalisation de la victime mise en observation sont toujours à la charge de la caisse primaire de sécurité sociale ainsi que le prévoit expressément l'article 9 déjà cité.
En ce qui concerne le régime spécial de sécurité sociale dans les mines, il convient, pour l'application des trois alinéas qui précèdent, de substituer respectivement : société de secours minière et union régionale à : caisse primaire et caisse régionale de sécurité sociale.
8.2.
Le tarif des honoraires dus au médecin inspecteur du travail spécialisé en matière de pneumoconioses a été fixé par l'arrêté du 15 mars 1948 (J.O. du 4 avril 1948).
Je vous demanderais de bien vouloir, le cas échéant, me tenir informé des difficultés que vous rencontreriez pour l'application des dispositions relatives à la réparation de la silicose professionnelle.