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DIRECTION DES STATUS, DES PENSIONS ET DE LA RÉINSERTION SOCIALE :

CIRCULAIRE N° 75/DEF/SGA/DSPRS/DIR/XR/AL relative à l'application du décret du 10 janvier 1992 (BOC, p. 4651 ; BOEM 364-0*)modifiant le chapitre des troubles psychiques de guerre du guide-barème des invalidités.

Du 18 juillet 2000
NOR D E F D 0 0 5 2 3 2 9 C

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  263-0.3.5.

Référence de publication : BOC, 2000, p. 4663 .

Le décret du 10 janvier 1992 modifie le guide-barème des invalidités, applicable au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en ce qui concerne l'évaluation et l'indemnisation des troubles psychiques de guerre pour les ayants droit du code.

Il traite principalement du psychosyndrome traumatique (ou névrose traumatique) ; mais il mentionne aussi d'autres affections psychiatriques dont l'imputabilité à la guerre peut être discutée.

Ce décret est particulièrement novateur en ce qu'il aborde pour la première fois le psychosyndrome traumatique, pathologie certes anciennement identifiée, mais qui n'est bien individualisée et décrite dans la nomenclature internationale que depuis le DSM III de 1980 et la CIM 10 (classification internationale des maladies mentales) de 1992.

Prenant en considération les caractéristiques spécifiques de cette affection que sont ses manifestations souvent très différées par rapport à la date de survenue de l'événement traumatisant, le décret a confié aux experts un rôle essentiel dans la démonstration de l'imputabilité.

Après un recul de quelques années depuis la parution de ce décret, et quelques difficultés rencontrées dans l'étude de dossiers « psychosyndrome traumatique », il est devenu souhaitable d'abroger la circulaire no 616/B prise le 6 mars 1992, en application de ce décret.

Le décret n'a pas eu pour objet de modifier les règles générales d'imputabilité :

  • la présomption ne sera que rarement retenue du fait que les manifestations cliniques retardées du psychosyndrome traumatique n'ont pas permis le constat contemporain du fait générateur, qui lui-même est passé souvent inaperçu ;

  • la preuve d'imputabilité prévue à l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, oblige le demandeur à justifier d'un fait de service ou survenu à l'occasion du service, et de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce fait et l'origine de la maladie.

En ce qui concerne le psychosyndrome traumatique de guerre, le fait en cause peut consister en événement unique, au cours duquel le sujet peut avoir vu sa vie menacée, ou avoir assisté à la mort ou à la blessure d'autrui, ou encore avoir été acteur ou témoin d'actes psychologiquement choquants ou horrifiants. Il peut s'agir aussi de l'accumulation d'événements psychologiquement éprouvants, survenus dans des circonstances de guerre, dangereuses, pendant une période plus ou moins prolongée.

Le décret rappelle que le psychosyndrome traumatique « doit être considéré comme une blessure ». Le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre définit les blessures comme des « lésions causées par une action extérieure à l'organisme, en opposition aux maladies » ; le psychosyndrome traumatique résulte bien d'une « blessure » puisqu'il s'agit d'une indiscutable « effraction » de la personnalité psychique de l'individu par un ou plusieurs événements traumatisants extérieurs.

Il convient toutefois de rappeler qu'un même événement potentiellement traumatisant, peut s'avérer effectivement traumatisant pour un sujet et non pour un autre, en fonction des capacités de résistance de chacun et des circonstances d'environnement (encadrement, soutien du groupe…).

Mais la preuve pouvant être apportée par tous moyens, le décret prenant en considération la spécificité du psychosyndrome traumatique et « les difficultés pour l'établissement de la preuve » du fait des « délais d'apparition assez souvent retardés » admet que « l'expertise médicale peut accéder au rang d'élément parfois décisif de preuve, fondée sur la rigueur de l'expertise ».

Rôle de l'expert.

L'expert devra :

  • I.  Etablir un dossier clinique précis et argumenté, aboutissant ou non au diagnostic de psychosyndrome traumatique de guerre.

    Le décret conseille un accueil bienveillant, et plusieurs entretiens longs et répétés (en moyenne trois), car les sujets se confient peu dès le premier examen.

    L'investigation clinique devra rechercher la période de latence qui a suivi le ou les événements traumatisants, le syndrome de répétition, les symptômes non spécifiques (anxieux, phobiques, obsessionnels, psychosomatiques et troubles des conduites), et l'altération de la personnalité après l'impact du traumatisme.

    Dans l'observation clinique l'expert pourra judicieusement noter les symptômes d'anxiété, et les abréactions émotionnelles éventuelles ; il pourra mentionner les circonstances des reviviscences et les contenus des cauchemars, ainsi que leurs relations avec le ou les événements traumatisants.

    Il est souhaitable que ses observations se fassent l'écho de l'intensité émotionnelle de la souffrance psychique du patient.

    Le dossier clinique devra comporter :

    • d'une part, une discussion de diagnostic différentiel éliminant ou non les autres affections possibles (l'imputabilité éventuelle partielle ou totale de ces autres affections mentales mentionnées dans le décret est prévue dans le guide-barème en vigueur) ;

    • d'autre part, une discussion d'évaluation de la souffrance psychique et de la gêne fonctionnelle et sociale, permettant de fixer un taux d'invalidité sur la base de l'échelle mentionnée dans le décret et en fonction des attestations des médecins traitants et des dossiers de suivi médical.

  • II.  Faire préciser le ou les événements traumatisants d'après les souvenirs du sujet, et d'après les pièces communiquées : état signalétique et des services, citations, lettres de témoignages des officiers et camarades.

    Eventuellement, l'expert pourra retracer l'histoire médicale et la filiation des soins d'après les pièces médicales communiquées (billets d'hôpital, certificats, ordonnances).

Rôle du service instructeur.

A partir des travaux d'expertise, le service instructeur sera à même de conclure l'instruction du dossier en recherchant en particulier les éléments du journal de marches et opérations de l'unité pouvant éventuellement corroborer ou infirmer les dires du sujet.

On doit en effet envisager les cas exceptionnels de sujets mythomanes ou de mauvaise foi ; certains pouvant inventer de toutes pièces des faits imaginaires, ou prétendant avoir assisté à des faits réels survenus dans leur unité en leur absence. Dans ces cas là, l'enquête apportant la preuve contraire, l'imputabilité sera rejetée.

Par contre, dès lors que l'expertise sera convaincante, et les faits invoqués estimés vraisemblables et non contredits par l'enquête, l'expertise pourra être considérée comme ayant accédé au rang de preuve.

Le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants,

Jean-Pierre MASSERET.