CIRCULAIRE relative aux règlements de services d'assistance ou de sauvetage rendus par des navires appartenant à l'État.
Du 07 avril 1926NOR
La circulaire du 19 décembre 1918, a posé nettement le principe que la marine militaire, sans négliger les obligations résultant du devoir général d'assistance qui lui incombe, a droit aux mêmes rémunérations ou indemnités qu'un sauveteur quelconque pour les actes d'assistance ou de sauvetage que ses bâtiments peuvent être appelés à accomplir.
En vue de l'application de ce principe, dont les tribunaux ont admis la légitimité, cette circulaire avait classé en sept catégories les diverses formes sous lesquelles l'intervention de la marine pouvait s'exercer.
Cette réglementation avait été plus spécialement établie à l'usage des centres de sauvetage que le département se proposait, à l'époque, d'organiser et d'entretenir, mais ce projet a été abandonné depuis lors. L'expérience a démontré que, d'une façon générale, les règles posées par la circulaire de 1918 étaient trop généreuses et ne procuraient parfois au Trésor que des sommes infimes par rapport à l'importance des services rendus et à la valeur des choses sauvetées ou assistées.
Certains actes postérieurs (et notamment la circulaire du 22 février 1924, complétée par celle du 25 août 1924) ont, il est vrai, précisé que les règles ainsi tracées n'étaient pas impératives et ont prescrit de s'en écarter toutes les fois que leur application rigoureuse pouvait avoir pour résultat d'obtenir une rémunération peu en rapport avec le concours prêté. Il a été recommandé d'appliquer, dans ce cas, le droit commun et de s'inspirer des dispositions contenues, soit dans la loi du 29 avril 1916, soit dans la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 aux termes desquelles la convention des parties ou une décision judiciaire peuvent seules fixer l'indemnité équitable due aux sauveteurs.
Néanmoins, il n'est pas douteux qu'une procédure plus souple et mieux adaptée aux usages commerciaux permettrait un règlement plus rapide et plus efficace des litiges de l'espèce.
Mais, pour que ce résultat puisse être atteint, il importe que les autorités locales se conforment strictement aux prescriptions de la circulaire manuscrite du 16 novembre 1918, qui notifie une addition à l'arrêté du 11 janvier 1910, fixant les attributions des services et la répartition des bureaux de l'administration centrale (décision du 16 novembre 1918). Cette circulaire dont les dispositions n'ont pas été abrogées, stipule que le règlement administratif des opérations d'assistance et de sauvetage doit être poursuivi, non à la diligence des services militaires ou industriels qui ont effectué les opérations, mais par la direction locale de l'intendance maritime (service des approvisionnements de la flotte). Cette direction est chargée de constituer les dossiers au vu des comptes et des rapports circonstanciés établis par ces services et de leur donner la suite qu'ils comportent.
Ces prescriptions qui ont été perdues de vue par certains ports, devront, être scrupuleusement observées à l'avenir.
Par ailleurs, j'ai décidé d'abroger la circulaire précitée du 19 décembre 1918 et de lui substituer les dispositions suivantes.
Les opérations de l'espèce seront désormais conduites et réglées en envisageant les deux hypothèses ci-après :
1. L'opération ne revêt, en aucune façon, le caractère d'une assistance ou d'un sauvetage maritime ; elle constitue seulement la mise en œuvre du matériel de l'État en dehors de toute pression de danger, sur demande spéciale et avec engagement de payer.
Dans ce cas, on applique simplement les tarifs locaux de prêts et cessions. La somme ainsi obtenue est majorée de la part de gratification qui revient à l'équipage, dans les conditions prévues par le barème du tableau I ci-après.
S'il s'agit d'une affaire importante et non urgente, l'autorité locale aura à apprécier l'opportunité de passer un contrat. En toute hypothèse, il devra être convenu que la marine entend se faire rembourser des frais qu'elle aura engagés quel que puisse être le résultat de son intervention.
Sauf impossibilité absolue, les cessions de l'espèce ne seront autorisées qu'après accomplissement des diverses formalités prévues par la circulaire du 18 juin 1922 (engagement écrit sur timbre, provision, caution personnelle et solidaire, etc.).
2. L'intervention de la marine constitue un acte d'assistance ou de sauvetage maritime au sens propre du mot.
Dans la pratique, les opérations de l'espèce ne se prêtent que fort rarement à la rédaction et à la signature d'un contrat préalable. Cette procédure, préconisée par la circulaire du 19 décembre 1918 suppose, en effet, une action mûrement délibérée, suivant une ligne de conduite tracée à l'avance et de sang-froid, avec tout le loisir de la discussion et de la réflexion. Si elle peut et doit être suivie, par exemple, dans le cas d'une tentative de déséchouage d'un navire qui ne court aucun danger, elle ne saurait l'être dans la plupart des véritables opérations d'assistance-sauvetage parce que celles-ci sont presque toujours inopinées et urgentes et parce que, sous la pression des événements, il ne peut s'établir entre les parties qu'un accord de fait.
Par suite, la marine sera généralement amenée à prêter son concours sans qu'un contrat préalable soit intervenu, et ce n'est qu'à l'issue des opérations que devront être fixées les modalités du règlement à intervenir.
Si cependant les circonstances de temps et de lieu se prêtaient à la passation d'un contrat, celui-ci devrait être rédigé en s'inspirant des recommandations qui suivent, c'est-à-dire prévoir qu'à défaut d'un accord immédiat, appuyé de solides garanties, la marine entend recourir au tribunal de commerce pour obtenir les mesures conservatoires utiles en attendant un jugement définitif.
Les conditions dans lesquelles la marine doit exercer ses droits étant basées sur la règle « no cure, no pay », aucune rémunération ne sera demandée si le concours prêté est resté sans résultat utile [§ 2 de l'art. 2 de la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 (BO/M, 1916/2, p. 113 ; BOR/M, 1916, p. 213) et de la loi du 29 avril 1916] [Abrogée par la loi 67-545 du 07 juillet 1967 modifiée (BOC/M, p. 806)].
Au contraire, si un résultat est acquis les autorités locales après avoir demandé au capitaine du navire secouru la reconnaissance par écrit du service rendu, auront à faire toute diligence pour réunir les divers éléments qui doivent servir de base pour la détermination de l'indemnité globale à réclamer à la partie adverse. (Les frais exposés ne doivent pas faire l'objet d'une demande séparée, mais doivent être compris dans le montant global de cette indemnité.)
Comme cette indemnité doit être en rapport direct avec les divers éléments d'appréciation énumérés à l'article 8 des deux textes précités, il importe de recueillir au plus vite tous renseignements utiles sur chacun de ces éléments (valeur des choses sauvetées ou assistées — navire, cargaison et fret, dangers courus par l'un et l'autre navires, frais engagés, etc.).
En cas de doute ou de désaccord il conviendra, avant d'entrer en pourparlers avec la partie adverse, de prendre les ordres du département. Dans ce cas, le dossier devra contenir tous les éléments d'appréciation nécessaires pour permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.
Si l'affaire est importante et présente des difficultés sérieuses, on ne devra pas hésiter, sous réserve de fixer à l'avance le montant des honoraires, à recourir aux offices d'un avocat ou d'un agréé, c'est-à-dire de l'homme compétent auquel les sauveteurs privés confient généralement en pareille occurrence la défense de leurs intérêts.
Dès que le chiffre de la rémunération à demander à la partie adverse aura été porté à sa connaissance, la discussion devra être menée aussi rapidement que possible. On s'efforcera tout d'abord, surtout s'il s'agit d'un navire étranger, susceptible de reprendre la mer à bref délai, de réaliser immédiatement, ou tout au moins dans un délai très court qui sera fixé sur place, un accord amiable. Cet accord devra être suivi, soit du versement de la somme convenue, soit du dépôt d'un engagement ferme de paiement, en bonne et due forme, avalisé par une banque connue. Si cet accord ne peut être obtenu, il conviendra, après en avoir demandé l'autorisation au département par la voie télégraphique, de saisir immédiatement le tribunal de commerce, par ministère d'agréé ou d'avocat, afin que toutes mesures conservatoires soient prises avant le départ du navire, et que la rémunération puisse être fixée par le juge.
De même, en cas d'assistance en commun, la marine doit, comme les autres parties intéressées, prendre position dans le litige qui peut naître et réclamer pour son compte, en l'absence d'un règlement amiable, les mesures conservatoires utiles.
D'une manière générale, les opérations d'assistance et de sauvetage constituent des cas d'espèce qu'il n'est pas possible de régler à l'avance d'une manière précise. Il ne faut cependant pas perdre de vue que, dans la jurisprudence actuelle, les tribunaux judiciaires accordent aux sauveteurs des rémunérations variant entre 5 et 15 p. 100 du montant des valeurs sauvetées : coque, cargaison et frêt. Certaines juridictions anglaises ont même attribué 20 p. 100 de ces mêmes valeurs. C'est donc, en définitive, entre ces deux limites extrêmes de 5 et 20 p. 100 qu'il y a lieu, en s'inspirant des circonstances de la cause, de rechercher, dans la plupart des cas, les bases du règlement à intervenir.
Il arrive parfois que les armateurs des navires qui ont été secourus dans ces conditions demandent qu'ils soient réparés par la marine au moment de leur arrivée dans nos arsenaux. Ces demandes pourront être accueillies comme par le passé, mais il devra être convenu au préalable que les opérations de sauvetage ou d'assistance sont et demeurent complètement en dehors de la cession sollicitée, et qu'elles feront l'objet d'un règlement spécial.
En outre, les travaux ne seront entrepris que si les cessionnaires reconnaissent formellement les droits acquis par la marine à titre de rémunération pour le fait antérieur et indépendant d'assistance-sauvetage. Enfin, les réparations ne devront être autorisées que sur production de garanties nouvelles de paiement. De la sorte on évitera toutes contestations.
Il n'est rien changé à la réglementation sur le sauvetage des épaves, sauf sur le point suivant :
La circulaire du 19 décembre 1918 (7e cas) avait spécifié que par épave il faut entendre tout objet abandonné à la mer ou à la côte, sans qu'il y ait lieu de distinguer s'il s'agit d'un navire, en quelque état qu'il soit, ou de matériel divers.
Cette interprétation est devenue caduque. Un navire abandonné par son équipage ne doit plus, en effet, être considéré comme une épave ni assujetti à la règle du tiers posée par l'ordonnance de 1681.
Une décision du conseil d'État du 17 février 1922 (sous-marin « U 136 ») précise que les services rendus aux navires de mer en danger ne sont plus régis par l'ordonnance précitée, mais par la loi du 29 avril 1916 sur l'assistance et le sauvetage maritimes, qui a supprimé en cette matière l'indemnité forfaitaire. Aux termes exprès des articles 1 et 2 de cette loi, qui a mis la législation intérieure en harmonie avec la convention internationale de Bruxelles du 23 septembre 1910, et qui a abrogé toutes dispositions contraires, les faits de sauvetage des navires de mer en danger sont soumis, comme les faits d'assistance, aux dispositions des articles 2, 6 et 8 qui attribuent aux sauveteurs une équitable rémunération.
Le personnel de l'État qui participe à une opération d'assistance ou de sauvetage peut recevoir une quote-part des rémunérations ou primes acquises.
Le taux de ces gratifications et leur mode de répartition entre les bénéficiaires sont indiqués respectivement par les barèmes des tableaux 1 et 2 ci-après. Seul a droit à cette gratification le personnel effectivement présent à bord pendant les opérations de sauvetage ou d'assistance.
Il est bien entendu que le paiement de ces gratifications reste subordonné au recouvrement préalable des rémunérations, indemnités ou primes forfaitaires revenant à la marine.
TABLEAU No 1. (Remplacé le 3 avril 1947.)
Table 1. BARÊME DES GRATIFICATIONS.
Montant des primes revenant à la marine. | Montant des gratifications à attribuer à la marine. |
---|---|
De 1 à 100 000 francs | 20 p. 100 |
De 100 001 à 200 000 francs | 18 p. 100 |
De 200 001 à 400 000 francs | 16 p. 100 |
De 400 001 à 1 000 000 de francs | 14 p. 100 |
De 1 000 001 à 2 000 000 de francs | 12 p. 100 |
De 2 000 001 à 4 000 000 de francs | 10 p. 100 |
Au-delà de 4 000 000 de francs | 8 p. 100 |
Au-delà de 20 000 000 de francs | 6 p. 100 |
TABLEAU No 2. (Modifié le 2 août 1929.)
Table 2. RÉPARTITION DES PRIMES.
Grades. | Nombre de parts. |
---|---|
A) Bâtiments commandés par un officier. |
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Commandant | 4 |
Second | 3 |
Officier chef du service « machines » (1) | 3 |
Autres officiers, par officier | 2 1/2 |
Officiers mariniers, par officier marinier | 1 1/2 |
Quartiers-maîtres et marins, par homme | 1 |
B. Bâtiments commandés par un officier marinier. |
|
Commandant | 3 |
Officier marinier chef du service « machines », patron pilote, chef de corvée, à chacun | 2 |
Autres officiers mariniers, par officier marinier | 1 1/2 |
Quartiers-maîtres et marins, par homme | 1 |
Scaphandriers (quand ils ont travaillé effectivement). |
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Officiers mariniers, par officier marinier | 3 |
Quartiers-maîtres et marins, par homme | 2 |
(1) Lorsque, sur un bâtiment commandé par un officier, le service « machines » est confié à un officier marinier, ce dernier est traité comme si le bâtiment avait été commandé par un officier marinier. |
Les règles suivantes seront adoptées, pour le recouvrement des rémunérations, indemnités ou primes forfaitaires revenant à la marine :
a). La recette a lieu au cours de l'exercice de l'opération :
Dans ce cas, les chapitres budgétaires au titre desquels les frais ont été engagés sont crédités respectivement d'une somme correspondante.
La part de gratification qui revient à l'équipage et qui est calculée sur le montant global de la somme acquise d'après le barème indiqué par le tableau 1 ci-dessus, fera l'objet d'un ordre de reversement au Trésor au compte « reversements de fonds sur les dépenses des ministères ».
Le reliquat sera reversé au Trésor au compte « recettes accidentelles à différents titres ».
b). La recette a lieu après la clôture de l'exercice qui a supporté les dépenses :
Dans ce cas, il n'est établi que deux ordres de reversement au Trésor, l'un au compte « reversements de fonds sur les dépenses des ministères, pour la partie qui représente le montant des gratifications revenant aux équipages, l'autre (reliquat) au compte « recettes accidentelles à différents titres ».
Dans l'un et l'autre cas, aussitôt après le reversement, le montant des gratifications dues aux équipages sera mandaté au profit des ayants droit sur les crédits du chapitre « Approvisionnements de la flotte ». Le mandat portera référence au récépissé de reversement.
Pour permettre de régulariser la situation, ce récépissé devra être compris dans le plus prochain travail de reversements de fonds à adresser au département sous le timbre de la direction de la comptabilité générale (bureau de la centralisation financière), en vue du rétablissement de son montant au crédit du chapitre A F qui aura provisoirement supporté la dépense.
Toutes dispositions contraires sont abrogées.
Le ministre de la marine,
Georges LEYGUES.