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ORDONNANCE N° 45-322 portant application aux membres de la Résistance des pensions militaires fondées sur le décès ou l'invalidité.

Du 03 mars 1945
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  203.1.1.

Référence de publication : <em>BO/G,</em> p. 217. <sup>(1)</sup><sup>(2)</sup>

LE GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Sur le rapport du ministre du travail et de la sécurité sociale et du ministre des finances,

Vu l'ordonnance du 3 juin 1943 portant institution du comité français de la libération nationale, ensemble les ordonnance du 3 juin 1944 et ordonnance du 4 septembre 1944 ;

Vu la loi du 31 mars 1919 modifiant la législation des pensions des armées de terre et de mer, en ce qui concerne les décès survenus, les blessures reçues, les maladies contractées ou aggravées en service, et les textes subséquents ;

Vu la loi du 27 juillet 1919 instituant des pupilles de la nation et les textes pris pour son application ;

Vu la loi du 2 janvier 1918 et les textes subséquents concernant la rééducation professionnelle et l'office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la nation ;

Vu l'article 76 de la loi du 31 mars 1919, modifié par la loi du 23 mars 1928, étendant aux veuves, pensionnées au titre de ladite loi, le bénéfice de la loi du 2 janvier 1918 et les textes pris pour son application ;

Vu l'article 28 de la loi du 31 mai 1921 chargeant l'office national des mutilés, combattants, victimes de guerre et les pupilles de la nation de la rééducation professionnelle des victimes civiles de la guerre et les textes pris pour son application ;

Vu la loi du 19 juillet 1930 étendant aux ascendants des militaires morts pour la France le bénéfice de la loi du 2 janvier 1918 et les textes pris pour son application ;

Vu les articles 9 et 10 de la loi du 29 octobre 1921 relative au nouveau régime des chemins de fer d'intérêt général et, de façon générale, les textes accordant des facilités de circulation aux mutilés et aux familles des militaires morts pour la France ;

Vu la loi du 26 avril 1924 relative à l'emploi obligatoire des mutilés ;

Vu le décret du 09 septembre 1939 ;

Le Comité juridique entendu,

ORDONNE :

Art. 1er.

La République française reconnaissante envers ceux qui, bien que n'appartenant pas aux armées de terre, de mer et de l'air ou aux forces françaises de l'intérieur, ont contribué à assurer le salut de la patrie, proclame et détermine, conformément aux dispositions de la présente ordonnance, le droit à réparation :

  • 1. Des membres de la Résistance affectés d'infirmités résultant de leur action contre l'ennemi ou l'autorité de fait se disant Gouvernement de l'État français ;

  • 2. Des veuves, des orphelins et ascendants de ceux qui sont morts pour la délivrance de la patrie.

Niveau-Titre TITRE PREMIER. Détermination de la qualité de membre de la résistance

Art. 2.

Sont considérés comme membres de la Résistance, au regard des dispositions du présent texte, pour la période des hostilités qui se sera écoulée entre le 16 juin 1940 et une date qui sera fixée par décret :

  • 1. Toute personne ayant accompli des actes de résistance en France métropolitaine ou dans les territoires d'outre-mer pour le compte :

    • soit d'un organisme d'action français ou allié, sous réserve, dans ce dernier cas, de n'avoir contrevenu à aucune des obligations inhérentes à la qualité de citoyen français,

    • soit d'un groupement reconnu par le conseil national de la Résistance ou d'un groupement que le conseil déclarera, dans un délai de deux mois à dater de la publication de la présente ordonnance, pouvoir être reconnu comme groupement de résistance ;

  • 2. Toute personne ayant quitté ou tenté de quitter un territoire occupé par l'ennemi ou placé sous le contrôle de l'autorité de fait se disant Gouvernement de l'État français, pour rejoindre, soit les forces françaises libres, soit, à partir du 8 novembre 1942, les forces stationnées en Afrique du Nord, ou en Afrique occidentale ou ultérieurement, les forces relevant du comité français de la libération nationale, puis du Gouvernement provisoire de la République française, lorsque cette personne pourra établir qu'elle se trouvait avant son départ ou sa tentative de départ dans les conditions requises pour être incorporée dans lesdites forces ou qu'elle appartenait à un groupement de résistance ou de réfractaires ;

  • 3. Toute personne associée à la Résistance qui aura été exécutée sur l'ordre de l'ennemi ou de l'autorité de fait se disant Gouvernement de l'État français, pour un fait autre qu'un crime de droit commun ne tombant pas sous le bénéfice de l' ordonnance du 06 juillet 1943 (3)ordonnance du 9 août 1944 relative à la légitimité des actes accomplis pour la cause de la libération de la France et à la révision des condamnations intervenues pour ces faits ;

  • 4. Toute personne associée à la Résistance, ayant fait l'objet en France métropolitaine ou dans les territoires d'outre-mer, d'une mesure privative ou restrictive de liberté prise sur l'ordre de l'ennemi ou de l'autorité de fait se disant Gouvernement de l'État français et fondée sur une inculpation autre qu'une infraction de droit commun ne tombant pas sous le bénéfice de l' ordonnance du 06 juillet 1943 précitée (3).

  • 5. Toute personne ayant prêté un concours direct et personnel, soit à l'une des personnes visées aux paragraphes précédents, soit à un membre d'un service de renseignements allié ou dépendant d'une autorité française reconnue en lutte contre l'ennemi, soit à un membre des troupes alliées ou ayant accompli, même isolément, un ou des actes caractérisés de résistance.

Niveau-Titre TITRE II. Du droit à pension

Art. 3.

Ouvrent droit à pension dans les conditions fixées par la loi du 31 mars 1919 et les textes subséquents et, éventuellement, à toutes allocations, indemnités, majorations et suppléments de majorations, les infirmités résultant de blessures reçues, d'accidents survenus, de maladies contractées pendant la période prévue à l'article 2 et dans l'accomplissement des actes ou dans les circonstances énumérées par ledit article ainsi que pour les personnes visées dans le paragraphe 4o de maladies aggravées pendant la même période et dans les mêmes circonstances.

Art. 4.

Est présumée, sauf preuve contraire, imputable par origine directe ou par aggravation aux fatigues, dangers ou accidents résultant de l'action à laquelle se sont livrés les membres de la Résistance, toute blessure ou maladie ayant fait l'objet d'une constatation médicale contemporaine des faits en cause. Lorsque la victime ou les ayants droit auront été dans l'impossibilité de la faire effectuer, ils devront, pour bénéficier de la présomption d'origine ou d'aggravation, provoquer une constatation médicale officielle avant l'expiration d'un délai de trois mois à compter soit de la publication de la présente ordonnance, soit de la libération du territoire pour les régions qui ne seraient pas encore libérées au moment de cette publication, soit de la date du retour au foyer pour les déportés et les prisonniers. Néanmoins, la preuve contraire sera considérée comme rapportée nonobstant toute constatation, même officielle, lorsque sera établi médicalement qu'il est impossible que la maladie ou l'infirmité dont l'aggravation est invoquée ait pu être aggravée par les actes ouvrant droit au bénéfice de la présente ordonnance.

Dans tous les cas, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée doit être établie médicalement.

Lorsque le droit s'est ouvert au cours de la période prévue à l'alinéa 1er, le délai imparti pour présenter la demande de pension court de la publication de la présente ordonnance ou, le cas échéant, des autres faits mentionnés audit alinéa.

Toutefois, ne pourront bénéficier de la présomption instituée à l'alinéa 1er du présent article les personnes visées au paragraphe 5o de l'article 2 ci-dessus.

Art. 5.

Sont présumés survenus par le fait ou à l'occasion du service le suicide, la tentative de suicide ou la mutilation volontaire survenue à l'occasion ou sous la menace d'une arrestation ou d'un interrogatoire ou au cours d'une détention, dès lors que l'emprisonnement, l'arrestation ou l'interrogatoire quelle qu'en soit la nature, auront été ordonnés par l'ennemi ou par l'autorité de fait se disant Gouvernement de l'État français pour une cause autre qu'une infraction de droit commun ne tombant pas sous le bénéfice de l' ordonnance du 06 juillet 1943 précitée.

Art. 6.

Les militaires de carrière en activité, en congé ou en position de retraite ayant contracté une infirmité pendant la période prévue à l'article 2 et dans l'accomplissement des actes et dans les circonstances énumérées par ledit article, bénéficient des dispositions prévues aux articles 59 et 60 de la loi du 31 mars 1919 et, le cas échéant, de l'article 47 de la loi du 14 avril 1924.

Art. 7.

Les dispositions contenues dans l'acte dit loi du 30 novembre 1941 maintenu provisoirement en vigueur sont applicables aux fonctionnaires, employés, agents civils et ouvriers de l'État visés par ce texte, et bénéficiaires de la présente ordonnance.

Art. 8.

Ont droit à pension et éventuellement à majoration et suppléments de majoration, dans les conditions fixées par la loi du 31 mars 1919 et les textes subséquents, ou par les articles 50 et 51 de la loi du 14 avril 1924, pour les militaires de carrière, les veuves, orphelins et ascendants des membres de la Résistance du sexe masculin.

Ont droit à pension dans les mêmes conditions les orphelins et ascendants des membres de la Résistance du sexe féminin.

Art. 9.

Lorsque le mari et la femme auront droit tous deux à l'application de la présente ordonnance, il ne sera alloué de majorations pour les enfants que du fait d'un seul de leurs auteurs.

Niveau-Titre TITRE III. Dispositions diverses

Art. 10.

Ne peuvent en aucun cas se prévaloir de la présente ordonnance les personnes entrant dans l'une des catégories suivantes :

  • a).  Individus condamnés par application de l'ordonnance du 28 novembre 1944, relative à la répression des faits de collaboration et des textes subséquents ;

  • b).  Fonctionnaires et agents publics révoqués sans pension par application de l'ordonnance du 18 octobre 1943, instituant une commission d'épuration auprès du comité français de la libération nationale et les textes subséquents ou de l'ordonnance du 27 juin 1944, relative à l'épuration administrative sur le territoire de la France métropolitaine, et des textes subséquents, ainsi que toutes autres catégories de personnes auxquelles le régime de l'épuration a été étendu lorsque la sanction prononcée est l'interdiction définitive d'exercer leur fonction ou leur profession ;

  • c).  Individus frappés d'indignité nationale.

Sont frappés de la même exclusion :

  • 1. Les ayants cause dont la demande de pension est fondée sur le décès d'une personne elle-même visée par les paragraphes a, b, c ci-dessus ;

  • 2. Les ayants cause qui entrent eux-mêmes dans l'un des cas visés auxdits paragraphes.

Dans le second cas, les droits qui appartiennent ou qui auraient appartenu à la mère déclarée indigne passent aux orphelins mineurs du défunt dans les conditions visées par les articles 16 et suivants de la loi du 31 mars 1919.

Art. 11.

Les pensions allouées par application de la présente ordonnance sont liquidées d'après les tarifs afférents dans la législation des pensions militaires au grade de soldat.

Les pensions, majorations, allocations et indemnités sont en tous points assimilés aux émoluments correspondants alloués aux militaires ou à leurs ayants cause, en ce qui concerne l'incessibilité, l'insaisissabilité, le cumul, les règles de déchéance, autres que celles instituées à l'article 10 de la présente ordonnance, les soins gratuits d'appareillage, la rééducation professionnelle. Les membres de la Résistance pensionnés au titre de la présente ordonnance ont droit au bénéfice de toutes les dispositions législatives et réglementaires régissant les victimes de la guerre, ou leurs ayants cause et dont l'office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la nation a été chargé d'assurer l'application.

Art. 12.

Dans tous les cas où le tribunal départemental des pensions aura à connaître d'une contestation relative à l'application de la présente ordonnance, le membre pensionné prévu à l'article 36 (§ 3) de la loi du 31 mars 1919 sera remplacé par un membre de la Résistance pensionné soit à défaut par un membre de la Résistance non pensionné, tiré au sort en même temps qu'un membre suppléant sur une liste de vingt noms présentés par le comité départemental de libération et agréé par le tribunal des pensions.

Art. 13.

Les personnes qui auraient déjà bénéficié du régime institué en faveur des victimes civiles par la loi du 24 juin 1919, modifiée par la loi du 28 juillet 1921, et par l'acte dit loi du 26 juillet 1941, maintenu provisoirement en application, peuvent se réclamer de l'application de la présente ordonnance, sous condition d'en formuler la demande dans le délai d'un an à compter de sa publication.

Les décisions de rejet prononcées par application d'une autre législation ne font pas obstacle à l'attribution d'une pension fondée sur la présente ordonnance. Les dossiers seront réexaminés dès lors qu'une nouvelle demande aura été adressée à cet effet, dans les délais légaux d'ouverture du droit à pension.

Art. 14.

Un règlement d'administration publique déterminera les modalités d'application de la présente ordonnance et notamment :

  • 1. Les conditions de preuve des actes prévus aux paragraphes 1, 2, 5 de l'article 2 ;

  • 2. Les règles devant présider aux constatations médicales prévues à l'article 4.

Art. 15.

La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi.

Fait à Paris, le 3 mars 1945.

C. DE GAULLE.

Par le Gouvernement provisoire de la République française :

Le ministre du travail et de la sécurité sociale,

Alexandre PARODI.

Le ministre des finances,

R. PLEVEN.

Le ministre de la guerre,

A. DIETHELM.

Le ministre de l'air,

Charles TILLON.

Le ministre de la marine,

Louis JACQUINOT.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

François de MENTHON.

Le ministre des travaux publics et des transports,

René MAYER.

Le ministre des prisonniers, déportés et réfugiés,

Henri FRENAY.