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AUTRE — Accidents du travail. — Accidents ouvrant droit à garantie. — Temps et lieu du travail. — Salarié envoyé en mission. — Blessures dans une chambre d'hôtel à la suite d'un séisme. — Accident couvert.

Du 29 janvier 1965
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  261.2.

Référence de publication :

 

Dalloz 1965, p. 283.

 

Aux termes de l'art. 415 C. sécur. soc., est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Encourt la cassation l'arrêt qui, tout en constatant qu'un salarié, chargé par son employeur de se rendre dans le sud du Maroc pour visiter les producteurs et exportateurs de la région d'Agadir, a été, par suite du séisme qui dévasta cette ville, le 29 février 1960, enseveli sous les décombres de l'hôtel où il résidait et grièvement blessé, a refusé de reconnaître à cet accident le caractère d'accident du travail, au motif que le salarié ne se livrait pas, au moment du sinistre, à une activité professionnelle, qu'il allait se coucher et qu'il accomplissait donc un acte de la vie courante.

En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations mêmes que l'accident dont avait été victime le salarié était dû non à l'accomplissement d'un acte de la vie courante qui en avait été la cause, mais à son séjour dans une zone sinistrée qui lui avait été imposé pour l'exécution de sa mission, que ce salarié, bien qu'accomplissant un acte de la vie courante, était demeuré dans les limites normales de cette mission et que, dès lors, l'accident dû à ce séjour devait être considéré comme étant en rapport de cause à effet avec le travail et survenu à l'occasion du travail au sens de l'art. 415 C. sécur. soc., la cour d'appel a violé le texte légal.

Breteau contre Caisse primaire centrale de sécur. soc. de la région parisienne.

Pourvoi en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 avril 1963.

ARRÊT

La Cour, — sur le moyen unique : vu l'art. 415 C. sécurité sociale.,

Attendu qu'aux termes de ce texte, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ;

Attendu que, tout en constatant que Breteau Roger, chargé par son employeur de se rendre dans le sud du Maroc pour visiter des producteurs et exportateurs de la région d'Agadir a été, par suite du séisme qui dévasta cette ville le 29 février 1960, enseveli sous les décombres de l'hôtel où il résidait et grièvement blessé, l'arrêt attaqué a refusé de reconnaître à cet accident le caractère d'accident du travail au motif que Breteau n'établit pas qu'au moment du sinistre il se livrait à une activité professionnelle, qu'en effet, d'après ses propres déclarations, il allait se coucher et que, dans ces conditions, il accomplissait un acte de la vie courante ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations mêmes des juges du fond que l'accident dont avait été victime Breteau était dû, non à l'accomplissement d'un acte de la vie courante qui en aurait été la cause, mais à son séjour dans une zone sinistrée qui lui avait été imposé pour l'exécution de sa mission, que Breteau, bien qu'accomplissant un acte de la vie courante, était demeuré dans les limites normales de cette mission et que, dès lors, l'accident dû à ce séjour devait être considéré comme étant en rapport de cause à effet avec le travail et survenu à l'occasion du travail au sens de l'art. 415 C. sécurité sociale, la cour d'appel a violé le texte légal ;

Par ces motifs,

Casse…

MM. Vigneron, président-rapporteur. — Mellottée, avocat général. — Me Mayer, avocat.

Nota.

NOTE. — La Cour de cassation a posé en principe que les salariés envoyés en mission par leur employeur ont droit à la protection de la loi sur les accidents du travail pendant tout le temps que dure cette mission et que celle-ci doit être considérée comme s'exerçant tant qu'il n'est pas établi que le salarié a recouvré sa pleine indépendance ou a interrompu sa mission pour un motif uniquement dicté par l'intérêt personnel et indépendant de son emploi. V. Cass. soc. 25 avril 1951 (Gaz. Pal. T. Q. 1951-1955, voir Accidents du travail, no 124 — Bull. cass. 1951.3.227) ; Cass. soc. 29 mars 1952 (Gaz. Pal. T. Q. 1951-1955, voir Accidents du travail, no 122 — J.C.P. 1952.7166, 3e espèce).

Les faits susceptibles d'être considérés comme une interruption de la mission, dans un intérêt personnel, peuvent varier à l'infini. Citons à titre d'exemple, dans une hypothèse assimilable à celle du salarié envoyé en mission, le cas d'un représentant de commerce qui, en tournée dans une ville côtière, se rend à la pêche et se noie (Cass. soc. 11 juillet 1961, Gaz. Pal. 1962 IT, voir Accidents du travail, no 31. — Bull. cass. 1961.4.618).

Plus délicat est le point de savoir quand on peut dire que le salarié a recouvré sa pleine indépendance. Si un arrêt de la Chambre sociale du 15 novembre 1957 (Gaz. Pal. T. Q. 1956-1960, voir Accidents du travail, no 111 — Bull. cass. 1957.4.771 — D. 1958.97) a considéré comme couvert l'accident dont avait été victime un courtier envoyé en prospection, alors qu'il regagnait l'hôtel où il devait nécessairement coucher, la jurisprudence tendait, jusqu'ici, à distinguer entre les actes de la vie courante et les actes de la vie professionnelle et excluait du champ d'application de la loi sur les accidents du travail les accidents survenus à l'hôtel pendant le temps de repos du salarié, celui-ci étant alors considéré comme jouissant d'une totale liberté d'action. Voir notamment : Cass. soc. 4 juin 1953 (Gaz. Pal. T. Q. 1951-1955, voir Accidents du travail, no 119 — D. 1953-680) ; Cass. soc. 4 juillet 1962 (Gaz. Pal. 1963.1.T., voir Accidents du travail, no 25 — Bull. cass. 1962.4.490).

L'arrêt rapporté rompt avec cette jurisprudence. Il mérite d'autant plus d'être signalé que, dans une précédente espèce où il s'agissait également d'un salarié en déplacement, victime d'un séisme dans l'hôtel où il passait la nuit, la Cour suprême avait au contraire écarté la qualification d'accident du travail, en se fondant sur le fait que le salarié avait terminé son travail de la journée et cessé toute activité professionnelle, au moment du sinistre (Cass. soc. 13 février 1958, Gaz. Pal. 1958.2.T., voir Accidents du travail, no 10 — Bull. cass. 1958.4.165 — D. 1958.339). Il est vrai que la Cour de renvoi avait refusé de s'incliner. V. Oran 29 juin 1960 (Gaz. Pal. 1960.2.226).