ORDONNANCE N° 59-63 relative aux réquisitions de biens et de services.
Du 06 janvier 1959NOR
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DES MINISTRES,
Sur le rapport du ministre des armées, du ministre d'État, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre des affaires étrangères, du ministre de l'intérieur, du ministre des finances et des affaires économiques, du ministre de l'éducation nationale, du ministre du travail, du ministre de la France d'outre-mer, du ministre du Sahara, du ministre de la santé publique et de la population, du ministre de l'information, du ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, du ministre de l'industrie et du commerce, du ministre de l'agriculture, du ministre de la construction, du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre des postes, télégraphes et téléphones,
Vu la constitution, et notamment ses articles 34 et 92 ;
Vu la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation de la nation pour le temps de guerre et l'ensemble des textes pris pour son application (2) ;
Le conseil d'État (commission permanente) entendu ;
Le conseil des ministres entendu,
ORDONNE :
Introduction . EXPOSÉ DES MOTIFS.
La présente ordonnance a pour objet essentiel le règlement de toutes les réquisitions de biens et de services. En outre, elle précise les modalités d'exécution de ces réquisitions pour les besoins de la nation.
Elle modifie et complète, notamment, les dispositions du titre II de la loi du 11 juillet 1938 (3) qui, à l'usage, sont apparues trop rigides et ne correspondaient pas à tous les cas qui ont pu se présenter.
Si le principe fondamental de compenser la perte effective imposée au prestataire est maintenu, il n'était plus possible de laisser à des instructions le soin de tenir compte, pour indemniser les réquisitions d'usage ou de services, des variations économiques survenues au cours de leur durée.
Il était également nécessaire de fixer les principes de règlement des réquisitions agricoles ; de préciser la notion de réquisition de services, différente de la réquisition de l'emploi des personnes seule aménagée par l'article 14 de la loi précitée ; de définir la mesure de blocage préparatoire à une réquisition ; enfin, de traiter la question des dommages matériels causés aux biens requis.
Il convenait de rendre les règlements plus équitables, plus proches des modalités contractuelles observées par l'État, et de simplifier la procédure pour accélérer la liquidation des indemnités. Pour calculer celles-ci, on fait seulement abstraction du profit qu'aurait pu procurer au prestataire la libre disposition de la chose requise et on les évalue au jour de la prise de possession et non à celui de la réquisition qui peut être bien antérieure. Quand il y a réquisition d'usage ou de services, une révision peut tenir compte de la variation des prix constatée pendant la période de réquisition.
Pour aboutir à des paiements rapides, on recourra désormais à des tarifs ou barèmes d'indemnités, préparés à l'avance, et ayant force légale.
Le cas échéant, le versement d'acomptes, et même d'intérêts moratoires, est prévu comme en matière de marchés publics.
Enfin, l'indemnité de réquisition d'usage d'une entreprise en activité comportera, notamment, un intérêt calculé sur la valeur de l'ensemble des éléments d'actif et non pas seulement des éléments corporels.
Parmi les dispositions nouvelles, une place spéciale est réservée à la réquisition de services. Laissant aux entreprises qu'elle concerne la direction de leur activité, leurs moyens et leur responsabilité, elle n'exige d'elles qu'une priorité de services. Des règles ont été posées pour la détermination des indemnités, fondées autant que possible, sur les prix commerciaux et licites des prestations fournies. Il est nécessaire, en effet, de respecter au maximum la vie économique du pays, dans la mesure compatible avec les besoins de la nation.
La mesure de blocage préparatoire à une réquisition, définie dans le texte, se distingue des mesures économiques plus générales concernant la détention, la circulation et la distribution des biens mobiliers.
Enfin, il convient de signaler que la présente ordonnance se borne à mentionner que les prestations pour les besoins de la nation peuvent être obtenues soit par accord amiable, soit par réquisition, sans subordonner, comme le faisait la loi de 1938, la réquisition à l'échec d'une tentative d'accord amiable dont le mode d'indemnisation devait être identique. Ainsi donc, sans léser les prestataires dont les droits à indemnisation sont mieux définis et plus justement adaptés, il est admis que les services publics conservent le libre choix entre les divers modes d'acquisition et de location du temps de paix, auxquels s'ajoute le droit de réquisition, dans le cadre général de la réglementation alors applicable au régime économique et spécialement aux prix.
La présente ordonnance tend, en résumé, à simplifier la procédure, à la rendre plus rapide et à indemniser plus équitablement les prestataires. En outre, toutes mesures sont prises pour respecter les droits de l'Etat et garantir ceux des particuliers, sous le contrôle des tribunaux civils.
>Niveau-Titre TITRE PREMIER. Modalités d'exécution des réquisitions pour les besoins de la nation.
Art. 1er.
La fourniture des prestations de biens et de services, nécessaires pour assurer les besoins du pays dans les cas prévus par la loi, peut être obtenue soit par accord amiable, soit par réquisition dans les conditions fixées par le titre II de la loi du 11 juillet 1938 (3), modifié et complété conformément aux dispositions ci-après.
Art. 2.
Sous réserve des conventions internationales, sur toute l'étendue du territoire national et dans les eaux territoriales, peuvent être requis, pour les besoins du pays, les services des entreprises et des personnes, ainsi que la propriété ou l'usage de tous les biens, à l'exception de la propriété des immeubles par nature dont l'acquisition ne peut être réalisée que par voie de cession amiable ou d'expropriation. La réquisition des navires et des aéronefs français est valablement exercée même s'ils se trouvent en pleine mer, dans les eaux étrangères ou sur un territoire étranger. La notification de la réquisition peut être faite au siège de l'entreprise de transport maritime ou aérien si ces navires ou aéronefs appartiennent à une entreprise.
En cas de prise de possession temporaire, par voie de réquisition d'usage, de toute entreprise, quels qu'en soient l'objet, la forme ou la nature, l'État peut l'utiliser à toutes fins justifiées par les besoins de la nation.
Dans le cadre de la présente ordonnance, les locaux servant effectivement à l'habitation ne peuvent faire l'objet de réquisitions d'usage que dans leurs parties disponibles, non indispensables à la vie des occupants réguliers. Toutes les fois qu'il est nécessaire, le droit de réquisition peut être exercé sous forme de logement ou de cantonnement chez l'habitant. L'État ne peut requérir l'usage de l'intégralité d'un local d'habitation occupé, en vue de satisfaire à des besoins exceptionnels, que dans des circonstances et dans des conditions qui seront définies par un règlement d'administration publique (4) (5).
La réquisition adressée à une personne ou à une entreprise peut se limiter à une réquisition de services, c'est-à-dire à l'obligation pour celle-ci d'exécuter par priorité les prestations prescrites, avec les moyens dont elle dispose et tout en conservant la direction de son activité professionnelle.
Art. 3.
La réquisition est individuelle ou collective ; elle est directe ou exécutée par l'intermédiaire du maire. Elle est formulée par écrit. L'ordre est signé par une autorité régulièrement qualifiée ; il mentionne la nature et la quantité des prestations requises et précise s'il s'agit d'une réquisition de propriété, d'usage ou de services.
Il est délivré au prestataire un reçu des prestations fournies qui mentionne leur nature, leur quantité et leur état.
Pour les biens requis en usage il est procédé, en fin de réquisition, à la constatation des dégradations, transformations ou augments éventuels consécutifs à celle-ci.
Niveau-Titre TITRE II. Bases d'indemnisation des réquisitions.
Chapitre CHAPITRE PREMIER. Évaluation directe et paiement des indemnités.
Art. 4.
La rémunération des prestations requises, en vertu du titre précédent et de toutes autres dispositions législatives, est assurée conformément aux prescriptions du présent titre.
Les indemnités dues au prestataire doivent uniquement compenser la perte matérielle, directe et certaine que la réquisition lui impose. Elles tiennent compte exclusivement de toutes les dépenses qui ont été exposées d'une façon effective et nécessaire par le prestataire, de la rémunération du travail, de l'amortissement et de la rémunération du capital, appréciés sur des bases normales.
Aucune indemnité n'est due pour la privation du profit qu'aurait pu procurer au prestataire la libre disposition du bien requis ou la continuation en toute liberté de son activité professionnelle.
Les indemnités sont dues à compter de la prise de possession définitive ou temporaire du bien, ou du début des services prescrits. Cependant, si le prestataire justifie d'un préjudice direct, né du fait de la réquisition après la notification de l'ordre de réquisition et avant son exécution, les indemnités sont dues à compter du jour où ce préjudice est devenu effectif sous réserve des abattements qu'elles peuvent comporter.
À défaut de bases législatives ou réglementaires de détermination des prix ou des loyers, les indemnités de dépossession définitive ou temporaire sont déterminées au moyen de tous éléments, compte tenu de l'utilisation habituelle antérieure des biens requis.
La dépossession temporaire ouvre droit à une indemnité périodique de privation de jouissance.
En cas de transformation d'une réquisition d'usage en réquisition de propriété, les sommes allouées pendant la dépossession temporaire à titre d'amortissement et, s'il s'agit d'une réquisition de navire, les sommes éventuellement versées au titre des réparations et de l'entretien, mais non utilisées, sont déduites de l'indemnité de dépossession définitive.
Les réquisitions de services sont indemnisées, en principe, à partir des prix normaux et licites des prestations fournies. À défaut de tels prix, quand il s'agit de prestations d'entreprise, l'indemnité est déterminée d'après le prix de revient obtenu en ajoutant à l'indemnité de dépossession temporaire, calculée conformément aux dispositions de l'article 5 ci-dessous, le montant des charges et frais normaux d'exploitation supportés par l'entreprise pour l'exécution des services fournis.
Art. 5.
Lorsque des immeubles requis en usage sont affectés à une exploitation en activité, l'indemnité de dépossession temporaire tient compte, le cas échéant, de la perte effective résultant de l'empêchement total ou partiel d'exploitation dans les lieux requis.
Pour apprécier la durée et l'importance de la réduction de l'activité normale de l'exploitation, il est fait état, d'une part, de ses possibilités de transfert et de reprise ultérieure d'activité, d'autre part, des résultats des trois dernières années.
Quand il s'agit d'une exploitation non agricole, et non transférable, l'indemnité de dépossession est calculée à partir de la valeur de l'ensemble des éléments de l'actif requis. S'il existe des dettes spécifiquement afférentes aux éléments corporels de cet actif, et si l'intérêt compris dans l'indemnité ne couvre pas les charges de ces dettes, il peut être majoré, à cet effet, dans la mesure où le prestataire les acquittait normalement avec les produits de l'entreprise ; toutefois, quand les charges en cause comprennent un amortissement, celui-ci est périodiquement déduit de la valeur de l'actif.
L'amortissement compris dans l'indemnité ne s'applique qu'aux éléments corporels et ne peut dépasser le taux admis avant la réquisition pour le calcul des impôts. Si le prestataire est locataire des immeubles requis, l'intérêt et l'amortissement sont calculés sur les seuls éléments d'actif lui appartenant, et le loyer en cours pour les immeubles lui est remboursé.
Quand il s'agit d'une exploitation agricole non transférable, l'indemnité de privation de jouissance allouée au titre de l'article 4 (alinéa 6) de la présente ordonnance est majorée de façon à compenser la réduction ou l'absence de récoltes, compte tenu des productions antérieures appréciées par tous les moyens et des cours licites en vigueur dans la région pendant la durée de la réquisition. Le règlement en est opéré par période normale d'exploitation, compte tenu des usages locaux.
Lorsqu'une exploitation peut être transférée en tout ou en partie hors du lieu requis, les frais de transfert directement nécessaires sont remboursés au prestataire.
Art. 6.
Dans des conditions fixées par un règlement d'administration publique (4) des indemnités complémentaires sont allouées éventuellement, sur justification, pour compenser des préjudices non indemnisés au titre des quatrième, cinquième, sixième et septième alinéas de l'article 4 ci-dessus et au titre de l'article 5, ou pour rembourser des frais nécessaires directement motivés par la réquisition, ainsi que des charges inévitables incombant normalement à l'usager des biens requis, et acquittées par le prestataire.
Art. 7.
L'indemnité de réquisition est évaluée au jour de la dépossession définitive ou temporaire du bien ou au premier jour de l'exécution de la prestation de services ; en cas de dommages, l'indemnité compensatrice est évaluée au jour de la décision administrative qui en fixe le montant.
Lorsque, après avoir requis l'usage d'un bien mobilier, l'autorité requérante étend la réquisition à la propriété de ce bien, l'indemnité de dépossession définitive est évaluée au jour où est notifiée la transformation de la réquisition, en prenant en considération l'état du bien au jour de la prise de possession temporaire.
Les indemnités autres que de dépossession définitive pourront être révisées pour tenir compte de la variation licite des prix intervenue au cours de la période de réquisition.
Des acomptes seront accordés sur demande du prestataire dans les limites et conditions fixées par règlement d'administration publique (4).
Quand l'indemnité aura été liquidée, si elle n'est pas acquittée dans les six mois de la décision administrative ou judiciaire devenue définitive, les intérêts courront de plein droit, au taux légal, à l'expiration de ce délai, sur le montant de l'indemnité due, déduction faite de l'indemnité provisionnelle ou des acomptes déjà versés au prestataire.
Chapitre CHAPITRE II. Évaluation des indemnités par voie de barème.
Art. 8.
En règle générale et chaque fois que les circonstances le permettent, des tarifs ou des barèmes d'indemnisation, établis dans le cadre de la législation sur les prix, sont fixés par arrêtés conjoints du ministre des armées, du ministre chargé des affaires économiques et du ministre responsable de la ressource, après consultation obligatoire ou sur proposition du comité consultatif prévu à l'article 29 ci-dessous, qui doit s'adjoindre, à cette occasion, des représentants des organismes professionnels.
Les arrêtés doivent être soumis à la signature du ministre du budget si le représentant de ce département au comité consultatif en formule la demande.
L'indemnité de réquisition est obligatoirement déterminée conformément aux tarifs ou barèmes qui s'appliquent à la prestation.
Ces tarifs ou barèmes peuvent être établis dès le temps de paix et sont révisés chaque fois que les circonstances l'exigent. Il en sera établi obligatoirement pour le logement et le cantonnement les véhicules automobiles et les chevaux. Le barème concernant le logement précisera, en outre, les prestations exigibles.
Art. 9.
Les prix de base des véhicules automobiles requis en propriété, que ceux-ci aient été ou non recensés et classés, sont déterminés, compte tenu notamment de leur année de fabrication, au moyen de barèmes.
Il peut être alloué une indemnité différente de celle qui résulte de l'application du barème pour les véhicules d'une valeur notablement supérieure ou inférieure au prix de base de ce barème.
Toutefois, la majoration ou la réduction ne peut dépasser le quart du prix de base et, en aucun cas, l'indemnité allouée ne peut être supérieure au prix d'un véhicule neuf du même type. Si la réquisition est opérée chez le fabricant, l'indemnité ne peut dépasser ce prix diminué de la marge consentie normalement par le fabricant aux concessionnaires.
Le cas échéant, le montant de la prime d'achat qui aurait pu être alloué, en temps de paix, par l'administration aux prestataires, en raison des caractéristiques spéciales des véhicules, est déduit de l'indemnité totale de réquisition.
Art. 10.
Les prix des animaux requis en propriété sont déterminés, compte tenu de leur catégorie, de leur âge et de leur qualité, au moyen de barèmes de prix établis chaque année.
Niveau-Titre TITRE III. Effets de la réquisition sur les contrats d'assurances (A).
Niveau-Titre TITRE IV. Conséquences des travaux exécutés par l'État au cours de réquisitions d'immeubles, de navires ou d'aéronefs.
Art. 14.
L'État peut procéder, dans les immeubles réquisitionnés, à tous travaux destinés à ses besoins, même s'ils ont pour effet de changer la destination des immeubles. Ces dispositions peuvent être invoquées par les bénéficiaires de la réquisition, sous réserve pour eux d'obtenir, préalablement à l'exécution des travaux, l'accord de l'autorité requérante. La remise des lieux dans leur état antérieur ne peut être exigée.
Art. 15.
Pour assurer la conservation de l'immeuble réquisitionné, l'État ou le bénéficiaire de la réquisition peut exécuter des travaux qui, normalement, incombent au propriétaire. Dans ce cas, préalablement à l'exécution de ceux-ci, le propriétaire ou, à défaut, le maire, doit, sauf urgence, être avisé. En fin de réquisition, le propriétaire est tenu de rembourser à l'État le montant des dépenses effectuées en son lieu et place, dans la mesure où elles étaient nécessaires.
Art. 16.
Lorsque les travaux exécutés ont eu pour effet de diminuer la valeur vénale de l'immeuble, le propriétaire a droit à une indemnité de moins-value. Cette indemnité se cumule avec celles qui peuvent être dues par l'État conformément aux articles 21 et 22 de la présente ordonnance. Toutefois, le montant cumulé de toutes ces indemnités ne peut dépasser le maximum prévu à l'article 22.
Art. 17.
Lorsque les travaux exécutés ont eu pour effet d'augmenter la valeur vénale de l'immeuble, le propriétaire doit payer à l'État une indemnité de plus-value. Toutefois, cette indemnité, qui ne peut, en aucun cas, être supérieure à la valeur des travaux, appréciée au jour de la décision administrative, est calculée en appliquant au montant de la plus-value réelle des réductions précisées par règlement d'administration publique (4).
Dans le cas où le montant de l'indemnité de plus-value mise à la charge du propriétaire dépasse 50 p. 100 de la valeur vénale de l'immeuble compte tenu des travaux exécutés et lorsque ceux-ci n'ont pas eu pour effet de changer la destination de l'immeuble, le propriétaire peut demander l'achat de son immeuble par l'État. En cas de refus de ce dernier, sa créance sur le propriétaire est ramenée à 50 p. 100 de la valeur vénale définie ci-dessus.
Lorsque les travaux exécutés ont eu pour effet de changer la destination de l'immeuble, le propriétaire, quel que soit le montant de l'indemnité de plus-value, peut opter pour la vente de son immeuble à l'État, lequel est alors tenu de l'acquérir.
Art. 18.
Les valeurs vénales visées aux articles 16 et 17 ci-dessus sont appréciées au jour de la décision fixant l'indemnité de plus ou moins-value ; elles s'entendent terrain non compris lorsqu'il s'agit d'immeubles bâtis au jour de la réquisition. Dans le cas d'acquisition par l'Etat, en application des dispositions de l'article 17, le prix est déterminé, terrain compris, au jour du transfert de la propriété, compte tenu de l'état des biens au jour de la réquisition et déduction faite des amortissements normaux compris dans l'indemnité de réquisition.
Dans le délai d'un an à compter du jour où, la réquisition cessant, l'immeuble est restitué, l'État doit notifier au propriétaire son intention de procéder au recouvrement de l'indemnité de plus-value, faute de quoi son action est éteinte.
Pour le recouvrement de sa créance, qui est poursuivi conformément aux dispositions qui régissent le recouvrement des créances domaniales, l'État possède une hypothèque légale sur l'immeuble qui a bénéficié d'une plus-value.
Art. 19.
Lorsque des travaux exécutés sur un navire, au cours de la réquisition d'usage ou en vue de la restitution à l'armateur, ont eu pour effet de modifier les conditions d'exploitation antérieure ou l'état du navire, le propriétaire, selon le cas, aura droit à la réparation de la moins-value, ou devra, au contraire, verser à l'État une indemnité de plus-value.
Lorsque des travaux exécutés sur un aéronef, au cours de sa réquisition d'usage, ont eu pour effet d'en augmenter ou d'en diminuer la valeur vénale, le propriétaire, selon le cas, devra verser à l'État une indemnité de plus-value, ou aura droit, au contraire, au paiement de la moins-value.
Niveau-Titre TITRE V. Indemnisation des dommages.
Art. 20.
L'État est responsable des dommages causés aux biens requis en usage et constatés en fin de réquisition, à moins qu'il ne prouve que ceux-ci résultent du fait du prestataire ou du propriétaire, du vice de la chose, d'un cas fortuit ou de force majeure y compris les faits de guerre. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un bien mobilier, si le dommage dû à un fait de guerre en cours de réquisition est reconnu, aux termes des conditions à préciser par un règlement d'administration publique (4), comme provoqué par une aggravation de risque imputable directement à la réquisition, l'exonération de la responsabilité de l'État ne joue pas.
S'il y a occupation commune d'un immeuble avec le prestataire, celui-ci doit faire la preuve de la responsabilité de l'État pour les dommages constatés dans les parties qui sont accessibles audit prestataire.
Si un incendie survient aux immeubles requis en usage, les dispositions des articles 1733 et 1734 du code civil sont applicables. Lorsqu'il y a occupation commune avec l'État, la preuve de la responsabilité de celui-ci incombe au prestataire.
En cas de réquisition de services, et sous réserve des cas d'exonération prévus au premier alinéa du présent article, l'État est responsable des détériorations, des pertes ou des dommages aux personnes, si le prestataire établit qu'ils sont la conséquence soit de l'aggravation anormale du risque que la réquisition a pu lui imposer, soit de la faute du bénéficiaire de la prestation.
En cas de réquisition d'usage et de services, lorsque les dommages sont le fait d'un tiers, l'État est subrogé au prestataire dans ses droits contre le tiers responsable, pour le remboursement des indemnités versées ou des dépenses effectuées en vue de leur réparation.
Art. 21.
Lorsque l'État ne procède pas lui-même à la réparation des dommages dont il est responsable aux termes de l'article 20 ci-dessus et dans la mesure où ceux-ci ne sont pas couverts par une assurance, l'indemnité compensatrice prévue à l'article 7 de la présente ordonnance est déterminée d'après le montant des frais qu'occasionnerait la remise en état, affecté, s'il y a lieu, d'un coefficient de réduction pour tenir compte de la vétusté de la chose au jour de la prise de possession et déduction faite des sommes déjà allouées au titre de l'amortissement pendant la période de réquisition.
Les mêmes dispositions sont applicables en cas de perte ou d'impossibilité de réparer tout ou partie de la chose endommagée, mais en tenant compte, s'il y a lieu, de la valeur résiduelle.
Art. 22.
En cas de réquisition d'usage, le montant de l'indemnité de remise en état d'un bien ne peut dépasser la valeur vénale de ce bien tel qu'il a été réquisitionné, appréciée au jour de la décision administrative fixant l'indemnité, déduction faite des sommes allouées pendant la réquisition au titre de l'amortissement de ce bien.
En cas de réquisition de services, l'indemnité pouvant être due au prestataire, conformément aux dispositions de l'article 20 ci-dessus pour un bien endommagé, ne peut être supérieure à la valeur vénale de ce bien, appréciée au jour de la décision administrative fixant l'indemnité, compte tenu de son état au moment où s'est produit le fait dommageable.
En outre, quand l'administration sera en mesure d'établir que l'indemnité demandée dépasse le montant des frais réels de remise en état déjà assumés par le prestataire, l'indemnité sera ramenée à ce montant.
Dans la mesure où l'exécution des travaux de remise en état, normalement conduite, l'empêche de jouir de son bien et lui cause de ce fait un préjudice matériel et direct, le prestataire peut prétendre à une indemnité complémentaire, dite de post-réquisition, exclusive de tout amortissement correspondant à l'usage. Le montant cumulé de cette indemnité et de l'indemnité de remise en état ne peut dépasser le maximum prévu au premier alinéa du présent article.
Lorsque les dommages sont consécutifs à une réquisition agricole, l'évaluation des indemnités de remise en état et de post-réquisition doit tenir compte des indemnités déjà allouées au titre des articles 5 et 6 de la présente ordonnance. D'autre part, la perte de productivité temporaire pendant le temps strictement nécessaire à la reconstitution de l'exploitation est indemnisée, par analogie, comme une moins-value, dans les conditions prévues à l'article 16.
Lorsque les travaux exécutés par l'État pendant la réquisition, autres que ceux destinés à assurer la conservation de l'immeuble, n'ont eu pour effet ni d'en diminuer, ni d'en augmenter la valeur vénale, mais apportent un trouble de jouissance nécessitant, pour le prestataire, la remise des lieux dans leur état antérieur, une indemnité compensatrice des frais ainsi occasionnés pourra être accordée dans les conditions fixées par le présent titre, sur justification de l'exécution des travaux nécessaires.
Niveau-Titre TITRE VI. Procédure de règlement des indemnités.
Art. 23.
Chaque ministre ou secrétaire d'État désigne les autorités qualifiées pour procéder au règlement des réquisitions dont son Département est bénéficiaire et, au besoin, le représenter en justice à cet effet. Cette désignation est portée à la connaissance des préfets qui en informent les maires.
Dans chaque Département siège une commission d'évaluation des réquisitions composée en nombre égal de représentants des administrations publiques et de représentants des groupements économiques, professionnels, industriels, commerciaux ou agricoles ; sa composition, ses attributions et les règles de son fonctionnement seront fixées par règlement d'administration publique (4).
En outre, des commissions spéciales d'évaluation peuvent être instituées pour certaines catégories de biens, à l'initiative du ministre responsable et dans les conditions qui seront fixées par règlement d'administration publique (4).
Art. 24.
L'autorité chargée de la liquidation, saisie directement, ou par l'intermédiaire du maire, d'une demande d'indemnité, adresse au prestataire des propositions de règlement en fixant un délai pour la réponse et, en cas d'acceptation, mandate l'indemnité. À défaut de réponse dans le délai prévu ci-dessus, ou en cas de contestation, et sauf lorsque l'indemnité résulte de l'application des tarifs et barèmes visés à l'article 8 de la présente ordonnance, l'affaire est obligatoirement soumise par l'administration à la commission d'évaluation des réquisitions qui émet un avis motivé.
Après avoir arrêté définitivement le montant de l'indemnité, l'administration le notifie au prestataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette notification doit indiquer le délai, de quinze jours au moins et de trois mois au plus, imparti au prestataire pour accepter ou refuser. À défaut de réponse dans le délai prescrit, l'indemnité est réputée acceptée et elle est mandatée.
Art. 25.
En cas de refus formulé dans le délai imparti, le prestataire ou ses ayants droit peut, dans les six mois, en ce qui concerne le montant des indemnités prévues dans la présente ordonnance, intenter une action devant les juridictions civiles qui statuent dans les limites normales de leur taux de compétence.
Lorsque l'indemnité résulte de l'application de tarifs ou barèmes prévus à l'article 8 ci-dessus, ces juridictions ne peuvent statuer que sur la juste application du tarif ou du barème à la prestation fournie.
Niveau-Titre TITRE VII. Dispositions diverses.
Art. 26.
Dans les conditions et pour une durée qui seront déterminées par règlement d'administration publique (4), l'autorité qualifiée pour réquisitionner a la faculté de prescrire le blocage préalable des biens mobiliers, en vue de procéder à leur réquisition.
Cette mesure comporte, pour le propriétaire ou le détenteur des biens, l'obligation de les représenter à toute demande de l'administration au lieu et dans l'état où ils se trouvaient au jour du blocage.
Lorsque le blocage entraîne, comme conséquence directe et pendant sa durée, des frais supplémentaires de gardiennage, de conservation et, éventuellement, d'agio, ou, le cas échéant, des avaries ou détériorations, afférents aux biens bloqués, le remboursement peut en être demandé, sur justifications, par le propriétaire ou par le détenteur de ces biens.
Art. 27.
Quand un prestataire est locataire ou sous-locataire du bien requis, il n'est tenu au paiement de son loyer que dans la mesure de l'indemnité de dépossession qu'il a perçue pour le même bien.
Art. 28.
Les actes, pièces et écrits de toute nature faits pour l'application de la présente ordonnance et exclusivement relatifs aux règlements des diverses indemnités, sont dispensés du timbre ; ils sont enregistrés gratis lorsqu'il y a lieu à la formalité de l'enregistrement (6).
Nonobstant toutes dispositions relatives au secret professionnel, les administrations publiques et leurs agents sont tenus, pour l'application de la présente ordonnance, de communiquer aux autorités chargées du règlement des réquisitions, ainsi qu'aux commissions d'évaluation, tous renseignements utiles à la détermination des indemnités de réquisition. Ces autorités et leurs agents, ainsi que les membres des commissions d'évaluation, sont assujettis aux obligations du secret professionnel pour tous les renseignements ainsi portés à leur connaissance.
Art. 29.
Des règlements d'administration publique (4) détermineront les modalités d'application de la présente ordonnance, en ce qui concerne, notamment : les conditions dans lesquelles le droit de réquisition pourra être délégué et les autorités auxquelles il le sera ; les conditions dans lesquelles un état descriptif et un inventaire seront établis lors de la prise de possession des biens requis ; les modalités de règlement des réquisitions d'usage de biens immobiliers appartenant à une collectivité ou à un établissement public ; le taux de l'intérêt accordé ; les modes d'évaluation des prestations requises et de paiement des indemnités ; les conditions dans lesquelles une action générale de coordination sur le règlement des réquisitions sera exercée, au nom du Président du Conseil (7), par le ministre des armées (8) assisté d'un comité consultatif interministériel (9).
Ils fixeront également :
1. Les modalités de règlement et de recouvrement de l'indemnité de plus-value, ainsi que celles du remboursement des dépenses de gros entretien et la procédure relative à l'acquisition éventuelle des immeubles par l'État.
2. Les droits et obligations des affectataires d'immeubles requis, à l'égard de l'État, quand ce dernier aura apuré, en leur lieu et place dans les conditions prévues au titre IV, la situation résultant des travaux effectués par lesdits affectataires.
3. Les conditions dans lesquelles interviendront :
A. La réparation en nature ou pécuniaire de la moins-value et l'indemnisation pour plus-value, en cas de travaux exécutés sur un navire réquisitionné.
B. Le calcul et le paiement de l'indemnité de plus-value, et l'indemnisation de la moins-value, en cas de travaux exécutés sur un aéronef réquisitionné.
C. La limitation de l'indemnité de plus-value à réclamer au prestataire du navire ou de l'aéronef.
Des aménagements aux modalités d'exécution et de règlement des réquisitions et du blocage, telles qu'elles sont prévues par la présente ordonnance, pourront être apportés par règlement d'administration publique (4) en vue de faire face aux nécessités propres à la mobilisation des ressources en moyens de transport et de travaux publics dont le ministre chargé des travaux publics, des transports et du tourisme est responsable aux termes de la loi du 11 juillet 1938 et des décrets pris pour son application (10).
Art. 30.
Les articles 26, 30, 31 et 32 de la loi du 11 juillet 1938 s'appliquent aux réquisitions de biens et de services faisant l'objet du titre premier de la présente ordonnance et au blocage prévu à son article 26.
Si une disposition législative ou réglementaire se réfère aux articles de la loi du 11 juillet 1938 abrogés par la présente ordonnance, la référence doit être regardée comme faite aux dispositions correspondantes de cette dernière ordonnance.
Les titres II à VII inclus de la présente ordonnance s'appliquent au règlement de toutes les réquisitions de biens et de services.
Art. 31.
Toutes dispositions contraires à la présente ordonnance sont abrogées, notamment : les articles 20 à 25 inclus, le deuxième alinéa de l'article 28 et l'article 29 de la loi du 11 juillet 1938 , les articles 12 et 13 de la loi du 18 juin 1934 (11), le décret du 27 octobre 1939 et l'article 1312 du code général des impôts.
Sont également abrogés, dans le premier alinéa de l'article 28 de la loi du 11 juillet 1938 , les dispositions concernant la procédure d'après laquelle devra s'effectuer la prise de possession, le mode d'évaluation des prestations requises et le paiement des indemnités.
Il est ajouté au deuxième alinéa de l'article 21 de l'ordonnance no 58-997 du 23 octobre 1958 (12) portant réforme des règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique la disposition suivante :
« En cas d'expropriation survenant au cours de l'occupation de l'immeuble réquisitionné, il n'est pas non plus tenu compte des modifications apportées aux biens par l'État. »
Art. 32.
La présente ordonnance est applicable aux départements algériens et aux départements des Oasis et de la Saoura (13). Des règlements d'administration publique (4) (14) en détermineront les conditions d'adaptation aux territoires d'outre-mer.
Les règlements d'administration publique (4), décrets et arrêtés qui fixeront les mesures propres à assurer l'exécution de la présente ordonnance seront insérés au Journal officiel.
Art. 33.
La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la République française et exécutée comme loi.
Fait à Paris, le 6 janvier 1959.
C. DE GAULLE.
Par le Président du conseil des ministres :
Le ministre d'État,
Guy MOLLET.
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
Michel DEBRÉ.
Le ministre des affaires étrangères,
Maurice COUVE DE MURVILLE.
Le ministre de l'intérieur,
Émile PELLETIER.
Le ministre des armées,
Pierre GUILLAUMAT.
Le ministre des finances et des affaires économiques,
Antoine PINAY.
Le ministre de l'éducation nationale,
Jean BERTHOIN.
Le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme,
Robert BURON.
Le ministre de l'industrie et du commerce,
Édouard RAMONET.
Le ministre de l'agriculture,
Roger HOUDET.
Le ministre de la France d'outre-mer,
Bernard CORNUT-GENTILLE.
Le ministre du travail,
Paul BACON.
Le ministre de la santé publique et de la population,
Bernard CHENOT :
Le ministre de la construction,
Pierre SUDREAU.
Le ministre des anciens combattants et victimes de guerre,
Edmond MICHELET.
Le ministre des postes, télégraphes et téléphones,
Eugène THOMAS.
Le ministre du Sahara,
Max LEJEUNE.
Le ministre de l'information,
Jacques SOUSTELLE.