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DIRECTION DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES, JURIDIQUES ET CONTENTIEUSES : Sous-Direction des affaires juridiques et contentieuses et des dommages ; Bureau de la réglementation de la comptabilité et des recouvrements concernant les dommages

CIRCULAIRE N° 2086/110/MA/DAAJC/CX/3 relative à l'application de la loi n° 63-820 du 6 août 1963 permettant le recours de la victime d'un accident de trajet contre le tiers responsable.

Du 27 mai 1964
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  361.1.

Référence de publication : BO/G, p. 2387 ; BO/M, p. 2063 ; BO/A, p. 966.

La loi no 63-820 du 6 août 1963 (1) en complétant, d'une part, le code de la sécurité sociale et, d'autre part, le code rural, a ouvert au travailleur, victime d'un accident de trajet au sens défini par lesdits codes, un recours de droit commun à l'encontre de l'auteur responsable même lorsque celui-ci est l'employeur ou l'un de ses préposés, ou plus généralement une personne appartenant à la même entreprise.

Avant d'examiner les conditions d'application de ce texte, il ne paraît pas inutile de rappeler brièvement quelle était la situation du travailleur victime d'un accident de trajet antérieurement à l'intervention de la loi.

1. Recours de droit commun ouverts à la victime d'un accident de trajet antérieurement à l'intervention de la loi du 6 août 1963.

Avant l'intervention de la loi du 6 août 1963, le travailleur victime d'un accident de trajet bénéficiait d'un recours de droit commun à l'encontre de l'auteur responsable lorsque celui-ci était un tiers ; la loi nouvelle n'apportant aucune modification concernant les conditions d'exercice de ce recours, les instructions données antérieurement demeurent applicables et il n'en sera donc pas question dans la présente circulaire.

En revanche, ce même travailleur, en vertu tant de l'article 466 du code de la sécurité sociale que de l'article 1146 du code rural, ne disposait, sauf dans le cas de faute intentionnelle prévu par l'article 469 du code de la sécurité sociale (2), d'aucun recours de droit commun, à l'encontre de l'employeur ou de ses préposés agissant en service ; ce même recours lui était également refusé si l'auteur responsable de l'accident de trajet était un autre travailleur de la même entreprise lui-même en cours de trajet (3).

Si la première de ces solutions pouvait se concevoir, la seconde était par contre très vivement critiquée tant par la doctrine que par la jurisprudence des cours d'appel et tribunaux ; il n'y avait aucune raison, en effet, pour que le travailleur d'une entreprise, auteur d'un accident en cours de trajet, bénéficie d'une immunité lorsque la victime était un autre travailleur de la même entreprise également en cours de trajet.

Il était donc nécessaire, en raison de la position adoptée par la Cour de cassation statuant toutes chambres réunies, que le législateur intervienne pour remédier à cette anomalie. C'est ce qu'il a fait par la loi du 6 août 1963 laquelle, tout en comportant quelques lacunes, est allée bien au-delà de la réforme qui était attendue.

2. Conditions d'application de la loi du 6 août 1963.

2.1. En ce qui concerne la victime.

Deux conditions sont nécessaires pour que la victime d'un accident de trajet puisse invoquer le bénéfice de la loi du 6 août 1963 :

  • 1. Il faut tout d'abord que la victime soit un salarié susceptible de bénéficier en cas d'accident des prestations prévues par le livre IV du code de la sécurité sociale, ou, pour les travailleurs agricoles ou forestiers, par le titre III du livre VII du code rural.

    Les fonctionnaires civils et militaires ne peuvent donc invoquer cette loi ; ils sont soumis à des règles qui leur sont propres ; en revanche, les ouvriers et personnels des collectivités publiques, régis en cas d'accident par la législation sur les accidents du travail, peuvent s'en prévaloir.

  • 2. En second lieu, il est nécessaire que l'accident dont le salarié est victime soit survenu au cours du trajet tel qu'il est défini soit par l'article L. 415-1 du code de la sécurité sociale, soit s'il s'agit d'un travailleur agricole ou forestier, par l'article 1148 du code rural.

    Il découle de cette seconde condition que le travailleur, s'il est victime d'un accident non plus en cours de trajet, mais au cours de son travail, ne peut exercer aucun recours de droit commun à l'encontre de l'auteur responsable lorsque celui-ci est soit l'employeur ou un préposé de celui-ci agissant en service, exception faite du cas de faute intentionnelle, soit une personne de la même entreprise, elle-même en cours de trajet.

Il importe d'autre part de remarquer que la loi du 6 août 1963 n'emploie à aucun moment les termes de « recours de droit commun » ; elle précise seulement que « si l'accident dont le travailleur est victime… » est causé par l'employeur ou ses préposés ou, plus généralement par une personne appartenant à la même entreprise que la victime, il est fait application à l'encontre de l'auteur responsable de l'accident, des dispositions des articles L. 470 et L. 471 du code de la sécurité sociale ou, s'il s'agit d'un travailleur agricole ou forestier, de celles de l'article 1147 du code rural.

Or, ces différents articles concernent bien le recours de droit commun, mais ils ouvrent ce recours non seulement à la victime ou à ses ayants droit mais également à la personne ou à l'organisme qui a versé ou verse les prestations dues au titre de la législation sur les accidents du travail (caisse de sécurité sociale, employeur ou compagnie d'assurance couvrant celui-ci pour le risque accident du travail).

Il s'ensuit que chaque fois que la victime d'un accident de trajet peut utiliser le recours prévu par la loi du 6 août 1963, ce même recours est ouvert à l'organisme ou à la personne qui sert les prestations dues au titre de la législation sur les accidents du travail et s'exerce dans les conditions prévues selon le cas soit par les articles L. 470 et L. 471 du code de la sécurité sociale, soit par l'article 1147 du code rural.

2.2. En ce qui concerne l'auteur responsable de l'accident.

Le cas où le responsable est un tiers étant mis à part (cf. A) la loi du 6 août 1963 ouvre au travailleur victime d'un accident de trajet et aux personnes ou organismes qui lui sont subrogés, un recours de droit commun à l'encontre de l'auteur responsable lorsque celui-ci est :

2.2.1. L'employeur.

Il peut paraître a priori assez surprenant que le législateur ait ouvert un recours de droit commun contre l'employeur, non seulement à son employé victime d'un accident de trajet ou à ses ayants droit en vue d'obtenir, le cas échéant, une indemnisation complémentaire en sus des prestations légales, mais également à l'organisme (caisse de sécurité sociale, compagnie d'assurance) qui sert ces prestations et pourra ainsi en obtenir le remboursement dans la limite de l'indemnité de droit commun due par l'employeur, considéré comme tiers responsable ; en effet l'employeur a payé des cotisations ou primes à cet organisme pour couvrir le risque accident du travail.

L'exercice de ce droit de recours ne paraissant cependant pas contestable, la question peut se poser de savoir si l'employeur ne serait pas en droit, en pareil cas, de déduire de l'indemnité due à l'organisme qui sert les prestations accidents du travail, les cotisations ou primes encaissées par celui-ci auprès de l'employeur pour le compte de la victime (4).

Dans l'hypothèse ou l'Etat serait l'objet d'un tel recours de la part d'un organisme appelé à le couvrir au titre du risque accident du travail, le dossier devrait être envoyé pour décision à l'administration centrale.

D'autre part, les dispositions de l'article 470, alinéa 4, du code de la sécurité sociale et la jurisprudence applicable en cas de partage des responsabilités entre un tiers et l'employeur ne paraissent plus pouvoir être invoquées puisque l'employeur est lui-même assimilé à un tiers par la loi du 6 août 1963. En pareille circonstance, il doit être fait application des règles du droit commun relatives à la responsabilité des coauteurs.

2.2.2. Un préposé de l'employeur.

Le terme de « préposé » retenu par le législateur doit être entendu au sens qui lui est donné par l'article 1384 du code civil ; il vise toutes les personnes qui, appartenant à la même entreprise ou à la même collectivité publique que la victime, sont, au moment de l'accident, dans un lien de subordination par rapport à l'employeur et dont celui-ci couvre par conséquent la responsabilité civile.

De ce fait, ce sont les mêmes règles que celles définies au paragraphe précédent qui doivent être appliquées.

2.2.3. Toute personne appartenant à la même entreprise que la victime.

Il s'agit de toutes les personnes appartenant à la même entreprise que la victime autres que celles visées aux paragraphes 1o et 2o qui précèdent et notamment des personnes qui, au moment de l'accident, n'ont pas la qualité de préposé de l'employeur (salarié de la même entreprise ou collectivité publique se trouvant soit en dehors de son service soit en cours de trajet).

2.3. Conditions d'application de la loi dans le temps.

Aux termes du paragraphe III de l'article unique de la loi du 6 août 1963 les dispositions de celle-ci sont applicables :

  • aux accidents survenus après le 31 décembre 1962 ;

  • aux instances en cours engagées à l'occasion d'accidents survenus avant cette date, y compris les affaires pendantes devant la cour de cassation ou renvoyées devant une cour d'appel après cassation.

2.3.1. Accidents postérieurs au 31 décembre 1962.

La loi est incontestablement applicable dès lors que l'accident est survenu postérieurement au 31 décembre 1962 et n'a donné lieu à aucun règlement définitif.

Il convient donc de reprendre l'instruction de ces affaires soit lorsque la demande en est faite, soi même d'office lorsque l'Etat a subi un préjudice dont il est en droit d'obtenir la réparation.

En revanche la loi paraît devoir être considérée comme étant inapplicable, même si l'accident est postérieur au 31 décembre 1962, lorsque l'affaire a donné lieu soit à une transaction, soit à une décision de justice devenues définitives et ayant par conséquent acquis l'autorité de la chose jugée, soit même à une décision administrative devenue définitive.

Il ne ressort pas, en effet, des termes mêmes de la loi que le législateur ait entendu faire échec au principe de l'autorité de la chose jugée. En tout état de cause, il appartiendra aux tribunaux de se prononcer sur ce point et les demandes dont l'administration pourrait être saisie au sujet de telles affaires devront être rejetées ; en cas de doute, le département devra être saisi pour décision.

2.3.2. Accidents antérieurs au 1er janvier 1963 pour lesquels une instance était en cours à la date de publication de la loi.

Lorsqu'une instance était en cours à la date de publication de la loi, ses dispositions sont applicables, même si l'accident est antérieur au 1er janvier 1963.

On doit considérer qu'il y a instance en cours et que la loi est applicable dans tous les cas où l'action en dommages-intérêts a été portée devant une juridiction et n'a pas encore donné lieu à une décision de justice devenue définitive, étant précisé que sont considérées comme instances en cours même les affaires pendantes devant la cour de cassation ou renvoyées devant une cour d'appel après cassation.

Les difficultés auxquelles pourrait donner lieu l'application de la présente circulaire, qui abroge et remplace toutes dispositions antérieures qui lui seraient contraires, seront soumises à l'administration centrale (DAAJC).

Pour le ministre des armées et par délégation :

Le directeur des affaires administratives, juridiques et contentieuses,

LAMSON.