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DIRECTION DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES, JURIDIQUES ET CONTENTIEUSES : Sous-Direction des marchés et brevets d'invention

INSTRUCTION du ministre des finances et des affaires économiques pour l'application de l'article 54 de la loi n o 63-156 du 23 février 1963instituant un droit de contrôle des prix de revient pour certains marchés.

Du 15 octobre 1964
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  330.2.1.3.

Référence de publication : <em>BO/G</em>, p. 4617 ; <em>BO/M</em>, p. 4399 ; <em>BO/A</em>, p. 1819 ; <em>JO</em> du 30 octobre 1964, p. 9730.

L'article 54 de la loi de finances pour 1963 no 63-156 du 23 février 1963(1) a donné aux services de l'État et à certaines personnes morales du secteur public un droit de contrôle sur les prix de revient de prestations faisant l'objet de certains marchés. Le décret no 64-4 du 6 janvier 1964 (2) repris dans les articles 224 à 229 du code des marchés a fixé les modalités d'application de cette disposition législative. Un arrêté a fixé la liste des entreprises nationales et des sociétés d'économie mixte habilitées à exercer des contrôles de prix de revient (arrêté du 4 février 1964(3). Enfin, le Premier ministre a adressé à tous les ministres et secrétaires d'État une lettre-circulaire no 2012 SG du 7 janvier 1964(4) pour organiser la coordination de tous les contrôles de prix de revient exercés par l'État et les personnes morales du secteur public.

L'objet de la présente instruction est de commenter cet ensemble de textes pour en expliquer la portée et pour préciser l'interprétation qui doit en être faite par les services qui auront à les utiliser.

1. Le champ d'application de l'article 54 de la loi du 23 février 1963.

Trois questions sont à examiner :

  • Quelles sont les personnes morales bénéficiant du droit d'exercer des contrôles ?

  • Quelles sont les entreprises soumises aux obligations de la loi ?

  • Dans quels cas ces entreprises sont-elles soumises à ces obligations ?

  • a).  Les personnes morales bénéficiant du droit d'exercer des contrôles

    L'article 54-I de la loi précitée énumère : « les services de l'État, les établissements publics et les entreprises visées par l'article 164 (I, a) de l'ordonnance no 58-1374 du 30 décembre 1958(5) et figurant sur une liste fixée par arrêté du Premier ministre pris sur proposition du ministre des finances et des affaires économiques, après avis de la commission centrale des marchés ».

    Rappelons que l'article 164 (I, a) de l'ordonnance du 30 décembre 1958 vise les entreprises nationales à caractère industriel ou commercial (parmi lesquelles les établissements publics nationaux à caractère industriel ou commercial) et les sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'État détient une participation de 30 % du capital.

    Les dispositions de la loi sont donc à comprendre comme ouvrant le droit de contrôle à :

    • tous les services de l'État ;

    • tous les établissements publics nationaux à caractère administratif ;

    • ceux des établissements publics nationaux à caractère industriel ou commercial, celles des entreprises nationales et celles des sociétés d'économie mixte qui figurent sur la liste prévue par la loi (arrêté du 4 février 1964 précité).

    Dans la présente instruction, les personnes morales bénéficiant du droit d'exercer des contrôles seront désignées par le terme général : « l'administration ».

  • b).  Les entreprises soumises aux obligations de la loi.

    L'article 54-I de la loi du 23 février 1963 vise « les entreprises titulaires de marchés ».

    Ainsi qu'y autorise le paragraphe II de l'article 54 (marchés ou commandes de travaux, fournitures ou études), le terme de « marché » doit être interprété au sens large, sans s'attacher à la forme juridique que revêtent les contrats.

    Les obligations de l'article 54 concernent les entreprises titulaires de marchés ; la loi n'a donc pas imposé ces obligations aux entreprises bénéficiant d'un sous-traité, d'une sous-commande ou d'un apport en société au titre d'un marché. Pourtant, dans de nombreux cas, l'administration ne peut être utilement renseignée qu'en poursuivant son contrôle au-delà du titulaire du marché ; pour pouvoir exercer ce contrôle, l'administration doit donner à cette extension un fondement contractuel en la prévoyant expressément dans le contrat passé avec l'entreprise titulaire.

  • c).  Cas dans lesquels ces entreprises sont soumises à ces obligations.

    Les caractéristiques des marchés au titre desquels le droit de contrôle est ouvert à l'administration sont prévues au paragraphe II (1er alinéa) de l'article 54 de la loi précitée. Elles constituent les conditions de fonds auxquelles est subordonnée l'existence du droit de contrôle : « les obligations… sont applicables aux marchés… pour lesquels la spécialité des techniques, le petit nombre d'entreprises compétentes, des motifs de secret ou des raisons d'urgence impérieuses ne permettent pas de faire appel à la concurrence ou de la faire jouer efficacement ».

Ces conditions de fonds reposent sur des critères d'ordre économique relatifs au caractère concurrentiel ou non du marché économique devant lequel l'administration se présente pour contracter. En raison de la nature de ces critères, il n'est pas possible de donner une formulation générale et précise des cas auxquels ils correspondent. Il paraît nécessaire cependant d'attirer l'attention des services sur deux points.

  • 1. Le droit de contrôle existe si l'administration n'a pas pu faire d'appel à la concurrence, ou si, celle-ci ayant été mise en œuvre, il s'avère qu'elle n'a pas joué efficacement, à condition, dans les deux cas, que ce soit pour l'un des motifs énumérés par la loi (spécialité des techniques, petit nombre d'entreprises compétentes, secret ou urgence). Cela exclut les cas dans lesquels l'administration n'a pas pu faire jouer la concurrence pour d'autres motifs ou sans motif.

  • 2. Pour les marchés soumis à la réglementation des marchés de l'État, l'existence du droit de contrôle n'est pas directement liée à l'utilisation de la procédure du gré à gré pour la passation des marchés, bien que les termes utilisés par la loi ressemblent à ceux de plusieurs des paragraphes de l'article 35 du décret no 56-256 du 13 mars 1956 (art. 104 du code des marchés) qui fixe les cas dans lesquels l'administration peut utiliser cette procédure du gré à gré.

En effet, la loi ne s'applique pas à tous les marchés de gré à gré visés par les paragraphes intéressés de l'article 35 : les marchés de gré à gré doivent être mis en compétition dans toute la mesure du possible (art. 34 du même décret, repris à l'article 103 du code des marchés) ; or, si cette mise en compétition non formaliste permet de faire jouer efficacement la concurrence, la loi n'est pas applicable. En revanche, la loi ne s'applique pas seulement à des marchés de gré à gré : elle est applicable aux marchés passés après appel public à la concurrence, lorsque celle-ci ne joue pas efficacement pour l'un des motifs énumérés ci-dessus.

Enfin, il convient de noter que les marchés à prix provisoire prévus par l'article 36 du décret du 13 mars 1956 (art. 105 du code des marchés) entrent tous dans le champ d'application de la loi.

2. Les opérations préalables à l'exercice du droit de contrôle.

Lorsque l'on est dans le champ d'application de l'article 54 de la loi du 23 février 1963, l'exercice du droit de contrôle n'est pas automatique : il faut tout d'abord rappeler ces obligations dans les documents contractuels ; il convient ensuite que l'administration prenne une décision sur l'opportunité d'exercer un contrôle.

  • a).  Le rappel des obligations de l'article 54 dans les documents contractuels.

    En prescrivant que « la référence à ces obligations devra figurer dans les documents contractuels », le deuxième alinéa du paragraphe II de l'article 54 impose à l'administration de rappeler aux cocontractants les obligations qui pourront leur incomber.

    Pour les marchés de l'État, qui sont régis par des CCAG interministériels élaborés par la commission centrale des marchés, il a été décidé d'introduire dans ces documents contractuels généraux une clause faisant référence à l'article 54. Les CCAG applicables aux marchés de travaux et aux marchés de fournitures courantes seront très prochainement complétés par une clause concernant l'application de l'article 54 et stipulant que les CPS doivent rappeler cette clause lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies ; cette clause est reproduite en annexe n° 1 à la présente instruction.

    Les « personnes responsables » des marchés, au sens du décret du 07 janvier 1959 (art. 44 du code des marchés), devront donc, pour chaque marché, juger si les conditions prévues par la loi sont remplies et, dans l'affirmative, rappeler dans le CPS que l'article correspondant du CCAG est applicable.

    En décidant d'inscrire la référence dans le CPS ou de ne pas l'inscrire, la personne qui signe le marché engage tout particulièrement sa responsabilité. Il convient de ne pas réserver l'inscription de la référence à l'article 54 aux seuls cas dans lesquels l'administration a, dès la conclusion du marché, l'intention d'exercer un contrôle, car l'opportunité de celui-ci peut n'apparaître qu'au cours de l'exécution du marché. Il faut souligner d'ailleurs que le rappel des obligations de l'article 54 est indispensable dans les marchés à prix provisoire, puisque l'article 36 du décret du 13 mars 1956 (art. 105 du code des marchés) et l'article 15 du décret du 26 août 1957 (art. 230 du code des marchés) ne permettent de conclure de tels marchés qu'avec des fournisseurs soumis à un contrôle particulier de l'administration. Enfin, s'il apparaît après un appel public à la concurrence que les conditions d'application de l'article 54 sont remplies, le rappel de l'article 54 doit être introduit dans le CPS, au besoin après avoir déclaré l'appel à la concurrence infructueux conformément aux dispositions de l'article 35 (5°) du décret du 13 mars 1956 (art. 104 du code des marchés).

  • b).  La décision de l'administration sur l'opportunité d'exercer un contrôle.

    Lorsque l'administration est en droit d'exercer un contrôle, elle n'est pas tenue d'user de ce droit : elle n'en use que si elle juge le contrôle opportun. L'article 3 du décret du 6 janvier 1964 (art. 226 du code des marchés) confie la décision sur ce point à la personne qui a signé le marché (pour les marchés de l'État, il s'agit de la « personne responsable » au sens de l'article 44 du code des marchés). La coordination des décisions d'exercer un contrôle organisé par la circulaire du Premier ministre du 07 janvier 1964 ne fait nullement obstacle à ce principe de la responsabilité de la personne qui signe le marché, car l'organisme de coordination ne prend aucune décision sur ce point.

Les critères en fonction desquels les décisions d'exercer un contrôle doivent être prises, peuvent être nombreux et varier selon les cas d'espèce. Il est nécessaire d'appeler tout particulièrement l'attention des services sur un point : le contrôle des prix de revient n'est pas une fin en soi et il ne se justifie que s'il présente un intérêt réel pour l'administration.

L'article 54-I stipule que le droit de contrôle existe à l'égard des « entreprises titulaires de marchés conclus » ; ce droit naît donc après la conclusion des marchés. Il en résulte tout d'abord qu'aucun contrôle ne peut être exercé avant la conclusion du marché (il ne peut donc servir pour la fixation initiale des prix de celui-ci) ; en second lieu, le contrôle ne peut être utilisé pour remettre en cause le contrat initial, et notamment les conditions de prix que celui-ci prévoit.

Ces considérations conduisent à constater que les contrôles de l'article 54 ne présentent un intérêt réel pour l'administration que dans deux catégories de cas :

  • lorsqu'il s'agit de compléter, en cours d'exécution d'un marché, les conditions de prix figurant dans le contrat initial (fixation de « prix nouveaux ») et lorsque les prix du marché initial sont provisoires en tout ou en partie (on a déjà souligné que les marchés à prix provisoire entrent tous dans le champ d'application de l'article 54) ;

  • lorsque la connaissance des prix de revient relatifs au marché soumis à contrôle est susceptible d'être utile pour l'établissement de séries de prix ou pour un marché ultérieur, soit que ce marché ultérieur porte sur la même prestation (commandes suivies d'un même matériel, par exemple), soit qu'il porte sur une prestation dérivée de la première (commandes de pièces détachées d'un ensemble par exemple).

D'autre part, il est bien évident que l'intérêt d'un contrôle éventuel doit être jugé en fonction du montant des sommes en cause ; il ne dépend pas exclusivement du montant du marché soumis à contrôle : il y a lieu de tenir compte également du degré d'incertitude que l'on a sur les prix réels, et surtout de l'importance des marchés ultérieurs à l'occasion desquels les résultats du contrôle pourront être utilisés.

3. L'exercice du droit de contrôle.

  • a).  Les renseignements soumis au contrôle

    Dans son paragraphe I, l'article 54 de la loi du 23 février 1963 prescrit aux entreprises de fournir au service contractant, si celui-ci en fait la demande, « tous renseignements sur les éléments techniques et comptables du prix de revient des prestations qui font l'objet du marché ». L'interprétation de cette prescription, dont la formulation reste générale, nécessite deux remarques :

    • 1. La limitation du contrôle aux éléments du prix de revient des prestations qui font l'objet du marché ne peut être entendue en son sens le plus strict car, à la limite, l'établissement du prix de revient d'un produit fourni par une entreprise peut nécessiter l'analyse de l'ensemble de l'exploitation de cette entreprise pendant une certaine période comptable. Notamment pour tous les éléments de charges dont l'affectation directe au prix de revient de la prestation en cause n'est pas possible, le contrôle de leur imputation audit prix de revient conduit obligatoirement à contrôler les renseignements relatifs à leur montant global et à leur répartition entre les différentes activités de l'entreprise.

    • 2. Il n'est pas possible de fixer a priori une liste des renseignements soumis au contrôle, en raison des multiples méthodes existant pour calculer les prix de revient, et parce que ce calcul repose pour partie sur des renseignements d'ordre statistique ou technique qui échappent à tout essai d'énumération exhaustive. C'est la raison pour laquelle les formulations de la loi, à son paragraphe I comme à son paragraphe III, demeurent très générales : « les bilans, comptes de pertes et profits, et comptes d'exploitation ainsi que la comptabilité analytique ou, à défaut de celle-ci, tous documents de nature à permettre l'établissement des prix de revient ».

  • b).  Les formes que le contrôle peut revêtir

    Le paragraphe I de l'article 54 prévoit que les contrôles prendront la forme de demandes de renseignements adressées par l'administration aux entreprises, et, éventuellement, de vérifications sur pièces ou sur place de ces renseignements.

    Il n'échappera pas que cette deuxième forme de contrôle peut présenter pour les entreprises un caractère beaucoup plus astreignant que la première, et que son exercice suppose de la part de l'administration des moyens, en personnel notamment, adaptés à cette tâche. C'est pourquoi il est nécessaire que les vérifications ne soient décidées que pour des affaires présentant un intérêt réel, comme il a été prescrit ci-dessus (II, b). En pratique, les services pourront souvent se contenter de demander des renseignements, l'importance et le degré de détail de ceux-ci étant eux-mêmes fonction de l'intérêt qui s'attache au contrôle. Si l'administration a besoin d'éléments d'information particulièrement sûrs, ou si elle éprouve des difficultés à obtenir les renseignements demandés, elle peut avoir recours à la vérification sur place.

    En tout cas, il convient, pour ces vérifications sur place, de s'attacher plus à leur qualité qu'à leur quantité et de leur donner un caractère très approfondi. La vérification doit sans doute conduire à des constatations portant sur des chiffres, mais elle doit également consister en une étude des méthodes des gestion et de production constatées sur tous les plans, économiques et financiers comme techniques et comptables. Ce n'est qu'à ce prix qu'elle porte tous ses fruits pour l'administration, et qu'elle est susceptible d'être utile pour l'entreprise contrôlée en l'engageant à améliorer ses méthodes.

  • c).  Les agents de l'administration qui exercent le droit de contrôle

    La question de savoir quels agents de l'administration sont habilités à exercer les contrôles ne se pose pas tant que ces contrôles revêtent la forme de demandes de renseignements puisqu'il s'agira le plus souvent d'un échange de correspondances. Par contre cette question prend toute son importance pour les vérifications sur pièces et sur place qui ont nécessairement un caractère plus personnel mettant en cause la compétence et la conscience professionnelle des agents chargés de remplir cette mission.

    C'est la raison pour laquelle le décret du 6 janvier 1964 (art. 4, repris dans l'article 227 du code des marchés) prévoit une procédure de désignation de ces agents relativement formaliste, de nature à fournir notamment toutes garanties aux entreprises soumises aux contrôles. Les agents sont habilités à effectuer les vérifications par arrêté du ministre dont ils dépendent lorsqu'il s'agit d'agents de l'État ou du ministre de tutelle lorsque ces agents dépendent d'autres personnes morales. Ces arrêtés doivent être nominatifs ; toutefois, pour les services de l'État, il est prévu qu'ils peuvent désigner des catégories d'agents, mais cette possibilité ne devrait être utilisée qu'exceptionnellement. L'habilitation donnée par les arrêtés ministériels doit être générale, c'est-à-dire qu'elle doit valoir pour toutes les vérifications faites en application de l'article 54, et n'être pas limitée à une vérification déterminée ou aux vérifications faites pour le compte d'un département ministériel ou d'une personne morale. Un modèle d'arrêté est donné à l'annexe n° 2.

    Les arrêtés visés ci-dessus devront être pris rapidement par chaque département ministériel et par chaque personne morale habilitée à exercer le droit de contrôle, puisque ces mesures conditionnent la mise en œuvre effective de l'article 54. Cependant, en raison de la nécessité évidente de ne désigner que des agents parfaitement aptes à effectuer des vérifications, et en raison des difficultés que susciteront cette exigence et la nouveauté de ces tâches, il serait souhaitable que les services entrent en contact avec le secrétaire général de la commission centrale des marchés et le groupe de travail de coordination préalablement à l'établissement de ces arrêtés.

    Les développements qui suivent ont pour objet de guider les services dans la recherche de solutions aux nombreuses difficultés qu'ils rencontreront et au sujet desquelles le secrétaire général de la commission centrale des marchés et le groupe de travail de coordination pourront toujours utilement être consultés.

    • 1. Pour mener à bien des vérifications approfondies, il est nécessaire de mettre en œuvre des compétences diverses : financière et comptable d'une part, technique d'autre part ; en ce qui concerne la compétence technique, il convient de souligner que les connaissances utiles portent plus sur la technique de fabrication que sur la technique d'utilisation.

      En théorie, deux types d'organisation sont possibles : celle qui consiste à constituer des équipes d'agents spécialisés (techniciens d'une part, financiers et comptables de l'autre), et celle faisant appel à des agents polyvalents possédant chacun toutes les compétences nécessaires. En fait, quelle que soit la formule adoptée, les vérificateurs doivent tous avoir quelques connaissances dans les deux domaines technique et comptable, même s'ils sont spécialisés dans l'un des deux.

      Mais ces agents à compétences multiples n'existent généralement pas ; les services auront donc à assurer la formation des agents qu'ils voudront désigner comme vérificateurs en leur faisant acquérir les connaissances complémentaires indispensables. Comme l'administration dispose surtout de personnels techniciens et administratifs, c'est une formation aux disciplines comptables et financières qui devra être envisagée le plus souvent, au moyen de stages dans des écoles ou des organismes de formation professionnelle des adultes ou de perfectionnement des cadres. En outre, le secrétaire général de la commission centrale des marchés et le groupe de travail de coordination s'efforceront d'organiser des stages pour ces agents dans les services de contrôle de prix de revient déjà existants.

      Pour le choix individuel des personnes à former, ce sont les qualités personnelles qui sont déterminantes, plutôt que l'appartenance à un corps ou à un service ; le bon vérificateur doit avoir de la personnalité, de la curiosité intellectuelle, de l'esprit critique et de la ténacité. En principe, ces agents ne doivent pas être recrutés parmi ceux qui négocient les marchés, car les deux fonctions de négociation et de contrôle doivent être strictement distinguées si l'on veut laisser à chacune toute son efficacité.

    • 2. Le recrutement et la formation de vérificateurs sont un travail de longue haleine et nécessitent une action délicate à mener. Il serait donc souhaitable que, dans les départements ministériels et les organismes para-publics qui seront amenés à utiliser fréquemment l'article 54, ces questions soient confiées à une personne qui en ait la pleine et entière responsabilité. De même, lorsque les services disposent de vérificateurs en nombre suffisant, il convient que ceux-ci soient placés sous une direction unique pour assurer l'homogénéité de leur action, la bonne exploitation de leurs travaux et l'organisation rationnelle de leur utilisation.

    • 3. Dans le souci d'une bonne utilisation des moyens en personnel dont dispose l'administration, les vérificateurs appartenant à un département ministériel ou à une personne morale devraient effectuer, dans la mesure du possible, des vérifications au profit d'autres services qui en auraient besoin. Le cas peut se produire principalement lorsqu'un département ministériel ou une personne morale désireux de faire effectuer un contrôle au titre d'un marché passé par lui, ne dispose pas, en permanence ou de façon temporaire, de vérificateur, ou manque de vérificateur compétent en certaines spécialités ; il peut arriver également que certains vérificateurs acquièrent une spécialisation précieuse dans la vérification de tel secteur économique ou de telle catégorie de marchés qui intéresseraient plusieurs départements ministériels ou personnes morales.

      L'utilisation de vérificateurs extérieurs trouve ses limites dans le principe de la responsabilité ministérielle que ces échanges ne doivent pas avoir pour effet de supprimer. Ce principe comporte deux conséquences complémentaires :

      • Le département ministériel ou la personne morale dont dépend hiérarchiquement un vérificateur en a la libre disposition et peut donc refuser de le mettre à la disposition d'autrui s'il ne l'estime pas opportun, notamment en fonction de ses propres besoins en vérifications ;

      • Le département ministériel ou la personne morale qui bénéficie de l'assistance d'un vérificateur extérieur demeure seul responsable de l'exploitation des résultats de la vérification.

      Ces échanges entre les services pourront se faire par prise de contacts directs ou par l'intermédiaire du secrétaire général de la commission centrale des marchés et du groupe de travail de coordination comme prévu par la circulaire du Premier ministre du 07 janvier 1964 .

  • d).  Les obligations réciproques des parties

    Les entreprises concernées par l'article 54 sont tenues de fournir les renseignements demandés et de permettre et de faciliter les vérifications sur pièces ou sur place. La loi n'ayant pas stipulé de sanction à ces obligations, le décret du 6 janvier 1964 (art. 2, repris dans l'article 225 du code des marchés) prescrit de prévoir des sanctions contractuelles applicables aux entreprises qui se déroberaient à ces obligations ou qui chercheraient à induire l'administration en erreur. Les clauses relatives à ces sanctions doivent figurer dans le document contractuel faisant référence à l'article 54 (II, a, ci-dessus). Les modalités de ces sanctions sont laissées à la libre appréciation des services ; mais il est souhaitable que les pratiques des services soient homogènes : ils pourront donc utilement s'inspirer des formules qui ont été mises au point pour les CCAG interministériels applicables aux marchés de travaux et de fournitures courantes (voir annexe n° 1).

    En ce qui concerne l'administration, l'article 6 du décret du 6 janvier 1964 (art. 229 du code des marchés) rappelle que ses agents sont astreints au secret professionnel à l'égard des renseignements recueillis sur les entreprises au moyen des contrôles. Cet article précise que « ces renseignements ne pourront être utilisés à des fins autres que le contrôle du prix de revient du marché soumis au contrôle ou de tout autre marché analogue ». Cette dernière disposition signifie que la règle du secret professionnel ne fait pas obstacle à la communication de renseignements entre départements ministériels ou personnes morales à des fins de contrôle des marchés, ni à la coordination des renseignements organisée par la circulaire du Premier ministre du 07 janvier 1964 .

4. Les règles de présentation comptable auxquelles peuvent être soumises les entreprises.

Les pratiques des entreprises en ce qui concerne la tenue de la comptabilité analytique d'exploitation et le calcul des prix de revient sont extrêmement diverses ; outre que de nombreuses entreprises n'ont aucune comptabilité industrielle, les principes et les méthodes en vigueur n'ont pas été uniformisés par le plan comptable général dont les dispositions dans ce domaine sont demeurées volontairement peu astreignantes pour les entreprises. En effet, la tenue d'une comptabilité analytique peut répondre à plusieurs objectifs, parmi lesquels le calcul du prix de revient n'est pas nécessairement le plus important pour l'entreprise ; la notion même du prix de revient présente certains aspects absolument conventionnels au sujet desquels la logique et la raison ne fournissent pas de solutions uniques et indiscutables.

Pour l'administration qui désire contrôler le prix de revient d'une prestation, la question se présente différemment : pour elle, il faut que la comptabilité analytique, quel que soit l'usage qui en soit fait par ailleurs, permette de dégager avec précision un prix de revient le plus proche possible des coûts réels issus de données comptables ; quant aux principes et aux méthodes de calcul du prix de revient, l'administration, qui cherche à déterminer le « prix équitable », dispose de critères pour choisir entre les solutions conventionnelles proposées par la doctrine.

L'administration est donc à même de fixer a priori les règles selon lesquelles elle entend voir tenue et présentée la comptabilité et calculé le prix de revient. Faute pour elle de l'avoir fait avant que le marché soit conclu, elle se heurtera le plus souvent lors de ses contrôles aux incertitudes inévitables qui ont été décrites et expliquées ci-dessus. L'efficacité des contrôles dépendra pour une bonne part de la fixation préalable des règles comptables sur la base desquelles les contrôles seront effectués.

Cependant, il ne faut pas se dissimuler que la fixation de règles comptables par l'administration entraîne pour les entreprises qui y sont soumises des sujétions exceptionnelles, dont l'importance (et, par conséquent, l'incidence sur les frais généraux) est fonction des innovations apportées par ces règles par rapport à celles appliquées par l'entreprise antérieurement ; de façon générale, il est évident que plus les règles fixées par l'administration sont précises et détaillées, plus elles entraînent de sujétions pour les entreprises. L'administration doit donc avoir le souci d'éviter de mettre les entreprises dans une situation paradoxale.

C'est ainsi qu'il convient notamment d'adapter les règles comptables et le degré de précision et de détail qu'elles comportent :

  • d'une part à ce qui existe déjà en la matière dans les entreprises intéressées (les règles à prévoir ne sont pas les mêmes pour une entreprise disposant déjà d'une comptabilité analytique élaborée, que pour une entreprise qui n'en tient aucune, par exemple) ;

  • d'autre part à l'importance de la place occupée par les marchés publics, et plus particulièrement ceux soumis à l'article 54, dans l'activité des entreprises intéressées (les sujétions imposées à une entreprise qui fait une part notable de son chiffre d'affaires avec l'administration peuvent être beaucoup plus lourdes que celles que devrait subir une entreprise titulaire d'un marché isolé et de faible importance).

Il importe également qu'une même entreprise ne soit pas assujettie à des règles différentes selon les administrations clientes.

Ces préoccupations ont guidé le législateur lorsqu'il a prévu au paragraphe III de l'article 54 de la loi que les entreprises soumises aux obligations de cet article pourront être assujetties par arrêté interministériel à présenter certains documents comptables ou extracomptables sous des formes déterminées, et à tenir une comptabilité spéciale pour chaque marché.

Dans un premier temps tout au moins, il est vraisemblable que ces arrêtés ne concerneront que les secteurs économiques dans lesquels la part des commandes publiques est importante et pour lesquels, par conséquent, la décision et l'uniformisation de l'action de l'administration sont indispensables. C'est ainsi d'ailleurs que le premier de ces arrêtés concerne les matériels de télécommunications et électroniques (arrêté du 2 juillet 1964(6) publié au Journal officiel du 8 juillet 1964, p. 6040).

Dans les secteurs qui ne sont pas couverts par ces arrêtés, l'administration doit fixer les règles comptables par voie contractuelle en les faisant figurer dans les marchés. A cet égard, il convient de rappeler les dispositions des articles 16 à 22 du décret no 57-1015 du 26 août 1957 (art. 231 à 237 du code des marchés) relatives aux obligations comptables qui doivent être imposées contractuellement aux titulaires de marchés à prix provisoire et de marchés de série par tranche : ces obligations visent essentiellement la tenue d'une comptabilité analytique pour lesdits marchés, en distinguant les charges directes et les charges indirectes et la fixation des règles de répartition des charges indirectes préalablement à la passation du marché. Ces dispositions demeurent en vigueur et doivent donc être appliquées dans les marchés de l'État visés par le décret, notamment lorsqu'ils tombent dans le champ d'application de l'article 54. Pour les autres marchés, l'administration peut utilement s'inspirer de ces dispositions soit en les reproduisant purement et simplement, soit en les adaptant aux circonstances.

5. La coordination des contrôles de prix de revient.

La circulaire du Premier ministre du 07 janvier 1964 , qui est consacrée à ce sujet, justifie notamment l'existence de cette coordination par le « double souci de protéger les entreprises soumises aux contrôles contre une multiplication abusive de ceux-ci, et de permettre une utilisation efficace et économique des moyens de contrôle dont disposent les services ». Cette coordination concerne, rappelons-le, tous les contrôles de prix de revient quelle que soit la base juridique sur laquelle ils reposent.

C'est le secrétaire général de la commission centrale des marchés et le groupe de travail qu'il a constitué pour l'assister qui sont chargés de mettre en œuvre cette coordination. A ce titre, cette instance administrative est particulièrement désignée pour connaître les difficultés que les services rencontreraient dans l'application des textes relatifs au contrôle des prix de revient et qu'ils pourront toujours utilement lui soumettre.

Les modalités concrètes de mise en œuvre de la circulaire du 07 janvier 1964 seront fixées, au fur et à mesure des besoins, par l'organisme de coordination. Dès maintenant, il convient d'assurer l'information de ce dernier en le tenant au courant des décisions de vérification qui sont prises par les services. Ceux-ci sont donc invités à adresser au secrétariat général de la commission centrale des marchés (9, rue Croix-des-Petits-Champs, Paris [1er]) une fiche de renseignements, dès que la décision d'effectuer une vérification a été prise ; de plus, les services qui effectuent des vérifications adresseront au début de chaque trimestre au même service un compte rendu des vérifications lancées au cours du trimestre précédent. Les services se procureront les modèles de fiche de renseignements et de compte rendu trimestriel auprès du secrétariat général de la commission centrale des marchés. Ces renseignements permettront à ce dernier de constituer un fichier des entreprises vérifiées, grâce auquel il pourra orienter les services qui cherchent des renseignements vers les administrations susceptibles de les leur fournir.

Le Ministre des finances et des affaires économiques,

Pour le Ministre et par délégation :

Le Directeur du cabinet,

Jean SÉRISÉ.