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DIRECTION DES PERSONNELS CIVILS DES ARMÉES : Sous-Direction des pensions civiles et accidents du travail ; Bureau des accidents du travail

INSTRUCTION N° 18384/CS/01 relative au rôle des médecins du travail en matière de prévention et de déclaration des affections professionnelles provoquées par les bruits (tableau n o 42).

Du 29 novembre 1965
NOR

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  261.1.2.1.2.3., 513.3.2.2.1.

Référence de publication : <em> BOC/SC,</em> p. 1522.

LE MÉDECIN INSPECTEUR GÉNÉRAL DU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D'OEUVRE,

À MM. LES MÉDECINS INSPECTEURS DIVISIONNAIRES DU TRAVAIL ET DE LA MAIN-D'

La présente instruction a pour but de fournir des éléments de réponse aux questions qui peuvent être posées par les médecins du travail relativement à l'application du décret no 63-405 du 10 avril 1963 (1) sur la réparation des affections professionnelles provoquées par les bruits et de la circulaire 66/SS du 15 mai 1963 (non parue au Journal officiel, mais insérée dans le recueil des textes du ministère du travail, série Sécurité sociale 20-1963, no 17-197 ; série Travail et main-d'œuvre 20/21-1963, no 4911).

Il importe de souligner tout d'abord que la parution du tableau no 42, concernant la réparation de la surdité professionnelle, constitue un progrès incontestable puisque, en France, seule la surdité aiguë était jusqu'ici susceptible d'une indemnisation au titre de la législation sur les accidents du travail, alors que la surdité maladie professionnelle n'était pas prise en charge.

Cependant, du fait d'une connaissance encore imparfaite de l'influence des bruits sur l'organisme humain, ce tableau n'a pu revêtir d'emblée sa forme définitive. Les renseignements tirés de son application faciliteront son évolution tant sur le plan de la prévention que de la réparation.

En tout état de cause, un certain nombre d'indications paraissent susceptibles de faciliter aux médecins du travail l'utilisation de ce texte.

  • 1. Dans les professions visées au tableau no 42, les médecins du travail doivent pratiquer ou faire pratiquer des examens audiométriques sur le personnel exposé.

    Ces audiométries doivent être réalisées à l'embauchage ou tout au moins avant l'affectation à un poste bruyant. Les résultats doivent être portés sur une fiche audiométrique de référence.

    Chaque examen sera réalisé de préférence à l'heure de la prise du travail ou avant l'exposition au travail bruyant.

    Les frais des examens audiométriques sont à la charge des employeurs lors de l'embauchage, au même titre que les autres examens complémentaires demandés par le médecin du travail. Les examens ultérieurs pratiqués sur le personnel déjà en place sont également à la charge des employeurs en tant qu'examens de dépistage d'une maladie professionnelle (art. 14 du décret du 27 novembre 1952 [BOEM/G 627 (1953), p. 3663 ; n. i. BO/M ; n. i. BO/A]). Toutefois, lorsqu'il y aura eu une déclaration de maladie professionnelle, le deuxième examen pourra être pratiqué à la diligence de la caisse de sécurité sociale (2).

    En ce qui concerne les examens systématiques du personnel exposé :

    • a).  En général, pour le personnel nouvellement exposé au risque, le premier examen aura lieu lors de l'examen d'embauchage, ou éventuellement lors de l'exposition. Il sera renouvelé après un délai de deux mois, puis tous les deux ans.

      Toutefois, pour le personnel employé à la mise au point aux bancs d'essais des propulseurs et réacteurs et, lorsque ces bancs ne comportent pas d'installations satisfaisantes de prévention collective, l'examen sera pratiqué :

      • lors de l'embauchage ;

      • deux mois après ;

      • puis tous les six mois ;

    • b).  Pour le personnel ayant déjà été exposé au risque :

      • examen à l'embauchage ;

      • puis examen tous les deux ans (ou tous les six mois dans le cas de travail aux bancs d'essais dans les conditions évoquées plus haut).

  • 2. L'audiométrie tonale simple, manuelle ou automatique peut seule être employée en médecine du travail ; par contre, l'audiométrie vocale relève de la médecine d'expertise.

    L'audiogramme liminaire tonal est établi en présentant au sujet, à l'aide d'écouteurs et dans un milieu silencieux, des sons purs, dont il est possible de faire varier la fréquence et l'intensité.

    On détermine l'intensité la plus faible pour laquelle un son de fréquence donnée est perçu et, répétant cette recherche du seuil pour des fréquences différentes, on trace le graphique correspondant. Le seuil d'audibilité du sujet normal étant pris comme niveau de référence, l'audiogramme indique la différence entre les résultats d'un examen normal et ceux de l'examen considéré.

    Cette méthode est précise entre les mains d'un bon opérateur et avec un sujet attentif et de bonne volonté.

    Il est possible d'utiliser une formule pour caractériser l'audition pratique du sujet à partir de l'audiogramme des deux oreilles. Dans le cas particulier, on envisagera les fréquences 500, 1000 et 2000, qui correspondent aux fréquences de la voix humaine et sont visées par le tableau no 42.

    Le tableau no 42 précise que, dans le calcul de la moyenne des trois fréquences, le déficit sur la fréquence médiane sera assorti d'une valeur double ; c'est-à-dire que si on appelle d500 le déficit sur la fréquence 500, d1000 le déficit sur la fréquence 1000, d2000 le déficit sur la fréquence 2000, la moyenne sera calculée selon

    Equation 1. la formule :

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    Il importe d'utiliser cette formule au cours des examens audiométriques systématiques.

    L'audiométrie automatique permet la détermination des seuils d'audition pour l'une et l'autre oreilles sur six fréquences, les trois premières portant sur la zone conversationnelle. Cet examen présente certains avantages de commodité.

    La détermination de l'audiogramme liminaire vocal, qui doit être réservée aux cas soumis à expertise, consiste à faire entendre au sujet dans un milieu silencieux une liste de mots ou de phonèmes (mots sans signification). On note le nombre de mots compris aux différentes intensités, en attachant une valeur particulière à l'intensité pour laquelle un sujet entend 50 % des mots et à celle pour laquelle il entend 100 % des mots.

  • 3. Dès la visite d'embauchage du personnel exposé à des travaux dans le bruit, il importe que le médecin du travail dépiste les surdités préexistantes.

    Une fiche auditive doit être établie à l'embauchage précisant les antécédents pathologiques de l'appareil auditif, ainsi que les emplois antérieurs dans le bruit. Sur cette fiche est tracée la courbe audiométrique du sujet. Alors qu'il n'est pas toujours possible de reconnaître avec certitude la sensibilité particulière de l'appareil auditif, il importe tout au moins de dépister les surdités préexistantes, ainsi que la valeur auditive avant toute exposition au bruit.

    La surdité constitue une cause d'inaptitude dans les métiers où la sécurité repose sur des signaux sonores et dans ceux pour lesquels les relations vocales sont essentielles.

    On déclarera inaptes tous les cas où le bruit risque d'aggraver une lésion évolutive confirmée des organes de perception, plus particulièrement chez des sujets jeunes.

  • 4. Certains travailleurs doivent être écartés des postes exposant au risque de surdité après audiogrammes successifs mettant en évidence une sensibilité auditive anormale.

    Les mutations qui peuvent être demandées ont généralement pour but d'éviter une aggravation de l'atteinte auditive et non d'ouvrir le droit à indemnisation. Elles viseront toujours des sujets jeunes chez lesquels ont été constatées une sensibilité particulière au bruit et une chute rapide de l'acuité auditive.

    Il faut souligner toutefois qu'une atteinte élective dans la zone classique des 4 000 Hz ne suffit pas à elle seule à classer la surdité comme professionnelle, mais par contre on pourra se baser sur son caractère évolutif, pendant la durée d'exposition au bruit.

    De toute façon, une période d'observation assez longue devra être respectée avant que soit provoquée une mutation pour cause d'inaptitude au travail en milieu bruyant, sauf dans le cas de sensibilité très accentuée dépistée dans les premiers mois. En effet, une telle décision est toujours lourde de conséquences sur le plan professionnel.

  • 5. Les textes relatifs à la réparation de la surdité professionnelle prévoient actuellement une période de six mois sans exposition au bruit après l'audiométrie déclenchant une déclaration de surdité professionnelle.

    Le but de cette mesure, dont le délai a été inspiré par diverses réglementations existantes, est de fournir la preuve que la surdité en cause a bien le caractère définitif de la surdité professionnelle. Elle offre par ailleurs l'avantage de prévenir des aggravations éventuelles. Mais une mutation de six mois ne sera que rarement réalisable, ne serait-ce que pour des raisons de salaire en rapport avec la qualification professionnelle. En tout état de cause, la surdité professionnelle n'est actuellement réparable que lorsque l'abandon immédiat du travail dans le bruit est possible ou encore lorsque le sourd prend sa retraite ; elle peut constituer alors un élément de majoration du montant de celle-ci.

  • 6. Les surdités indemnisables sont uniquement celles où il existe une atteinte des fréquences de la conversation.

    Les hypoacousies définies au tableau no 42, indépendamment des données audiométriques, sont caractérisées par la difficulté de perception au niveau de la conversation. Pour la fixation de l'IPP, le calcul doit être effectué sur la courbe de conduction osseuse.

  • 7. Dans tous les cas, la surdité confirmée justifie une déclaration comme maladie professionnelle.

    Cette déclaration de surdité professionnelle à la caisse de sécurité sociale constituera une prise de position propre à ménager les droits de l'intéressé au moment où interviendra le changement d'activité ou le départ à la retraite.

    Les résultats du dernier examen audiométrique de contrôle ne peuvent être considérés comme significatifs qu'après retrait du travail dans le bruit.

    Une déclaration peut être faite également à l'inspection du travail en vertu de l'article 500 du code de sécurité sociale, relatif à l'extension et à la révision des tableaux de maladies professionnelles.

    La liste des travaux exposant au risque pourra être modifiée et étendue ultérieurement en fonction des déclarations faites à l'un ou l'autre titre. D'autre part, le tableau no 42 ne vise actuellement que la surdité. Il comporte cependant une possibilité d'extension à d'autres affections puisqu'il est intitulé : affections professionnelles provoquées par les bruits.

En conclusion

Le tableau no 42 comporte un certain nombre d'éléments positifs :

  • la réparation d'une maladie professionnelle entraînant essentiellement un préjudice social ;

  • la possibilité accordée aux médecins du travail de recourir à des examens audiométriques pour suivre l'évolution de l'appareil auditif des sujets exposés au bruit ;

  • la pratique des mutations préventives doit permettre de limiter le nombre des surdités en écartant des ateliers les sujets les plus fragiles dès qu'une atteinte est constatée.

Enfin, ce tableau est susceptible de concourir à l'amélioration de nos connaissances relatives à la surdité professionnelle et d'inciter à la lutte contre le bruit dans les ateliers.

REMARQUESRELATIVES À L'APPLICATION DE L'INSTRUCTION QUI PRÉCÈDE DANS LES ÉTABLISSEMENTS DU MINISTÈRE DES ARMÉES

Les établissements relevant du ministère des armées dans lesquels le personnel peut être exposé aux bruits et risque ainsi de contracter une des affections professionnelles mentionnées au tableau no 42 — essentiellement la surdité — devront se conformer strictement aux prescriptions de l'instruction du ministère du travail reproduite ci-dessus.

L'attention est particulièrement attirée sur le fait que « la surdité professionnelle n'est actuellement réparable que lorsque l'abandon immédiat du travail dans le bruit est possible ou encore lorsque le sourd prend sa retraite ».

Aucune rente ne peut donc être servie aux sourds reconnus tant qu'ils continuent à être exposés aux bruits. Aussi dans l'hypothèse où certains établissements n'auraient pas soustrait les sourds aux bruits après l'attribution d'une rente, ou les y auraient de nouveau exposés, cette rente ne pourrait pas être versée. En règle générale l'administration centrale (direction des personnels civils, bureau des accidents du travail) doit être informée, dans les plus brefs délais, des changements d'affectation intervenus à cet égard et les établissements de la marine, qui paient directement les rentes doivent, le cas échéant, en suspendre aussitôt les arrérages.

En ce qui concerne les cas de surdité professionnelle constatés avant le 20 avril 1963, date d'entrée en vigueur du tableau no 42, il est rappelé que seuls peuvent être indemnisés dès cette date ceux qui ont été déclarés dans les trois mois qui l'ont suivie. Aux fins de régularisation, il est demandé aux chefs d'établissements d'adresser à l'administration centrale, pour le 1er mars 1966, terme de rigueur, tous les dossiers de surdités professionnelles constatées avant le 20 avril 1963 et qui ne lui ont pas encore été envoyés. A titre exceptionnel ces dossiers pourront ne pas comporter le second examen audiométrique destiné à confirmer le diagnostic.

L'instruction du ministère du travail incite, enfin, à juste titre, les employeurs à poursuivre méthodiquement, dans le domaine de la prévention, la lutte contre le bruit, responsable, non seulement des surdités professionnelles, mais aussi d'autres troubles cliniques qui pourront éventuellement être retenus et indemnisés, dans l'avenir, au titre du tableau no 42.

Notes

    130e modificatif au décret du 31 décembre 1946 inséré dans le présent volume.2Établissement ou service employeur, en ce qui concerne le ministère des armées.

Le médecin inspecteur général du travail et de la main-d'œuvre,

Dr J.-J. GILLON.