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DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES : sous-direction du droit public et du droit privé ; bureau « contrats et marchés publics »

INSTRUCTION N° 12643/DEF/SGA/DAJ/D2P/CMP portant sur la procédure relative aux achats effectués par les forces françaises à l'étranger.

Du 28 janvier 2014
NOR D E F D 1 4 5 0 0 5 1 J

Préambule.

Pour satisfaire leurs besoins, les forces françaises à l'étranger sont amenées à effectuer sur place des achats de travaux, de fournitures ou de services. Pour assurer, y compris dans des circonstances exceptionnelles, l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers de l'État, ces achats doivent respecter un certain nombre de prescriptions.

Le code des marchés publics ne s'applique pas aux contrats passés et exécutés à l'étranger, les parties demeurant toutefois libres de s'y soumettre volontairement. Ce principe, fréquemment rappelé par le juge administratif, est réaffirmé par la circulaire relative au guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics citée en référence g) (A).

Cela étant, dans un arrêt du 29 juin 2012, Sté Pro 2C, le conseil d'État, a reconnu l'extraterritorialité des principes généraux de la commande publique (principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures). La méconnaissance de ces principes, pour un contrat régi par la loi française, est susceptible d'être contestée devant le juge national notamment par la voie du référé contractuel ou du référé précontractuel, ce qui pourrait conduire à l'annulation de la procédure ou du contrat.

La présente instruction a donc pour objet de préciser les règles de la commande publique auxquelles les achats effectués par les forces françaises à l'étranger sont directement soumis. Elle ne s'applique pas aux pouvoirs adjudicateurs de l'administration centrale, en application du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005, ni aux dépenses sur avances consulaires pour les bâtiments en escale à l'étranger. Elle ne concerne que les contrats passés et exécutés à l'étranger, pour les besoins des forces employées localement.

Les forces déployées à l'étranger peuvent se trouver dans des situations très variables, allant de la projection inopinée dans une région non sécurisée, en proie, le cas échéant, à des affrontements armés, jusqu'au stationnement durable, dans un environnement stabilisé, par exemple dans le cadre d'un accord avec le gouvernement local, toutes les situations intermédiaires étant possibles. Les règles applicables doivent donc être adaptées au contexte.

Par ailleurs, pour une juste application des règles de la commande publique, il est important de prendre en compte la distinction entre les marchés dits « ordinaires » et les marchés de défense et de sécurité définis à l'article 179. du code des marchés publics.

1. PROCÉDURES.

L'environnement dans lequel opèrent les troupes à l'étranger peut présenter des caractéristiques très différentes selon les cas :

  • représentation diplomatique française présente, absente ou empêchée d'agir ;

  • environnement plus ou moins conflictuel ;

  • situation politique et juridique stabilisée ou non ;

  • vie économique et commerciale normalisée ou désorganisée.

Les solutions adoptées, pour réaliser les achats nécessaires aux besoins des forces, sont donc très différentes et doivent être adaptées aux situations locales. Elles doivent, dans tous les cas, respecter les principes de la commande publique que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures, qui impliquent, notamment, en principe, une mise en concurrence (cf. point 1.1.). La mise en concurrence peut, toutefois, être plus ou moins formalisée en fonction des possibilités, sous la responsabilité de l'autorité qui procède à l'acte d'achat (cf. point 1.2.).

1.1. Dans tous les cas de figure, les procédures suivies par les forces armées doivent respecter les principes de la commande publique comme énoncé ci-dessus et rechercher notamment :

  • l'efficacité, par l'acquisition de prestations correspondant aux besoins ;

  • le meilleur rapport qualité/prix, par la mise en œuvre, toutes les fois où c'est possible, de la concurrence ;

  • la transparence, grâce à une traçabilité minimale des démarches entreprises. À cette fin, les marchés d'un montant égal ou supérieur à 15 000 euros hors taxe (HT) sont passés sous forme écrite. Cet allègement du formalisme de passation des marchés publics ne dispense pas des obligations minimales d'identification de la prestation et du fournisseur.

Le responsable de l'achat doit pouvoir justifier les mesures qu'il a estimées les plus appropriées pour le bien du service. Aussi, à l'appui de toute commande, sauf pour les achats mineurs, le dossier administratif doit comporter une pièce justificative, simple mais claire, apportant les justifications du besoin, du choix du titulaire et du prix.

1.2. Pour les forces stationnées dans un pays en vertu d'un accord, ou participant à une opération extérieure dans un pays où la situation est stabilisée, les règles de procédures suivantes sont mises en œuvre, en application des seuils prévus à l'article 26. du code des marchés publics pour les marchés dits ordinaires et des seuils prévus à l'article 201. du même code pour les marchés de fournitures, de services et de travaux (1) assimilables à des marchés de défense ou de sécurité au sens de l'article 179. de ce code :

  • une mise en concurrence formalisée, soit par le biais d'un avis de publicité dans la presse locale, si elle existe, ou sur un site internet dédié à cet effet, s'il existe, soit par le biais d'une consultation écrite (2) des entreprises paraissant susceptibles de répondre au besoin, soit par la combinaison de ces diverses solutions ;

  • l'établissement d'un procès-verbal d'ouverture et d'analyse des candidatures et des offres ;

  • l'enregistrement des pièces constituant les candidatures et les offres ;

  • l'établissement d'un contrat signé par les deux parties (3), mentionnant clairement les prestations objet du contrat et leur prix, ainsi que les délais d'exécution du contrat et, le cas échéant, les modalités de garantie et de réparation des dommages ;

  • l'établissement d'un rapport de présentation retraçant les différentes étapes de la procédure d'achat et les négociations menées, et justifiant le prix, notamment en cas de négociation avec un candidat unique ;

  • l'archivage complet des pièces du dossier, comprenant en particulier les offres signées des candidats.

La dérogation à ces règles reste possible, sous réserve de justifications explicites formulées par le service contractant et conservées à l'appui de la décision d'achat, conformément au principe de transparence. Pour ce faire, le responsable de l'achat peut notamment se référer aux cas d'ouverture de la procédure négociée sans mise en concurrence (articles 35-II. et 208-II. du code des marchés publics). Il pourra également se référer aux cas d'exclusion prévus à l'article 3. du code des marchés publics pour les marchés dits ordinaires et, en ce qui concerne les marchés de défense et de sécurité, aux articles 180. à 184. du code, qui définissent vingt-deux situations d'exclusion pour lesquelles le pouvoir adjudicateur définit librement les règles de passation de ces marchés, en respectant toutefois, dans la mesure du possible, les principes constitutionnels de la commande publique.

1.3. En tant qu'actes engageant financièrement l'État, les contrats passés et exécutés à l'étranger relèvent du périmètre du contrôle budgétaire défini par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et sont donc soumis à l'avis ou au visa du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

2. AUTORITÉS SIGNATAIRES.

Les marchés passés pour satisfaire les besoins des forces sont signés par :

3. DISPOSITIONS DIVERSES.

Chacune des armées établira, pour ce qui la concerne, les dispositions d'application qui lui paraitront nécessaires.

Elles prévoiront les modalités de surveillance administrative adaptées à ces opérations, quels que soient les montants et les circonstances de ces achats.

Dans tous les contrats écrits, les services veilleront, si possible, à introduire une clause prévoyant l'application du droit français et la compétence du juge français en cas de litiges nés de l'exécution du contrat.

Les éventuelles difficultés d'application de la présente instruction seront signalées à la direction des affaires juridiques.

L'instruction n° 21905/DEF/SGA/DAJ/D2P/CMP du 24 avril 2009 portant sur la procédure relative aux achats effectués par les forces françaises à l'étranger est abrogée.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

La directrice des affaires juridiques,

Claire LANDAIS.