DÉCRET N° 2014-187 relatif à la mise en œuvre de traitements de diffusion de l'information opérationnelle au sein des services et unités de la police et de la gendarmerie nationales.
Du 20 février 2014NOR I N T D 1 3 2 0 4 3 4 D
Publics concernés : personnes mises en cause, victimes lors de procédures d'enquêtes judiciaires, personnes disparues, personnes recherchées, témoins d'infractions pénales, militaires de la gendarmerie nationale, fonctionnaires de la police nationale et autres agents de l'État investis de pouvoirs d'enquête judiciaire.
Objet : diffusion et partage d'informations opérationnelles détenues par les services ou unités de la police et de la gendarmerie nationales investis de missions de police judiciaire.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : le décret autorise des traitements développés par les services de police et unités de gendarmerie en vue de favoriser, dans le cadre de leurs missions de police judiciaire, les échanges de messages et les synthèses d'informations opérationnelles sur les enquêtes en cours ou les personnes qui en font l'objet.
Ces traitements permettront de réaliser une meilleure coordination des actions opérationnelles et des investigations ainsi que d'aviser plus efficacement les autorités compétentes.
Références : le présent texte peut être consulté sur le site Légifrance (http :// www. legifrance. gouv. fr).
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur,
Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 12 à 14 ;
Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 235-1 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment les II et IV de son article 26 ;
Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 14 février 2013 ;
Le Conseil d'État (section de l'intérieur) entendu,
1.
Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale, direction générale de la gendarmerie nationale et préfecture de police) est autorisé à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel appelés « Diffusion et partage de l'information opérationnelle ».
Ces traitements ont pour finalité de faciliter la diffusion et le partage d'informations opérationnelles détenues par les différents services ou unités de la police et de la gendarmerie nationales investis de missions de police judiciaire, sur les enquêtes en cours ou les personnes qui en font l'objet ainsi que l'activité judiciaire de ces services ou unités.
Les traitements peuvent recueillir des données à caractère personnel collectées au cours :
-
des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime, délit ou contravention connexe à ce crime ou délit ;
-
des procédures de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale ;
-
des procédures de recherche des personnes en fuite ou des actes visant à assurer l'exécution d'une peine diligentés en application des articles 74-2 et 709 du code de procédure pénale.
Les traitements peuvent contenir des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, dans les seuls cas où ces données résultent de la nature ou des circonstances de l'infraction ou se rapportent à des signes physiques particuliers, objectifs et permanents, en tant qu'éléments de signalement des personnes, dès lors que ces éléments sont nécessaires à la recherche et à l'identification des auteurs d'infractions ou des personnes recherchées mentionnées au présent article.
Il est interdit de sélectionner dans le traitement une catégorie particulière de personnes à partir de ces seules données.
2.
Les catégories de données à caractère personnel et les informations enregistrées dans le traitement sont définies en annexe au présent décret.
Ces traitements ne comportent pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
3.
Les données enregistrées dans les traitements ne peuvent pas concerner des mineurs de dix ans, sauf s'ils sont victimes ou font l'objet d'une procédure de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale.
4.
Les données mentionnées en annexe ne peuvent être conservées, à compter de leur date d'enregistrement dans les traitements, plus de :
-
trois ans pour les délits ;
-
dix ans pour les crimes et les procédures de recherche des causes de la mort ou d'une disparition prévues aux articles 74 et 74-1 du code de procédure pénale.
5.
I. Ont accès, dans la limite du besoin d'en connaître et à raison de leurs attributions légales, aux données enregistrées dans les présents traitements, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale individuellement désignés, spécialement habilités par leur supérieur hiérarchique et affectés dans les services ou unités de la police et de la gendarmerie nationales chargés de missions de police judiciaire.
II. Peuvent être destinataires, de tout ou partie de ces données, dans la limite du besoin d'en connaître, à raison de leurs attributions légales et sur demande expresse :
1. Les agents de la police nationale, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;
2. Les militaires de la gendarmerie nationale, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;
3. Les agents des douanes, pour les missions de police judiciaire qui leur sont confiées ;
4. Les autres personnels de l'État investis par la loi d'attributions de police judiciaire ou de lutte contre la fraude, pour les recherches relatives aux infractions dont ils ont à connaître ;
5. Les magistrats du parquet ou les magistrats instructeurs ;
6. Les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers, dans les conditions prévues à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure et aux articles 695-9-31 à 695-9-49 du code de procédure pénale ;
7. Les agents de police municipale, à l'initiative des agents des services de la police nationale ou des militaires des unités de la gendarmerie nationale aux fins et dans les limites fixées à l'article 12 des annexes IV-I et IV-II du code général des collectivités territoriales, dans le cadre des recherches des personnes disparues et des véhicules volés.
Afin de parer à un danger pour la population, les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale peuvent, à titre exceptionnel, transmettre oralement aux agents de police municipale certaines informations relatives à une personne inscrite dans les traitements de diffusion de l'information opérationnelle.
6.
I. Les droits d'information et d'opposition prévus respectivement aux articles 32 et 38 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s'appliquent pas au présent traitement.
II. Conformément aux dispositions des articles 41 et 42 de la même loi, le droit d'accès aux données s'exerce auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
7.
Les consultations font l'objet d'un enregistrement comprenant l'identification du consultant, la date et l'heure de la consultation. Ces informations sont conservées dans les traitements pendant une durée d'au moins trois ans.
8.
La mise en œuvre des traitements par les services ou les unités de la police et de la gendarmerie nationales est subordonnée à l'envoi préalable à la Commission nationale de l'informatique et les libertés, en application du IV de l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, d'un engagement de conformité, accompagné d'un dossier technique de présentation, faisant référence au présent décret.
9.
Le présent décret est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions suivantes :
1. Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, le 7. de l'article 5 est supprimé ;
2. Pour l'application en Nouvelle-Calédonie du 7. de l'article 5, les mots : « aux fins et dans les limites fixées à l'article 12 des annexes IV-I et IV-II du code général des collectivités territoriales, » sont remplacés par les mots : « dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 susvisée et » ;
3. Pour l'application dans les Terres australes et antarctiques françaises de l'article 5, au 6., les mots : « à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure et » sont supprimés, et le 7. est supprimé.
10.
La garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 20 février 2014.
Jean-Marc AYRAULT.
Par le Premier ministre :
Le ministre de l'intérieur,
Manuel VALLS.
La garde des sceaux, ministre de la justice,
Christiane TAUBIRA.
Le ministre des outre-mer,
Victorin LUREL.
Annexe
annexe. LISTE DES CATÉGORIES DE DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL ET DES INFORMATIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE ENREGISTRÉES DANS LES TRAITEMENTS.
1. Les données à caractère personnel et informations relatives aux personnes mises en cause ou recherchées sont les suivantes :
-
identité (nom, prénoms, surnom, alias, pseudo) ;
-
date et lieu de naissance ;
-
filiation ;
-
nationalité ;
-
sexe ;
-
profession ;
-
adresse géographique ;
-
préjudice causé ;
-
mode opératoire, dangerosité ;
-
situation familiale ;
-
numéro de téléphone et adresse courriel ;
-
signes physiques particuliers et objectifs en tant qu'éléments de signalement des personnes ;
-
photographies ;
-
références des titres d'identité en lien avec l'enquête, à l'exception des numéros d'inscription au registre (NIR) et de tout élément biométrique ;
-
numéros d'immatriculation ou numéros de série ou d'identification des véhicules, objets ou documents en lien avec l'enquête ;
-
lien avec les faits incriminés (auteur, coauteur, complice, mobile apparent), état de la personne (décédée, blessée, indemne, en fuite), le cas échéant, dates et lieux d'interpellation.
-
Si la personne mise en cause est placée en garde à vue ou fait l'objet d'une retenue, les traitements enregistrent, en outre, les informations suivantes :
-
service, lieu de la mesure ;
-
numéro de procédure ;
-
nature de l'affaire ;
-
cadre juridique (préliminaire, flagrance, commission rogatoire, commun ou régime dérogatoire) ;
-
faits constatés ;
-
catégorie de la personne (mineure ou majeure) ;
-
durée de la mesure ;
-
suites de la mesure (libre, déféré) ;
2. Les données à caractère personnel et informations relatives aux victimes ou aux personnes faisant l'objet d'une enquête pour recherche des causes de la mort ou d'une disparition sont les suivantes :
a) Personnes physiques :
- identité (nom, prénoms, surnom, alias, pseudo) ;
- date et lieu de naissance ;
- profession ;
- adresse ;
- situation familiale ;
- numéro de téléphone et adresse courriel ;
- préjudice subi ;
- état de la personne (décédée, blessée, indemne, personne vulnérable) ;
- signes physiques particuliers et objectifs en tant qu'éléments de signalement des personnes (victimes non identifiées, personnes disparues et recherches des causes de la mort uniquement) ;
- photographies (enquêtes pour recherche des causes de la mort ou d'une disparition ou relatives aux atteintes aux libertés de la personne, ou lorsque la photographie permet l'identification de l'auteur et de la victime au moment de la commission du crime ou délit) ;
b) Personnes morales :
- raison sociale, enseigne commerciale, sigle ;
- forme juridique ;
- numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ;
- lieu du siège social ;
- numéros SIREN, SIRET ;
- secteur d'activité ;
- adresse ;
3. Les données à caractère personnel et informations relatives aux témoins sont les suivantes :
- état civil, profession, adresse, numéro de téléphone et adresse courriel ;
4. Le nom de l'agent ayant rédigé, signé ou transmis le document informatif est également enregistré dans le traitement ainsi que les coordonnées de l'enquêteur, du magistrat saisi et des autorités compétentes informées.
Les présents traitements peuvent également recevoir des données de même nature contenues dans les traitements gérés par les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou les services de police étrangers conformément à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure ou aux articles 695-9-31 à 695-9-49 du code de procédure pénale.