ACCORD de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie dans le domaine de l'énergie nucléaire, signé à Moscou (1).
Du 19 avril 1996NOR M A E J 0 1 3 0 0 0 8 D
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie, ci-après dénommés « Les Parties »,
S'appuyant sur une longue tradition d'amitié et de coopération ;
Affirmant leur volonté de développer leur coopération, conformément aux dispositions du traité entre la République française et la Fédération de Russie signé à Paris le 7 février 1992 ;
Considérant les engagements souscrits par les Parties dans le cadre du traité du 1er juillet 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires ;
Considérant que les deux Parties sont membres de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ;
Confirmant l'engagement commun d'appliquer, pour l'exportation de matières, matières nucléaires, d'équipements et de la technologie nucléaires, les directives adoptées par le groupe des fournisseurs nucléaires ;
Rappelant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur la coopération dans les domaines de l'élimination, dans des conditions de sécurité, des armes nucléaires en Russie et de l'utilisation à des fins civiles des matières fissiles issues des armes, signé à Paris le 12 novembre 1992, ainsi que ses accords d'application ;
Aspirant à élargir et à renforcer, sur une base équilibrée, la coopération et les échanges dans le domaine de l'énergie nucléaire ;
Désireuses de favoriser le commerce, la coopération et les échanges industriels et économiques, y compris avec les pays tiers, dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, conformément à l'article IV du traité de non-prolifération des armes nucléaires ;
Considérant que les deux Parties ont atteint un niveau comparable dans l'utilisation de l'énergie nucléaire pour la production d'électricité et dans le développement de l'industrie nucléaire et se fondant sur l'objectif commun d'atteindre le plus haut niveau de sûreté et de protection des populations et de l'environnement ;
Reconnaissant la nécessité de mesures adéquates de protection physique des matières nucléaires et réaffirmant les engagements pris dans le cadre de la Convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires, à laquelle elles sont Parties ;
Considérant l'accord conclu le 10 mars 1993 entre le ministère de l'énergie atomique de la Fédération de Russie et le Commissariat à l'énergie atomique français, relatif à la coopération pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins civiles,
sont convenus de ce qui suit :
Article 1er
Les Parties entendent coopérer dans les domaines suivants :
Recherche fondamentale et appliquée ;
Fusion thermonucléaire contrôlée ;
Réacteurs nucléaires et applications de l'énergie nucléaire pour la production d'énergie électrique ;
Cycle du combustible nucléaire ;
Développement et fabrication de combustible mixte (MOX) destiné à être utilisé dans les réacteurs civils ;
Livraison de matières et de combustibles nucléaires pour les réacteurs, y compris la fourniture d'uranium hautement enrichi pour le combustible des réacteurs de recherche ;
Gestion des déchets radioactifs ;
Sûreté nucléaire, radioprotection et protection de l'environnement ;
Développement des applications de l'énergie nucléaire dans les domaines de l'agronomie, de la médecine et de l'industrie ;
Recherche et développement de techniques, technologies, équipements et matériaux ;
Élimination, dans des conditions de sécurité et de sûreté, des armes nucléaires et utilisation, à des fins pacifiques, des matières fissiles récupérées ;
Reconversion des technologies de défense à des fins civiles ;
Ou tout autre domaine convenu d'un commun accord entre les Parties.
Article 2
La coopération prévue à l'article 1er du présent Accord s'effectue sur la base d'accords spécifiques conclus entre les Parties ou les organismes habilités par elles. Les Parties favorisent la coopération et les échanges sur une base industrielle et économique entre les organismes et entreprises intéressés des deux Parties.
Article 3
Les Parties garantissent la sécurité et préservent le caractère confidentiel des documents techniques et des informations techniques désignés comme tels, transmis dans le cadre du présent Accord. Ces documents et informations ne sont pas communiqués à des tiers, publics ou privés, ni publiés sans l'accord préalable écrit des Parties.
Article 4
1. Les matières, matières nucléaires, équipements et la technologie nucléaires transférés en vertu du présent Accord, ainsi que les matières nucléaires obtenues ou récupérées comme sous-produits, ne sont pas utilisés pour la production d'armes nucléaires, de dispositifs explosifs nucléaires, de quelque type que ce soit, ni pour la recherche ou la mise au point de tels dispositifs.
2. Au cas où l'une des Parties envisage de retransférer vers un État tiers des matières, matières nucléaires, équipements et la technologie nucléaire transférés en vertu du présent Accord ou des matières, matières nucléaires et équipements produits grâce à eux, elle ne le fait qu'après avoir obtenu du destinataire de ces transferts les assurances prévues par les directives du groupe des fournisseurs nucléaires applicables pour les exportations de matières, équipements et technologies nucléaires.
3. Outre les dispositions du paragraphe 2 du présent article, l'accord écrit préalable de la Partie fournisseur initial est requis :
a) Pour tout retransfert d'installations de retraitement, d'enrichissement de l'uranium, de production d'eau lourde ainsi que de leurs équipements ou de leur technologie ;
b) Pour tout transfert d'installations ou d'équipements provenant de ces installations ou équipements, ou conçus à partir de la technologie visée au paragraphe a ci-dessus ;
c) Pour tout transfert ou retransfert d'eau lourde, d'uranium enrichi à plus de 20 p. cent en isotopes 233 ou 235 ou de plutonium produit ou récupéré à partir de matières nucléaires transférées en vertu du présent Accord.
4. Les Parties déterminent d'un commun accord, et dans le strict respect de leurs engagements internationaux respectifs, les conditions auxquelles les matières ou matières nucléaires visées au paragraphe 3 du présent article ne seront réexportées ou exportées ou transférées hors de leur juridiction qu'avec l'accord écrit préalable de la Partie fournisseur initial.
Article 5
Les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie transférés en vertu du présent Accord restent soumis aux dispositions de celui-ci jusqu'à ce que :
a) Ils aient été transférés ou retransférés hors de la juridiction de la Partie destinataire conformément aux dispositions de l'article 4 du présent Accord, ou que,
b) Les Parties décident d'un commun accord de les y soustraire.
Article 6
1. Chaque Partie s'engage à ce que les matières, matières nucléaires, équipements, installations et la technologie transférés en vertu du présent Accord soient uniquement détenus par des personnes physiques ou morales placées sous sa juridiction et habilitées à cet effet.
2. Chaque Partie adopte, dans les limites de sa juridiction, les mesures nécessaires afin d'assurer une protection physique adéquate des matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies nucléaires et applique des critères de niveaux de protection physique au moins équivalents à ceux définis dans la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et les recommandations de l'AIEA dans ce domaine.
3. Les Parties se consultent, à la demande de l'une ou l'autre d'entre elles, sur les questions relatives à la protection physique des matières, matières nucléaires, équipements, installations et technologies nucléaires, y compris sur les questions de protection physique lors des transferts internationaux. Les modifications des recommandations de l'AIEA en relation avec la protection physique n'ont d'effet aux termes du présent Accord que lorsque les deux Parties se sont informées mutuellement par écrit de leur acceptation d'une telle modification.
Article 7
Aucune des dispositions du présent Accord ne peut être interprétée comme portant atteinte aux obligations qui résultent de la participation de l'une ou l'autre Partie à d'autres accords internationaux pour l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, notamment pour la Partie française, de son appartenance aux Communautés européennes.
Article 8
Le présent Accord peut être modifié par accord écrit entre les Parties.
Article 9
Aux fins du présent Accord :
Les définitions figurant au présent article sont établies conformément aux directives du groupe des fournisseurs nucléaires, publiées par l'AIEA dans le document INFCIRC/254/Rév.2/Part.1 et au statut de l'AIEA :
a) « Matières nucléaires » signifie toute « matière brute » ou tout « produit fissile spécial ». « Matière brute » signifie l'uranium contenant le mélange d'isotopes qui se trouve dans la nature ou dont la teneur en uranium 235 est inférieure à la normale ou le thorium. « Produit fissile spécial » désigne le plutonium 239, l'uranium 233, l'uranium enrichi en uranium 235 ou 233 ou tout produit contenant un ou plusieurs des éléments susmentionnés ;
b) « Matières » signifie l'eau lourde ou toute autre matière utilisable dans un réacteur pour ralentir la vitesse des neutrons et accroître la probabilité de la réaction de fission ;
c) « Equipements » signifie les réacteurs complets ou tout autre équipement défini d'un commun accord entre les Parties ;
d) « Installations » signifie les installations de retraitement des éléments combustibles, de fabrication d'éléments combustibles, de séparation isotopique, de production d'eau lourde, de deutérium et de ses composés, ainsi que les installations de conversion de l'uranium ;
e) Par « technologie », il convient d'entendre l'information spécifique nécessaire pour le « développement », la « production » ou l'« utilisation » de tout article soumis au présent Accord, à l'exception des données communiquées au public, par exemple par l'intermédiaire de périodiques ou de livres publiés ou qui ont été rendus accessibles sur le plan international sans aucune restriction de diffusion ;
Cette information peut prendre la forme de « données techniques » ou d'« assistance technique ».
Le « développement » se rapporte à toutes les phases précédant la « production » telles que, notamment, les études, recherches relatives à la conception, assemblages et essais de prototypes et plans d'exécution.
Par « production », il convient d'entendre toutes les phases de la production.
Par « utilisation », il convient d'entendre la mise en oeuvre, l'installation (y compris l'installation sur le site même), l'entretien, les réparations, le démontage de révision et la remise en état.
L'« assistance technique » peut prendre des formes telles que l'instruction, les qualifications, la formation, les connaissances pratiques, les services de consultation.
Les « données techniques » peuvent être constituées de calques, schémas, plans, manuels et modes d'emploi sous une forme écrite ou enregistrée sur d'autres supports tels que disques, bandes magnétiques ou mémoires passives ;
f) « Informations » signifie tout renseignement, toute documentation ou toute donnée, de quelque nature que ce soit, transmissible sous une forme physique, portant sur des matières, des équipements, des installations ou de la technologie soumis au présent Accord, à l'exclusion des renseignements, documentations et données accessibles au public.
Les Parties peuvent, aux fins du préent Accord, élargir d'un commun accord la définition des matières, matières nucléaires, équipements et installations nucléaires.
Article 10
1. Chacune des Parties notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures internes requises pour la mise en vigueur du présent Accord. Celui-ci prendra effet à la date de la dernière de ces notifications.
2. Le présent Traité-accord est conclu pour une durée de vingt-cinq ans. Il peut être dénoncé à tout moment par l'une ou l'autre des Parties. Toute dénonciation doit être notifiée par écrit avec un préavis de six mois.
3. À l'issue de cette période de vingt-cinq ans, il demeurera en vigueur jusqu'à ce qu'il soit dénoncé par l'une des Parties, conformément à la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
4. En cas de dénonciation du présent Accord, conformément à la procédure mentionnée au paragraphe 2 du présent article :
-
les dispositions pertinentes du présent Accord demeurent applicables aux accords spécifiques signés en vertu de l'article 2, qui sont en vigueur ;
-
les dispositions des articles 4, 5 et 6 continuent à s'appliquer aux matières, matières nucléaires, équipements, installations et à la technologie transférés en application du présent Accord, ainsi qu'aux matières nucléaires récupérées ou obtenues comme sous-produits.
En foi de quoi, les représentants des deux Gouvernements dûment autorisés à cet effet ont signé le présent Accord.
Fait à Moscou, le 19 avril 1996, en deux exemplaires, en langues française et russe, les deux textes faisant également foi.
Pour la République française :
Pierre MOREL.
Ambassadeur de France,
Pour la Fédération de Russie :
Victor NIKITOVITCH MIKHAILOV.
Ministre de l'Énergie atomique.