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CABINET DU MINISTRE : CM 11

INSTRUCTION N° 8091/DEF/CAB/CM11 relative à la conduite des enquêtes techniques menées par le bureau enquêtes accidents défense mer.

Du 21 août 2015
NOR D E F M 1 5 5 1 6 0 5 J

Référence(s) : Code du 29 mars 2024 de la défense - Partie législative. (Dernière modification le 12 mars 2016 - Document consolidé le 28 mars 2016). Code du 29 mars 2024 de la défense - Partie réglementaire III. Le ministère de la défense et les organismes sous tutelle. (Dernière modification le 12 mars 2016 - Document consolidé le 28 mars 2016).

c) Code des transports notamment ses articles L. 1621-1 à L. 1622-2 et R. 1621.1 à R. 1621-38.

d) Décret n° 2010-1577 du 16 décembre 2010 (n.i. BO ; JO n° 293 du 18 décembre 2010, p. 22289, texte n° 6).

Arrêté du 04 mars 2009 portant organisation du bureau enquêtes accidents défense mer (BEAD-mer).

f) Directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 (n.i. BO ; JOUE L 131 du 28 mai 2009, p. 114).

g) Convention de l'organisation maritime internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer de 1974 (n.i. BO).

Convention du 10 décembre 1982 des Nations unies sur le droit de la mer (ensemble neuf annexes), signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, et ACCORD relatif à l'application de la partie XI de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, fait à New York le 28 juillet 1994 (ensemble une annexe) (JO du 7 septembre, p. 13307) publiés par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 (Parties XIV à XVIII et annexes).

Texte(s) abrogé(s) : Instruction N° 9880/DEF/CAB du 03 juillet 2009 relative à la conduite des enquêtes techniques menées par le bureau enquêtes accidents défense mer.

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  123.3.2., 360.2.5.

Référence de publication : BOC n°50 du 13/11/2015

1. LE CHAMP D'ACTION DU BUREAU ENQUÊTES ACCIDENTS DÉFENSE-MER.

En application des références a) et b) la présente instruction a pour objet de définir la conduite à tenir lors du déroulement des enquêtes techniques relatives aux accidents et incidents nautiques survenus sur des bâtiments ou sous-marins de la marine nationale, vedettes et moyens nautiques des forces armées y compris la gendarmerie, directions, délégations ou services du ministère de la défense, désignés comme organismes dans le présent document, et dans le cadre de plongées subaquatiques en mer organisées par ces organismes.

1.1. Compétence du bureau enquêtes accidents défense-mer.

Le bureau enquêtes accidents défense-mer (BEAD-MER) est un service à compétence nationale (SCN) placé auprès de l'amiral inspecteur général des armées-marine (IGAM). Il est dirigé par un officier supérieur de marine, désigné par arrêté du ministre de la défense. Il peut être saisi pour enquête technique sur un événement nautique survenu à un moyen nautique des organismes, sans présumer de sa taille, de son mode de propulsion ou de sa zone de navigation. Le BEAD-MER est également compétent pour tout événement survenu lors d'une plongée subaquatique en mer organisée par ces organismes. Enfin, tout événement de mer concernant un navire militaire étranger dans les eaux intérieures ou territoriales françaises relève de la compétence du BEAD-MER.

L'ouverture d'une enquête est décidée par le ministre de la défense, à son initiative ou sur proposition de l'IGAM ou du directeur du BEAD-MER.

Le BEAD-MER agit en toute indépendance et ne reçoit ni ne sollicite d'instructions d'aucune autorité, ni d'aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui lui est confiée.

Le BEAD-MER peut être associé à la réalisation de tout ou partie d'une enquête dirigée par un autre département ministériel ou un organisme étranger et réciproquement.

1.2. Enquêtes du bureau enquêtes accidents défense-mer.

Le code des transports [référence c)] définit les conditions à respecter en terme d'auditions, d'examens et d'analyse en présence ou non d'une enquête ou d'une procédure judiciaire.

À la suite d'un événement nautique, différentes enquêtes sont susceptibles d'être conduites :

- l'enquête judiciaire ;

- l'enquête de commandement ;

- l'enquête militaire ;

- l'enquête technique du BEAD-MER.

L'enquête du BEAD-MER a pour objectif d'analyser les faits et de produire le rapport énonçant les circonstances, les causes et les recommandations de sécurité déduites.

Dans l'hypothèse où une enquête militaire ou de commandement et une enquête technique du BEAD-MER sont déclenchées simultanément pour le même événement, le rapport du BEAD-MER constitue la partie technique de ceux produits par l'enquête militaire ou de commandement.

En l'absence d'enquêtes conjointes et si l'événement concerne à la fois des moyens militaires et civils ou étrangers, un échange systématique d'information sur l'événement et le cas échéant un arrangement entre directeurs des bureaux enquêtes et équivalents étrangers pour la conduite de l'enquête a lieu d'être prévu. Une participation croisée pourra être recherchée. Dans ce cas, une convention est établie systématiquement entre les organismes concernés.

2. LE DÉROULEMENT DES ENQUÊTES DU BUREAU ENQUÊTES ACCIDENTS DÉFENSE-MER.

2.1. Mesures immédiates après l'évènement.

Lorsqu'un événement s'est produit, après avoir assuré la sauvegarde du personnel et le ralliement d'une situation sûre, l'autorité sur zone prend toutes les mesures qu'elle estime possibles et nécessaires à la reconstitution des faits et au déroulement de l'enquête (photographies, croquis, recueils de témoignages, isolement de matériels, sauvegarde de données de route, cartes, journaux de bord et enregistrements divers, etc.). Si les événements le permettent, elle n'apporte aucune modification aux éléments concernés.

2.2. Information du bureau enquêtes accidents défense-mer en cas d'évènement.

Le BEAD-MER est informé sans délai de tout événement susceptible de conduire à sa saisine par message adressé à bead-mer.cmi.fct@intradef.gouv.fr.

Cette information ne se substitue pas aux autres procédures en vigueur au sein du ministère de la défense, visant à signaler des événements graves ou importants [(EVENGRAVE), G.EVEN, etc.)].

Les organismes sont tenus d'établir par instruction ou circulaire les modalités d'information du BEAD-MER.

2.3. Déclenchement de l'enquête.

Dès le déclenchement par le ministre de la défense d'une enquête technique et indépendamment de la constitution éventuelle d'une commission d'enquête telle que prévue en références c) et e) le directeur du BEAD-MER a autorité pour conduire l'enquête.

À cet effet :

  • il désigne des investigateurs techniques (enquêteurs et experts) et parmi eux l'enquêteur responsable ;

  • il s'informe sur les procédures judiciaires en cours ;

  • il désigne une autorité de proximité, garante du recueil des premières constatations et de la préservation des preuves, dans l'attente de l'arrivée des investigateurs désignés.

2.4. Déroulement d'une enquête.

L'enquêteur responsable rend compte des progrès de l'enquête au directeur du BEAD-MER, qui peut alors, si nécessaire et de façon concertée dans le cadre d'une enquête simultanée menée par une autre entité, assurer la coordination avec les organismes concernés.

Toute facilité doit être accordée à l'enquêteur responsable et aux investigateurs dans l'accomplissement de leur tâche.

2.5. Disposition concernant le matériel accidenté.

Les opérations de dépannage, d'enlèvement, de déminage ou de réparation liées aux matériels ou bâtiments incriminés ne peuvent intervenir qu'après accord du directeur du BEAD-MER, ou de l'autorité de proximité désignée s'il lui consent cette délégation.

Dans la mesure du possible, cette responsabilité est étendue aux opérations de transport de matériel pour des expertises techniques spécifiques.

2.6. Dispositions administratives et financières.

Le personnel n'appartenant pas au BEAD-MER mais requis par lui pour les besoins d'une enquête est placé sous l'autorité fonctionnelle du directeur du BEAD-MER.

Il appartient à l'organisme mettant en œuvre le moyen concerné par l'événement de prendre en charge les frais ayant trait aux opérations demandées par le directeur du BEAD-MER, et notamment :

  • les déplacements, l'alimentation et le logement des investigateurs n'appartenant pas au BEAD-MER, ainsi que de toute personne requise par le BEAD-MER pour les besoins de l'enquête ;

  • les frais d'expertises diligentées pour les besoins de l'enquête technique.

À cet effet, un budget propre au BEAD-MER est mis en place pour couvrir les besoins de fonctionnement des tâches permanentes (études, retour d'expérience, réseau d'experts) et recevoir la contribution des organismes aux frais d'enquête, d'expertise et d'études.

3. LES ACTEURS DES ENQUÊTES DU BUREAU ENQUÊTES ACCIDENTS DÉFENSE-MER.

3.1. Les organismes du ministère de la défense.

Les organismes n'interviennent en aucune manière sur le déroulement de l'enquête technique.

Les organismes peuvent accéder aux pièces constitutives du dossier d'enquête technique en concertation avec le directeur du BEAD-MER et sans préjudice, le cas échéant, de l'enquête judiciaire.

Ils apportent leur coopération et le soutien logistique et financier aux investigateurs techniques dans l'exécution de leur tâche.

3.2. Le bureau enquêtes accidents défense-mer.

Il est composé :

  • d'une structure permanente autour du directeur et du directeur adjoint ;

  • d'un renfort d'officiers de réserve en tant que de besoin ;

  • d'un vivier d'investigateurs identifiés, affectés dans les organismes.

3.3. L'amiral inspecteur général des armées.

L'inspecteur général des armées-marine peut proposer au ministre de la défense d'ouvrir une enquête ou de déclencher une commission d'enquête. Dans ce cas, il propose la nomination de ses membres.

3.4. Le directeur du bureau enquêtes accidents défense-mer.

Le directeur du BEAD-MER :

  • peut proposer au ministre de la défense le déclenchement d'une enquête ;

  • est responsable de la conduite des enquêtes ;

  • désigne l'enquêteur responsable et les investigateurs, notamment au sein du vivier préalablement identifié ;

  • signe les rapports d'enquêtes ;

  • diffuse les informations résultant de l'enquête technique, s'il estime qu'elles sont de nature à prévenir un accident ou un incident, aux organismes civils et militaires concernés ;

  • émet des recommandations de sécurité et se fait rendre compte de leur application ;

  • coordonne l'enquête technique avec les enquêtes judiciaire, militaire ou de commandement s'il y a lieu ;

  • établit et diffuse un rapport annuel ;

  • nomme un directeur adjoint, qui l'assiste et le remplace si nécessaire.

3.5. Les investigateurs.

Les investigateurs relèvent de deux catégories :

  • les enquêteurs techniques, officiers d'un corps navigant de la marine, officiers des autres armées, fonctionnaires de catégorie A ou contractuels de même niveau ;

  • les experts ou agents techniques, reconnus pour leurs compétences spécifiques en rapport avec le type d'événement, et requis au cas par cas au sein des organismes.

Conformément aux dispositions réglementaires de référence e), les désignations comme directeur et directeur adjoint du BEAD-MER valent commissionnement comme enquêteur technique.

Un groupe d'enquêteurs est préalablement identifié au sein de toutes les composantes des organismes. Il fait l'objet d'une désignation par le directeur du BEAD-MER. Il constitue un vivier représentatif des domaines d'activité potentiels et permet une diffusion et un échange des informations propres aux enquêtes. Il n'est cependant pas exclusif, les investigateurs pouvant être désignés à l'extérieur de ce vivier.

L'association d'enquêteurs étrangers ou d'un bureau d'enquête civil est possible.

3.6. La commission d'enquête.

Le cas échéant et sur proposition de l'IGAM, une commission d'enquête peut être constituée au déclenchement d'une enquête technique. Ses membres sont nommés par arrêté du ministre. Sa composition et son activité sont précisées à l'article R. 3125-20. du code de la défense.

3.7. Pouvoirs et devoirs des investigateurs.

3.7.1. Pouvoirs des investigateurs.

En cas d'événement n'ayant pas entraîné l'ouverture d'une enquête ou information judiciaire, l'enquêteur responsable :

  • accède aux bâtiments incriminés ou sur les lieux de l'événement pour procéder à toute constatation utile ;

  • prend toute mesure de nature à permettre la préservation des indices ;

  • auditionne les témoins et personnes de son choix ;

  • se fait remettre, lorsqu'ils existent, les enregistreurs, les supports d'enregistrement, et les documents de navigation ;

  • prélève, aux fins d'examen ou d'analyse, les fragments, fluides, pièces, organes, ensembles ou mécanismes qu'il estime propres à contribuer à la détermination des circonstances et des causes de l'événement ;

  • demande la communication des documents de toute nature relatifs aux personnes, entreprises, industriels et matériels en relation avec l'événement et concernant notamment la formation et la qualification des personnes, la construction, la certification, l'entretien, l'exploitation des matériels, la préparation de la mission et sa conduite par les bâtiments incriminés ;

  • peut demander la présence d'un officier de police judiciaire (OPJ).

Dans le cas d'ouverture d'une information ou d'une enquête judiciaire, l'enquêteur responsable prend contact avec l'autorité judiciaire présente sur le terrain avant d'entreprendre les actions ci-dessus et de manière générale toute action d'investigation.

Dans le cas d'une enquête simultanée, ces actions seront conduites de façon concertée avec les acteurs de l'enquête militaire ou de commandement.

S'ils sont susceptibles d'éclairer l'enquête technique, les dossiers médicaux ne sont communiqués qu'aux médecins rattachés, pour les besoins de l'enquête technique, au BEAD-MER.


 Pour les bâtiments en cours de réalisation :

  • armés par un équipage militaire de conduite ;

  • et avant le prononcé de réception et le transfert de responsabilité totale à l'État ;

  • et inscrits à la liste navale,

les co-contractants du marché public au titre duquel le bâtiment est réalisé définissent avec le BEAD-MER les conditions dans lesquelles il peut mener son enquête en toute indépendance.

3.7.2. Devoirs des investigateurs.

Le personnel appartenant au BEAD-MER, les enquêteurs et experts auxquels il est fait appel sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.

4. LES COMMUNICATIONS DU BUREAU ENQUÊTES ACCIDENTS DÉFENSE-MER.

4.1. Communication générale externe.

La communication sur un évènement nautique relève de l'organisme d'appartenance du moyen incriminé. Dans ce cadre, il pourra être fait état, en tant que de besoin, des éléments techniques fournis par le BEAD-MER après accord de son directeur.

4.2. Information du directeur du Bureau enquêtes accidents défense-Mer.

Le directeur du BEAD-MER est tenu informé du déroulement de l'enquête par l'enquêteur responsable. Il peut, s'il l'estime nécessaire retransmettre les informations reçues aux organismes concernés.

4.3. Rapport d'enquête et information technique.

Au terme de ses travaux, l'enquêteur responsable propose au directeur du BEAD-MER un projet de rapport final dont la forme est celle décrite en annexe I. de la directive 2009/18/CE (A) citée en référence.

Celui-ci est adressé dans les six mois (1) au ministre de la défense par le directeur du BEAD-MER. Il est par ailleurs diffusé :

  • aux différents organismes auxquels sont adressées des recommandations de sécurité ;

  • à tout organisme pour lequel les éléments du rapport sont susceptibles d'améliorer la sécurité.

Le rapport final d'enquête technique est mis à la disposition du public dans les conditions prescrites à l'article R. 3125-12. du code de la défense.

Si l'importance ou l'urgence des résultats de l'enquête le justifient, l'enquêteur responsable peut rédiger un projet de rapport préliminaire vers le directeur du BEAD-MER, qui pourra alors le rediffuser vers les organismes concernés. Ce rapport prend la même forme que le rapport final.

4.4. Retour d'expérience.

En dehors de la circulation des rapports d'enquêtes, le BEAD-MER peut être amené à porter à la connaissance de l'ensemble des organismes une information technique relative à un évènement nautique (recommandations de sécurité, retour d'expérience, etc.). Celle-ci est adressée à l'organisme en charge du retour d'expérience concernant les événements nautiques ou subaquatiques de l'entité en cause. En retour, ce dernier est chargé de faire remonter au BEAD-MER ses propres éléments de retour d'expérience.

4.5. Recommandation de sécurité.

Le BEAD-MER peut, s'il y a lieu, émettre des recommandations de sécurité. Après étude du rapport d'enquête, les chefs d'état-major, directeurs centraux, statuent sur la suite à donner à ces recommandations. Dans un esprit de recherche d'une information de prévention permanente et concertée, les destinataires des recommandations de sécurité font connaître au BEAD-MER, sous 90 jours, les suites qu'ils entendent leur donner et, le cas échéant, le délai nécessaire à leur mise en application.

4.6. Études.

Le BEAD-MER peut initier toute demande d'étude ou toute recherche en matière de retour d'expérience ou d'accidentologie participant aux objectifs généraux des enquêtes techniques. Le budget qui lui est alloué le prévoit.

4.7. Rapport annuel.

En début d'année calendaire, le BEAD-MER établit un rapport annuel sur son activité de l'année précédente, incluant notamment des éléments statistiques. Ce rapport présente également la synthèse du retour d'expérience établi à partir des productions reçues des organismes du ministère de la défense, pour les matériels communs les concernant et dont il a été informé.

4.8. Classification et archivage des documents.

Le degré de classification des messages, des comptes rendus et des rapports concernant les enquêtes menées par le BEAD-MER est décidé par son directeur en fonction de la nature des informations qu'ils contiennent (mission, causes de l'événement, nature des matériels, etc.).

Le BEAD-MER conserve pendant dix ans, après la décision de clôture, le dossier contenant tous les documents et pièces relatifs à chaque enquête.

Au-delà de ce délai, le BEAD-MER transmet au service historique de l'organisme concerné le dossier d'enquête et conserve une copie du rapport final.

5. ABROGATION-PUBLICATION.

L'instruction n° 9880/DEF/CAB du 3 juillet 2009 relative à la conduite des enquêtes techniques menées par le bureau enquêtes accidents défense mer est abrogée.

La présente instruction sera publiée au Bulletin officiel des armées.

Le ministre de la défense,

Jean-Yves LE DRIAN.