DÉCRET accordant la personnalité civile et l'autonomie financière au musée de l'armée.
Du 28 décembre 1926NOR
RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
MONSIEUR LE PRÉSIDENT,
Le musée de l'armée, constitué en sa forme actuelle par décret du 26 juillet 1905, prononçant la fusion du musée de l'artillerie et du musée historique de l'armée, est doté des moyens indispensables à son fonctionnement, grâce à l'inscription au budget du département de la guerre de crédits correspondants.
Le développement pris par cet établissement depuis la guerre, en même temps que le renchérissement général des prix de la main-d'œuvre et des matières, ont eu pour conséquence une aggravation considérable des charges lui incombant sans que celles-ci aient pu, en raison des restrictions budgétaires imposées par les circonstances actuelles, trouver leur contrepartie dans une augmentation correspondante des ressources mises à sa disposition.
La loi de finances du 27 décembre 1923 (BO/G, p. 3790) a, il est vrai, par son article 37, étendu à toutes les administrations le droit qui avait été accordé à l'administration des Beaux-Arts par la loi du 31 décembre 1921 (BO/G p. 4279), de percevoir un droit d'entrée dans les musées, collections et monuments appartenant à l'État.
Une partie du produit des recettes ainsi procurées devant, aux termes de ce même article 37, être rattachée aux budgets des établissements intéressés, il parut alors que la situation précaire dans laquelle se trouvait le musée de l'armée allait trouver son remède sans aggravation des charges de l'État, et cela par la simple ouverture sous forme de fonds de concours, d'une quote-part sur le produit des recettes procurées par ledit établissement.
C'est dans ces conditions que fut pris le décret du 30 décembre 1924 (BO/G, 1925, p. 853)portant application, en ce qui concerne le musée de l'armée, de l'article 37 de la loi du 27 décembre 1923 précité.
L'expérience prouva d'ailleurs l'opportunité de l'institution d'un droit d'entrée au musée de l'armée, puisque, pour une partie seulement de l'année 1924, elle produisit un chiffre de recettes brut de 205 000 F, chiffre qui s'est élevé à 488 000 F pour l'année 1925.
Cependant, si l'avantage de la mesure n'est pas contestable, il est apparu, par contre, que l'article 37 de la loi du 27 décembre 1923, en ce qu'il a trait à l'affectation des recettes procurées par les entrées payantes, n'était applicable qu'à ceux des musées de l'État ayant leur budget propre, et par conséquent, le rattachement opéré au profit d'un établissement qui, comme le musée de l'armée, n'est pas doté de l'autonomie financière, se trouvait contraire aux principes généraux de la comptabilité publique, et notamment à celui de l'universalité du budget.
Au demeurant, ce n'est pas pour ce seul motif qu'il paraît souhaitable d'investir aujourd'hui ledit musée de son autonomie financière.
Le musée de l'armée, en outre des reliques historiques de valeur inestimable qu'il possède, a la charge de la conservation d'objets de collection de grand prix. Ceci ne vas pas sans entraîner l'obligation pour lui d'effectuer des travaux d'entretien minutieux et de rémunérer un personnel approprié. Or, les crédits dont peut disposer l'administration de la guerre, en faveur du musée — qui d'ailleurs ne répond point strictement à des nécessités d'ordre militaire — ne peuvent qu'être trop parcimonieusement mesurés pour satisfaire pleinement aux besoins de cet établissement.
Un tel état de choses ne saurait se perpétuer sans dommage pour l'entretien des collections et, si l'importance des recettes effectuées montre la faveur et la réputation dont elles jouissent auprès des visiteurs, encore convient-il de les entourer d'un soin digne des souvenirs glorieux qu'elles évoquent. Déjà, faute de ressources suffisantes, le musée de l'armée est aujourd'hui dans l'obligation de tenir fermées un grand nombre de ses salles et si l'on considère la précarité des moyens dont il dispose, on ne peut, sans appréhension, envisager l'avenir.
Une réorganisation s'impose donc ; elle est conditionnée par les ressources financières dont pourra disposer le musée. C'est seulement, semble-t-il, dans le cadre de l'autonomie financière qu'elle pourra s'effectuer, et cela sans charge nouvelle pour le Trésor. Il ne s'agit, du reste, nullement d'une innovation : le projet de décret que nous avons l'honneur de vous soumettre aura pour effet d'investir le musée de l'armée de la personnalité civile comme l'ont été les grands musées nationaux par les articles 52 à 56 de la loi de finances du 16 avril 1895, et les palais nationaux par un décret du 1er octobre 1926. Il aura pour effet de conférer audit établissement l'autonomie budgétaire qu'un autre décret, également en date du 1er octobre 1926, a reconnue au musée de sculpteur comparée.
Si la nécessité était reconnue d'aider le musée de l'armée dans son bon fonctionnement, un crédit serait demandé au titre du budget de la guerre pour couvrir l'insuffisance des recettes de l'exercice. Il est permis, toutefois, d'escompter que l'ouverture d'un plus grand nombre de salles du musée, l'augmentation du nombre des jours de visite et le relèvement des droits d'entrée, contribueront à accroître notablement les recettes à attendre des entrées payantes, de telle sorte que ledit établissement pourra pourvoir entièrement à ses dépenses à l'aide de ses propres ressources.
La mesure proposée, tout en permettant la réalisation des améliorations que réclame actuellement le fonctionnement du musée de l'armée, est donc, en définitive, de nature à provoquer dans l'avenir un allègement des charges de l'État.
Tel est l'objet du projet de décret ci-joint que nous avons l'honneur de soumettre à votre haute approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'hommage de notre respectueux dévouement.
Le président du Conseil, ministre des finances,
R. POINCARE.
Le ministre de la guerre,
Paul PAINLEVE.