AUTRE réglementant le démarchage relatif aux marchés de défense nationale et aux sous-traitants et commandes secondaires correspondants.
Du 09 mars 1940NOR
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,
Vu le décret du 18 avril 1939 (1) tendant à réglementer le démarchage ;
Vu la loi du 8 décembre 1939 BO/G, 1940, p. 7 ; BO/M, 1940, p. 527., modifiant l'article 36 de la loi du 11 juillet 1938 BO/G, p. 2715, BO/M, p. 2/364, BOR/M, p. 2/13. sur l'organisation de la nation en temps de guerre ;
Sur le rapport du président du conseil, ministre de la défense nationale, de la guerre et des affaires étrangères, du garde des sceaux, ministre de la justice, du ministre de la marine, du ministre de l'air, du ministre de l'armement et du ministre des colonies ;
Le conseil des ministres entendu,
DÉCRÈTE :
Art. 1er.
Pour l'application du présent décret :
I. Les marchés de défense nationale sont tous ceux qui sont passés avec les administrations de la guerre, de la marine, de l'air et de l'armement, les établissements et services dépendant de ces administrations, les corps de troupe et établissements considérés comme des corps de troupe, et avec les administrations des colonies ou les gouvernements locaux si ces marchés sont passés pour la défense des colonies et exécutés en France.
II. Les sous-traités sont les conventions par lesquelles le titulaire d'un marché cède à des tiers tout ou partie de ce marché, tout en restant lui-même responsable de son exécution vis-à-vis de l'administration.
III. Les commandes secondaires sont les commandes faites à des tiers par le titulaire d'un de ces marchés ou par ces tiers eux-mêmes à d'autres tiers en vue de la fourniture d'objets ou de matières intermédiaires destinés à entrer dans la composition de l'objet du marché. Dans cette catégorie entrent notamment les sous-commandes passées en vue d'une fabrication spéciale et dont l'administration s'est réservé le droit d'agrément et de contrôle technique en usine.
IV. Est considéré comme se livrant au démarchage celui qui, d'une façon quelconque, procure, tente ou promet de procurer le placement ou l'obtention d'un marché, sous-traité ou commande secondaire, moyennant une rémunération ou une promesse de rémunération sous quelque forme que ce soit.
Art. 2.
I. Est interdit, sans autorisation écrite et préalable du ministre de la défense nationale, tout acte, même isolé, de démarchage.
II. Il est interdit d'user des offices de quiconque se livre, sans autorisation écrite et préalable du ministre de la défense nationale, à un acte de démarchage.
III. Quiconque a obtenu par l'entremise d'un démarcheur l'attribution d'un marché, d'un sous-traité ou d'une commande secondaire, est tenu de faire connaître au ministre de la défense nationale et au service qui a passé le marché, dans un délai de huit jours, le nom et l'adresse de ce démarcheur et, s'il s'agit d'un sous-traité ou d'une commande secondaire, ceux de la personne de qui il les tient.
IV. Quiconque passe une commande secondaire est tenu de faire connaître à celui qui en devient titulaire et à celui par l'entremise de qui elle a été passée que cette commande secondaire est destinée directement ou indirectement, à un marché de défense nationale.
V. Le retrait immédiat de l'autorisation visée au premier alinéa ci-dessus pourra être prononcé à tout moment et ne saurait, en aucun cas, ouvrir droit à une indemnité. Dans ce cas, le démarcheur devra renvoyer au ministère de la défense nationale l'autorisation permanente ou l'accusé de réception de sa demande tenant lieu d'autorisation provisoire, dans les huit jours de l'injonction qui lui en sera faite par lettre recommandée.
VI. Il est interdit à tout démarcheur, à l'occasion de la passation d'un marché, d'un sous-traité ou d'une commande secondaire, d'accepter à la fois des deux parties, sous une forme quelconque, soit une rémunération ou une promesse de rémunération, soit des avantages particuliers ou une promesse d'avantages particuliers.
Art. 3.
I. Il est interdit à quiconque de s'obliger, même verbalement, envers un tiers à n'accepter un marché, un sous-traité ou une commande secondaire que par l'entremise de ce tiers.
II. Il est interdit à quiconque de s'obliger, même verbalement, envers un tiers à ne céder un marché ou ne passer un sous-traité, ou une commande secondaire que par l'entremise de ce tiers.
III. Il est interdit à quiconque de provoquer ou tenter de provoquer un engagement prohibé aux termes des deux alinéas ci-dessus.
IV. Toute clause d'une convention écrite ou verbale ayant directement ou indirectement pour objet d'imposer un engagement prohibé aux termes des alinéas ci-dessus sera de plein droit frappée de nullité absolue et ne pourra en aucun cas recevoir d'exécution.
V. Il est interdit à toute personne munie d'une autorisation de démarchage de s'en prévaloir de manière à faire obstacle à la concurrence d'autres titulaires de cette autorisation.
Art. 4.
I. Tout démarcheur ayant reçu l'autorisation prévue au premier paragraphe de l'article 2 du présent décret sera assujetti au contrôle défini par les articles 4, 5 (alinéa 1er) et 6 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, sous les sanctions prévues à l'article 25 du même décret.
II. Les ministres de la guerre, de la marine, de l'air, de l'armement et des colonies pourront, par arrêté contresigné par le ministre de la défense nationale et publié au Journal officiel, fixer les nouvelles catégories d'officiers ou de fonctionnaires ayant rang d'officier, qui pourront exercer, auprès des agents de démarchages exclusivement, le contrôle de l'application du présent décret. Ces fonctionnaires ou officiers auront les attributions et les pouvoirs définis par l'article 6 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions.
III. Les titulaires de l'autorisation prévue à l'article 2 ci-dessus devront tenir leur comptabilité dans les conditions qui seront définies par un arrêté interministériel.
Art. 5.
Les officiers et fonctionnaires qui exécutent le contrôle prévu par le premier alinéa de l'article 4 ci-dessus, ainsi que tous autres fonctionnaires, officiers ou agents de l'État qui ont connaissance à un titre quelconque des renseignements de toute nature recueillis à l'occasion de ce contrôle, sont tenus au secret professionnel sous les peines édictées par l'article 378 du code pénal.
Art. 6.
I. La poursuite des infractions aux prescriptions du présent décret ne pourra avoir lieu que sur la plainte du ministère de la défense nationale.
II. Quiconque aura contrevenu aux prescriptions du premier, deuxième ou sixième alinéa de l'article 2, ou de l'article 3, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 1 000 à 20 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, la peine sera d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 5 000 à 50 000 francs.
III. Quiconque aura contrevenu aux prescriptions du troisième, quatrième ou cinquième alinéa de l'article 2 sera puni d'une amende de 1 000 à 10 000 francs.
IV. Tout démarcheur qui se livrera à un acte, même isolé, de démarchage postérieurement à la réception de l'injonction qui lui a été adressée en application de l'article 2 (alinéa 5) sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 5 000 à 50 000 francs.
V. Tout jugement de condamnation prononcé au titre de l'un des alinéas 2 ou 4 ci-dessus sera, aux frais du condamné, publié dans trois journaux désignés par le jugement.
Art. 7.
Sont et restent annulées d'office les dispositions des contrats qui étaient en vigueur au moment de la publication du décret du 18 avril 1939 tendant à réglementer le démarchage destiné à procurer, tenter de procurer ou à faciliter les moyens d'obtenir des sous-commandes nécessaires à l'exécution des marchés de fournitures de la défense nationale et à réprimer les infractions, ainsi que les dispositions des contrats conclus entre la publication du décret du 18 avril 1939 précité et celle du présent décret qui seraient contraires aux prescriptions du premier, du deuxième ou du troisième alinéa de l'article 3.
Art. 8.
Est abrogé le décret du 18 avril 1939 tendant à réglementer le démarchage destiné à procurer, tenter de procurer ou à faciliter les moyens d'obtenir des sous-commandes nécessaires à l'exécution des marchés de fournitures de la défense nationale et à réprimer les infractions.
Toutefois, les infractions commises antérieurement à la date à laquelle prendra effet le présent décret continuent d'être poursuivies, jugées et réprimées par application des textes en vigueur au moment où elles ont été perpétrées.
Art. 9.
Le Président du Conseil, ministre de la Défense nationale et de la Guerre et des Affaires étrangères, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, le ministre de la Marine, le ministre de l'Air, le ministre de l'Armement et le ministre des Colonies sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au Journal officiel et soumis à la ratification des Chambres dans les conditions prévues par la loi du 8 décembre 1939.
Fait à Paris, le 9 mars 1940.
Albert LEBRUN.
Par le Président de la République :
Le Président du Conseil, ministre de la Défense nationale et de la Guerre, et des Affaires étrangères,
Édouard DALADIER.
Le ministre de la Marine,
C. CAMPINCHI.
Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
Georges BONNET.
Le ministre de l'Armement,
Raoul DAUTRY.
Le ministre des Colonies,
Georges MANDEL.