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DIRECTION CENTRALE DU SERVICE DE SANTÉ DES ARMÉES : Bureau études, planification, gestion

CIRCULAIRE N° 300/DEF/DCSSA/EPG relative à la responsabilité des médecins des armées et des hôpitaux des armées devant les tribunaux.

Du 20 novembre 1984
NOR

Texte(s) abrogé(s) :

Note d'information n° 115/DEF/DCSSA/ETG du 23 février 1981 et son modificatif du 17 août 1981 (n.i. BO).

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  510-1.4., 510-5.1.5.1.

Référence de publication : BOC, p. 6698.

PREAMBULE.

La mise en jeu de la responsabilité médicale devant les tribunaux, et plus particulièrement devant les juridictions pénales, tient à la désacralisation progressive de la fonction médicale dans l'esprit du public. Elle n'épargne pas les médecins des armées, et tout particulièrement les chirurgiens et les réanimateurs anesthésites.

Bien que les mises en cause de médecins des armées devant les tribunaux demeurent peu nombreuses, leur possibilité, associée à la suppression des juridictions pénales militaires, a pu susciter des craintes qui proviennent, d'une part, d'une méconnaissance des principes juridiques qui régissent la responsabilité médicale et, d'autre part, d'un manque d'information sur les garanties dont dispose tout médecin des armées dont la responsabilité est mise en jeu dans l'exercice de son service.

La présente circulaire a pour but :

  • de rappeler les conditions de mise en jeu de la responsabilité professionnelle des médecins des armées, aussi bien au plan judiciaire civil qu'au plan pénal ;

  • de préciser les éléments constitutifs de la faute professionnelle médicale ;

  • de définir la conduite à tenir dans le cas de la mise en jeu de la responsabilité civile ou pénale d'un médecin des armées et dans le cas de la mise en jeu de la responsabilité administrative d'un hôpital des armées.

1. Conditions de mise en jeu de la responsabilite des médecins des armées DEVANT LES TRIBUNAUX.

Cette mise en jeu est dominée par le fait que le médecin des armées est, d'une part, un agent public dont la responsabilité pécuniaire personnelle n'est que très rarement engagée (1) et, d'autre part, un militaire dont la responsabilité pénale relève, désormais, des juridictions de droit commun.

Il importe donc de préciser successivement :

  • la distinction existant entre responsabilité civile et responsabilité pénale du médecin ;

  • la mise en jeu de la responsabilité civile du médecin des armées ;

  • la mise en jeu de sa responsabilité pénale.

1.1. Distinction entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale d'un médecin.

La responsabilité professionnelle d'un médecin est mise en jeu lorsque ce médecin a commis, dans l'exercice de ses fonctions, une faute professionnelle ayant entraîné un dommage ou un préjudice pour un malade qui demande réparation de ce préjudice.

Cette responsabilité professionnelle est soit une responsabilité civile, soit une responsabilité pénale, la première étant fondée sur la notion de fait dommageable, la seconde se basant sur la notion de violation de la loi pénale.

1.1.1. Responsabilité civile du médecin.

La responsabilité civile du médecin est mise en jeu devant les juridictions civiles de droit commun (tribunal de grande instance en 1er ressort, cour d'appel en 2e ressort) lorsque la victime du dommage s'adresse aux tribunaux pour obtenir, par le médecin fautif, l'indemnisation de son préjudice. Le médecin en cause supporte sur son patrimoine la réparation pécuniaire de ce préjudice, sauf s'il s'agit d'un médecin civil, agent public de l'Etat, ou d'un médecin des armées, pour une faute commise dans l'exécution normale du service.

1.1.2. Responsabilité pénale du médecin.

La responsabilité pénale du médecin servant en pratique libérale, et celle du médecin, agent public de l'Etat, civil ou militaire, est mise en jeu devant les juridictions pénales de droit commun (tribunal correctionnel en 1er ressort, cour d'appel en 2e ressort) lorsque la victime du dommage, ou ses ayants droit, estimant que la faute du médecin constitue un délit pénal, déposent une plainte, avec constitution de partie civile, devant un juge d'instruction.

Le tribunal est alors amené à statuer, d'une part, sur l'action publique déclenchée par cette plainte et visant au prononcé d'une condamnation pénale et, d'autre part, sur l'action civile tendant à la réparation pécuniaire, par le médecin mis en cause, du préjudice subi. Cependant, le tribunal ne se prononcera sur l'action publique que si la faute incriminée constitue une infraction au code pénal : homicide ou blessure involontaire visés par les articles 319 et 320 du code pénal, non-assistance à personne en danger visée par l'article 63.2 de ce même code, violation du secret médical visée par l'article 378 du code pénal. Dans le cas contraire, il se prononcera uniquement sur l'action civile tendant à l'indemnisation du préjudice subi par la victime ou ses ayants droit.

En cas de relaxe, le tribunal saisi demeure cependant compétent sur la demande de la partie civile formulée avant la clôture des débats, pour accorder, selon les dispositions du droit civil, réparation pécuniaire du dommage résultant de la faute du médecin incriminé (2).

Toutefois, dans le cas d'un médecin agent public de l'Etat ou médecin des armées, le tribunal répressif ne pourra statuer qu'en ce qui concerne l'action publique visant le délit pénal ; sauf dans le cas d'une faute commise hors du service ou d'une faute détachable du service, il sera incompétent en matière de réparation pécuniaire. La victime, ou ses ayants droit, devront alors, à cet effet, adresser à l'administration compétente une demande visant à obtenir l'indemnisation de leur préjudice. Si la décision administrative prise à cet égard ne les satisfait pas (rejet de leur demande ou indemnisation estimée insuffisante), ils disposeront d'un délai de deux mois, à partir de sa notification, pour intenter une action en réparation devant le tribunal administratif.

1.2. Mise en jeu de la responsabilité civile des médecins des armées.

La responsabilité civile des médecins des armées est mise en jeu dans des conditions qui conduisent à distinguer :

  • la faute commise dans l'exécution normale du service ;

  • la faute commise hors du service et la faute détachable de l'exécution du service.

1.2.1. Faute commise dans l'exécution normale du service au sein des armées ou hors des armées.

Le médecin des armées est un agent public de l'Etat. En tant que tel, et suivant une jurisprudence constante régissant les agents publics de l'Etat, sa responsabilité personnelle ne peut être engagée devant une juridiction judiciaire civile en vue de lui faire supporter sur son patrimoine la réparation pécuniaire d'un dommage résultant d'une faute commise dans l'exécution normale du service.

La responsabilité pécuniaire de l'administration est substituée à celle du médecin et la réparation du dommage causé doit être demandée par la victime à l'administration non pas devant une juridiction judiciaire (tribunal de grande instance et cours d'appel) mais devant une juridiction administrative (tribunal administratif et en appel conseil d'Etat), seule compétente pour connaître des litiges opposant l'administration et les particuliers. Il en est de même lorsque le médecin des armées est en service hors des armées, dans le cadre d'un service public sanitaire ou hospitalier.

Dans le cadre militaire, l'acte médical d'un médecin des armées est réputé lié au service lorsqu'il est dispensé :

  • au profit des catégories de personnels bénéficiaires de droit, bénéficiaires obligés ou bénéficiaires désignés des prestations du service de santé, énumérés aux articles 3, 4 et 5 du décret 78-194 du 24 février 1978 (BOC, p. 1379), relatif aux soins assurés par le service de santé des armées ;

  • aux malades et blessés admis dans les hôpitaux des armées au titre de la participation de ces derniers au service public hospitalier, telle qu'elle est définie par le décret 74-431 du 14 mai 1974 (BOC, p. 1673) ;

  • aux malades et blessés traités ou soignés dans les hôpitaux des armées, ou par les médecins des unités et formations militaires, en vertu de conventions particulières passées entre le service de santé des armées et un organisme public ou privé ;

  • aux malades et blessés, soit admis dans les hôpitaux des armées, soit traités en milieu militaire, soit traités en dehors de toute enceinte militaire, ou même en dehors des circonstances normales du service, par un médecin des armées se trouvant en présence d'une urgence médicale ou d'un cas de force majeure ;

  • aux malades et blessés autorisés, à titre exceptionnel, par le directeur régional ou local du service de santé (ou par le médecin chef de l'hôpital si celui-ci a reçu du directeur dont il dépend une délégation de délivrance de ces autorisations) à consulter, à être traités à titre externe ou à être hospitalisés dans un hôpital des armées. Dans le cas d'une hospitalisation exceptionnelle de cette nature, tous les actes médicaux dispensés avant ou après cette hospitalisation se rattachent à celle-ci, dès lors qu'ils sont en rapport avec l'affection ayant entraîné l'hospitalisation en cause.

1.2.2. Faute commise, dans le cadre du service, au préjudice de malades non autorisés à consulter ou à être traités par un médecin des armées.

Les prestations médicales, consultations ou gestes thérapeutiques pratiqués au bénéfice de malades n'ayant aucun rapport avec les armées, non autorisés à bénéficier des prestations d'un médecin des armées ou ne se trouvant pas dans la nécessité de recevoir de leur part des soins d'urgence, sont considérés comme ayant été effectués en service, dès lors qu'ils ont été accomplis par un médecin des armées dans les locaux et avec le matériel technique des services hospitaliers militaires ou des cabinets médicaux des unités et formations militaires.

1.2.3. Faute commise hors du service et faute de service détachable de l'exécution du service.

La responsabilité civile personnelle du médecin des armées pourraît être engagée devant une juridiction judiciaire dans les cas suivants où, n'étant pas couvert par l'administration, il serait susceptible d'être condamné à réparer pécuniairement le préjudice résultant de sa faute professionnelle.

1.2.3.1. Faute professionnelle commise hors du service.

Ce cas vise notamment les gestes thérapeutiques ou les consultations qui pourraient être pratiqués par un médecin des armées au profit de personnes n'ayant aucun rapport avec les armées :

  • soit au cours d'une permission ou d'une autorisation d'absence régulière à l'exception du cas d'assistance à une personne paraissant ou croyant être en danger ou dont l'état de santé nécessite des soins médicaux d'urgence ;

  • soit en dehors des circonstances de service évoquées au paragraphe 21 et 22 ci-dessus et notamment hors de l'enceinte de la formation hospitalière des armées et de la formation militaire dans laquelle il exerce normalement ses fonctions.

1.2.3.2. Faute professionnelle commise en service mais détachable de l'exécution du service.

Une faute dommageable d'un agent public commise en service peut parfois être considérée par les tribunaux administratifs comme détachable de l'exécution du service, en raison des circonstances dans lesquelles elle est survenue. Pour être déclarée telle, elle doit cependant avoir été soit intentionnelle (intention malveillante, vengeance), soit plus grossière, inexcusable ou inadmissible qu'une faute médicale constitutive d'un délit pénal d'homicide involontaire ou de blessure par imprudence.

C'est pourquoi, la faute médicale commise en service est très rarement jugée par les tribunaux administratifs comme personnelle et détachable du service. Cependant elle peut être considérée comme telle, dans le cadre d'une action récursoire exercée par l'administration contre un de ses médecins agents publics, lorsque les circonstances de la faute commise par ce médecin en service font apparaître un manquement aux dispositions réglementaires régissant le fonctionnement du service ; dans ce cas, l'action récursoire engagée par l'administration contre son médecin, dans le but d'obtenir de ce dernier le remboursement total ou partiel de l'indemnité versée à la victime de la faute médicale, sera fondée non pas sur cette faute technique mais sur la faute personnelle détachable du service, constituée par le manquement aux dispositions réglementaires régissant le service.

Hormis ces cas, les tribunaux considèrent, de façon constante, dans les rapports entre le malade et le médecin agent public de l'Etat, que la faute technique commise par le médecin dans le cadre normal de son activité est une faute de service qui engage nécessairement vis-à-vis du malade la responsabilité de l'administration.

1.3. Mise en jeu de la responsabilité pénale des médecins des armées.

La responsabilité pénale du médecin des armées est mise en jeu lorsque la victime du dommage ou ses ayants droit (héritiers ou parents) estiment que la faute à l'origine de ce dommage constitue une infraction à la loi pénale. La mise en jeu de la responsabilité pénale du médecin des armées incriminé intervient différemment selon qu'il s'agit de l'un ou l'autre des trois cas suivants :

  • faute pénale commise dans l'exécution normale du service au sein des armées ;

  • faute pénale commise dans l'exécution du service mais hors des armées ;

  • faute pénale commise hors du service et faute pénale détachable de l'exécution du service.

1.3.1. Raisons de la mise en jeu de la responsabilité pénale d'un médecin des armées.

1.3.1.1.

Le choix de la voie pénale a pour cause principale le manque d'information de la victime ou de sa famille sur les circonstances de l'accident qui les éprouve ; ils sont en effet tentés de penser que le « mur du silence », auquel ils se heurtent parfois est destiné à leur cacher une faute. C'est pourquoi le dépôt d'une plainte et le déclenchement consécutif d'une information judiciaire, conduite par un juge d'instruction, leur paraissent les moyens les plus efficaces pour sortir de cette ignorance, en ayant accès au dossier pénal.

1.3.1.2.

Il est parfois conseillé aux familles de recourir à la voie pénale en leur faisant valoir que cette procédure sera pour eux plus efficace. En effet, en ce qui concerne les services publics comportant de réelles difficultés d'exécution (services de police, services publics hospitaliers, etc.), les tribunaux administratifs ne reconnaissent la responsabilité de l'administration que si ses agents ont commis une faute lourde de service. Or, dans le cas des hôpitaux publics, la jurisprudence administrative admet difficilement l'existence d'une faute lourde pour un acte médical, sauf si notamment, le médecin, auteur de la faute, a été, au préalable, condamné pour cette faute par une juridiction pénale.

On oublie souvent, à cet égard, de faire savoir aux familles que si les tribunaux de l'ordre administratif sont réticents pour admettre une faute lourde pour un acte médical, en revanche ils admettent plus facilement la faute simple dans un acte de soins, en vue d'engager la responsabilité de l'administration et n'hésitent pas, souvent, pour faciliter l'indemnisation des malades traités dans les hôpitaux publics ou leurs familles, à qualifier d'acte de soins un acte fautif qui devrait normalement être qualifié d'acte médical.

1.3.2. Faute pénale commise dans l'exécution normale du service.

1.3.2.1. Principes généraux.
  • a).  Depuis la suppression des juridictions pénales militaires, tout médecin des armées faisant l'objet d'une plainte pour une faute professionnelle commise en service peut être traduit, après instruction de la plainte déposée par la victime de la faute (ou ses ayants droit en cas de décès), devant une formation de jugement, spécialisée en matière militaire, du tribunal correctionnel désigné à cet effet dans le ressort territorial de chaque cour d'appel (3).

  • b).  En revanche, la réparation pécuniaire par l'administration des conséquences dommageables d'une faute pénale commise par un médecin des armées dans l'exécution normale du service ne relève pas des juridictions pénales mais des juridictions administratives (tribunaux administratifs ou conseil d'Etat en appel), seules compétentes pour connaître des litiges opposant l'administration et les victimes de la faute d'un agent public civil ou militaire.

1.3.2.2. Plainte et action en réparation de la victime et de ses ayants droit.

La victime d'une faute professionnelle commise par un médecin des armées à l'occasion du service (ou après son décès les ayants droit de la victime), peuvent, lorsqu'ils estiment que le préjudice qu'ils ont subi résulte d'une infraction pénale :

  • a).  D'une part, déposer une plainte auprès du procureur de la République ou du juge d'instruction du tribunal correctionnel compétent, afin d'obtenir la condamnation pénale du médecin des armées fautif ;

  • b).  D'autre part, demander à l'administration compétente l'indemnisation amiable du préjudice subi. Si la décision administrative prise à cet égard ne les satisfait pas, ils disposeront d'un délai de deux mois, à partir de sa notification, pour intenter une action en réparation devant le tribunal administratif compétent, puisque la responsabilité pécuniaire de l'administration se substitue alors à celle du médecin des armées incriminé, aussi bien dans le cas d'une infraction pénale que dans le cas d'une faute entraînant la mise en jeu de la seule responsabilité civile.

1.3.2.3. Déroulement de la procédure pénale.
1.3.2.3.1. Ordre de poursuite du parquet.

Au reçu de la plainte, le procureur de la République concerné, s'il ne classe pas sans suite la plainte, déclenche l'action publique (4) en délivrant un ordre de poursuite, soit contre le médecin des armées mis en cause nommément désigné, soit « contre X ». Cet ordre de poursuite met en mouvement l'action publique et permet au juge d'instruction du tribunal correctionnel du lieu de résidence du prévenu de procéder à l'instruction préparatoire de l'affaire :

  • si l'ordre de poursuite est délivré contre le médecin des armées, nommément désigné, en raison des charges qui peuvent déjà être retenues contre lui, le juge d'instruction lui notifie son inculpation ;

  • si l'ordre de poursuite a été délivré « contre X », le juge d'instruction ne pourra notifier son inculpation au médecin mis en cause que lorsque son enquête préliminaire lui aura permis, au besoin en ayant recours à une expertise dans le cas d'une faute médicale, de rassembler des charges pouvant être retenues à son encontre.

En outre, contrairement aux dispositions du droit commun, la victime de la faute ne peut, en matière de délit militaire, mettre en mouvement l'action publique, seul le procureur de la République a cette possibilité.

1.3.2.3.2. Inculpation et instruction de la plainte.

L'inculpation d'un médecin des armées ne présente pas de caractère infamant.

D'une part, elle a pour but de faire toute la lumière sur l'affaire en cause et de répondre ainsi à l'attente de la victime ou de la famille.

D'autre part, elle permet au médecin des armées mis en cause de disposer des garanties prévues par la loi pour faire valoir ses moyens de défense ; en particulier, il a la possibilité de choisir un avocat qui aura accès au dossier d'instruction de l'affaire et pourra demander une contre-expertise s'il l'estime nécessaire.

A la fin de l'instruction de la plainte, le juge d'instruction, en fonction des éléments d'information qu'il aura rassemblé et du résultat des expertises et contre-expertises pratiquées, pourra :

  • soit rendre une ordonnance de non-lieu qui mettra un point final à la plainte, s'il estime que les faits reprochés ne constituent pas un délit pénal ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé ;

  • soit, renvoyer l'inculpé devant la juridiction pénale de jugement (tribunal correctionnel), au cas où il estime que des charges suffisantes sont réunies à son encontre.

1.3.3. Faute pénale commise dans l'exécution du service, mais hors des armées.

Ce cas vise la faute pénale commise par un médecin des armées se trouvant soit en position de service détaché, soit en position d'activité hors budget des armées, pour exercer des fonctions médicales auprès d'un service public hospitalier en métropole ou, plus fréquemment, sur un territoire ou dans un département d'outre-mer (5).

La victime d'une faute professionnelle commise par un médecin des armées dans l'exécution du service mais hors des armées, devra, si elle estime que le dommage qu'elle a subi résulte d'une faute pénale :

  • a).  D'une part, déposer une plainte auprès du procureur de la République ou du juge d'instruction du tribunal correctionnel compétent, afin d'obtenir la condamnation pénale du médecin des armées estimé fautif.

  • b).  D'autre part, demander, à l'administration civile compétente, l'indemnisation amiable du préjudice subi et, en cas de non-satisfaction, intenter une action en réparation auprès du tribunal administratif compétent. En effet, comme dans le cas d'une faute de service d'un médecin des armées survenue au sein des armées, et évoquée au paragraphe 322 ci-dessus, cette juridiction administrative est seule compétente pour la réparation pécuniaire d'une faute de service commise dans le cadre de tout service public, la responsabilité pécuniaire de l'administration se substituant, là aussi, à celle du médecin des armées incriminé, même dans le cas d'une infraction qualifiée de faute pénale.

1.3.4. Faute pénale commise en dehors du service et faute pénale de service détachable de l'exécution du service.

1.3.4.1. Faute pénale commise en dehors du service.

Le parquet de la juridiction pénale de droit commun compétente (tribunal correctionnel) peut engager des poursuites pénales à l'encontre d'un médecin des armées fautif. De son côté, la victime du dommage résultant de la faute peut mettre en œuvre à la fois l'action publique destinée à faire condamner au plan pénal le médecin des armées fautif et l'action en réparation visant l'indemnisation du préjudice subi en déposant une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction du tribunal correctionnel compétent. Si le médecin mis en cause est inculpé et ne bénéficie pas d'une ordonnance de non-lieu, le tribunal statuera à la fois sur l'action publique tendant au prononcé d'une peine et sur l'action en réparation visant l'indemnisation du préjudice.

En effet, le médecin des armées ayant commis une faute pénale étrangère au service est non seulement responsable de sa faute au plan pénal mais également civilement et pécuniairement responsable des conséquences dommageables de son acte professionnel fautif devant le même tribunal correctionnel.

1.3.4.2. Faute pénale commise en service mais détachable de l'exécution du service.

Une faute pénale commise en service peut être jugée comme étant détachable du service lorsqu'elle est intentionnelle ou grossière. Cependant, il est très rare qu'une faute pénale soit considérée comme détachable de l'exécution du service (6).

Lorsque la faute détachable du se rvice est commise, soit au sein des armées, soit hors des armées, le médecin des armées inculpé est traduit devant une juridiction pénale de droit commun (tribunal correctionnel), à la fois pour répondre de son délit pénal commis en service et pour répondre civilement et pécuniairement des conséquences dommageables de sa faute.

En cas de faute détachable du service, et si l'administration a dédommagé la victime, l'Etat dispose d'une action récursoire contre son agent, au titre de la faute personnelle, afin de récupérer, auprès de l'agent fautif, tout ou partie des sommes engagées pour le dédommagement de la victime.

2. Éléments constitutifs permettant de qualifier une faute médicale.

La mise en jeu de la responsabilité pénale d'un médecin des armées peut se faire, comme on l'a vu précédemment, soit à l'initiative du parquet, soit, beaucoup plus fréquemment, sur plainte de la victime ou des ayants droit d'une victime d'un dommage consécutif à une faute professionnelle constituant un délit ou une infraction à la loi pénale.

Les domaines respectifs de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale sont toujours incertains à définir en matière de faute médicale, car il existe entre elles une marge importante de recouvrement qui rend difficile d'établir une distinction tranchée.

C'est pourquoi, il apparaît nécessaire de préciser les éléments constitutifs généraux qui permettent de qualifier d'infraction pénale une faute médicale, puis d'examiner quels sont les éléments constitutifs particuliers aux fautes professionnelles civiles ou pénales visant les médecins réanimateurs anesthésistes.

2.1. Qualification pénale d'une faute médicale.

La faute médicale de nature pénale ne constitue pas une notion précise et absolue qui permettrait d'établir une liste d'actes exhaustifs dont la connaissance pourrait mettre tout médecin à l'abri d'un procès en responsabilité pénale.

Il s'agit, au contraire, d'une notion beaucoup plus floue et difficile à cerner. C'est pourquoi, les tribunaux répressifs se montrent en général beaucoup plus rigoureux pour la qualification d'une faute pénale que pour une faute civile et font, à cet égard, preuve d'une grande compréhension des problèmes posés par la responsabilité médicale. Ils se réservent toujours la possibilité d'apprécier et de qualifier la faute en fonction des circonstances de fait, souvent complexes, qui l'ont entourée et, pour cela, se font toujours assister d'experts médicaux chargés de les renseigner au plan technique.

2.1.1. Faute pénale en matière de blessure ou d'homicide.

On distingue habituellement, dans le domaine médical, d'une part, les infractions pénales positives, d'autre part, les infractions pénales négatives.

2.1.1.1. Infractions pénales positives.

Elles résultent soit d'une maladresse, d'une imprudence ou d'une inattention inadmissibles, soit d'une absence de consentement du malade ou de sa famille à une intervention, soit encore d'une atteinte illégitime à l'intégrité corporelle d'un malade.

2.1.1.1.1. Maladresse, imprudence ou inattention inadmissibles.

La jurisprudence a considéré, comme éléments constitutifs d'une infraction pénale, une erreur grave de diagnostic, évidente et impardonnable, l'ignorance des principes médicaux élémentaires et la méconnaissance certaine des devoirs fondamentaux d'un médecin, un défaut de prudence élémentaire, une prescription trop élevée d'un toxique, l'utilisation d'un médicament à la place d'un autre par suite d'une inattention, le recours à un traitement hasardeux, l'administration d'un traitement non conforme aux données actuelles de la science médicale, etc.

Cependant, lorsque les tribunaux répressifs estiment que le dommage subi ou la mort de la victime ne résulte pas d'une imprudence, inattention ou négligence inadmissible, ni de la violation d'aucun règlement, ils jugent souvent la faute invoquée comme ne constituant pas une infraction pénale et se bornent à fixer le montant de l'indemnisation du préjudice qui en résulte.

De plus, la faute est toujours appréciée en fonction de la qualité et de la qualification professionnelle du médecin inculpé, des moyens dont il dispose et des conditions de son intervention ; plus le cas médical est difficile, plus le juge sera indulgent sur la compétence de l'auteur de la faute, mais plus il sera sévère sur le manque de diligence et de prudence dont a fait preuve le praticien concerné.

2.1.1.1.2. Absence de consentement du malade ou de sa famille.

Le patient doit consentir à l'intervention, hormis le cas de nécessité vitale et urgente d'intervenir, sous peine de faire tomber le médecin sous le coup des articles 309 et 312 du code pénal punissant les coups et blessures volontaires.

Le consentement du patient doit être libre et sans contrainte d'une part, éclairé d'autre part, ce qui suppose que le malade soit raisonnablement informé de la nature de son mal, des modalités et des risques du traitement envisagé. C'est ainsi que la jurisprudence a plusieurs fois rappelé « qu'il est de règle établie que le consentement du malade doit toujours être préalable à l'intervention qu'il subit » (C. Ap. Agen 6-7, 1977) et que le médecin doit informer le malade du risque de l'intervention (Cass. 5-11-1974). Elle conclut que constitue une faute pénale le fait de tromper sciemment le malade dans le but d'obtenir son consentement à une intervention non indispensable. Cependant elle considère toujours qu'en pareil cas, la preuve de l'absence de consentement incombe au malade qui l'invoque.

2.1.1.1.3. Atteinte illégitime à l'intégrité corporelle d'un malade.

Cette atteinte peut résulter des expérimentations conduites sur les malades, en vue principalement de tester l'efficacité d'un nouveau traitement. Afin de diminuer les risques et les inculpations d'homicide par imprudence, la doctrine et la jurisprudence ont défini les limites très strictes dans lesquelles devaient rester cantonnées ces expérimentations :

  • elles ne doivent être entreprises qu'avec le consentement du malade, qui doit être informé non seulement du but de l'expérience, de son intérêt scientifique, de sa nature, de sa durée et de la méthode employée, mais aussi des risques encourus ;

  • les malades concernés doivent pouvoir escompter un bénéfice personnel et immédiat de la technique expérimentée sur leur personne ;

  • les risques auxquels s'exposent les patients doivent rester proportionnés à la gravité de leur cas.

2.1.1.2. Infractions pénales négatives.

Elles résultent, dans la plupart des cas, soit d'une négligence ou d'un manque d'attention visant l'état d'un opéré, soit d'une inattention au cours d'une intervention, soit de l'omission, au cours d'un acte de soins, d'une précaution d'usage courant, soit du défaut de surveillance d'un opéré ou d'un manque de soins post-opératoires, soit enfin d'une omission de porter secours à personne en danger.

2.1.1.2.1. Omission ou manque d'attention visant l'état d'un opéré.

Il s'agit essentiellement soit d'un défaut d'examens préalables à une intervention chirurgicale, et pour lesquels la jurisprudence est très exigeante, soit d'un manque d'attention suffisante sur le plan de la connaissance de l'état général du malade, de l'étendue exacte de son mal et de ses réactions particulières avant un acte chirurgical, soit, enfin, d'une inattention empêchant le chirurgien de prendre les précautions qui s'imposent en fonction de l'état du malade.

2.1.1.2.2. Inattention ou abandon au cours d'une intervention.

Il s'agit souvent de l'oubli d'un instrument chirurgical ou d'une compresse dans le corps d'un opéré à l'issue d'une opération chirurgicale. On peut y rattacher l'abandon pur et simple du malade par le chirurgien en cours d'intervention, en le laissant dans les mains d'assistants insuffisamment qualifiés pour terminer l'acte opératoire.

2.1.1.2.3. Omission, au cours d'un acte de soins, d'une précaution médicale d'usage courant.

Ce cas vise, par exemple, l'oubli de pratiquer une injection de sérum antitétanique après blessure profonde par piqûre chez un rural, les injections vaccinales confiées à du personnel paramédical sans surveillance du médecin ou pratiquées sans avoir procédé aux analyses préliminaires qui s'imposent en pareil cas.

2.1.1.2.4. Défaut de surveillance d'un opéré ou manque de soins post-opératoires.

Il s'agit du cas du chirurgien s'abstenant d'exercer la surveillance post-opératoire d'un opéré qui lui incombe, négligeant de donner au personnel paramédical les instructions concernant cette surveillance ou négligeant, avant de s'absenter plusieurs jours après une intervention délicate, de se faire remplacer par un confrère suffisamment qualifié pour prendre les mesures adéquates nécessitées par l'aggravation de l'état de ses opérés (Cass. 20-10-1963).

2.1.2. Faute pénale par omission de porter secours à personne en danger.

Le délit de non-assistance à personne en danger n'est retenu par les tribunaux à l'encontre d'un médecin que lorsque un faisceau constitué des trois conditions suivantes se trouve réalisé :

  • a).  Elément matériel. Le médecin doit s'être abstenu de porter secours.

  • b).  Elément moral. Cette abstention doit avoir été volontaire et doit avoir résulté d'un véritable refus. Elle ne peut, dès lors, résulter de circonstances indépendantes de la volonté du médecin : accident de véhicule, nécessité de prolonger des soins administrés à un autre malade, ayant empêché le médecin de porter secours à une personne en danger.

  • c).  Elément d'urgence.La personne devant bénéficier du secours doit être en péril et le médecin alerté doit avoir été renseigné sur la gravité du péril dans lequel se trouvait le malade en cause.

Lorsque le faisceau de ces trois conditions constitutives du délit n'est pas réalisé, le médecin ne peut être poursuivi pour non-assistance à personne en danger ; il en est de même lorsque l'intervention du praticien serait de nature à faire courir un risque soit à lui-même, soit à un tiers.

2.1.3. Faute pénale par émission de faux certificats médicaux ou par fourniture d'indications mensongères sur l'origine d'une maladie ou la cause d'un décès.

2.1.3.1. Incriminations prévues par le code pénal.

L'article 160 du code pénal sanctionne la fourniture d'indications mensongères sur l'origine d'une maladie ou infirmité ou sur la cause d'un décès.

L'article 161, 1o du même code sanctionne l'établissement d'une attestation ou d'un certificat faisant état de faits matériellement inexacts.

L'article 177 du même code réprouve sévèrement les médecins recevant des dons pour certifier faussement ou dissimuler l'existence de maladies ou infirmités ou un état de grossesse, ou pour fournir des indications mensongères sur l'origine d'une maladie ou infirmité ou sur la cause d'un décès.

2.1.3.2. Portée des incriminations prévues par le code pénal.

Les médecins des armées ne sont pas à l'abri des incriminations ci-dessus, notamment celles prévues par les articles 160 et 161, 1o du code pénal : cette éventualité peut se produire lorsqu'un médecin hospitalier satisfait la demande d'un de ses patients de recevoir communication du dossier médical le concernant et que ce patient utilise le contenu de ce dossier pour intenter une action en responsabilité médicale à l'égard d'un médecin tiers.

Afin d'éviter une telle éventualité, l' instruction 230 /DEF/DCSSA/ETG du 30 décembre 1980 (BOC, p. 4925) modifiée, relative au secret professionnel médical des médecins des armées a prévu, dans son paragraphe 42, que la communication d'un dossier médical, faite en application de l'article 6 bis de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 (BOC, p. 3463) modifiée, doit se faire par l'intermédiaire d'un médecin désigné à cet effet par le demandeur. Cette communication ne doit pas concerner la partie subjective du dossier en cause, constituée par les notes personnelles du médecin ou par la partie rédactionnelle de la feuille d'observations médicales hospitalières consignant au jour le jour les hypothèses de diagnostic, les discussions se rapportant à ces hypothèses, les remarques et appréciations personnelles du médecin traitant. C'est pourquoi, le médecin sollicité ne doit communiquer qu'un résumé de l'observation médicale, limité aux seules données objectives cliniques et conclusions reposant sur des faits certains, accompagné néanmoins de l'intégralité des résultats des examens biologiques, radiologiques ou spécialités que contient le dossier, ainsi que, s'il y a lieu, des comptes rendus opératoires, concernant les interventions pratiquées sur le malade.

2.2. Qualification pénale ou civile de la faute d'un réanimateur anesthésiste.

La place prise par le médecin réanimateur anesthésiste en matière de responsabilité pénale ou civile est à la mesure de l'importance qu'ont désormais les techniques d'anesthésie et de réanimation, à côté des techniques chirurgicales proprement dites, dans le déroulement des interventions chirurgicales. La fréquence et la gravité des décisions de justice visant ces spécialistes ont particulièrement sensibilisé les médecins réanimateurs anesthésistes. C'est pourquoi, il importe de définir comment se partage la responsabilité entre chirurgien et réanimateur anesthésiste, à l'occasion d'un accident survenu lors d'une intervention chirurgicale. A cet égard, l'examen des décisions de la jurisprudence permet de retenir les trois situations suivantes :

  • cas visant la responsabilité du seul chirurgien ;

  • cas faisant apparaître une responsabilité conjointe du chirurgien et du réanimateur anesthésiste ;

  • cas visant la responsabilité du seul réanimateur anesthésiste.

Les tribunaux, en effet, considèrent que la responsabilité médicale engagée à l'occasion d'une intervention chirurgicale n'est plus une responsabilité revenant nécessairement au seul chirurgien chef d'équipe. Ils s'attachent de plus en plus à prendre en compte la responsabilité propre de chacun des membres de l'équipe opératoire, en considérant que « les unes et les autres remplissent, chacun dans son domaine, des attributions bien définies et diversifiées desquelles découle pour chacun d'eux une responsabilité particulière propre » (C. ap. Metz 19-3-1974).

2.2.1. Responsabilité du seul chirurgien.

2.2.1.1. Durant l'intervention.

Le chirurgien garde la surveillance générale de l'opération ; il règle les modalités de déroulement de l'acte chirurgical, veille à ce que les moyens de surveillance et de réanimation soient correctement mis en œuvre.

Cependant, la responsabilité exclusive du chirurgien, en dehors des cas qui viennent d'être évoqués, est de moins en moins retenue et fait souvent place à une responsabilité conjointe du chirurgien et du réanimateur anesthésiste.

2.2.1.2. Après l'intervention.

Le chirurgien est responsable du réveil de l'opéré lorsque l'anesthésie n'a pas été administrée par un réanimateur anesthésiste ou par un aide anesthésiste placé sous la responsabilité de ce dernier ; il est entièrement responsable des soins post-opératoires devant être administrés après le réveil de l'opéré.

2.2.2. Responsabilité conjointe du chirurgien et du réanimateur anesthésiste.

2.2.2.1. Durant l'intervention.

En cas d'accident consécutif à l'anesthésie d'un opéré, la jurisprudence retient parfois la responsabilité conjointe du chirurgien et du réanimateur anesthésiste, en considérant l'imbrication des responsabilités de ces deux spécialistes au cours de l'acte opératoire.

2.2.2.2. Après l'intervention.

La responsabilité conjointe du chirurgien et de l'anesthésiste après l'intervention est rarement reconnue, car, dans ces cas, il est, en général, facile d'établir une discrimination entre la surveillance du réveil, qui relève du réanimateur anesthésiste, et la surveillance des soins post-opératoires proprement dits, qui revient au chirurgien, sauf dans le cas où l'opéré est placé, dans un service de réanimation, sous la responsabilité du réanimateur.

2.2.3. Responsabilité du seul réanimateur anesthésiste.

Les tribunaux n'imputent pas souvent un degré d'autonomie complète au réanimateur anesthésiste par rapport au chirurgien au cours de l'acte opératoire ; en revanche, ils sont beaucoup plus fermes en ce qui concerne sa responsabilité avant l'opération et, surtout, après l'intervention.

2.2.3.1. Avant l'intervention chirurgicale.

La jurisprudence considère de façon constante que le réanimateur, avant l'intervention, doit procéder à l'interrogatoire et à l'examen clinique du futur opéré, doit faire effectuer les examens paracliniques et biologiques qu'il juge indispensables avant l'acte chirurgical et doit prendre connaissance du résultat de tous ces examens avant l'intervention ; il lui appartient alors de prendre toutes précautions utiles pour s'assurer que la méthode anesthésique envisagée convient à chaque cas d'espèce.

2.2.3.2. Au cours de l'intervention chirurgicale.

Les tribunaux ne retiennent la responsabilité du seul réanimateur anesthésiste que lorsque la faute est imputable, au plan technique, à ce seul praticien et que n'apparaît pas, dans le cas d'espèce considéré, une imbrication de responsabilité entre chirurgien et réanimateur anesthésiste.

2.2.3.3. Après l'intervention.

C'est dans cette phase que la responsabilité du réanimateur anesthésiste est le plus souvent mise en cause. Si la jurisprudence conclut, comme on l'a vu précédemment, que le chirurgien reste responsable des soins post-opératoires, elle retient fréquemment, après l'intervention, la seule responsabilité du réanimateur anesthésiste qui doit, à l'égard de l'opéré, « le suivre et l'assister jusqu'à son retour à une pleine et entière conscience ».

Si la jurisprudence admet qu'un réanimateur anesthésiste puisse déléguer la surveillance d'un post-opéré à du personnel paramédical, elle subordonne cependant cette délégation à des conditions très strictes :

  • 1. Le personnel chargé de cette mission doit assurer une surveillance constante durant la période comprise entre la fin de l'opération et le réveil, et le réanimateur anesthésiste doit lui donner à cet égard des consignes très strictes (trib. correctionnel Versailles 11-12-1970).

  • 2. Le réanimateur anesthésiste ne doit confier cette surveillance qu'à du personnel présentant la compétence et les qualités professionnelles requises (C. ap. Angers 11-3-1971).

  • 3. Le réanimateur anesthésiste ne doit recourir à cette délégation de surveillance que dans la mesure où d'autres interventions ayant lieu après l'opération en cause l'empêchent d'exercer personnellement cette mission (trib. correctionnel de Versailles, jugement précité).

  • 4. Le réanimateur ne doit cependant pas déléguer trop rapidement après l'intervention la surveillance à du personnel paramédical (C. ap. Douai 29-3-1978) ; en effet la jurisprudence estime que, pour ce faire, le réanimateur anesthésiste, qui choisit avec le chirurgien les horaires des interventions, doit refuser une cadence excessive l'amenant à participer à un trop grand nombre d'interventions successives dans une matinée.

En tout état de cause, la jurisprudence affirme que le réanimateur qui délègue à du personnel paramédical sa mission de surveillance de l'opéré jusqu'à son retour à une pleine et entière conscience, « le fait sous sa responsabilité, à ses risques et périls, ce personnel ne pouvant être tenu pour responsable que des soins hospitaliers normaux et courants sans rapport étroit avec la thérapeutique médicale et opératoire » (C. ap. Metz, arrêt précité du 19-3-1974).

3. Conduite à tenir dans le cas de la mise en jeu de la responsabilité civile ou penale d'un médecin des armées et dans le cas de la mise en jeu de la responsabilité administrative d'un hôpital des armées.

3.1. Mise en jeu de la responsabilité civile ou pénale d'un médecin des armées.

Dès qu'un médecin des armées voit sa responsabilité civile ou pénale mise en jeu, soit devant une juridiction civile (tribunal de grande instance) soit devant une juridiction pénale (tribunal correctionnel) il doit aussitôt en rendre compte à la direction du service de santé de la région dont il dépend et lui faire parvenir, dès que possible, une photocopie des documents émanant du tribunal concerné, qui attestent son inculpation (citation à prévenu ou mandat de comparution).

La direction du service de santé de la région concernée, dès qu'elle est informée du déclenchement d'une procédure judiciaire à l'encontre d'un médecin des armées relevant de son autorité technique, doit :

  • 1. Entrer en liaison avec le bureau du contentieux et des dommages de l'état-major de la région, chargé de prendre en compte l'affaire en cause et de faire assurer la défense du médecin incriminé, lorsque l'acte présumé fautif est survenu dans l'exécution du service.

  • 2. Rendre compte à la direction centrale du service de santé des armées (bureau « études générales ») afin d'actionner sans délai la direction de la fonction militaire et des affaires juridiques, chargée de suivre l'affaire au niveau de l'administration centrale, en liaison avec le bureau du contentieux et des dommages de la région concernée.

3.1.1. Cas de la mise en jeu de la responsabilité civile d'un médecin des armées.

Dans le cas où un médecin des armées verrait sa responsabilité mise en jeu devant une juridiction civile pour un dommage causé dans l'exécution du service, il appartient au bureau du contentieux et des dommages de la région concernée, en liaison avec la direction de la fonction militaire et des affaires juridiques du département, d'engager la procédure visant à soulever « in limine litis » l'incompétence de la juridiction civile devant laquelle l'affaire aurait été portée par la victime du dommage ; en effet, comme il a été dit au paragraphe 21 ci-dessus, la responsabilité personnelle d'un médecin des armées ne peut être engagée devant une juridiction judiciaire civile dans le cas d'une faute commise dans l'exécution du service et non détachable du service.

3.1.2. Cas de la mise en jeu de la responsabilité pénale d'un médecin des armées.

Dans le cas où la responsabilité d'un médecin des armées est mise en jeu devant une juridiction pénale pour des faits survenus dans l'exécution du service, il appartient au bureau du contentieux et des dommages de la région concernée de prendre en charge la défense du médecin des armées mis en cause, en liaison avec la direction de la fonction militaire et des affaires juridiques du ministère, en application des dispositions de l'instruction générale no 670/MA/DAAJC/CX/3 du 2 décembre 1967 abrogée le 16 janvier 1989 (BOC, p. 4345) sur la réparation des dommages causés ou subis par les armées.

Dans ce cas, il apparaît opportun que le médecin des armées incriminé puisse choisir un avocat compétent en matière de droit médical, en accord avec le bureau du contentieux et des dommages de la région.

3.2. Mise en jeu de la responsabilité d'un hôpital des armées.

La responsabilité d'un hôpital des armées peut être mise en jeu à la suite d'un dommage résultant, soit d'une faute médicale d'un médecin hospitalier, soit d'une faute dans un acte de soins, soit encore d'une faute d'organisation ou de fonctionnement du service.

Dans tous ces cas, la responsabilité administrative de l'Etat est mise en jeu, l'hôpital des armées ne possédant pas de personnalité juridique distincte de celle de l'Etat.

La victime qui estime que la responsabilité de l'administration est engagée sollicite de cette dernière une réparation. Lorsqu'un accord n'aboutit pas sur le plan amiable, elle défère au tribunal administratif la décision de l'administration. Si une instance pénale est pendante, le juge administratif ne se prononcera qu'à l'issue de cette instance pénale.

3.2.1. Cas d'une demande de réparation amiable d'un dommage.

Cette demande de réparation est traitée par le bureau du contentieux et des dommages de l'état-major de la région d'implantation de l'hôpital des armées.

Ce bureau ne peut donner une suite à cette demande que s'il est éclairé d'une façon suffisante par la direction du service de santé de la région, afin de déterminer, d'une part, si le préjudice allégué existe réellement et, d'autre part, si ce préjudice résulte d'une faute technique.

C'est pourquoi, sans enfreindre les dispositions légales relatives au secret médical, la direction du service de santé de la région, lorsqu'elle est saisie de l'affaire, doit fournir au bureau du contentieux et des dommages précité tous les éléments de fait qui permettront à cet organisme d'apprécier le bien-fondé de la demande de réparation.

3.2.1.1. Instruction technique de l'affaire.

La direction du service de santé de la région devra faire procéder à une instruction technique de l'affaire, qui lui permettra de déterminer, suivant le cas, si une faute lourde ou une faute simple a été commise ou s'il existe, à l'origine du dommage, une faute de soins ou une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service.

En effet, la jurisprudence administrative ne reconnaît la responsabilité de l'Etat que si la faute commise par le médecin à l'origine du dommage est une faute lourde ; s'il s'agit d'une faute de soins, commise par le personnel paramédical, ou d'une faute résultant d'une défaillance dans l'organisation ou le fonctionnement du service, les tribunaux administratifs se contentent d'une faute simple pour admettre la responsabilité de l'Etat.

Les conclusions du rapport technique établi par la direction du service de santé de la région doivent être étayées par une augmentation technique comportant, le cas échéant, des indications médicales nécessaires et suffisantes pour constituer des éléments de fait permettant au bureau du contentieux et des dommages de la région de prendre sa décision ; cependant, ce rapport technique ne doit comporter aucune pièce médicale et ne doit jamais être accompagné de la transmission du dossier médical du requérant au bureau précité.

Dans le cas où la direction du service de santé de la région n'estimerait pas pouvoir prendre position, l'affaire sera soumise à la DCSSA (bureau technique), qui procédera à l'enquête, en recueillant, si elle l'estime nécessaire, l'avis du médecin général inspecteur technique concerné.

3.2.1.2. Expertise contradictoire éventuelle.

Au cours de l'instruction de l'affaire, le bureau du contentieux et des dommages de la région peut être amené à soumettre la victime du dommage à une expertise contradictoire, effectuée, d'une part, par un expert choisi par le requérant et, d'autre part, par un expert désigné à cet effet par la direction du service de santé de la région concernée.

L'expert du requérant peut recevoir communication du dossier médical de l'intervenant, dans le cas où ce dernier, en application des dispositions de l'article 6 bis de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, a expressément demandé que ce dossier soit communiqué à cet expert. Cependant cette communication doit être limitée aux seuls éléments objectifs du dossier, à l'exclusion de tout son contenu subjectif.

3.2.2. Cas d'une procédure contentieuse devant un tribunal administratif.

3.2.2.1. Instruction technique de l'affaire.

Lorsque le requérant demande réparation devant un tribunal administratif, cette juridiction ne peut obtenir, de la part de l'hôpital des armées dont la responsabilité est mise en cause, communication du dossier médical du requérant.

En revanche, la direction du service de santé de la région concernée doit être en mesure de lui faire parvenir, par l'intermédiaire du bureau du contentieux et des dommages de la région ou, s'il y a lieu, par l'intermédiaire de la DCSSA et de la direction de la fonction militaire et des affaires juridiques, un rapport d'instruction technique de l'affaire de même nature que celui précisé au paragraphe 711 ci-dessus dans lequel, lorsque la faute à l'origine du dommage subi est une faute médicale, elle doit estimer si, à son avis, la faute en cause constitue ou non une faute lourde.

L'expert commis par le tribunal peut obtenir communication des données objectives du dossier médical du requérant, dans la mesure ou ce dernier, en application des dispositions de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée, a expressément demandé cette communication.

Il importe de faire observer que cette communication peut, souvent en pareil cas, éviter de voir la victime du dommage, ou ses ayants droit en cas de décès, engager une procédure pénale dans le but de recevoir tous éclaircissements utiles sur les circonstances du dommage ou du décès dont ils demandent réparation.

3.2.2.2. Remarque concernant l'estimation d'une faute lourde ou d'une faute d'organisation et de fonctionnement du service.

Dans le cas d'une procédure contentieuse devant un tribunal administratif, comme dans celui d'une demande de réparation amiable d'un dommage causé dans un hôpital des armées, lorsque le rapport technique établi par la direction du service de santé de la région concernée conclut à l'existence d'une faute lourde à l'origine du dommage, cette conclusion n'implique pas le déclenchement automatique d'une procédure disciplinaire ou d'une procédure de sanction professionnelle à l'encontre du médecin des armées à l'origine de la faute.

En effet, les procédures conduisant à une sanction disciplinaire ou à une sanction statutaire sont indépendantes de celles qui mettent en cause la responsabilité administrative de l'Etat en vue d'indemniser la victime du dommage résultant de la faute technique concernée. A cet égard, il convient de préciser qu'une faute médicale, même lourde, ne constitue souvent ni une faute disciplinaire au sens où l'entend le règlement de discipline générale dans les armées, ni une faute professionnelle au regard des dispositions du décret 82-416 du 11 mai 1982 (BOC, p. 2246) visant les fautes professionnelles des médecins, des pharmaciens chimistes et des chirurgiens-dentistes des armées.

De même, la reconnaissance, dans le rapport technique précité, de l'existence d'une faute d'organisation ou de fonctionnement du service comme étant à l'origine du dommage constaté, n'implique pas davantage la mise en cause disciplinaire du chef du service concerné ou du médecin chef de l'hôpital en cause ; en effet, très souvent la mauvaise organisation du service constatée est d'ordre structurel, notamment dans le cas d'hôpitaux non pourvus d'une salle de réveil commune à l'ensemble des blocs opératoires de l'établissement ; dans des cas semblables, la faute d'organisation ne saurait être due à un comportement fautif d'un responsable hospitalier.

DISPOSITIONS DIVERSES.

La présente circulaire annule et remplace la note d'information no 115/DEF/DCSSA/ETG du 23 février 1981 modifiée par la note no 197/DEF/DCSSA/ETG du 17 août 1981 (n.i. BO) sur la responsabilité professionnelle civile et pénale des médecins des armées.

Pour le ministre de la défense et par délégation :

Le médecin général inspecteur, directeur central du service de santé des armées,

F. SCLEAR.

Annexe

ANNEXE.