CIRCULAIRE N° 122/B/4 du ministre des finances relatives aux rappels et majorations d'ancienneté pour services militaires.
Du 12 novembre 1946NOR
Diverses administrations ont appelé l'attention de mes services sur les difficultés qu'elles éprouvent dans la détermination des services militaires à prendre en compte pour le calcul de l'ancienneté de service exigée de leurs agents pour l'avancement et, le cas échéant, pour la retraite.
La question a été posée de savoir :
1. Quelle est la durée du service militaire actif auquel sont normalement astreints les engagés volontaires par devancement d'appel ;
2. Quelle est la durée des services militaires susceptibles d'être rappelés aux engagés volontaires et militaires de carrière pendant les campagnes 1939-1945 ;
3. Si les services militaires accomplis pendant la guerre 1939-1945 peuvent donner lieu à l'attribution de majorations dans les conditions prévues par la loi du 9 décembre 1927 pour les services de la guerre 1914-1918 ;
4. Si les services militaires accomplis volontairement ou non dans l'armée dite de l'armistice soit avant, soit après l'entrée dans les cadres, peuvent être comptés pour une égale durée de services civils ;
5. Si les services accomplis dans l'armée allemande par les fonctionnaires et agents d'Alsace et de Lorraine peuvent être pris en compte au même titre que les services effectués dans l'armée française ;
6. Si les services effectués dans les forces françaises de l'intérieur peuvent être assimilés à des services militaires accomplis dans l'armée en temps de guerre.
Les administrations voudront bien trouver ci-après les conditions dans lesquelles doivent être réglés les divers points signalés.
1. Cas des engagés volontaires par devancement d'appel.
La durée du service militaire actif auquel sont normalement astreints les engagés volontaires par devancement d'appel dépend de la date à laquelle les intéressés ont contracté un engagement :
1.1. Engagés sous le régime de la loi du 21 mars 1905, c'est-à-dire entre le 24 mars 1905 et le 2 avril 1923 inclus.
Les intéressés peuvent prétendre, dans la limite du temps qu'ils ont effectivement passé sous les drapeaux, au rappel du temps légal de service actif accompli par les hommes appartenant à la classe incorporée l'année de leur engagement.
1.2. Engagés sous le régime de la loi du 1er avril 1923, c'est-à-dire entre le 3 avril 1923 et le 3 avril 1928 inclus.
Le rappel d'ancienneté auquel les intéressés peuvent prétendre au titre du service militaire légal est le temps de service actif obligatoire accompli par les hommes appartenant au demi-contingent incorporé le semestre de leur engagement. En aucun cas, bien entendu, le rappel ne peut être supérieur au temps effectivement passé par les intéressés sous les drapeaux.
1.3. Engagés sous le régime de la loi du 31 mars 1928, c'est-à-dire à partir du 4 avril 1928.
Les intéressés peuvent prétendre, dans la limite du temps qu'ils ont effectivement passé sous les drapeaux, au rappel du temps légal de service actif accompli par les hommes appartenant à la fraction de classe dont l'incorporation a suivi immédiatement la signature de leur contrat.
2. Services accomplis par les engagés volontaires et militaires de carrière pendant les campagnes 1939-1945.
Aux termes de l'article 2 du décret du 1er septembre 1939 fixant la situation des personnels des administrations de l'État, en temps de guerre, le temps passé sous les drapeaux pendant la période des hostilités par les personnels des administrations et établissements publics de l'État est susceptible d'être rappelé dans les conditions prévues par la loi du 1er avril 1923, modifiée par la loi du 31 mars 1928 et loi du 17 avril 1924.
Ainsi, bien que la loi du 17 avril 1924 ne concerne à la lettre que les services accomplis au cours de la guerre 1914-1918, ses dispositions ont été expressément rendues applicables en vertu d'un texte ayant le caractère légal aux services militaires effectués au cours de la guerre 1939-1945.
Or, l'article 32 de la loi du 19 mars 1928 qui a complété les dispositions de l'article premier de la loi du 17 avril 1924 vise expressément les engagés volontaires et militaires de carrière.
Dans ces conditions les services militaires accomplis en temps de guerre au-delà de la durée légale par les engagés, rengagés et les militaires de carrière peuvent, lorsque les intéressés deviennent fonctionnaires, être décomptés pour une durée équivalente de services civils tant pour la retraite que pour l'avancement.
Cette règle est applicable en particulier en ce qui concerne les services accomplis au cours de la campagne 1939-1940.
Toutefois, étant donné les conditions dans lesquelles il a été procédé à la démobilisation au cours de l'été 1940, il est permis de se demander jusqu'à quelle date les services ainsi accomplis doivent être considérés comme des services de guerre lorsque les intéressés sont demeurés dans l'armée.
D'accord avec le département des armées (état-major de l'armée) cette date a été fixée au 1er août 1940.
Bien entendu cette date n'est opposable qu'aux militaires qui à l'époque relevaient directement de l'autorité de fait. Elle ne concerne donc ni les militaires retenus en captivité ni ceux qui ont rejoint dès l'origine les forces françaises libres.
Le temps passé en activité doit en effet être rappelé aux intéressés pour son intégralité ainsi d'ailleurs que les services accomplis dans les FFL.
Il en est de même des services militaires accomplis dans les territoires d'outre-mer, postérieurement à la libération de ces territoires et notamment des services effectués postérieurement au 8 novembre 1942, date du débarquement allié en Afrique du Nord, pour les militaires de carrière et engagés volontaires ou rengagés servant à cette date en Afrique du Nord dans une formation de l'armée, dite de l'armistice, ou qui auraient rallié ultérieurement l'Afrique du Nord.
Quant aux militaires de l'armée, dite de l'armistice, renvoyés dans leurs foyers au mois de novembre 1942, qui ont été rappelés à l'activité après la libération pour achever leur contrat, le temps qu'ils ont ainsi passé dans l'armée postérieurement à leur rappel sous les drapeaux doit être considéré comme service de guerre jusqu'au 1er juin 1946, date de cessation légale des hostilités, et peut donc faire l'objet à ce titre de rappels d'ancienneté. Il en est de même du temps de service qu'ils auraient accompli dans l'armée jusqu'à cette date après l'expiration de leur contrat.
La même solution doit être retenue en ce qui concerne les services accomplis par les militaires ayant contracté un engagement dans l'armée depuis la libération. Ces services doivent être considérés comme services de guerre jusqu'au 1er juin 1946.
Bien entendu les militaires ayant contracté un engagement pour la durée de la guerre, en particulier dans les FFL, et qui seraient libérés postérieurement au 1er juin 1946, pourront prétendre au rappel des services qu'ils auront ainsi accomplis jusqu'à la date de leur démobilisation.
Enfin, conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 10 mai 1946 portant fixation de la date légale de cessation des hostilités, la date du 1er juin 1946 n'est pas opposable aux militaires servant en Indochine dont les services seront considérés comme services de guerre jusqu'à une date qui sera fixée ultérieurement par décret pris en conseil des ministres.
3. Majorations au titre des services militaires accomplis pendant la guerre 1939-1945.
En l'absence de dispositions particulières, les services militaires accomplis dans une unité combattante ou en captivité au cours de la guerre 1939-1945 ne peuvent pas donner lieu à l'attribution de majorations analogues à celles qui ont été prévues par la loi du 09 décembre 1927 en ce qui concerne les services effectués au cours de la guerre 1914-1918. La question de savoir si de telles majorations seront accordées pour la dernière campagne est actuellement à l'étude. En tout état de cause cette question ne peut être réglée que par une loi.
4. Services accomplis dans l'armée dite de l'armistice.
Il convient de souligner en premier lieu que les autorités militaires du gouvernement provisoire de la République ont reconnu formellement la validité des contrats souscrits dans l'armée auprès de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'État français, à l'exclusion toutefois des engagements contractés dans la formation dite « 1er régiment de France ».
De ce fait la situation des militaires ayant appartenu à l'armée, dite de l'armistice, est comparable à celle de leur aînés ayant servi en temps de paix dans une formation régulière de l'armée.
Les conséquences d'une telle assimilation sont les suivantes :
1. D'une part, les services accomplis par les jeunes gens appartenant à une classe obligatoirement maintenue sous les drapeaux après le 16 juin 1940 sont susceptibles d'être rappelés dans les conditions prévues à l'article 7 de la loi du 31 mars 1928 sur le recrutement de l'armée ;
2. D'autre part, les jeunes gens n'ayant accompli aucun service militaire actif ou n'ayant satisfait qu'en partie à leurs obligations légales qui ont souscrit un engagement dans l'armée dite de l'armistice, peuvent également bénéficier du rappel des services effectifs qu'ils ont accomplis antérieurement à la libération du territoire dans la limite de la durée légale du service militaire actif alors fixé à deux ans en vertu des loi du 31 mars 1928 , loi du 17 mars 1936, loi du 19 juin 1937 et loi du 14 mars 1939. Dans l'hypothèse où les intéressés auraient effectué une partie de leurs services au cours de la campagne 1939-1940, ces services de guerre devront être compris dans la limite maximum des deux ans ainsi déterminés.
5. Services accomplis dans l'armée allemande.
L'autorité militaire assimile aux services accomplis dans l'armée française les services militaires effectués dans l'armée allemande par les Alsaciens et Lorrains incorporés de force dans la Wehrmacht.
En conséquence, les services dont il s'agit sont susceptibles d'être pris en compte pour une égale durée de services civils pour le calcul de l'ancienneté des fonctionnaires et agents d'Alsace et Lorraine, que les intéressés soient entrés dans les cadres de l'administration avant ou après leur incorporation.
Bien entendu, cette mesure ne concerne que les services non volontaires.
6. Services accomplis dans les forces françaises de l'intérieur.
Voir circulaire 3-3 /B/4 du 07 janvier 1948 (BO/G, p. 50 ; BO/M, p. 359 ; BO/A, p. 132) |
L'autorité militaire prend en compte comme services militaires le temps passé en qualité de résistant dans une formation des forces françaises de l'intérieur.
Cette mesure est d'ailleurs conforme aux dispositions de l'article premier de l' ordonnance du 09 juin 1944 fixant le statut des forces françaises de l'intérieur en vertu desquelles « ces forces armées font partie intégrante de l'armée française et bénéficient de tous les droits et avantages reconnus aux militaires par les lois en vigueur ».
En conséquence, les services accomplis dans les FFI postérieurement au 6 juin 1944, date du débarquement allié en France, par les fonctionnaires et agents des administrations publiques, sont susceptibles d'être pris en compte pour une égale durée de services civils pour le calcul de l'ancienneté des intéressés.
Cette mesure vise essentiellement les fonctionnaires et agents entrés dans une administration postérieurement à la libération, puisqu'aussi bien la situation des personnels des services publics ayant quitté leur poste pour rallier une formation FFI a déjà été réglée par l'instruction de mon département no 7748 du 23 novembre 1944. En application de cette circulaire les intéressés ont été considérés, pendant la période durant laquelle ils ont servi dans les FFI comme ayant été en situation d'activité au regard de l'administration qui les employait. Ils ne peuvent donc prétendre à aucun rappel supplémentaire.
Dans la mesure toutefois où ces agents n'ont pas rejoint leur poste antérieurement au 1er décembre 1944, les services qu'ils ont accomplis postérieurement à cette date doivent être assimilés aux services accomplis par les engagés volontaires pendant les campagnes 1939-1945 dont la situation a été réglée au titre II ci-dessus.
Les administrations sont invitées à assurer la stricte application des dispositions qui précèdent. Si des difficultés d'application se révélaient, elles auraient à me saisir sous le timbre de la direction du budget (4e bureau).
Le ministre des finances,
SCHUMAN.