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CABINET DU MINISTRE : CM13

INSTRUCTION N° 6296/DEF/CM13 relative aux enquêtes de commandement.

Du 20 avril 2017
NOR D E F F 1 7 5 0 7 4 6 J

Texte(s) abrogé(s) : Instruction N° 50038/DEF/SGA/DAJ/APM/EO du 18 mars 2008 relative à l'enquête de commandement et à l'enquête judiciaire.

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  540.2.1.

Référence de publication : BOC n°19 du 04/5/2017

Cette instruction a pour finalité de définir l'enquête de commandement et de préciser les différences et les liens que celle-ci entretient avec l'enquête judiciaire. Elle abroge l'instruction n° 50038/DEF/SGA/DAJ/APM/EO du 18 mars 2008 relative à l'enquête de commandement et l'enquête judiciaire.

1. PRÉSENTATION DE l'ENQUÊTE DE COMMANDEMENT.

1.1. Définition de l'enquête de commandement.

L'enquête de commandement est une forme d'enquête interne (ou administrative) qui vise à identifier un éventuel dysfonctionnement ou les risques pouvant altérer le fonctionnement des organismes ou des forces au sein du ministère de la défense. 

1.2. Les principes fondateurs et directeurs.

L'enquête de commandement peut être diligentée par toute autorité du ministère de la défense investie d'un commandement. Elle peut concerner du personnel civil ou militaire.

Elle a pour but, en toute impartialité et objectivité, de dégager la portée réelle des faits, d'en établir les circonstances, l'enchaînement, les causes et les répercussions avérées ou possibles dans le but de permettre au commandement de prendre les mesures correctives nécessaires pour en maîtriser les conséquences et en éviter le renouvellement, ainsi que de lui fournir les éléments pour fixer responsabilités. 

Elle prend appui sur un guide méthodologique (1).

Le rapport d'enquête formule des recommandations organisationnelles et/ou individuelles qui éclairent l'autorité commanditaire. Ces recommandations sont susceptibles de proposer des mesures administratives (sanction disciplinaire, mutation, réorganisation, etc.).

L'enquête de commandement est indépendante de la procédure d'événement grave dont l'objet est d'alerter les autorités civiles et militaires et de catégoriser la nature des événements. Cette procédure peut néanmoins en conditionner le déclenchement.

Dans tous les cas, le déclenchement d'une enquête de commandement relève de la responsabilité de l'autorité civile ou militaire compétente qui, en sa qualité d'autorité commanditaire, donne un mandat en précisant, notamment, les règles de confidentialité et le délai de transmission du rapport. La clôture de l'enquête relève de l'autorité commanditaire.

Sur décision du ministre de la défense, une enquête de commandement peut être confiée aux inspecteurs généraux des armées ou  à toute autorité qu'il désigne.

2. DIFFERENCES ET LIENS POSSIBLES ENTRE ENQUÊTE DE COMMANDEMENT ET ENQUÊTE JUDICIAIRE.

L'enquête judiciaire et l'enquête de commandement sont distinctes, tant à raison de leurs fondements que de leurs finalités.

2.1. Des objectifs distincts.

L'enquête judiciaire est menée par des agents et officiers de police judiciaire qui ont pour but, en vertu de l'article 14. alinéa 1 du code de procédure pénale, « de constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas ouverte ».

L'enquête de commandement est indépendante de l'enquête judiciaire. A ce titre, le respect des droits de la défense et du principe du caractère contradictoire de la procédure ne trouve pas d'application particulière dans son instruction, pour autant cependant qu'une procédure contradictoire soit organisée ultérieurement si l'enquête de commandement conduit l'autorité disciplinaire à prononcer des sanctions. Elle peut être menée de manière concomitante à une procédure judiciaire et ne doit en aucun cas en perturber le déroulement.

L'enquête de commandement se réfère à la réglementation de l'activité en cause et se doit d'être factuelle. Elle est autonome dans la mesure où un dysfonctionnement ou la mise en cause d'une responsabilité individuelle n'implique pas nécessairement l'existence d'une infraction pénale.

A l'inverse, le déclenchement d'une action pénale ne présage pas du déclenchement d'une enquête de commandement.

2.2. Des interactions possibles.

Outil d'aide à la décision pour l'autorité disciplinaire, l'enquête de commandement peut aussi être utilisée par le juge et pourra se trouver appréciée au même titre qu'un acte d'enquête judiciaire. Le principe en matière d'établissement d'une infraction est, en vertu de l'article 427. alinéa 1 du code de procédure pénale, celui de la liberté de la preuve.

Une fois transmise au juge et versée en procédure dans le cadre d'une réquisition, l'enquête de commandement est considérée par celui-ci comme un élément parmi les moyens de preuve libres dont il dispose grâce à l'enquête judiciaire. Elle devient un élément de preuve au même titre qu'un interrogatoire ou une expertise.

2.3. Les conséquences de ces interactions.

L'enquête de commandement pouvant être intégrée à l'enquête judiciaire, ses conclusions sont susceptibles d'influencer le juge qui peut dès lors s'appuyer sur celle-ci pour déterminer les responsabilités et faire le choix de certaines qualifications pénales en vertu des principes de l'intime conviction et de la liberté de la preuve.

La classification éventuelle de l'enquête de commandement n'est pas un obstacle absolu à son intégration dans un dossier judiciaire dès lors que les juridictions peuvent demander au ministre de la défense, qui reste libre d'accéder ou non à cette demande, de déclassifier, partiellement ou totalement, l'enquête.

L'autorité qui conduit l'enquête de commandement doit donc tenir compte de cette interaction avec le domaine judiciaire et s'en tenir à son périmètre de responsabilité qui consiste à recommander des mesures conservatoires pour éviter le renouvellement des faits et, le cas échéant, établir les éventuels dysfonctionnements du service et fautes disciplinaires. Proposer ou sous-entendre la qualification juridique d'une infraction n'entre pas dans ce cadre mais relève de la procédure pénale.

L'interaction juridique bien comprise de l'enquête de commandement avec le domaine judiciaire est le gage de la crédibilité des actions de commandement menées par le ministère de la défense dans l'exercice de ses responsabilités propres et dans le respect des prérogatives des autorités  judiciaires.

3. DISPOSITIONS DIVERSES.

L'instruction n° 50038/DEF/SGA/DAJ/APM/EO du 18 mars 2008 relative à l'enquête de commandement et l'enquête judiciaire est abrogée.

La présente instruction sera publiée au Bulletin officiel des armées.

Le ministre de la défense,

Jean-Yves LE DRIAN.