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Archivé CABINET DU MINISTRE :

INSTRUCTION N° 50475/DN/CC relative à l'exercice, dans les armées, du droit d'expression sur les problèmes militaires.

Abrogé le 03 août 2006 par : DÉCISION portant abrogation de textes. Du 29 septembre 1972
NOR

Autre(s) version(s) :

 

Classement dans l'édition méthodique : BOEM  200.5.3.

Référence de publication : BOC/SC, p. 1072.

L'article 7, troisième alinéa, de la loi 72-662 du 13 juillet 1972 (BOC/SC, p. 784 ; BOC/G, p. 1001 ; BOC/M, p. 950 ; BOC/A, p. 595) portant statut général des militaires, relatif à l'exercice dans les armées du droit d'expression sur les problèmes militaires, est rédigé comme suit :

« Une instruction ministérielle déterminera dans quelles conditions les militaires pourront, sans autorisation préalable, traiter publiquement de problèmes militaires non couverts par les exigences du secret. »

La loi pose donc le principe que les militaires peuvent, en règle générale, s'exprimer librement sur les problèmes militaires. Dans le même temps, elle reconnaît que cette liberté ne peut s'exercer que sous certaines conditions.

La présente instruction a pour objet de définir ces conditions, qui doivent être tenues pour valables qu'il s'agisse de traiter publiquement de problèmes militaires ou d'une autre nature.

Devoir de réserve, exigences du secret, enfin maintien d'une autorisation préalable dans quelques cas précis : telles sont les règles essentielles dont, en application de la loi, il importe d'assurer le respect.

1. Le devoir de réserve.

La première condition que doit respecter l'exercice de la liberté d'expression résulte du devoir général de réserve qui s'impose à tout fonctionnaire civil ou militaire.

Certes, les opinions sont et doivent demeurer libres. Le préambule de la constitution de 1946, confirmé par celle de 1958, consacre ce principe essentiel de la démocratie : « nul ne peut être lésé dans son emploi en raison de ses opinions ou de ses croyances ».

Comme le statut général des fonctionnaires, l'article 7, premier alinéa, du statut général des militaires le réaffirme sans ambiguïté : « les opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques sont libres » et, pour garantir cette liberté, l'article 26, 2e alinéa, précise que, dans les dossiers individuels, « il ne peut être fait état des opinions ou croyances philosophiques, religieuses ou politiques ».

Mais, dans le domaine de l'expression des opinions, les exigences du service public et de l'organisation hiérarchique justifient que certaines limites soient apportées à l'exercice de cette liberté par l'agent public. Ces limites résident dans l'obligation de réserve, à laquelle se trouve soumis l'ensemble des fonctionnaires civils et militaires et qui, telle qu'elle a été consacrée par le conseil d'Etat, leur interdit :

  • d'une part, de faire de la fonction exercée un instrument d'action ou de propagande ;

  • d'autre part, de faire des actes ou des déclarations de nature à faire douter non seulement de leur neutralité, mais aussi du minimum de loyalisme envers les institutions dont doit faire preuve celui qui a accepté de servir l'Etat.

L'étendue de ce devoir varie, évidemment, en fonction de la situation personnelle de chacun, caractérisée notamment par le grade détenu et par l'emploi occupé, en fonction aussi des circonstances et, en particulier, de la diffusion qui est susceptible d'être donnée aux points de vue exprimés. Mais chacun, en fonction de ces différents éléments, doit être en mesure d'apprécier ses responsabilités propres. Dans tous les cas aussi, chacun veillera à ce que l'usage de sa liberté d'expression n'aboutisse pas à franchir le seuil de la polémique sur le plan des personnes ou des différentes catégories de personnel que comprennent les armées.

A l'égard du devoir de réserve, parfois méconnu de nos jours, les militaires doivent donner l'exemple, en toute occasion.

2. Les exigences du secret.

  • a).  Les dispositions du code pénal réprimant la violation du secret professionnel ou du secret de défense nationale s'appliquent, bien sûr, à tous les citoyens. Elles sont cependant d'une exigence particulière à l'égard des fonctionnaires de l'Etat et spécialement des militaires, en raison de la nature de leurs fonctions.

    Aussi est-il à peine besoin de souligner l'importance des dispositions de l'article 18, 2e alinéa, du statut général des militaires, aux termes duquel : « tout détournement, toute communication contraire aux règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits ».

  • b).  L'obligation de discrétion professionnelle est également rappelée au premier alinéa de l'article 18 de ce même statut général :

    « Indépendamment des dispositions du code pénal relatives à la violation du secret de la défense nationale ou du secret professionnel, les militaires sont liés par l'obligation de discrétion pour tout ce qui concerne les faits et informations dont ils ont connaissance dans l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions. »

Ces termes sont, exactement transposés, ceux du statut général des fonctionnaires.

Il est clair que leur application doit faire l'objet d'une observation scrupuleuse de la part des militaires. C'est ainsi que, s'il est loisible à chacun d'entre eux d'exprimer les opinions personnelles sur les questions militaires, éventuellement d'actualité, auxquelles l'exécution quotidienne de sa mission l'aura conduit, chacun devra, en revanche, veiller à ne pas faire état des études dont il a pu connaître dans le service. Il faut éviter, en effet, qu'une telle évocation puisse, même indirectement, constituer une source de renseignements pour des tiers sur les hypothèses de travail des services, l'état de leurs travaux, les recherches qu'ils ont entreprises ou les éléments concrets sur lesquels repose leur appréciation d'une situation.

Les « exigences du secret » peuvent donc aller au-delà de la simple obligation de non-divulgation des seuls documents « classifiés ». En ce domaine aussi, les militaires doivent donner l'exemple.

3. Le on préalable.

Les deux premiers sont prévus par la loi portant statut général. Ils se présentent lorsque des militaires souhaitent :

  • soit évoquer publiquement des questions politiques ou mettant en cause une puissance étrangère ou une organisation internationale (art. 7, 2e alinéa) ;

  • soit être déliés de l'obligation de discrétion ou relevés de l'interdiction de communication des documents de service à des tiers (art. 18, 3e alinéa).

Dans l'une ou l'autre de ces hypothèses, où la protection de la neutralité de l'armée ou celle du secret sont en jeu, l'autorisation préalable du ministre demeure requise. Il est nécessaire qu'il en aille de même dans un troisième cas : celui des communications de toute nature destinées principalement à être présentées, soit à l'étranger, soit sur le territoire national même, à des lecteurs ou auditeurs étrangers. L'obligation de discrétion se fait alors, à l'évidence, plus impérieuse et il convient de laisser au ministre l'appréciation de l'opportunité.

Dans ces trois cas, d'ailleurs, c'est au ministre que devra être soumise la demande d'autorisation préalable. Les modalités selon lesquelles la demande doit être présentée sont précisées en annexe.

Il appartenait à la présente instruction, prescrite par la loi, de déterminer les conditions dans lesquelles pouvait s'exercer la liberté d'expression des militaires, notamment sur les problèmes d'intérêt militaire et de rappeler des obligations, dictées à la fois par les impératifs du service de l'Etat et par ceux de la défense.

L'ensemble de ces prescriptions peut apparaître comme autant de limitations. Pourtant leur énoncé n'a aucunement pour objet et ne saurait avoir en rien pour effet de décourager les initiatives en vue de l'expression d'une pensée militaire libre.

Il n'a pour but que de prévenir les inconvénients, éventuellement graves, auxquels un usage inconsidéré de la liberté d'expression pourrait exposer ceux-là mêmes qui commettraient des abus ou l'armée dans son ensemble ou, le cas échéant, la nation tout entière.

Mais, en réalité, l'affirmation de certains devoirs n'altère en aucune façon l'exercice d'une liberté : tout au contraire, le respect et l'observation des premiers conditionnent l'existence de la seconde, car il n'est point de liberté sans règle.

Aussi bien le gouvernement vient-il de décider la création d'une fondation pour les études de défense nationale où pourront être débattus, dans leur contexte politique et économique, les grands problèmes militaires et stratégiques. Il manifeste, par cette initiative, le souhait que les nouvelles règles, plus libérales, édictées par la loi incitent les militaires à participer activement au développement de la pensée sur les problèmes qui sont, au premier chef, de leur compétence et à contribuer, de cette façon, à la définition d'une politique éclairée et efficace de défense nationale.

En même temps, le respect de règles simples justifiées par le bon sens et l'intérêt du service, ne peut que renforcer, à l'égard de nos forces armées, l'estime de l'opinion publique.

Le ministre d'Etat chargé de la défense nationale,

Michel DEBRE.

Annexe

ANNEXE. Modalités de présentation des demandes d'autorisation préalable.

Composition du dossier de demande.

Le dossier, établi en deux exemplaires, doit comprendre :

– une demande individuelle d'autorisation de publier ou de prendre la parole en public précisant :

  • a).  Pour les publications écrites :

    • le titre de l'ouvrage ou de l'article ;

    • le nom de l'éditeur pour les ouvrages, celui de la revue et de son éditeur pour les articles ;

    • la date de remise à l'éditeur ;

  • b).  Pour les communications orales :

    • le titre de l'exposé ;

    • la date et le lieu de la manifestation ;

    • le cadre dans lequel celle-ci s'inscrit et tous renseignements complémentaires concernant son organisation ;

– le texte de la publication ou de l'exposé, présenté, en ce qui concerne les communications écrites ou verbales destinées à l'étranger, dans sa version originale et dans sa traduction.

Acheminement du dossier.

Le premier exemplaire du dossier est adressé au ministre par la voie hiérarchique pour recueillir tous avis circonstanciés.

Le second exemplaire est adressé directement au ministre sous le timbre de la « sous-direction des bureaux du cabinet, bureau correspondance et discipline générales ». Ce bureau en accuse immédiatement réception et en prépare l'instruction technique dans l'attente de la transmission hiérarchique.

La date d'enregistrement officiel est indiquée sur l'accusé de réception et constitue le point de départ du délai d'un mois prévu ci-après.

Délai d'approbation des demandes.

Le délai d'approbation des demandes est fixé à un mois. Passé ce délai, compté à partir de l'enregistrement officiel de la demande, l'absence de réponse équivaut à une approbation tacite.

Il appartient dans chaque cas aux intéressés de tenir compte de ce délai pour présenter leur demande en temps utile pour permettre la publication ou la communication à la date souhaitée. Le délai indiqué ci-dessus ne fait pas obstacle à une procédure d'urgence en cas de nécessité justifiée.